Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 mai 2014, 13-16.187, Inédit

  • Cession·
  • Part sociale·
  • Agrément·
  • Associé·
  • Sociétés·
  • Protocole·
  • Code de commerce·
  • Promesse de porte-fort·
  • Part·
  • Prix

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à M. X… du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. Y…, en sa qualité de liquidateur de la société Z…, en liquidation judiciaire ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2013), que par un « protocole d’accord » du 16 décembre 2008, M. X… s’est engagé à acquérir, pour le prix de total de 190 000 euros, les parts de la société à responsabilité limitée

Z…

(la société) dont étaient titulaires MM. Jacques et Laurent A…(les consorts A…) ; que M. X… s’est en outre engagé à rembourser à M. Jacques A… sa créance sur la société, d’un montant de 40 000 euros, et à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice lié à sa démission de ses fonctions de cogérant ; que la société étant alors en redressement judiciaire, ces engagements ont été conclus sous la condition suspensive de l’adoption d’un plan de continuation par un jugement non susceptible de recours ; que cette condition s’étant réalisée, les consorts A…, après avoir vainement mis M. X… en demeure d’exécuter l’acte du 16 décembre 2008, l’ont fait assigner aux mêmes fins ; que la société a été mise en liquidation judiciaire en cours d’instance ; qu’après avoir jugé que le refus de M. X… d’exécuter ses obligations était fautif et que la liquidation judiciaire de la société faisait obstacle à l’exécution forcée de la cession de parts, la cour d’appel a condamné M. X… à payer à M. Jacques A… la somme de 155 000 euros à titre de dommages-intérêts et à M. Laurent A… celle de 95 000 euros au même titre ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1°/ que la cession des parts sociales d’une société à responsabilité limitée à un tiers étranger à la société est subordonnée à l’agrément des associés dans les conditions prévues par les dispositions d’ordre public de l’article L. 223-14 du code de commerce, peu important que la promesse de cession n’y ait pas fait référence ; que, pour affirmer que la cession des parts sociales des consorts A… à M. X… était parfaite, la cour d’appel a énoncé que le protocole de cession du 16 décembre 2008 avait été conclu sous la réserve d’une seule condition suspensive, laquelle s’était réalisée, à savoir l’intervention d’une décision définitive arrêtant le plan de continuation de la société Z… avenue ; qu’en déclarant la cession parfaite, quand la cession des parts sociales supposait encore l’agrément du cessionnaire, la cour d’appel a violé l’article L. 223-14 du code de commerce ;

2°/ que le cessionnaire de parts sociales d’une société à responsabilité limité est recevable à invoquer l’absence ou l’irrégularité de l’agrément, par les associés de la société, de la cession envisagée ; qu’en l’espèce, en affirmant le contraire, pour condamner le cessionnaire à réparer le préjudice résultant de l’inexécution du protocole de cession de parts sociales du 16 décembre 2008, la cour d’appel a violé l’article L. 223-14 du code de commerce ;

3°/ que le consentement de la société à la cession de ses parts sociales à un tiers étranger n’est réputé acquis que si la société n’a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière notification du projet de cession à la société et à chacun des associés ; que la promesse de porte-fort donnée par le gérant de l’agrément des autres associés dans l’acte de cession ne se substitue pas à ces notifications ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué s’est fondé sur la circonstance que le projet de cession avait été notifié à la société en la personne de son gérant, lequel était partie à cet acte et s’était « explicitement porté-fort au visa de l’article L. 223-14 du code de commerce des autres associés », pour en déduire que faute pour la société d’avoir fait connaître au cessionnaire sa décision sur l’agrément dans le délai de trois mois à compter de ladite notification, le consentement à la cession s’était trouvé réputé acquis à l’expiration de ce délai ; qu’en statuant ainsi, quand une promesse de portefort donnée par le gérant, dont il n’était pas soutenu qu’elle aurait été ratifiée par les autres associés, ne pouvait valoir notification du projet de cession à chacun d’entre eux, la cour d’appel a violé les articles L. 223-14, alinéas 1er et 2, et R. 223-11, alinéa 1er, du code de commerce, ensemble l’article 1120 du code civil ;

4°/ que le protocole d’accord du 16 décembre 2008 stipulait qu’en cas de réalisation de la cession, le séquestre conventionnel remettrait aux cédants « la partie du prix convenu payable comptant, sous déduction de la somme de 13 000 euros » ; que ladite somme devant être déduite du prix d’acquisition en cas de réalisation de la vente, les cédants ne pouvaient conserver cette somme si, comme en l’espèce, la vente étant impossible, la réparation se faisait par équivalent ; qu’en accordant néanmoins aux cédants des parts litigieuses, à titre de dommages-intérêts, et les sommes qu’ils auraient reçues si l’exécution forcée de la cession avait pu être ordonnée et la somme de 13 000 euros qui devait pourtant s’imputer sur ce prix, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ;

Mais attendu, en premier lieu, que seuls les associés dont le consentement est requis pour la cession et la société peuvent invoquer l’inobservation des dispositions de l’article L. 223-14 du code de commerce ; que c’est donc à bon droit que l’arrêt retient que M. X…, cessionnaire, ne peut se prévaloir de l’irrégularité de l’agrément de la cession envisagée par les associés pour se soustraire aux obligations qu’il avait contractées ;

Attendu, en deuxième lieu, que les première et troisième branches critiquent des motifs surabondants ;

Et attendu, enfin, que la cour d’appel, qui s’est bornée à dire que le dépositaire chargé du séquestre de la somme de 13 000 euros devrait, au vu de sa décision, la remettre aux consorts A… conformément aux termes de l’acte du 16 décembre 2008, n’a pas jugé que cette somme s’ajoutait aux condamnations mises à la charge de M. X… mais qu’elle était imputable sur celles-ci ;

D’où il suit que le moyen, mal fondé en sa deuxième branche, est inopérant pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X…

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu’il avait débouté Messieurs Jacques et Laurent A… de leurs demandes dirigées contre Monsieur Meier X… et, statuant à nouveau de ce chef, d’AVOIR condamné ce dernier à payer à Monsieur Jacques A… la somme de 155 000 euros et à Monsieur Laurent A… la somme de 95 000 euros, à titre de dommages et intérêts, d’AVOIR dit que ces sommes porteraient intérêt au taux légal à compter du 20 novembre 2009, date de la première mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l’article 1154 du Code civil, d’AVOIR dit que la somme de 13 000 euros séquestrée entre les mains de Maître Karine B… par Monsieur X… était acquise de plein droit à Messieurs Jacques et Laurent A… conformément aux dispositions du protocole du 16 décembre 2008 et que le séquestre devrait d’en dessaisir au vu la décision et, y ajoutant, d’AVOIR condamné Monsieur Meier X… à payer à Messieurs Jacques et Laurent A… la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Il est constant que le protocole de cession du 16 décembre 2008 par lequel M. X… s’est notamment engagé à acquérir les 250 parts sociales des consorts A… à un prix convenu entre les parties a été conclu sous la réserve d’une seule condition suspensive (l’intervention d’une décision définitive arrêtant un plan de continuation) qui a été réalisée le 30 juin 2009, de sorte qu’à cette date la cession est devenue parfaite. Le moyen tiré de ce que la cession était subordonnée à une condition suspensive implicite, relative à l’agrément du cessionnaire qu’il conviendrait de regarder comme stipulée en faveur de ce dernier, est inopérant, le cessionnaire n’étant pas recevable à invoquer les dispositions de l’article L 223-14 du code de commerce relatives à l’agrément des tiers étrangers à la société pour se soustraire aux obligations par lui contractées à l’égard d’un associé. En tout état de cause, la notification du protocole de cession à la société Z… Aventure, en la personne de son gérant, M. Jonathan Z…, qui était partie à l’acte et s’est explicitement porté-fort au visa de l’article L 223-14 du code de commerce des autres associés, n’est pas contestée. Il en résulte, par application de l’alinéa 2 de ce texte, que faute pour la société d’avoir fait connaître à M. X… sa décision sur l’agrément dans le délai de trois mois à compter de ladite notification, le consentement à la cession s’est trouvé réputé acquis à l’expiration de ce délai. En cet état, le refus de M. X…, homme d’affaires avisé, d’exécuter les engagements qu’il avait souscrits en signant un protocole de cession établi sous l’autorité d’un mandataire judiciaire visant à reprendre la moitié du capital social d’une société en redressement, engagements au demeurant réitérés lors de l’audience du tribunal de commerce, et au vu desquels le plan de continuation de la société a été autorisé, est manifestement fautif. Pour ces motifs le jugement déféré sera infirmé et, la cession ne pouvant plus à ce jour être exécutée compte tenu de la liquidation judiciaire de la société Z… Avenue depuis lors prononcé e ensuite de la cession de son fonds de commerce, les appelants se verront allouer à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi :- M. Laurent A…, la somme de 95 000 euros correspondant au prix de cession des parts-6- sociales qui aurait dû lui revenir,- M. Jacques A…, la somme de (95 000 € équivalent au prix de vente des parts sociales + 40 000 euros au titre du rachat du compte courant + de 20 000 euros au titre de l’indemnisation contractuelle convenue =) 155 000 euros. M. Laurent X… sera débouté de sa demande tendant à ce que la ladite condamnation soit prononcée à la charge in solidum de MM. Jonathan et Antony Z…, la collusion fautive qu’il invoque entre les deux hommes et M. Meier X… n’étant pas établie. Les circonstances de l’espèce justifient, à titre de réparation complémentaire, que l’intérêt à taux légal courre sur ces sommes à compter du 20 novembre 2009, date de la première mise en demeure adressée par les consorts A… à M. X…. La capitalisation des intérêts, de droit lorsqu’elle est sollicitée, sera ordonnée par application de l’article 1154 du code civil. Compte tenu des termes du protocole du 16 décembre 2008, la somme de 13 000 euros séquestrée entre les mains de Maître Karine B… par M. X… sera acquise de plein droit aux appelants, et le séquestre devra s’en dessaisir entre leurs mains au vu de la présente décision.

(¿) M. X…, qui succombe, sera condamné, en équité, à payer à MM. Laurent et Jacques A… une somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile » ;

1. ALORS QUE la cession des parts sociales d’une société à responsabilité limitée à un tiers étranger à la société est subordonnée à l’agrément des associés dans les conditions prévues par les dispositions d’ordre public de l’article L. 223-14 du Code de commerce, peu important que la promesse de cession n’y ait pas fait référence ; que, pour affirmer que la cession des parts sociales des consorts A… à Monsieur X… était parfaite, la Cour d’appel a énoncé que le protocole de cession du 16 décembre 2008 avait été conclu sous la réserve d’une seule condition suspensive, laquelle s’était réalisée, à savoir l’intervention d’une décision définitive arrêtant le plan de continuation de la société Z… AVENUE ; qu’en déclarant la cession parfaite, quand la cession des parts sociales supposait encore l’agrément du cessionnaire, la Cour d’appel a violé l’article L. 223-14 du Code de commerce ;

2. ALORS QUE le cessionnaire de parts sociales d’une société à responsabilité limité est recevable à invoquer l’absence ou l’irrégularité de l’agrément, par les associés de la société, de la cession envisagée ; qu’en l’espèce, en affirmant le contraire, pour condamner le cessionnaire à réparer le préjudice résultant de l’inexécution du protocole de cession de parts sociales du 16 décembre 2008, la Cour d’appel a violé l’article L. 223-14 du Code de commerce ;

-7-

3. ALORS QUE le consentement de la société à la cession de ses parts sociales à un tiers étranger n’est réputé acquis que si la société n’a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière notification du projet de cession à la société et à chacun des associés ; que la promesse de porte-fort donnée par le gérant de l’agrément des autres associés dans l’acte de cession ne se substitue pas à ces notifications ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué s’est fondé sur la circonstance que le projet de cession avait été notifié à la société en la personne de son gérant, lequel était partie à cet acte et s’était « explicitement porté-fort au visa de l’article L. 223-14 du code de commerce des autres associés », pour en déduire que faute pour la société d’avoir fait connaître au cessionnaire sa décision sur l’agrément dans le délai de trois mois à compter de ladite notification, le consentement à la cession s’était trouvé réputé acquis à l’expiration de ce délai ; qu’en statuant ainsi, quand une promesse de portefort donnée par le gérant, dont il n’était pas soutenu qu’elle aurait été ratifiée par les autres associés, ne pouvait valoir notification du projet de cession à chacun d’entre eux, la Cour d’appel a violé les articles L. 223-14, alinéas 1er et 2, et R. 223-11, alinéa 1er, du Code de commerce, ensemble l’article 1120 du Code civil ;

4. ALORS en tout état de cause QUE le protocole d’accord du 16 décembre 2008 stipulait (p. 6) qu’en cas de réalisation de la cession, le séquestre conventionnel remettrait aux cédants « la partie du prix convenu payable comptant, sous déduction de la somme de 13 000, 00 € » ; que ladite somme devant être déduite du prix d’acquisition en cas de réalisation de la vente, les cédants ne pouvaient conserver cette somme si, comme en l’espèce, la vente étant impossible, la réparation se faisait par équivalent ; qu’en accordant néanmoins aux cédants des parts litigieuses, à titre de dommages et intérêts, et les sommes qu’ils auraient reçues si l’exécution forcée de la cession avait pu être ordonnée et la somme de 13 000 euros qui devait pourtant s’imputer sur ce prix, la Cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 mai 2014, 13-16.187, Inédit