Cour de cassation, Chambre sociale, 4 novembre 2015, 14-18.574, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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La Boutique Mar&law · LegaVox · 12 mai 2017

www.parthema.fr · 5 août 2016

A quelles conditions l'employeur peut-il soumettre l'un de ses salariés à un éthylotest ? L'entreprise doit être pourvue d'un règlement intérieur : le règlement intérieur ne peut pas viser tous les salariés sans distinction ; seules les salariés appartenant à des catégories sensibles en raison de leurs fonctions peuvent faire l'objet d'un tel contrôle : usagers de machines, d'engins, de produits dangereux, salariés affectés à la conduite de véhicule par exemple ; le règlement intérieur doit être assorti de garanties pour le salarié : accord pour le dépistage, modalités du test, …

 

Droits sociaux fondamentaux · 18 mars 2016

Note sous Cass, soc. 04 novembre 2015, 14-18.574 réalisée par Cassandra RAFANEAUD, sous la direction de Céline Leborgne-Ingelaere, Maître de conférences à l'Université Lille 2 CRDP-LEREDS. Par un arrêt en date du 4 novembre 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle qu'une sanction disciplinaire telle qu'un licenciement pour faute grave au titre d'un état d'imprégnation alcoolique sur le lieu de travail est valable uniquement si les conditions de validité du règlement intérieur sont remplies. Pour que cette clause du règlement intérieur soit valable, il convient de …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 4 nov. 2015, n° 14-18.574
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 14-18.574
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Rouen, 7 avril 2014
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000031455487
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:SO01765
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 8 avril 2014), que M. X…, engagé le 17 août 2003 en qualité de visiteur emballeur par la société Tourres et cie exploitant une verrerie industrielle, et qui occupait en dernier lieu le poste de conducteur de machine, niveau ouvrier, a été mis à pied à titre conservatoire le 24 mars 2011, puis licencié pour faute grave le 20 avril suivant, pour s’être trouvé en état d’imprégnation alcoolique sur son lieu de travail ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de sommes au titre de la mise à pied et de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que l’employeur est en droit d’apporter aux libertés fondamentales des salariés des restrictions justifiées par un intérêt légitime et proportionnées au but recherché ; qu’il est tenu, par ailleurs, en toutes circonstances, de prendre les mesures propres à protéger la santé et la sécurité des salariés en engageant, notamment, les actions de prévention des risques nécessaires à cette fin ; qu’il est dès lors fondé à proposer à ses salariés un test d’alcoolémie, même non prévu par le règlement intérieur, dès lors que ce contrôle, est justifié par d’impérieux motifs de sécurité et proportionné au but recherché ; qu’en l’espèce, il ressortait des énonciations non contestées de la lettre de licenciement, des motifs du jugement infirmé et des conclusions de l’employeur que le contrôle d’alcoolémie dont M. X… avait fait l’objet avait été réalisé dans l’entreprise, exposée, par son activité, à de graves risques d’atteinte à la sécurité des salariés, et motivé par des circonstances concrètes, en l’occurrence la découverte, dans les vestiaires des salariés, de plusieurs bouteilles d’alcool vides, de nature à engendrer la crainte légitime de l’état d’imprégnation alcoolique de certains d’entre eux ; que le poste occupé par le salarié, conducteur de machine dans l’équipe de nuit, présentait, par nature, un danger en cas d’occupation par un travailleur en état d’ébriété ; que ce contrôle avait été réalisé en présence d’un témoin et avec l’accord du salarié lequel, informé de la faculté de faire appel à un représentant du personnel, l’avait déclinée ; que les modalités de ce contrôle permettaient la réalisation d’une contre expertise ; que dans ces conditions, la réalisation de ce contrôle était licite, et la preuve en résultant, recevable ; qu’en décidant le contraire au motif inopérant que le règlement intérieur ayant prévu le recours à des contrôles d’alcoolémie n’avait pas fait l’objet des formalités de publicité conditionnant son opposabilité aux salariés, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les modalités de ce contrôle en permettent la contestation, et si, eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, son état d’imprégnation alcoolique était de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

2°/ que commet une faute grave le salarié en charge de travaux qui, compte tenu de la nature de l’entreprise et des tâches lui incombant, présentent un danger pour sa sécurité et celle des autres membres du personnel, prend son poste de travail de nuit dans un état d’imprégnation alcoolique susceptible de diminuer sa vigilance, ses capacités de réaction et la précision de ses interventions, s’exposant ainsi, et exposant ses collègues, à un risque d’accident ; qu’en l’espèce, il ressortait des énonciations non contestées de la lettre de licenciement, des motifs du jugement infirmé et des conclusions de l’employeur que l’entreprise était exposée, par son activité, à de graves risques d’atteinte à la sécurité des salariés ; que le salarié, membre de l’équipe de nuit, conducteur de machine et, partant, conduit à transporter et manipuler dans les locaux de l’entreprise du verre en fusion chauffé à 1 500°, avait pris son poste de travail en état d’imprégnation alcoolique ; que ce comportement était constitutif d’une faute grave ; qu’en déclarant cependant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement ainsi intervenu au motif inopérant que le règlement intérieur ayant prévu le recours à des contrôles d’alcoolémie n’avait pas fait l’objet des formalités de publicité conditionnant son opposabilité aux salariés, la cour d’appel a violé les articles L. 1222-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 1231-4 du code du travail, le règlement intérieur n’entre en vigueur qu’un mois après l’accomplissement des formalités d’affichage et de dépôt au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement ; qu’ayant constaté que l’employeur ne démontrait pas l’accomplissement de ces formalités, la cour d’appel en a exactement déduit que les dispositions de ce règlement permettant d’établir, sous certaines conditions, l’état d’ébriété d’un salarié en recourant à un contrôle d’alcoolémie, n’étaient pas opposables au salarié, de sorte que le licenciement reposant exclusivement sur un tel contrôle était nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen, irrecevable dans sa première branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Tourres et cie ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X… la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Tourres et cie.

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur Damien X… par la Société Tourres et Compagnie ; condamné cette société à lui verser diverses sommes au titre des salaires de la mise à pied conservatoire, indemnités de rupture et dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE "la preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise ;

QUE l’employeur produit aux débats les résultats du contrôle d’alcoolémie effectué dans la nuit du 23 au 24 mars 2011 à 2h45 du matin, alors que le salarié, affecté à l’équipe de nuit et ayant pris son poste à 21h, soit un taux mesuré à l’éthylomètre de 0.38 mg par litre d’air expiré (ou 0.76 g par litre de sang) ;

QU’il convient de rappeler que pour satisfaire les dispositions de l’article L.1321-3 du Code du travail, le règlement intérieur ne peut prévoir la possibilité pour l’employeur de soumettre les salariés à un contrôle d’alcoolémie qu’à la double condition que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation et qu’eu égard à la nature du travail un état d’ébriété soit de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger ; que le règlement intérieur de l’entreprise dispose en son article V : « En raison de l’obligation faite au chef d’entreprise d’assurer la sécurité dans son entreprise, la direction pourra imposer l’alcootest aux salariés qui manipulent des produits dangereux ou sont occupés à l’exécution de certains travaux ou à la conduite de certaines machines et ce, afin de prévenir ou de faire cesser immédiatement une situation dangereuse (…). En dehors des heures d’ouverture de l’infirmerie, il pourra être procédé dans le bureau du chef de quart et sous sa responsabilité, à l’utilisation de l’alcootest. (….) si l’intéressé le souhaite il peut se faire accompagner d’un salarié de l’entreprise. Le salarié qui contesterait le résultat positif d’un alcootest pourrait recourir à une expertise médicale. Le salarié qui refuserait de se prêter à l’un ou l’autre de ces deux contrôles pourrait, suivant les cas, être passible de sanctions disciplinaires » ;

QUE le salarié conteste son opposabilité au motif que l’employeur ne justifiant pas avoir effectué les formalités de dépôt et de publicité, en l’occurrence le dépôt au greffe du conseil de prud’hommes du Havre, le règlement intérieur n’est pas entré en vigueur, que ce règlement n’est pas daté et que l’employeur n’indique pas où il est affiché dans l’entreprise ; que l’employeur fait valoir que s’agissant d’un règlement intérieur datant de plus de 20 ans, il ne lui a pas été possible de retrouver la trace d’un dépôt au greffe du conseil de prud’hommes, les archives de cette époque n’existant plus, que ce règlement intérieur est toutefois affiché dans l’entreprise et visé dans les contrats de travail et connu de tous ;

QU’en l’occurrence, il n’est nullement contesté que le règlement intérieur, au demeurant approuvé par le comité d’entreprise le 13 mai 1993, était affiché dans les locaux de l’entreprise et d’ailleurs visé dans le contrat du salarié ;

QUE le règlement intérieur ne peut produire effet que si l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L.1321-4 du Code du travail ; qu’en l’occurrence, s’il est établi par la lettre du greffe du conseil de prud’hommes du Havre que l’employeur n’a pas communiqué le règlement intérieur au greffe de ce Conseil de prud’hommes, force est également de constater que ce règlement intérieur ne mentionne aucune date d’adoption, ni la date à laquelle les formalités de publicité auraient été accomplies et ne précise pas le ou les lieux où ce règlement intérieur est affiché ; que le procès verbal de compte rendu du comité d’entreprise du 13 mai 1993 qui mentionne que « le nouveau règlement reçoit un avis favorable du comité d’entreprise et sera transmis à l’inspection du travail » est insuffisant ; que c’est le règlement intérieur produit aux débats et non daté qui a été examiné par le comité d’entreprise ; que par ailleurs, l’employeur ne produit pas non plus de pièces établissant que le règlement intérieur était affiché au sein de l’entreprise ; qu’ainsi, le règlement intérieur mettant en place le contrôle d’alcoolémie effectué n’est donc pas opposable au salarié ; qu’en conséquence, le licenciement qui repose exclusivement sur les résultats de ce contrôle, est nécessairement sans cause réelle et sérieuse (…)" ;

1°) ALORS QUE l’employeur est en droit d’apporter aux libertés fondamentales des salariés des restrictions justifiées par un intérêt légitime et proportionnées au but recherché ; qu’il est tenu, par ailleurs, en toutes circonstances, de prendre les mesures propres à protéger la santé et la sécurité des salariés en engageant, notamment, les actions de prévention des risques nécessaires à cette fin ; qu’il est dès lors fondé à proposer à ses salariés un test d’alcoolémie, même non prévu par le règlement intérieur, dès lors que ce contrôle, est justifié par d’impérieux motifs de sécurité et proportionné au but recherché ; qu’en l’espèce, il ressortait des énonciations non contestées de la lettre de licenciement, des motifs du jugement infirmé et des conclusions de l’employeur que le contrôle d’alcoolémie dont Monsieur X… avait fait l’objet avait été réalisé dans l’entreprise, exposée, par son activité, à de graves risques d’atteinte à la sécurité des salariés, et motivé par des circonstances concrètes, en l’occurrence la découverte, dans les vestiaires des salariés, de plusieurs bouteilles d’alcool vides, de nature à engendrer la crainte légitime de l’état d’imprégnation alcoolique de certains d’entre eux ; que le poste occupé par le salarié, conducteur de machine dans l’équipe de nuit, présentait, par nature, un danger en cas d’occupation par un travailleur en état d’ébriété ; que ce contrôle avait été réalisé en présence d’un témoin et avec l’accord du salarié lequel, informé de la faculté de faire appel à un représentant du personnel, l’avait déclinée ; que les modalités de ce contrôle permettaient la réalisation d’une contre expertise ; que dans ces conditions, la réalisation de ce contrôle était licite, et la preuve en résultant, recevable ; qu’en décidant le contraire au motif inopérant que le règlement intérieur ayant prévu le recours à des contrôles d’alcoolémie n’avait pas fait l’objet des formalités de publicité conditionnant son opposabilité aux salariés, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les modalités de ce contrôle en permettent la contestation, et si, eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, son état d’imprégnation alcoolique était de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1121-1 et L.4121-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE commet une faute grave le salarié en charge de travaux qui, compte tenu de la nature de l’entreprise et des tâches lui incombant, présentent un danger pour sa sécurité et celle des autres membres du personnel, prend son poste de travail de nuit dans un état d’imprégnation alcoolique susceptible de diminuer sa vigilance, ses capacités de réaction et la précision de ses interventions, s’exposant ainsi, et exposant ses collègues, à un risque d’accident ; qu’en l’espèce, il ressortait des énonciations non contestées de la lettre de licenciement, des motifs du jugement infirmé et des conclusions de l’employeur que l’entreprise était exposée, par son activité, à de graves risques d’atteinte à la sécurité des salariés ; que le salarié, membre de l’équipe de nuit, conducteur de machine et, partant, conduit à transporter et manipuler dans les locaux de l’entreprise du verre en fusion chauffé à 1 500 °, avait pris son poste de travail en état d’imprégnation alcoolique ; que ce comportement était constitutif d’une faute grave ; qu’en déclarant cependant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement ainsi intervenu au motif inopérant que le règlement intérieur ayant prévu le recours à des contrôles d’alcoolémie n’avait pas fait l’objet des formalités de publicité conditionnant son opposabilité aux salariés, la Cour d’appel a violé les articles L.1222-1, L.1234-1 et L.1235-1 du Code du travail.

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