Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 janvier 2016, 14-28.327, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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CMS Bureau Francis Lefebvre · 6 juin 2016

Le 14 janvier 2016, la première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé qu'une personne morale ne peut engager sa responsabilité pénale au titre des délits de presse commis sur Internet, et que de ce fait, les demandes dirigées exclusivement contre une société éditrice d'un site Internet, sans que soit attrait à la cause le directeur de la publication, sont nécessairement irrecevables (Cass. 1re civ., 14 janvier 2016, n°14-28.327). Un site Internet avait diffusé des propos diffamatoires, injurieux et dénigrants à l'égard d'une société. Cette dernière a alors assigné en référé …

 

Derriennic & Associés · 5 mars 2016

Cour de cassation, ch. civ. 1, arrêt du 14 janvier 2016, Blue Mind et MM. X. et Y. / Linagora La Cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 14 janvier 2016 qu'une personne morale ne peut jamais être condamnée pénalement en raison d'une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Dans cette affaire, une société s'estimant victime de propos injurieux et diffamatoires publiés sur un blog avait assigné la société éditrice de ce blog devant le juge du commerce. Elle n'avait toutefois pas attrait dans la cause le directeur de la publication comme le prévoit …

 

Derriennic & Associés · 1er mars 2016

Cour de cassation, ch. civ. 1, arrêt du 14 janvier 2016, Blue Mind et MM. X. et Y. / Linagora La Cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 14 janvier 2016 qu'une personne morale ne peut jamais être condamnée pénalement en raison d'une infraction prévue par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Dans cette affaire, une société s'estimant victime de propos injurieux et diffamatoires publiés sur un blog avait assigné la société éditrice de ce blog devant le juge du commerce. Elle n'avait toutefois pas attrait dans la cause le directeur de la publication comme le prévoit …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 14 janv. 2016, n° 14-28.327
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 14-28.327
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 7 octobre 2014
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000031865155
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:C100044
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 8 octobre 2014), rendu en référé, qu’invoquant les troubles manifestement illicites résultant de la diffusion, sur un site internet édité par la société Linagora, de propos diffamatoires, injurieux et dénigrants, de la divulgation fautive de documents, d’un détournement de dénomination sociale et de la méconnaissance d’une obligation contractuelle de confidentialité, la société Blue Mind et MM. X… et Y… ont assigné la société Linagora, sur le fondement des articles 29, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 1147, 1382 et 1383 du code civil et 809 du code de procédure civile, pour obtenir la suppression du site litigieux, outre des mesures d’interdiction, de radiation de nom de domaine et de publication ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Blue Mind et MM. X… et Y… font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes formées sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, alors, selon le moyen :

1°/ que, devant la juridiction civile, la victime d’une diffamation peut demander la réparation de son préjudice à l’éditeur, que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale ; qu’en considérant dès lors, pour déclarer la société Blue Mind et MM. X… et Y… irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Linagora, éditrice de logiciels, que les dispositions de la loi du 29 juillet 1982, qui ne font aucune différence selon que l’action est intentée dans un cadre pénal ou civil, ont notamment exclu expressément la responsabilité des personnes morales, lesquelles ne peuvent être tenues qu’à titre de civilement responsables des agissements commis par les personnes responsables des faits de diffamation ou d’injure prévus à la loi du 29 juillet 1881, en qualité d’auteur ou de complice et dont la liste limitative est reproduite aux articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, de sorte que l’assignation dirigée à l’encontre de la seule société Linagora, personne morale distincte de la personne qu’est le directeur de la publication du site internet litigieux, dont il n’est ni allégué ni démontré qu’il ne serait pas identifiable et qui n’a pas été attrait à l’instance, est irrecevable dès lors que cette dernière n’avait pour rôle que d’assumer, le cas échéant, le poids des condamnations prononcées contre le ou les auteurs des infractions à la loi sur la liberté de la presse, la cour d’appel a violé l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ;

2°/ que, devant la juridiction civile, l’action contre la personne civilement responsable n’est pas subordonnée à la mise en cause, par la partie lésée, de l’auteur du dommage ; que la société éditrice d’un ouvrage est civilement responsable de la diffamation commise par son directeur de la publication, lequel est son représentant légal ; que dès lors en déclarant MM. X…, Y… et la société Blue Mind irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Linagora, faute de mise en cause du directeur de la publication du site internet litigieux, la cour d’appel a violé les articles 6, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ;

Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que les dispositions de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle excluaient la responsabilité pénale des personnes morales et que celles-ci ne pouvaient, dès lors, être tenues qu’à titre de civilement responsables des agissements commis par les personnes limitativement énumérées par l’article 93-3 de la loi précitée, qui sont seules susceptibles d’engager leur responsabilité en qualité d’auteur ou de complice des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 et de mettre en oeuvre les moyens de défense spécifiquement prévus par ladite loi ; qu’ayant relevé que le directeur de la publication du site internet litigieux n’avait pas été attrait en la cause et que l’assignation était dirigée exclusivement contre la société Linagora, elle en a exactement déduit qu’étaient irrecevables les demandes formées à l’égard de cette dernière, qui n’avait pour rôle que d’assumer, le cas échéant, le poids des condamnations prononcées contre le ou les auteurs des infractions à la loi sur la liberté de la presse ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que la société Blue Mind et MM. X… et Y… font grief à l’arrêt de déclarer le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse incompétent au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître des demandes portant sur la diffusion de propos constitutifs de dénigrement, la divulgation fautive de documents et le détournement de la dénomination sociale, ainsi que sur les faits de divulgation des informations relatives aux aspects financiers du protocole d’acquisition d’actions passé entre MM. X… et Y… et la société Linagora, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne peuvent méconnaître l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans leurs conclusions d’appel, la société Blue Mind et MM. X… et Y… faisaient valoir que si des demandes étaient fondées sur des faits, pour certains, relevant des qualifications de diffamation et d’injure et à ce titre relevant de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, et, pour d’autres, constitutifs de dénigrement, de divulgation fautive de documents issus de la saisie-contrefaçon et de la procédure, et de détournement de sa dénomination sociale, il existait une unicité évidente entre les demandes formées devant le juge des référés tenant à l’identité de parties, de cause et d’objet, qu’il était de l’intérêt d’une bonne administration de la justice que l’ensemble des faits soient jugés par un seul et même juge et que l’unité du litige, sa meilleure compréhension et la cohérence de la décision qui devaient en résulter, notamment en évitant un risque de contrariété de décisions, se trouvaient ainsi privilégiées par rapport aux règles de compétence spéciale, d’autant plus que la compétence du tribunal de commerce n’était, en l’espèce, pas d’ordre public ; qu’en énonçant que la société Blue Mind avait soutenu qu’il existait une disposition légale prévoyant une prorogation de compétence en matière de demandes faisant suite à des prétentions émises dans le cadre d’une procédure ouverte sur le fondement de la loi sur la liberté de la presse, cependant que la société Blue Mind n’avait jamais soutenu une telle prétention mais avait seulement invoqué l’existence d’un lien entre les demandes tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que dans le concours de deux juridictions, l’une de droit commun, l’autre d’exception, quand il s’agit d’une action comportant des chefs distincts mais connexes, la juridiction de droit commun doit, par l’effet de la prorogation légale, prévaloir sur la juridiction d’exception et rester saisie de toute l’affaire ; que la société Blue Mind et MM. X… et Y… faisaient valoir que si des demandes étaient fondées sur des faits, pour certains, relevant des qualifications de diffamation et d’injure et à ce titre relevant de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, et pour d’autres constitutifs de dénigrement, de divulgation fautive de documents issus de la saisie-contrefaçon et de la procédure, et de détournement de sa dénomination sociale, il existait une unicité évidente entre les demandes formées devant le juge des référés tenant à l’identité de parties, de cause et d’objet, qu’il était de l’intérêt d’une bonne administration de la justice que l’ensemble des faits soient jugés par un seul et même juge et que l’unité du litige, sa meilleure compréhension et la cohérence de la décision qui devaient en résulter, notamment en évitant un risque de contrariété de décisions, se trouvaient ainsi privilégiées par rapport aux règles de compétence spéciale, d’autant plus que la compétence du tribunal de commerce n’était, en l’espèce, pas d’ordre public ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes de nature à justifier la compétence du président du tribunal de grande instance pour connaître des demandes de la société Blue Mind fondées sur un dénigrement, une divulgation fautive de documents et un détournement de dénomination sociale, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que dans le concours de deux juridictions, l’une de droit commun, l’autre d’exception, quand il s’agit d’une action comportant des chefs distincts mais connexes, la juridiction de droit commun doit, par l’effet de la prorogation légale, prévaloir sur la juridiction d’exception et rester saisie de toute l’affaire ; que la société Blue Mind et MM. X… et Y… faisaient valoir qu’il était nécessaire de faire juger les demandes de la société Blue Mind ensemble, par un seul et même juge, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, car il existait une réelle unicité entre les demandes du fait d’une identité de parties, de cause et d’objet et qu’il était indéniablement dans l’intérêt de la bonne administration de la justice que la société Blue Mind et MM. X… et Y… voient leurs demandes jugées devant une seule et même juridiction ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes de nature à justifier la compétence du président du tribunal de grande instance pour connaître des demandes de la société Blue Mind fondées sur le manquement à une obligation contractuelle de confidentialité, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant énoncé que les demandes en cause relevaient de la compétence du tribunal de commerce en application de l’article L. 721-3 du code de commerce, la cour d’appel a répondu aux conclusions prétendument omises en retenant, par motifs adoptés, que la prorogation légale de compétence résultant de la connexité ne pouvait jouer au profit du tribunal de grande instance, en tant que juridiction de droit commun, dès lors que le tribunal de commerce était une juridiction d’exception dotée d’une compétence exclusive ;

D’où il suit que, non fondé en ses deux dernières branches, le moyen est inopérant en sa première branche qui critique des motifs surabondants ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Blue Mind et MM. X… et Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société Blue Mind et autres

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance du juge des référés qui a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Blue Mind et Messieurs X… et Y… sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 contre la société Linagora ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la recevabilité des demandes fondées sur les dispositions de la loi du 29 Juillet 1881, contrairement à ce que font valoir les appelants, et comme l’a relevé à juste titre le premier juge, les demandes présentées en application des dispositions de la loi du 29 Juillet 1881 à l’encontre de la seule S. A. Linagora sont à l’évidence irrecevables ; en effet, il incombe aux demandeurs appelants, qui présentent des demandes restreignant la liberté d’expression en invoquant l’existence de troubles manifestement illicites résultant de la violation de la loi sur la presse, de respecter les dispositions processuelles des lois d’une part sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 et d’autre part de la loi du 29 Juillet 1982 relative à la communication électronique ; ainsi, les dispositions de l’article 93-3 de la loi du 29/ 7/ 1982 ont notamment prévu un système de responsabilité dit en cascade en déterminant le responsable du délit de presse commis sur internet, à savoir le directeur de la publication et à défaut le producteur ; or, les dispositions de cette loi, qui ne font aucune différence selon que l’action est intentée dans un cadre pénal ou un cadre civil, ont notamment exclut expressément la responsabilité des personnes morales, lesquelles ne peuvent être tenues qu’à titre de civilement responsables des agissements commis par les personnes responsables des faits de diffamation ou d’injure prévus à la loi du 29 Juillet 1881, en qualité d’auteur ou de complice, et dont la liste limitative est reproduite aux articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, cette liste mentionnant de manière limitative les personnes susceptibles de se voir reconnaître cette qualité et de voir leur responsabilité engagée comme la possibilité de mettre en oeuvre des moyens de défense spécifiquement prévus par la loi sur la presse de sorte que l’assignation dirigée à l’encontre de la seule société Linagora, personne morale distincte de la personne qu’est le directeur de la publication du site internet litigieux, dont il n’est ni allégué ni démontré qu’il ne serait pas identifiable et qui n’a pas été attrait à l’instance, est à l’évidence irrecevable dès lors que cette dernière n’avait pour rôle que d’assumer le cas échéant le poids des condamnations prononcées contre le ou les auteurs des infractions à la loi sur la liberté de la presse qui auraient été caractérisées et constituées ; dans ces conditions, il convient de constater que c’est à juste titre et par des motifs qui ne souffrent aucune critique utile que le premier juge a déclaré les demandes présentées sur le fondement de la loi du 29 Juillet 1881 irrecevables ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur l’irrecevabilité des demandes fondées sur la loi du 29 juillet 1881, la société Linagora soutient que, faute d’avoir assigné préalablement ou concomitamment le directeur de la publication du site internet http :// laveritésurbluemind. net, les demandes de la société Blue Mind fondées sur la diffamation et l’injure seraient irrecevables ; l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle dispose : « Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ¿ sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public. A défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal » ; il s’agit d’un système de responsabilité en cascade ; aucune disposition légale n’écarte l’application de ce système de responsabilité en cascade dans le cas d’une action exercée devant les juridictions civiles séparément de l’action publique ; l’article 93-4 de la loi du 29 juillet 1982 exclut expressément la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions ressortissant des dispositions de l’article 93-3, ce qui implique qu’une société ne peut être poursuivie, devant le juge pénal comme devant le juge civil, qu’en qualité de civilement responsable, et suppose donc l’assignation préalable ou concomitante de l’une des personnes physiques désignées par ce même article 93-3 ; en effet les dispositions processuelles de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et des articles 93-2 et suivants de la loi du 29 juillet 1982 relatifs à la communication électronique sont applicables devant le juge civil, dès lors que, destinées à protéger la liberté d’expression, constitutionnellement et conventionnellement garanties, elles ne sauraient être éludées par le demandeur, qui ne peut s’en affranchir au seul motif que, plaçant son action sur le terrain civil, il a choisi de renoncer à voir prononcer une sanction pénale contre ceux qui ont commis des infractions prévues par la loi ; la juridiction civile doit ainsi constater la réalité de la commission d’une infraction de presse ouvrant droit à réparation et en identifier le ou les auteurs, avant de condamner ceux-ci à réparer le préjudice subi par la victime ; sans prononcer de peine, elle n’en sanctionne donc pas moins un abus de la liberté d’expression, ce qu’elle ne peut faire que selon les règles et procédures instituées par la loi spécialement édictée à cet effet ; au nombre des règles et procédures spécialement instaurées en matière de presse, l’article 93-3 dresse une liste limitative des personnes susceptibles de se voir reconnaître la qualité d’auteur ou de complice desdites infractions ; seuls les défendeurs à une infraction de presse limitativement énumérée par l’article 93-3 précité pouvant, de par la loi, répondre des infractions de presse, et ces derniers seuls ayant reçu de la même loi les moyens de se défendre utilement, le choix de la voie civile par les demandeurs ne saurait donc conduire une société à répondre seule, fût-ce en qualité de civilement responsable, d’une telle infraction, sans qu’il soit porté une atteinte, non prévue par la loi, à la liberté d’expression ; en l’espèce, le directeur de la publication était identifiable ; il ne faisait donc pas défaut ; en conséquence, il devait être attrait, préalablement ou concomitamment à l’assignation de la société Linagora ; il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevables les demandes formées sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 contre la société Linagora ;

ALORS, D’UNE PART, QUE, devant la juridiction civile, la victime d’une diffamation peut demander la réparation de son préjudice à l’éditeur, que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale ; qu’en considérant dès lors, pour déclarer la société Blue Mind et Messieurs X… et Y… irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Linagora, éditrice de logiciels, que les dispositions de la loi du 29 juillet 1982, qui ne font aucune différence selon que l’action est intentée dans un cadre pénal ou civil, ont notamment exclu expressément la responsabilité des personnes morales, lesquelles ne peuvent être tenues qu’à titre de civilement responsables des agissements commis par les personnes responsables des faits de diffamation ou d’injure prévus à la loi du 29 juillet 1881, en qualité d’auteur ou de complice et dont la liste limitative est reproduite aux articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, de sorte que l’assignation dirigée à l’encontre de la seule société Linagora, personne morale distincte de la personne qu’est le directeur de la publication du site internet litigieux, dont il n’est ni allégué ni démontré qu’il ne serait pas identifiable et qui n’a pas été attrait à l’instance, est irrecevable dès lors que cette dernière n’avait pour rôle que d’assumer, le cas échéant, le poids des condamnations prononcées contre le ou les auteurs des infractions à la loi sur la liberté de la presse, la cour d’appel a violé l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE, devant la juridiction civile, l’action contre la personne civilement responsable n’est pas subordonnée à la mise en cause, par la partie lésée, de l’auteur du dommage ; que la société éditrice d’un ouvrage est civilement responsable de la diffamation commise par son directeur de la publication, lequel est son représentant légal ; que dès lors en déclarant Messieurs X…, Y… et la société Blue Mind irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Linagora, faute de mise en cause du directeur de la publication du site internet litigieux, la cour d’appel a violé les articles 6, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance du juge des référés qui s’est déclaré incompétent au profit du juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre, pour les demandes portant sur la diffusion de propos constitutifs de dénigrement, la divulgation fautive de documents et le détournement de la dénomination commerciale ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la compétence pour connaître des demandes de la société Blue Mind qui ne sont pas fondées sur les dispositions de la loi du 29 Juillet 1881, c’est également à juste titre que le premier juge a relevé l’incompétence du juge des référés civils pour connaître des demandes présentées par la société Blue Mind fondées sur le dénigrement, la divulgation fautive de documents et le détournement de la dénomination sociale ; en effet, alors que la société Blue Mind ne conteste pas que ces demandes relèvent de la compétence du juge commercial, et ce en application des dispositions de l’article L 721-3 du code de commerce, et elle ne peut soutenir utilement que la compétence du juge civil devrait être retenue pour en connaître dès lors qu’elle a saisi ce dernier d’autres demandes sur le fondement de la loi sur la presse, lequel dispose d’une compétence exclusive pour en connaître ; or, contrairement à ce qui est soutenu par cette dernière, aucune disposition légale ne prévoit une prorogation de compétence en matière de demandes faisant suite à des prétentions émises dans le cadre d’une procédure ouverte sur le fondement de la loi sur la liberté de la presse, et il convient en sus de relever à titre superfétatoire qu’une telle prorogation de compétence serait en tout état de cause illégitime au regard de la décision d’irrecevabilité des demandes formées sur le fondement de la loi sur la presse prononcée par cet arrêt ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur l’incompétence matérielle au profit du tribunal de commerce pour les demandes qui ne sont pas fondées sur la loi du 29 juillet 1881, s’agissant des demandes de la société Blue Mind fondées sur le dénigrement, sur la divulgation fautive de documents et le détournement de la dénomination sociale, le litige opposant les parties relatif à la diffusion de propos constitutifs de dénigrement, à la divulgation fautive de documents et au détournement de la dénomination commerciale ne relève pas d’un des cas de compétence exclusive du tribunal de grande instance ; le litige oppose deux sociétés commerciales ; en conséquence, ces faits relèvent de la compétence du juge des référés près le tribunal de commerce ; l’article 810 du code de procédure civile dispose en effet : les pouvoirs du président du tribunal de grande instance prévus aux deux articles précédents s’étendent à toutes les matières où il n’existe pas de procédure particulière de référé ; or, devant les tribunaux de commerce, il existe une procédure particulière de référé prévue par les articles 872 et 873 du code de procédure civile conférant aux présidents des tribunaux de commerce des pouvoirs identiques à ceux visés par les articles 808 et 809 du même code ; l’article L. 721-3, alinéa 1er du code de commerce donne compétence aux tribunaux de commerce pour connaître des contestations relatives aux engagements entre commerçants, et relatives aux sociétés commerciales ; le seul fait que les demandeurs formulent des demandes sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 ne peut avoir pour effet de provoquer une prorogation de compétence matérielle du président du tribunal de grande instance qui ne peut retenir sa compétence en tant que juridiction de droit commun qu’à défaut d’une procédure particulière de référé ou d’une autre compétence d’attribution exclusive ; la connexité ne peut pas jouer, car le tribunal de commerce est une juridiction d’exception dotée d’une compétence exclusive que la compétence de droit commun du tribunal de grande instance ne peut absorber ; en conséquence ces faits relèvent de la compétence du juge des référés près le tribunal de commerce ; la société Linagora demande que soit désigné le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre ; il s’agit du tribunal dans le ressort duquel se trouve le siège social de la société Linagora, ce qui est un critère de compétence territoriale selon l’article 42 du code de procédure civile ; la société Blue Mind ne précise pas quel tribunal de commerce elle voudrait voir saisi ; elle n’exerce donc pas son droit d’option ; en conséquence, il y a lieu de se déclarer incompétent au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, pour les demandes portant sur la diffusion de propos constitutifs de dénigrement, la divulgation fautive de documents et le détournement de la dénomination commerciale ;

ALORS, D’UNE PART, QUE les juges ne peuvent méconnaître l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans leurs conclusions d’appel, la société Blue Mind et Messieurs X… et Y… faisaient valoir que si des demandes étaient fondées sur des faits, pour certains, relevant des qualifications de diffamation et d’injure et à ce titre relevant de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, et, pour d’autres, constitutifs de dénigrement, de divulgation fautive de documents issus de la saisie-contrefaçon et de la procédure, et de détournement de sa dénomination sociale, il existait une unicité évidente entre les demandes formées devant le juge des référés tenant à l’identité de parties, de cause et d’objet, qu’il était de l’intérêt d’une bonne administration de la justice que l’ensemble des faits soient jugés par un seul et même juge et que l’unité du litige, sa meilleure compréhension et la cohérence de la décision qui devaient en résulter, notamment en évitant un risque de contrariété de décisions, se trouvaient ainsi privilégiées par rapport aux règles de compétence spéciale, d’autant plus que la compétence du tribunal de commerce n’était, en l’espèce, pas d’ordre public (conclusions d’appel p. 21 et 22) ; qu’en énonçant que la société Blue Mind avait soutenu qu’il existait une disposition légale prévoyant une prorogation de compétence en matière de demandes faisant suite à des prétentions émises dans le cadre d’une procédure ouverte sur le fondement de la loi sur la liberté de la presse, cependant que la société Blue Mind n’avait jamais soutenu une telle prétention mais avait seulement invoqué l’existence d’un lien entre les demandes tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE dans le concours de deux juridictions, l’une de droit commun, l’autre d’exception, quand il s’agit d’une action comportant des chefs distincts mais connexes, la juridiction de droit commun doit, par l’effet de la prorogation légale, prévaloir sur la juridiction d’exception et rester saisie de toute l’affaire ; que la société Blue Mind et Messieurs X… et Y… faisaient valoir que si des demandes étaient fondées sur des faits, pour certains, relevant des qualifications de diffamation et d’injure et à ce titre relevant de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, et pour d’autres constitutifs de dénigrement, de divulgation fautive de documents issus de la saisie-contrefaçon et de la procédure, et de détournement de sa dénomination sociale, il existait une unicité évidente entre les demandes formées devant le juge des référés tenant à l’identité de parties, de cause et d’objet, qu’il était de l’intérêt d’une bonne administration de la justice que l’ensemble des faits soient jugés par un seul et même juge et que l’unité du litige, sa meilleure compréhension et la cohérence de la décision qui devaient en résulter, notamment en évitant un risque de contrariété de décisions, se trouvaient ainsi privilégiées par rapport aux règles de compétence spéciale, d’autant plus que la compétence du tribunal de commerce n’était, en l’espèce, pas d’ordre public (conclusions d’appel p. 21 et 22) ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes de nature à justifier la compétence du président du tribunal de grande instance pour connaître des demandes de la société Blue Mind fondées sur un dénigrement, une divulgation fautive de documents et un détournement de dénomination sociale, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance du juge des référés qui s’est déclaré incompétent au profit du juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre, pour les faits de divulgation des informations relatives aux aspects financiers du protocole d’acquisition d’actions passé entre Messieurs X… et Y… et la société Linagora ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la compétence sur les demandes formées par Messieurs Y… et X… et fondées sur le manquement à une obligation contractuelle de confidentialité, c’est également à juste titre que le premier juge a relevé que le protocole d’acquisition d’action passé entre Messieurs Y… et X… d’une part et l’intimée d’autre part devait être qualifié d’acte de commerce dès lors qu’il avait pour effet de conférer à cette dernière le contrôle de la société Aliasource, de sorte que le litige, qui porte sur le non-respect éventuel d’une clause de confidentialité insérée dans ce protocole, relève à l’évidence de la compétence de la juridiction commerciale dès lors qu’il est né à l’occasion d’une cession de titres d’une société commerciale ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, s’agissant des demandes de Messieurs X… et Y… fondées sur le manquement à une obligation contractuelle de confidentialité, Messieurs X… et Y… allèguent une faute contractuelle qui aurait été commise par la société Linagora en divulguant des informations relatifs aux aspects financiers du protocole d’acquisition d’actions passé entre eux et la société Linagora ; ce protocole doit être qualifié d’acte de commerce, dès lors qu’il a eu pour effet de conférer à la société Linagora, cessionnaire, le contrôle de la société Aliasource (qui deviendra ensuite Linagora GSO) ; les contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes relèvent de la compétence des tribunaux de commerce, en vertu de l’article L. 721-3 du code de commerce ; en conséquence, comme indiqué plus haut, seul le juge des référés près le tribunal de commerce est compétent ; la société Linagora demande que soit désigné le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris ; le protocole stipule : « tout différend né de l’interprétation ou de l’application du présent contrat sera soumis au tribunal de commerce de Paris » ; il s’agit d’une clause d’attribution de compétence territoriale ; en vertu de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ; un acte de commerce isolé ne confère pas la qualité de commerçant, et ne peut pas faire jouer l’article 48 du code de procédure civile ; or Messieurs X… et Y… qui étaient associés de la SA Aliasource ne faisaient pas de façon usuelle des actes de commerce ; en conséquence, la clause d’attribution de compétence territoriale ne peut pas jouer ; Messieurs X… et Y… demandent que soit reconnue la compétence du juge de Toulouse, qui est le lieu de leur domicile ; cependant le domicile des demandeurs n’est pas un critère d’attribution de la compétence territoriale ; il y a lieu de se déclarer incompétent au profit du juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre, dans le ressort duquel se trouve le siège social de la société Linagora, pour les faits de divulgation des informations relatives aux aspects financiers du protocole d’acquisition d’actions passé entre Messieurs X… et Y… et la société Linagora ;

ALORS QUE dans le concours de deux juridictions, l’une de droit commun, l’autre d’exception, quand il s’agit d’une action comportant des chefs distincts mais connexes, la juridiction de droit commun doit, par l’effet de la prorogation légale, prévaloir sur la juridiction d’exception et rester saisie de toute l’affaire ; que la société Blue Mind et Messieurs X… et Y… faisaient valoir qu’il était nécessaire de faire juger les demandes de la société Blue Mind ensemble, par un seul et même juge, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, car il existait une réelle unicité entre les demandes du fait d’une identité de parties, de cause et d’objet et qu’il était indéniablement dans l’intérêt de la bonne administration de la justice que la société Blue Mind et Messieurs X… et Y… voient leurs demandes jugées devant une seule et même juridiction (conclusions d’appel p. 24 et 25) ; qu’en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes de nature à justifier la compétence du président du tribunal de grande instance pour connaître des demandes de la société Blue Mind fondées sur le manquement à une obligation contractuelle de confidentialité, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 janvier 2016, 14-28.327, Inédit