Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 mars 2016, 15-20.588, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. civ., 31 mars 2016, n° 15-20.588
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-20.588
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 22 juin 2015, N° 14/12613
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000032353893
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:C100333
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Texte intégral

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 31 mars 2016

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 333 F-D

Pourvoi n° P 15-20.588

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme [X] [T], domiciliée [Adresse 1],

2°/ Mme [G] [T], domiciliée [Adresse 3],

contre l’arrêt rendu le 23 juin 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [I] [T], domicilié [Adresse 4], pris tant à titre personnel qu’en qualité de curateur de M. [F] [T],

2°/ à M. [F] [T], domicilié [Adresse 2], assisté de son curateur M. [I] [T],

défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 23 février 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Roth, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, Mme Nguyen, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Roth, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mmes [X] et [G] [T], de Me Bouthors, avocat de MM. [I] et [F] [T], l’avis de M. Bernard de La Gatinais, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2015), que [I] [T], auteur d’une oeuvre poétique en langue russe, est décédé le [Date décès 2] [Date décès 2] ; qu’il a été enterré dans le carré russe du cimetière de [Localité 1], où reposait sa femme [G] [M], décédée en [Date décès 1] ; que leur fille unique [A] [T], sans postérité, a été inhumée au même endroit en [Date décès 3] ; que, le 27 mai 2014, à la requête de ses neveux, [I] et [F] [T], le maire de [Localité 1] a autorisé l’exhumation des trois dépouilles en vue de leur transfert à [Localité 2] (Fédération de Russie), village de naissance du poète ; qu'[X] et [G] [T], filles de [F] [T], ont saisi un juge d’instance d’une demande tendant à l’interdiction de ce transfert ;

Attendu qu’elles font grief à l’arrêt d’autoriser ce transfert, alors, selon le moyen, d’une part, qu’eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche parent ne peut prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire ; qu’en autorisant néanmoins l’exhumation de [I] [T], [G] [M] épouse [T] et [A] [T], après avoir pourtant constaté que les défunts avaient fait le choix d’une sépulture en France dans le carré russe du cimetière de [Localité 1], la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article R. 2213-40 code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du code civil ; d’autre part, qu’eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche parent ne peut prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire ; qu’en autorisant néanmoins l’exhumation de [I] [T], [G] [M] épouse [T] et [A] [T], après avoir pourtant constaté que ces derniers ont été inhumés au cimetière de [Localité 1] respectivement en [Date décès 2], [Date décès 1] et [Date décès 3], ce dont il résultait que leur inhumation n’avait pas, loin s’en faut, un caractère provisoire, la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article R. 2213-40 code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du code civil ; en outre, qu’eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche ne peut prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire ; que méconnaît le respect dû aux morts une demande d’exhumation présentée respectivement plus de quarante ans, soixante ans et vingt-cinq ans après l’inhumation des trois intéressés au nom de la volonté de rendre un supposé hommage à l’un d’eux ; qu’en retenant néanmoins, pour autoriser l’exhumation de [I] [T], [G] [M] épouse [T] et [A] [T], que l’œuvre de [I] [T] est connue essentiellement en Russie, que la proposition de transférer sa sépulture constitue un hommage rendu au poète, qui permettra de perpétuer la mémoire d’une œuvre à laquelle il s’est consacré durant sa vie, et destinée aux russes dont il a utilisé la langue, la cour d’appel a violé l’article R. 2213-40 code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du code civil ; enfin et subsidiairement, qu’en estimant par une pétition de principe, après avoir approuvé le projet d’exhumation de [I] [T], que le sort des sépultures de [G] [M] épouse [T] et [A] [T] devait nécessairement suivre celui de [I] [T] dès lors que leur choix avait été de reposer les uns auprès des autres, sans rechercher s’il existait également pour ces dernières un motif grave de déroger par exception au respect qui leur est dû, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 2213-40 code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du code civil ;

Mais attendu que c’est dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation qu’après avoir retenu que MM. [F] et [I] [T] étaient les plus qualifiés pour interpréter et exécuter la volonté des défunts, les juges d’appel ont estimé que, si [I] [T], son épouse et leur fille, exilés politiques, avaient fait le choix de reposer, ensemble, à [Localité 1], c’est parce que, décédés avant l’effondrement du régime soviétique, ils n’avaient pu envisager de se faire inhumer dans leur pays natal ; qu’ils ajoutent qu’ils baignaient dans la culture russe et n’avaient jamais souhaité acquérir la nationalité française ; qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui a fait ressortir que le transfert du lieu de sépulture des défunts était conforme à leur volonté présumée, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes [X] et [G] [T] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mmes [X] et [G] [T].

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Mesdemoiselles [X] et [G] [T] de leur demande d’interdiction des exhumations de [I] [T], de [G] [M] épouse [T] et de [A] [T] et d’avoir en tant que de besoin autorisé l’exhumation aux fins de transfert et d’inhumation des défunts ;

Aux motifs que : « Considérant que MM. [I] et [F] [T] exposent que leur oncle [I] [T] était un cosaque de l’armée blanche devenu auteur de poèmes et d’oeuvres littéraires en langue russe, que depuis 2005, la Russie manifeste une volonté de réconciliation avec les exilés du communisme, que dans ce contexte la Fondation de Charité 1.1 SAVIDI de Rostov-sur-le-Don, dont le crédit et l’utilité n’ont pas lieu d’être remis en cause du seul fait qu’elle a été créée par un riche homme d’affaires, avec l’aide de l’Assemblée Maritime de cette ville, leur a proposé de rapatrier les cendres du poète et de sa famille pour être inhumés au lieu de naissance de [I] [T], qu’ils se sont rendus en Russie pour vérifier la fiabilité du projet qu’ils ont approuvé le 22 octobre 2013; Qu’ils soutiennent que les intimées n’ont pas qualité pour agir en interdiction de l’exhumation , dont la demande revient au plus proche parent selon l’article R 2213-40 du code des collectivités territoriales, et qui est approuvée en l’espèce par tous les autres descendants du poète, y compris son frère [F], que sa curatelle ne prive pas de manifester sa volonté ;

Que cette exhumation est conforme à la volonté des défunts qui à l’époque de leur décès ne pouvaient espérer au regard de la situation politique de la Russie, y être enterrés, que les proches qui ont connu [I] [T] ou sa famille ont témoigné de son attachement à sa patrie, qu’un poème de sa main exprime son désir d’y trouver sa dernière demeure;

que l’association « Union des cosaques » a donné un avis nuancé puisqu’elle se retranche derrière l’avis de la famille ;

Qu’Ils soulignent que la famille ne sera pas privée d’un lieu de recueillement puisqu’est prévue dans les prestations de la Fondation SAVIDI une plaque commémorative signalant "l’ancienne inhumation des [T] à cette place » ;

Que, contestant toute volonté mercantile, ils estiment que leurs nièces, manipulées par leur mère en instance de divorce de M. [F] [T], cherchent à leur nuire ;

Considérant que Mmes [X] et [G] [T] opposent à l’irrecevabilité soulevée par les appelants que si la demande d’exhumation doit émaner du plus proche parent, cette notion n’est pas définie, qu’elles ont le même degré de parenté avec le poète et sa famille que leurs cousins qui ont accepté l’exhumation, que d’ailleurs selon la tradition familiale, elles seraient en réalité les petites filles du poète et vont entreprendre une procédure pour le faire reconnaître ; que la curatelle de M. [F] [T] par son frère rend suspect l’accord qu’il donne alors qu’il y était antérieurement opposé ;

Qu’elles font valoir, sur la demande elle-même, que leur grand-oncle n’a jamais exprimé le souhait d’être enterré en Russie, que le poème qui traduirait ce désir dont excipent les appelants n’est qu’une allégorie d’un autre poète ukrainien du 19ème siècle, et n’est donc pas probant, qu’au contraire dans un autre poème il décrit sa volonté de reposer auprès de son épouse au cimetière de [Localité 1], que toute sa famille y est enterrée, et que sa fille aurait fait des démarches pour le faire enterrer en Russie si elle avait eu connaissance d’un désir de son père en ce sens ;

Qu’elles ajoutent encore que l’association SAVIDI qui finance le projet de rapatriement en Russie est dirigée par un oligarque très lié au régime actuel russe et à l’Eglise Orthodoxe russe, et l’Assemblée Maritime du Don membre du parti Russie unie, que cette exhumation est en réalité une affaire publique et que M. [I] [T], légataire universel de [A] [T], a des idées mercantiles, ayant d’ailleurs déjà vendu certains objets aux enchères ; que l’association Union des Cosaques e manifesté son désaccord pour l’exhumation, enfin qu’aucun membre de la famille ne pourrait plus se recueillir sur la tombe de [I] [T] ;

Considérant que la cour relève que les appelants défendent un projet d’exhumation de leur oncle [I] [T], né selon certificat de baptême dans la région de Rostov à Stanitsa [Localité 2], et poète d’une notoriété certaine en Russie, pour y être inhumé avec sa famille dans sa ville natale, projet dont le caractère sérieux est précisé par les pièces suivantes, essentiellement en langue russe, mais traduites par Mme [K], expert traductrice assermentée près la cour d’appel de Rouen ;

— un document du "chef de l’administration du village de [Localité 2]"

revêtu du sceau de la commune, qui écrit que "sont en activité un musée -

réserve d’architecture et une abbaye d’hommes du Don-saint sur Je territoire duquel il est proposé d’enterrer la dépouille de [I] [T], de son épouse et de leur fille… chaque année, des événements consacrés à la vie et à l’oeuvre de [I] [T] sont organisés dans le musée-réserve, des recherches consacrées au poète sont publiées … Le mur de l’abbaye porte une plaque commémorative dédiée à [I] [T] … l’intérêt à la vie et à l’oeuvre de ce poète remarquable, "[Y] des cosaques« y grandit d’une année à l’autre » ;

— le plan des démarches de ré-inhumation de [I] [T] et de sa famille, daté du 22 octobre 2013, approuvé par le président de la « Fondation de Charité 1.I.Savvidi » sous le sceau de la « Fédération de Russie. Fondation de Charité I.I. Savvidi »et approuvé par l’éditeur de l’hebdomadaire international en langue russe, « Mir Omonia, et le président de l’organisation sociale municipale » assemblée Maritime de Rostov -sur-Don" sous le sceau de cette organisation sociale municipale

— les engagements écrits pris par « L’organisation non commerciale »Fondation de Charité II Savvidi" à Rostov-sur-Don, à l’égard de M. M. [I] et [F] [T] quant aux modalités pratiques de l’inhumation, ainsi exprimés : "la Fondation garantit le paiement de toutes les dépenses relatives au rapatriement de la dépouille du poète [I] [T] et de son épouse et de sa fille du cimetière de [Localité 1] ( France) en Fédération de Russie (services du bureau des pompes funèbres de France) et au transfert de la dépouille de la place de l’exhumation vers la place de la nouvelle inhumation y compris les services funéraires et juridiques en France ainsi que l’organisation de la cérémonie d’inhumation et votre arrivée en Russie ( ajout manuscrit :avec la famille la plus proche). Votre accord. étant l’accord des seuls héritiers du poète, a été obtenu« , et portant les coordonnées bancaires de la Fondation, la signature de son président et de son comptable en chef, et les mentions »nous sommes d’accord avec cette lettre signée de MM [I] et [F] [T] et « vu pour la certification des signatures seulement, le 10 décembre 2013 », suivant la signature et le sceau de Maître [N] [D], notaire à [Localité 1] ;

Considérant qu’aux termes de l’article R 2213-40 du code général des collectivités territoriales, « toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte »;

Attendu que la paix des morts devant être respectée, il n’est possible de déroger au principe de l’immutabilité des sépultures qu’en justifiant d’une nécessité absolue, d’un motif grave ou sérieux ou du caractère provisoire de l’inhumation ;

Que selon la jurisprudence rendue en cette matière, sont notamment considérés comme motifs graves :

*le respect de la volonté exprimée ou présumée du défunt lui-même ;

*le respect de la volonté du concessionnaire de la sépulture ;

*le caractère provisoire de la sépulture.

Considérant à la lumière de ces principes que la cour relève que la demande d’exhumation est faite par deux des trois neveux ( le troisième étant décédé)

du défunt [I] [T], tous deux fils de son frère décédé, en qualité de parents plus proches ;

Qu’en effet la fille unique du défunt [I] [T], [A] [T] ne s’est pas mariée et est décédée sans enfant ;

Qu’il n’est pas indifférent au litige de souligner que cette fille unique, [A] [T] a désigné par testament du 30 mars 1984 son cousin M. [I] [T], l’un des demandeurs à l’exhumation, en qualité de son légataire universel, ce qui manifeste un lien particulier entre les deux cousins ;

Que l’attestation de Mme [O] [Z] épouse en instance de divorce de [F] [T], l’un des deux appelants, et mère de [X] et [G] [T] intimées, selon laquelle son époux serait le fils naturel du défunt poète [I] [T], ne reposant que sur ses affirmations est inopérante dans le présent litige ;

Considérant que si la demande d’exhumation doit être présentée par le parent le plus proche, aucune prescription quant à la qualité à agir en contestation de l’autorisation d’exhumation n’est prévue par la loi : qu’il convient en application des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile aux termes duquel « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention », de retenir que les deux petites-nièces de [I] [T], filles de [F] [T], appelant, sont recevables à agir dans la présente procédure en contestation de l’autorisation d’exhumation donnée par la Ville de [Localité 1] en dépit de leur rang de parenté plus éloigné dès lors qu’est en jeu la protection du principe de la paix des morts ;

Considérant que l’inhumation de [I] [T], de son épouse et de sa fille unique au cimetière de [Localité 1] est présumée intervenue en conformité avec leur volonté, bien qu’aucun des intéressés n’ait laissé d’écrit sur ce point ; qu’en effet, [I] [T] a choisi de faire enterrer son épouse décédée avant lui dans ce cimetière, lui-même repose aux côtés de celle-ci comme il en avait exprimé le souhait à travers un poème dont il n’est pas contesté qu’il date de la période [Date décès 1]-1952, soit peu après la mort de sa femme, et leur fille est inhumée aux côtés de ses parents, sans que ces choix soient contestés ;

Considérant par conséquent que cette volonté ne saurait être troublée que pour un motif particulièrement sérieux ;

Considérant que le dossier, notamment les pièces d’identité et attestations de la famille [T] versées aux débats, met en évidence que tant [I] [T] et son épouse [G] [M], nés en Russie et entrés en France en décembre 1924, que leur fille [A] arrivée en France avec eux à l’âge de trois ans, ont toujours vécu baignés dans la culture russe ;

Que l’oeuvre du poète est exclusivement écrite en langue russe ;

Que sa carte de travail expirant le 22 octobre 1978 le désigne toujours comme « réfugié russe » ;

Que [G] [M] son épouse, a toujours bénéficié du statut de réfugié russe ;

Que leur fille se déclarait « apatride » jusqu’à la fin de sa vie, ainsi qu’en fait foi l’acte de notoriété établi après sa mort en [Date décès 3] ; qu’elle vivait dans un univers qui, selon l’attestation d'[C] [T], fils de l’appelant [I] [T], en date du 6 janvier 2014, « laissait transparaître la nostalgie russe (famille étant réfugiée politique) et j’avais compris son souhait si sa famille le pouvait de retourner vivre dans son pays » ;

Que [B] [T], frère du précédent, écrit en date du 7 janvier 2014 à propos de [A] [T] :« Nous la savions très proche des coutumes, de la langue et de la civilisation russe. A ce titre je ne peux que confirmer son attachement à son pays d’origine » ;

Que [Q] [T], leur soeur, témoigne en date du 7 janvier 2015: " je pense sincèrement que leur souhait est d’être enterrés en Russie. Ils ne s’exprimaient qu’en russe. Ma grand tante [E] que j’ai peu connue (elle est décédée lorsque j’avais 9 ans) vivait dans un appartement où la culture russe était omniprésente";

Que sans qu’il soit nécessaire de prendre en compte le poème en langue russe à travers lequel il est soutenu par les appelants que [I] [T] aurait exprimé son souhait de reposer dans sa patrie, la cour ne disposant pas dans ce dossier des moyens suffisants pour débattre de son origine contestée, sont ainsi suffisamment démontrés la force des liens gardés à travers le temps avec leur pays d’origine par [I] [T] et sa famille, dont aucun des trois membres n’avait souhaité acquérir la nationalité française, pas même sa fille pourtant arrivée très jeune sur le territoire français, et leur absence de volonté d’intégration dans le pays où ils s’étaient réfugiés ;

Qu’en conservant au contraire leur statut de réfugiés ou d’apatride, ils exprimaient qu’ils se sentaient toujours en exil, n’ayant quitté la Russie qu’à raison d’une situation politique donnée : qu’ils ont d’ailleurs fait le choix d’une sépulture, certes en France mais dans le célèbre "carré russe d’un cimetière ;

Considérant que la cour retient encore qu’aux dates des décès de [I], [G] et [A] [T], la dernière en [Date décès 3], la Russie demeurait soviétique, de sorte que, exilés politiques, les défunts n’ont pu envisager de s’y faire enterrer ; que de surcroît, il est constant que la notoriété du poète a cru après sa mort, et que celui-ci n’a pas pu avoir conscience de l’intérêt de ses compatriotes pour son oeuvre ;

Considérant encore que selon les éléments du dossier, tous les membres de la famille [T], neveux et petits neveux, et notamment les trois enfants de [U] [T]. dernier frère décédé des deux appelants MM. [I] et [F] [T], se sont montrés favorables au projet d’exhumation du poète et de sa famille pour être enterrés en Russie, à la seule exception des deux petites-nièces intimées ;

Que l’avis défavorable de l’épouse de M. [F] [T], mère des deux jeunes femmes, dont l’attestation est versée aux débats, eu égard au contentieux familial lié à leur divorce en cours, et l’opposition exprimée par écrit par « l’Union des Cosaques » dont Mmes [X] et [G] [T] intimées se prévalent sans justifier de la nature de ce groupe et de ses liens avec leur grand-oncle, sinon qu’il est établi que le poète avait été lui-même un cosaque, n’ont pas de caractère déterminant dans la recherche de la volonté des défunts concernés ;

Considérant enfin que MM [F] et [I] [T], seuls neveux vivants du poète, qui ont tous deux connu leur oncle, estiment traduire par leur action un voeu que l’intéressé et sa famille n’ont pu exprimer à raison des circonstances, liées à la situation politique de leur pays qu’ils avaient été conduits à fuir et qui les privait de la possibilité d’un retour, mais dont ils perpétuaient les traditions et la culture ;

Que la curatelle de [F] [T] à raison de troubles anxiodepressifs, confiée à son frère, ne saurait priver l’intéressé d’un avis éclairé sur ce point, qui a pu légitimement évoluer après concrétisation du projet ;

Qu’il convient de noter que le fait que l’unique descendante du poète [I] [T] ait choisi son cousin portant le même nom que son père en qualité de légataire universel laisse présumer d’une particulière proximité entre eux, et par conséquent de la sincérité de sa démarche ;

Que les deux intimées en revanche n’ont pas, compte tenu de leur âge (27 et 25 ans) connu leur grand oncle ni même sa fille, et ne présentent pas la même légitimité à représenter leur volonté ;

Considérant enfin qu’est prévue la pose d’une plaque commémorative au cimetière de [Localité 1], en sorte que les descendants du poète seront à même de s’y recueillir encore :

Considérant par conséquent, au constat que l’oeuvre de [I] [T] est connue essentiellement en Russie, que la proposition de transférer sa sépulture, en même temps que celle de ses proches puisque leur choix avait été de reposer les uns près des autres, constitue un hommage rendu au poète, qui permettra de perpétuer la mémoire d’une oeuvre à laquelle il s’est consacré durant sa vie, et destinée aux russes dont il a utilisé la langue ;

Qu’est ainsi suffisamment caractérisé le motif grave requis par la jurisprudence ;

Qu’il y a lieu en conséquence d’infirmer la décision de première instance, et d’autoriser l’exhumation demandée ;

Considérant que l’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, qu’il n’est pas démontré en l’espèce que l’action de Mmes [X] et [G] [T] ait été entreprise à des fins malicieuses, de sorte que la demande de provision à titre de dommages-intérêts sera rejetée » ;

Alors, d’une part, qu’eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche parent ne peut prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire ; qu’en autorisant néanmoins l’exhumation de [I] [T], [G] [M] épouse [T] et [A] [T], après avoir pourtant constaté que les défunts avaient fait le choix d’une sépulture en France dans le carré russe du cimetière de [Localité 1], la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article R. 2213-40 Code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du Code civil ;

Alors, d’autre part, qu’eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche parent ne peut prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire ; qu’en autorisant néanmoins l’exhumation de [I] [T], [G] [M] épouse [T] et [A] [T], après avoir pourtant constaté que ces derniers ont été inhumés au cimetière de [Localité 1] respectivement en [Date décès 2], [Date décès 1] et [Date décès 3], ce dont il résultait que leur inhumation n’avait pas, loin s’en faut, un caractère provisoire, la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article R. 2213-40 Code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du Code civil ;

Alors en outre, qu’eu égard au respect dû aux morts, une demande d’exhumation présentée par un proche ne peut prospérer que si le défunt avait exprimé clairement sa volonté d’être inhumé dans un autre lieu ou si son inhumation avait un caractère provisoire ; que méconnaît le respect dû aux morts une demande d’exhumation présentée respectivement plus de 40 ans, 60 ans et 25 ans après l’inhumation des trois intéressés au nom de la volonté de rendre un supposé hommage à l’un d’eux ; qu’en retenant néanmoins, pour autoriser l’exhumation de [I] [T], [G] [M] épouse [T] et [A] [T], que l’oeuvre de [I] [T] est connue essentiellement en Russie, que la proposition de transférer sa sépulture constitue un hommage rendu au poète, qui permettra de perpétuer la mémoire d’une oeuvre à laquelle il s’est consacréì durant sa vie, et destinée aux russes dont il a utilisé la langue, la Cour d’appel a violé l’article R. 2213-40 Code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du Code civil ;

Alors enfin et subsidiairement qu’en estimant par une pétition de principe, après avoir approuvé le projet d’exhumation de [I] [T], que le sort des sépultures de [G] [M] épouse [T] et [A] [T] devait nécessairement suivre celui de [I] [T] dès lors que leur choix avait été de reposer les uns auprès des autres, sans rechercher s’il existait également pour ces dernières un motif grave de déroger par exception au respect qui leur est dû, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 2213-40 Code général des collectivités territoriales, ensemble l’article 16-1-1 du Code civil.

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