Cour de cassation, Chambre civile 3, 4 mai 2016, 15-14.892, Publié au bulletin

  • Décision définitive de la juridiction de l'expropriation·
  • Arrêt fixant le prix de cession·
  • 213-7 du code de l'urbanisme·
  • Droit de préemption urbain·
  • Décision définitive·
  • Fixation judiciaire·
  • Délai de deux mois·
  • Point de départ·
  • Chose jugée·
  • Immobilier

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Une cour d’appel, qui retient exactement qu’une décision définitive s’entend d’une décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée, en déduit à bon droit que l’arrêt d’appel qui fixe le prix de cession d’un immeuble préempté par une communauté d’agglomération est une décision définitive au sens de l’article L. 213-7 du code de l’urbanisme qui ouvre aux parties un délai de deux mois à compter de cette décision pour accepter le prix judiciairement fixé ou renoncer à la mutation

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

CIV.3

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 4 mai 2016

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 511 FS-P+B

Pourvoi n° X 15-14.892

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la communauté d’agglomération de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 4],

contre l’arrêt rendu le 30 janvier 2015 par la cour d’appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à Mme [Z] [D], épouse [F], domiciliée [Adresse 1],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 22 mars 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller référendaire rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, MM. Nivôse, Maunand, Mme Le Boursicot, M. Bureau, conseillers, Mmes Vérité, Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la communauté d’agglomération de [Localité 1], de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme [D], l’avis de M. Charpenel, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 30 janvier 2015), que, par une délibération du 3 mars 2006, la communauté d’agglomération de [Localité 1] (la CDA) a décidé d’exercer son droit de préemption, au prix de 600 000 euros, sur un terrain appartenant à Mmes [D], pour lequel elles lui avaient adressé une déclaration d’intention d’aliéner au prix de 1 632 000 euros ; que, par un arrêt confirmatif du 16 mars 2007, signifié aux parties le 4 avril 2007, la cour d’appel de Poitiers a fixé le prix de cession à 1 632 000 euros ; que, par une lettre notifiée le 3 juillet 2007 à Mmes [D], la CDA a fait savoir qu’ayant formé un pourvoi en cassation, elle refusait d’acquérir aux conditions fixées par la cour d’appel ; que, par un arrêt du 23 septembre 2008, pourvoi n° 07-15.732, la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi ; que, le 8 décembre 2008, la CDA a fait savoir à Mmes [D] qu’elle renonçait à préempter le terrain ; que Mmes [D] ont assigné la CDA en réalisation forcée de la vente au prix de 1 632 000 euros ;

Attendu que la CDA fait grief à l’arrêt de constater le transfert de propriété au prix judiciairement fixé au 4 juin 2007, de dire que l’arrêt vaudra acte de vente entre les parties et de condamner la CDA à payer le prix de cession avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2007, alors, selon le moyen, que la garantie de l’effectivité du droit de se pourvoir en cassation contre un arrêt fixant le prix d’un bien préempté implique de faire courir le délai de deux mois, pendant lequel les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation, à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle est devenue définitive, soit à compter de la date à laquelle l’arrêt, devenu irrévocable, n’est plus susceptible de faire l’objet d’un recours ordinaire ou d’un pourvoi en cassation ; qu’en retenant que ce délai de réflexion devait courir à compter de la date de la signification de l’arrêt d’appel, cette solution n’ayant pas pour effet de priver du recours en cassation la partie contestant la décision, pour en déduire que le délai de réflexion de deux mois pendant lequel les parties pouvaient renoncer à la mutation avait commencé à courir à la date de signification de l’arrêt du 16 mars 2007 fixant judiciairement le prix, soit à compter du 4 avril 2007, de sorte qu’il était déjà expiré lorsque la CDA, par courrier du 3 juillet 2007, avait notifié son refus d’acquérir le terrain objet du droit de préemption, quand ce délai n’avait pu courir avant la date à laquelle le pourvoi formé contre l’arrêt du 16 mars 2007 avait été rejeté, soit le 23 septembre 2008, sauf à méconnaître l’effectivité du droit de la CDA de se pourvoir contre cet arrêt du 16 mars 2007, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article L. 213-7 du code de l’urbanisme et les articles 480, 500 et 501 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu qu’une décision définitive s’entend d’une décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la communauté d’agglomération de [Localité 1] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la communauté d’agglomération de [Localité 1] et la condamne à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la communauté d’agglomération de [Localité 1]

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR constaté le transfert de propriété au prix judiciairement fixé au 4 juin 2007 au titulaire du droit de préemption et, en conséquence, d’AVOIR dit que l’arrêt vaudra acte de vente entre Mme [Z] [D], épouse [F], née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1], de nationalité française, demeurant [Adresse 1], d’une part, et la Communauté d’agglomération de [Localité 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège, sis [Adresse 3], d’autre part, moyennant le prix de 1.632.000 € pour le bien immobilier cadastré Section [Cadastre 1], situé [Adresse 2] pour une superficie totale de 12.000 m², d’AVOIR dit que l’arrêt sera publié à la conservation des hypothèques de [Localité 1] et d’AVOIR condamné la Communauté d’agglomération de [Localité 1] à payer à Mme [Z] [D], épouse [F], la somme de 1.632.000 € correspondant au prix de cession, au titre de l’acquisition de ce bien immobilier, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2007 ;

AUX MOTIFS sur la nature de la décision d’appel du 16 mars 2007 QUE l’arrêt d’appel rendu le 16 mars 2007 qui confirmait le prix de cession des biens objet de la préemption a été signifié à partie le 4 avril 2007 et il a fait l’objet d’un pourvoi aboutissant à un rejet par arrêt du 23 septembre 2008 ; que bien qu’aucun texte ne définisse la notion de décision définitive, il résulte de la combinaison des articles 480, 500 et 501 du Code de procédure civile qu’une décision définitive s’entend d’une décision contre laquelle, aucune voie de recours suspensive d’exécution ne peut plus être exercée ; que cette interprétation a été validée par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 juin 1990 rendu à propos du caractère définitif de la décision visée à l’article L. 212-3 du Code de l’urbanisme et dans un arrêt de principe du 8 juillet 2004 qui énonce que la Cour d’appel avait jugé, à bon droit, que le jugement devenu définitif s’entendait du jugement ayant force de chose jugée, nonobstant le pourvoi en cassation, qui n’est pas suspensif ; que contrairement à ce qu’a indiqué le premier juge et ce que soutient l’appelante, retenir la date de signification de l’arrêt d’appel n’a pas nécessairement pour effet, dans le cadre de l’article L. 213-7 du Code précité, de priver du recours en cassation, la partie contestant la décision ; qu’en effet, si la CDA ne pouvait pas renoncer à la cession sans risquer de voir rejeter le pourvoi pour défaut d’intérêt à agir, elle conservait en revanche la possibilité d’accepter le prix fixé sous l’expresse réserve du pourvoi en cassation et de consigner ainsi le prix de vente dans l’attente de l’issue de la procédure par laquelle elle entendait obtenir la cession à un prix moindre que celui fixé par la Cour d’appel ; qu’il convient de noter à ce sujet qu’en vertu du texte précité, seul le silence des parties dans le délai légal vaut acceptation du prix fixé par le Juge et transfert de propriété, à l’issue de ce délai alors que l’acceptation du prix sous réserve des procédures en cours n’interdit pas aux parties de solliciter un différé du transfert de propriété pour toutes causes jugées légitimes ; qu’il résulte de ce qui précède que l’arrêt de la Cour d’appel du 16 mars 2007, signifié le 4 avril 2007, fixant le prix de cession de l’immeuble, est une décision juridictionnelle devenue définitive au sens du second alinéa de l’article L. 213-7 du Code de l’urbanisme ; que par ailleurs, le pourvoi en cassation et le délai pour le formaliser n’ayant aucun caractère suspensif en la matière, le point de départ du délai de deux mois pour accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation a commencé à courir dès la date de signification de l’arrêt qui le rend définitif et non à compter de l’expiration du délai du pourvoi, comme le soutient à tort la CDA ;

ET AUX MOTIFS sur la légalité de la décision du 3 juillet 2007 par laquelle la CDA a décidé de renoncer à exercer son droit de préemption QUE par courrier du 3 juillet 2007, la CDA a notifié au conseil des consorts [D] son refus d’acquérir le terrain objet du droit de préemption au prix de 136 € du m² fixé par l’arrêt de la Cour d’appel du 16 mars 2007 ; que compte tenu de l’arrêt d’appel du 16 mars 2007 signifié le 4 avril, date à laquelle a commencé à courir le délai de deux mois prévu à l’article L. 213-7, alinéa 2, du Code de l’urbanisme, il y a lieu de constater, en application de la jurisprudence établie du Conseil d’Etat, l’illégalité manifeste de la décision de la CDA, prise à l’expiration du délai légal de deux mois suivant l’intervention de la décision juridictionnelle devenue définitive fixant le prix de la cession, délai qui expirait le 4 juin 2007 ; que par voie de conséquence et pour les pertinents motifs exposés par le premier juge que la Cour adopte, il convient de déclarer la vente parfaite en raison du silence des parties valant acceptation du prix fixé par le juge et transfert de propriété, à l’issue du délai légal, avec toutes conséquences de droit ; que le jugement sera ainsi confirmé, y compris en ce qu’il a rejeté la demande d’astreinte pour le paiement du prix de cession, sauf au titre du constat du transfert de propriété au 4 juin 2007, de la substitution de Mme [D] épouse [F] seule, aux consorts [D] pour l’acte de vente et la condamnation au paiement du prix de cession et au titre de la fixation des intérêts au taux légal dus sur le prix de cession à compter du 4 juillet 2007, date limite à laquelle l’acte authentique de vente devait être passé, conformément aux dispositions de l’article R. 213-12-2° du Code de l’urbanisme ; que par ailleurs, le présent arrêt sera publié à la Conservation des hypothèques de [Localité 1] ;

ALORS QUE la garantie de l’effectivité du droit de se pourvoir en cassation contre un arrêt fixant le prix d’un bien préempté implique de faire courir le délai de deux mois, pendant lequel les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation, à compter de la date à laquelle la décision juridictionnelle est devenue définitive, soit à compter de la date à laquelle l’arrêt, devenu irrévocable, n’est plus susceptible de faire l’objet d’un recours ordinaire ou d’un pourvoi en cassation ; qu’en retenant que ce délai de réflexion devait courir à compter de la date de la signification de l’arrêt d’appel, cette solution n’ayant pas pour effet de priver du recours en cassation la partie contestant la décision, pour en déduire que le délai de réflexion de deux mois pendant lequel les parties pouvaient renoncer à la mutation avait commencé à courir à la date de signification de l’arrêt du 16 mars 2007 fixant judiciairement le prix, soit à compter du 4 avril 2007, de sorte qu’il était déjà expiré lorsque la CDA, par courrier du 3 juillet 2007, avait notifié son refus d’acquérir le terrain objet du droit de préemption, quand ce délai n’avait pu courir avant la date à laquelle le pourvoi formé contre l’arrêt du 16 mars 2007 avait été rejeté, soit le 23 septembre 2008, sauf à méconnaître l’effectivité du droit de la CDA de se pourvoir contre cet arrêt du 16 mars 2007, la Cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article L. 213-7 du Code de l’urbanisme et les articles 480, 500 et 501 du Code de procédure civile.

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