Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 mai 2016, 15-12.767, Publié au bulletin

  • Sanction de l'article l. 132-5-2 du code des assurances·
  • Conformité au droit de l'Union européenne·
  • 132-5-2 du code des assurances·
  • Assurance directe sur la vie·
  • Appréciation de la finalité·
  • Pouvoirs et devoirs du juge·
  • Caractère discrétionnaire·
  • Sanction de l'article l·
  • Assurance de personnes·
  • Applications diverses

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La sanction prévue à l’article L. 132-5-2 du code des assurances est conforme au droit de l’Union en ce qu’elle est proportionnée à l’objectif de la directive vie qui est de faire profiter le consommateur de la diversité des contrats et d’une concurrence accrue, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l’information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance Si la faculté prorogée de renonciation prévue par l’article L. 132-5-2 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus.

Viole ce texte ainsi que l’article L. 132-5-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable, une cour d’appel qui, pour déclarer recevable et bien fondé l’exercice par les preneurs d’assurance de leur droit de renonciation prorogé, retient que la faculté de renonciation prévue est un droit discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise et ne peut donc dégénérer en abus En se bornant à constater que les conditions d’exercice du droit de renonciation étaient réunies, sans rechercher, au regard de la situation concrète des preneurs d’assurance, de leur qualité d’assurés avertis ou profanes et des informations dont ils disposaient réellement, quelle était la finalité de l’exercice de leur droit de renonciation, une cour d’appel ne met pas la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et prive sa décision de base légale au regard des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :


Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. et Mme X… ont souscrit chacun, le 11 juin 2008, auprès de la société de droit luxembourgeois Fortis Luxembourg vie, aux droits de laquelle se trouve la société Cardix Lux vie (l’assureur), un contrat d’assurance sur la vie « Liberty 2 invest », libellé en unités de compte sur lequel il ont investi un même capital initial de 1 503 057, 25 euros avant de procéder le 1er mars 2009 à un rachat partiel d’un montant de 344 500 euros chacun ; qu’estimant ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales, M. et Mme X… ont, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 15 octobre 2010, reçue le 19 octobre suivant par l’assureur, exercé la faculté de renonciation prévue aux articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances ; que l’assureur n’ayant pas donné suite à cette demande, M. et Mme X… l’ont assigné en restitution de la somme de 1 158 557, 25 euros augmentée des intérêts majorés ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’assureur fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire n’y avoir lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne et de le débouter ainsi de sa demande tendant à voir dire et juger que la sanction prononcée est disproportionnée, alors, selon le moyen, que l’appréciation du caractère proportionné d’une sanction s’effectue de façon nécessairement concrète, en mettant en balance, d’un côté, le degré d’atteinte aux règles protégées, la nature de ces règles, d’un autre côté, le préjudice subi par la « victime » supposée du manquement ; qu’une sanction n’est ainsi pas proportionnée si, pour un manquement véniel à une obligation d’information purement formelle, aucun préjudice n’est constaté dans le chef du créancier de ladite information, lequel est parfaitement informé par ailleurs ; qu’au cas présent, la personne se plaignant d’un manquement à l’obligation d’information était directeur financier du fonds d’investissement Wendel, auteur d’un montage défiscalisant dit « d’intéressement » du premier cercle des dirigeants dudit fonds ; que le manquement visé était purement formel, puisqu’il s’agissait d’une absence de parfaite adéquation entre l’encadré et l’arrêté régissant ledit encadré ; qu’en considérant comme proportionnée la sanction infligée à l’assureur-vie, d’une prorogation de plusieurs années du délai de renonciation de 30 jours, et, au final, du paiement de la valeur des titres apportés à l’origine, « sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l’information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance », la cour d’appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, lu à la lumière des articles 35 et 36 de la directive 2002/ 83/ CE du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie, ensemble le principe de proportionnalité ;

Mais attendu qu’après avoir à bon droit énoncé que lorsqu’une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation, ou renvoie sur ce point aux réglementations nationales, ce qui est le cas de l’article 36 de la directive 2002/ 83 CE et de son annexe III, il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l’effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif, l’arrêt retient que la sanction prévue à l’article L. 132-5-2 du code des assurances est proportionnée à l’objectif de la directive vie rappelé au considérant n° 52 qui est de faire profiter le consommateur de la diversité des contrats et d’une concurrence accrue, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l’information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a exactement déduit que l’article L. 132-5-2, alinéa 2, du code des assurances était conforme au droit de l’Union ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable ;

Attendu que si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus ;

Et attendu que ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 (2e Civ., 7 mars 2006, pourvois n° 05-10. 366 et 05-12. 338, Bull. II, n° 63), qui, n’opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d’assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s’impose aux contractants ;

Attendu que pour déclarer recevable et bien fondé l’exercice par M. et Mme X… de leur droit de renonciation et condamner l’assureur à leur payer la somme de 1 158 557 euros, augmentée des intérêts majorés, l’arrêt retient que la faculté de renonciation prévue par le code des assurances est un droit discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise, qu’il soit averti ou profane et ne peut donc dégénérer en abus ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable ;

Attendu que pour statuer comme il l’a fait, l’arrêt retient qu’en tout état de cause, l’assureur ne démontre pas que l’usage par M. et Mme X… de la faculté de renonciation qui leur est ouverte du fait même des manquements de l’assureur, qui ne leur a pas remis les documents et informations prévus par des dispositions d’ordre public, constitue un détournement de la finalité de la règle de droit issue du code des assurances, même s’ils peuvent ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier ;

Qu’en se déterminant ainsi, par voie de simple affirmation, en se bornant à constater que les conditions d’exercice du droit de renonciation étaient réunies, sans rechercher, au regard de la situation concrète de M. et Mme X…, de leur qualité d’assurés avertis ou profanes et des informations dont ils disposaient réellement, quelle était la finalité de l’exercice de leur droit de renonciation et s’il n’en résultait pas l’existence d’un abus de droit, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen auquel la société Cardif Lux vie a renoncé :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, l’arrêt rendu le 16 septembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne M. et Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X… ; Les condamne à payer à la société Cardif Lux vie la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille seize.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Cardif Lux vie

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, dit n’y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la CJUE, et d’avoir ainsi débouté la société Cardif Lux Vie de sa demande tendant à voir dire et juger que la sanction prononcée par le tribunal est disproportionnée ;

Aux motifs que « sur le caractère proportionné de la sanction prévue par la réglementation française : que la société Cardif soutient que la prorogation du délai de renonciation prévue à l’article L. 132-5-2, alinéa 4, du code des assurances, est disproportionnée par rapport aux quelques manquements purement formels qui lui sont reprochés alors qu’elle s’adresse le plus souvent à des investisseurs très avertis, comme c’est le cas des consorts X…, qui au demeurant ne se plaignent d’aucun manque effectif d’information ; qu’elle invite la cour à poser une question préjudicielle sur ce point à la CJUE ; que les intimés répondent que la sanction prévue est proportionnée à l’absence de communication au preneur des informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins ; que l’article 35 de la directive vie relatif au délai de renonciation énonce au 1 que « chaque Etat membre prescrit que le preneur d’un contrat d’assurance-vie individuelle dispose d’un délai compris entre 14 et 30 jours » pour y renoncer, que la notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l’avenir de toute obligation découlant de ce contrat et que « les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat » ; que l’article 36. 4 relatif à l’information des preneurs prévoit en son point 4 que « les modalités d’application du présent article et de l’annexe III sont arrêtés par l’Etat membre de l’engagement » ; que, lorsqu’une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation ou renvoie sur ce point aux réglementations nationales, ce qui est le cas de l’article 36 de la directive vie et de son annexe III, il incombe aux Etats membres de prendre toute mesure propre à garantir la portée et l’efficacité du droit communautaire, dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ; que la sanction prévue par l’article L. 132-5-2 du code des assurances est proportionnée à l’objectif de la directive vie telle qu’il résulte du considérant n° 52 de son préambule rappelé ci-dessus, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contraire de l’information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance ; que là encore, en l’absence de contrariété entre les termes de la loi française et la directive vie concernant la sanction applicable du défaut de remise des documents et informations légalement requis, il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant la CJUE » (arrêt p. 7 et 8) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « sur la conformité des dispositions du code des assurances au droit communautaire : que la société Fortis Luxembourg considère que les exigences de l’article L. 132-5-1 du code des assurances et la directive elle-même doivent être interprétés au regard du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et ne doivent pas constituer une entrave ou une restriction à la libre prestation de services, sauf à démontrer leur caractère nécessaire et proportionné ; que le législateur français a considéré à juste titre que seule une présentation strictement identique des supports d’information, et notamment de l’encadré, était de nature à permettre au consommateur d’établir facilement une comparaison entre les offres des assureurs ; que ces exigences formelles strictes constituent donc des informations nécessaires dont la sanction par la prorogation du délai de renonciation est proportionnée au but recherché, qui est celui d’une information complète et accessible du consommateur ; que la protection du consommateur est du reste un objectif d’intérêt général justifiant des restrictions notamment à la libre prestation de services ; que les dispositions de l’article L. 132-5-1 du code des assurances sont donc conformes au droit communautaire » (jugement p. 7 et 8) ;

Alors que l’appréciation du caractère proportionné d’une sanction s’effectue de façon nécessairement concrète, en mettant en balance, d’un côté, le degré d’atteinte aux règles protégées, la nature de ces règles, d’un autre côté, le préjudice subi par la « victime » supposée du manquement ; qu’une sanction n’est ainsi pas proportionnée si, pour un manquement véniel à une obligation d’information purement formelle, aucun préjudice n’est constaté dans le chef du créancier de ladite information, lequel est parfaitement informé par ailleurs ; qu’au cas présent, la personne se plaignant d’un manquement à l’obligation d’information était directeur financier du fonds d’investissement Wendel, auteur d’un montage défiscalisant dit « d’intéressement » du premier cercle des dirigeants dudit fonds ; que le manquement visé était purement formel, puisqu’il s’agissait d’une absence de parfaite adéquation entre l’encadré et l’arrêté régissant ledit encadré ; qu’en considérant comme proportionnée la sanction infligée à l’assureur-vie, d’une prorogation de plusieurs années du délai de renonciation de 30 jours, et, au final, du paiement de la valeur des titres apportés à l’origine, « sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l’information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance » (arrêt p. 8, al. 3), la cour d’appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, lu à la lumière des articles 35 et 36 de la directive 2002/ 83/ CE du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie, ensemble le principe de proportionnalité.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, y ajoutant, dit n’y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la CJUE, d’avoir rejeté toutes autres demandes, en particulier celle de la société Cardif Lux Vie tendant à voir dire et juger que les époux X… ont abusé de leur faculté de renonciation ;

Aux motifs que « sur le caractère abusif de l’exercice de la faculté de renonciation : que la société Cardif reproche aux intimés d’avoir abusé de leur droit à renonciation car ils ne l’ont fait que dans un but financier et spéculatif ; que les intimés répondent que l’exercice de la faculté de renoncer au contrat est un droit discrétionnaire, ce qui exclut la notion d’abus de droit ; que la faculté de renonciation prévue à l’article L. 132-5-1 du code des assurances est un droit discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise, qu’il soit averti ou profane, et ne peut donc dégénérer en abus ; qu’en tout état de cause, l’appelante ne démontre pas que l’usage par les intimés de la faculté de renonciation qui leur est ouverte du fait même des manquements de l’assureur, qui ne leur a pas remis les documents et informations prévus par les dispositions d’ordre public, constitue un détournement de la finalité de la règle de droit issue du code des assurances, même s’ils peuvent ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier » (p. 8) ;

1° Alors que quand bien même serait-il discrétionnaire, l’usage d’un droit peut dégénérer en abus ; qu’au cas présent, la cour d’appel a retenu que l’exercice par les époux X… de leur droit de renonciation étant discrétionnaire, il ne pourrait dégénérer en abus ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, ensemble l’article 1382 du code civil ;

2° Alors que l’abus d’un droit résulte de son utilisation dans un cas certes, techniquement, prévu par la loi, donc dans un cas dans lequel la naissance du droit n’est pas contestable, mais pour une finalité contraire à celle que la loi assigne au droit en question ; que le juge appelé à déceler l’existence d’un abus de droit, ne peut donc se réfugier derrière la circonstance que les conditions de la naissance du droit sont réunies, pour en déduire qu’il n’y aurait pas d’abus ; qu’au cas présent, invitée à dire que l’utilisation par les époux X…, hautement avisés, de la faculté de renonciation était abusive, en l’absence totale de préjudice de défaut d’information subi par eux, et en présence du but clair poursuivi par les dirigeants de Wendel, d’échapper à la baisse du cours de bourse de leur société, la cour d’appel a cru pouvoir répondre que les conditions du droit à renonciation étaient, formellement réunies ; qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants pour répondre à la question posée, la cour d’appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, ensemble l’article 1382 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief d’avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, y ajoutant, dit n’y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la CJUE, et d’avoir ainsi notamment débouté la société Cardif Lux Vie de sa demande très subsidiaire tendant à ce que ne soit restitué à M. et Mme X… que ce qu’ils avaient apporté à l’origine du contrat d’assurance-vie, à savoir des titres, et non du numéraire ;

Aux motifs que « sur les modalités de la restitution : que la société Cardif Lux Vie soutient que la restitution doit être opérée en titres dans la mesure où les intimés ont apporté au contrat des actions de la société ; que les intimés répondent que cette demande nouvelle est irrecevable, sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile ; que sur le fond, ils soutiennent que l’assureur ne rapporte pas la preuve d’un apport de titres, et que la restitution doit se faire en numéraire ; que la demande de l’appelante, certes présentée pour la première fois devant la cour, ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile, dès lors qu’elle ne vise qu’à faire écarter la prétention adverse tendant à la restitution en numéraire des primes versées sur le contrat et à faire réformer le jugement qui a fait droit à cette demande ; que l’article L. 132-5-1 du code des assurances, d’ordre public, énonce que la renonciation au contrat entraîne la restitution par l’assureur « de l’intégralité des sommes versées par le contractant » et que les « sommes non restituées » dans le délai légal « produisent de plein droit intérêt », ce dont il se déduit nécessairement que la restitution ne peut être effectuée qu’en numéraire ; que la loi française étant seule applicable aux contrats souscrits par les intimés, nonobstant les dispositions de l’article 5. 2 des conditions générales qui stipulent que, si le preneur a versé une prime qui était partiellement ou totalement composée de titres, l’assureur « remboursera partiellement ou totalement la prime par restitution des titres apportés », la société Cardif Lux Vie n’est pas en droit d’exécuter son obligation de restitution en nature » (arrêt p. 8 et 9) ;

1° Alors que si l’article L. 132-5-1 du code des assurances n’envisage que la restitution de l’apport initial en numéraire, c’est parce que, en amont, le code des assurances n’envisage la constitution d’un contrat d’assurance-vie que par apport de numéraire, et non de titres ; qu’en ce qu’il dispose que la renonciation emporte la restitution « des sommes versées », ce texte n’est pas impératif, mais qu’il ne fait que décrire le cadre dans lequel, habituellement (constitution par versement de numéraire), se constitue l’assurance-vie ; qu’au cas présent, pour écarter la demande de la société Cardif Lux Vie tendant à ce que, subsidiairement, elle ne soit condamnée à restituer que ce qui a été apporté à l’origine par les époux X…, à savoir des titres Wendel, la cour d’appel a retenu qu’elle n’aurait d’autre choix, en l’état des termes du texte précité, que d’ordonner le versement d’une somme d’argent égale à la valeur des titres apportés ; qu’en ordonnant ainsi le versement d’une somme qui n’avait pas été versée à l’origine, donc non pas une « restitution » mais une obligation d’un autre type, la cour d’appel, qui s’est mépris quant à la portée du texte visé, a violé ce texte (art. L. 132-5-1 du code des assurances), ensemble les articles 1134 du code civil, 1897 du code civil, L. 111-2 du code des assurances ;

2° Alors que le juge appelé à appliquer un mécanisme juridique français (l’adaptation en l’espèce) à une institution née sous les auspices du droit étranger (ici l’assurance-vie à fonds dédié constituée par apport de titres), est tenu d’adapter le mécanisme français en cause, c’est-à-dire de tenir compte, dans la modalité d’application qu’il choisit, à la fois de la nature du mécanisme français en cause et de l’esprit de l’institution étrangère ; qu’au cas présent, l’adaptation supposait de bien voir, d’un côté, que le droit français prévoit, en cas de « renonciation », une « restitution », c’est-à-dire la remise exactement de ce qui avait été apporté à l’origine, d’un autre côté, que le droit luxembourgeois permet la création d’assurance-vie par apport de titres, à la condition que l’assureur-vie ne court pas de risque lié à la fluctuation des cours des titres et qu’il puisse être couvert des risques liés à ce type d’assurance-vie par la simple détention des titres en cause ; qu’en considérant que « la loi française étant seule applicable », il ne faudrait pas tenir compte du point de vue luxembourgeois, et qu’il faudrait même nier l’idée de « restitution », laquelle implique pourtant la remise exactement de ce qui a été apporté à l’origine, la cour d’appel a violé l’article L. 132-5-1 du code des assurances, les principes généraux du droit international privé et l’article 3 du code civil ;

3° Alors que la surveillance financière de l’assureur-vie, et notamment la constitution par lui des provisions nécessaires pour vérifier sa capacité à honorer les engagements réglementés pris en vertu du contrat d’assurance-vie, relèvent exclusivement de l’Etat membre d’origine ; que l’Etat membre d’engagement de l’assurance-vie ne peut pas, en réglant les sujets relevant de sa compétence, mettre les assureurs-vie en infraction par rapport à la réglementation financière de leur Etat d’origine, ni détruire leur confiance légitime dans le caractère pertinent et suffisant de ladite réglementation ; qu’au cas présent, en imposant comme conséquence à la renonciation, le paiement par l’assureur-vie d’une somme égale à la valeur des titres apportés, à la date de l’apport, la cour d’appel a instauré une garantie de valeur (clause de capital garanti implicite) ; qu’en statuant ainsi, cependant que la réglementation prudentielle luxembourgeoise ne prévoit pas la constitution, par l’assureur-vie, de provisions devant couvrir pareil engagement implicite de l’assureur-vie, de sorte que l’assureur-vie se trouve devoir honorer un engagement non provisionné, la cour d’appel a violé l’article L. 132-5-1 du code des assurances, lu à la lumière des articles 4, 5, 10, 20, 32 et 35 de la directive 2002/ 83/ CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie, ainsi que l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ensemble le principe de confiance légitime ;

4° Alors en tout état de cause que l’agrément donné par l’autorité luxembourgeoise compétente à l’entreprise d’assurance permet à celle-ci de se livrer à ses activités en libre prestation de services en France ; que l’interdiction de la restitution des titres apportés, et l’obligation corrélative de restituer par équivalent, sous forme de versement de la contrevaleur monétaire des titres apportés à l’origine, imposée aux contrats d’assurance-vie luxembourgeois souscrits par le versement de primes sous forme d’apport de titres, constitueraient, si elles étaient consacrées, un obstacle à la commercialisation des produits d’assurance-vie luxembourgeois en France, visant spécifiquement ces produits constitués par apports de titres, obstacle qui ne serait ni justifié, ni proportionné à la poursuite d’un but d’intérêt général ; qu’au cas présent, en imposant à la société Cardif Lux Vie d’exécuter une obligation de restitution par équivalent, cependant que l’entreprise d’assurance-vie luxembourgeoise n’a pas provisionné ce risque, la cour d’appel a consacré un obstacle irrégulier à la liberté de prestation de services, susceptible de tarir l’offre de contrats d’assurance-vie adossés à des fonds dédiés luxembourgeois souscrits par le versement de primes sous la forme d’apports de titres ; qu’en statuant ainsi, sans expliquer en quoi cet obstacle aurait été non discriminatoire et proportionné à la poursuite d’un but d’intérêt général admis, la cour d’appel a violé l’article L. 132-5-1 du code des assurances, lu à la lumière des articles 4, 5, 20 et 33 de la directive 2002/ 83/ CE du 5 novembre 2002, ensemble l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

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