Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 juin 2016, 14-17.978, Publié au bulletin

  • Application d'une décote à la valeur des actions·
  • Contrat de travail, exécution·
  • Applications diverses·
  • Obligation de cession·
  • Pouvoir disciplinaire·
  • Pacte d'actionnaires·
  • Actionnaire salarié·
  • Sanction prohibée·
  • Société anonyme·
  • Actionnaires

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La clause par laquelle le salarié actionnaire s’engage à céder la totalité de ses actions en cas de perte de son emploi est valable malgré la décote du prix de cession en cas de licenciement dès lors que celle-ci ne peut être vue comme une sanction pécuniaire prohibée par le Code du travail.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 7 juin 2016

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 543 FS-P+B

Pourvoi n° F 14-17.978

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme M… Y…, domiciliée […] ,

contre l’arrêt rendu le 20 mars 2014 par la cour d’appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l’opposant à la société Novedia, société anonyme, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 3 mai 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Contamine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mmes Laporte, Bregeon, M. Fédou, Mmes Darbois, Orsini, Poillot-Peruzzetto, M. Sémériva, conseillers, Mmes Tréard, Le Bras, M. Gauthier, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Contamine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de Mme Y…, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société Novedia, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, après avis de la chambre sociale :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 20 mars 2014), que Mme Y… a été engagée le 9 juillet 2001 par la société anonyme Smart up, devenue Novedia solutions, en qualité de directrice d’agence ; qu’elle a ultérieurement exercé les fonctions de directrice commerciale ; que le 17 janvier 2006, Mme Y… s’est vu attribuer gratuitement, en application des dispositions de l’article L. 225-197-1 du code de commerce, 5 128 actions de la société Smart up qui, après leur émission, se sont ajoutées aux 1 001 actions qu’elle détenait déjà ; que le 3 avril 2006, la société Smart up finance, devenue Novedia, société mère de la société Smart up dont elle détenait plus de 97 % du capital, a conclu avec Mme Y…, « en présence » de la société Smart up, un pacte d’associés prévoyant, notamment, que Mme Y… promettait irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de sa qualité de salariée pour quelque cause que ce soit, les modalités de détermination du prix de cession variant selon les circonstances dans lesquelles prendrait fin le contrat de travail ; qu’il était ainsi stipulé qu’en cas de cessation pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix serait fixé à dire d’experts dégradé du coefficient 0.5 ; que Mme Y… a été licenciée le 25 mars 2009 par la société Novedia solutions ; qu’elle a contesté ce licenciement devant la juridiction prud’homale, qui l’a déclaré sans cause réelle et sérieuse ; qu’elle a par ailleurs saisi le président du tribunal de commerce aux fins de désignation d’un tiers estimateur qui a évalué ses actions à 155 276 euros ; que Mme Y… ayant demandé paiement de cette somme à la société Novedia, celle-ci, déclarant faire application de la décote de 50 % prévue dans le pacte d’actionnaires, lui a remis un chèque d’un montant de 77 638 euros ; que Mme Y… l’a assignée en paiement de la même somme au titre du solde du prix qu’elle estimait lui être dû ;

Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que tout pacte extra-statutaire d’actionnaires étant soumis aux règles de formation des contrats, sa validité est subordonnée à l’existence d’un consentement libre de parties ; qu’il en est ainsi, en particulier, lorsque le salarié devenue actionnaire s’est engagé, aux termes d’un tel pacte, à céder ses titres à un prix largement dégradé en cas de licenciement ; qu’en l’espèce, en se bornant à retenir que le pacte litigieux revêtait une force obligatoire, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si sa qualité de salariée de la société Smart up, signataire de ce pacte aux côtés de son actionnaire majoritaire, la société Smart up finance, n’avait pas placée Mme Y… dans un lien de subordination qui lui avait interdit d’exprimer librement son consentement aux modalités d’évaluation des droits sociaux promis à la cession, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1101 du code civil, ensemble l’article 1134 de ce même code ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des conventions qui leur sont soumises ; qu’en l’espèce, il ressort des termes clairs et précis du pacte d’associés litigieux non seulement que l’employeur de Mme Y… était intervenu à sa signature aux côtés de son actionnaire majoritaire, la société Smart up finance, mais qu’il avait la qualité de partie ; qu’en retenant néanmoins que Mme Y… avait exclusivement contracté avec la société Novedia (venant aux droits de la société Smart up finance), qui n’était pas son employeur, la cour d’appel a dénaturé le pacte litigieux et violé l’article 1134 du code civil ;

3°/ que l’obligation contractée sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite est dépourvue d’effet ; que la licéité de la cause s’apprécie au regard des mobiles ayant déterminé l’engagement des parties ; qu’en l’espèce, l’engagement de Mme Y…, salarié et actionnaire de la société Smart up, de rétrocéder ses titres à un prix dégradé en cas de démission ou de licenciement trouvait sa cause dans l’imputabilité de la rupture contractuelle envisagée, ce qui supposait qu’elle fût licite ; qu’en retenant néanmoins que l’engagement litigieux trouvait sa cause dans l’équilibre général recherché par les parties dans leurs relations contractuelles, de sorte que la licéité du licenciement envisagé était sans effet sur la validité de cet engagement, la cour d’appel a violé l’article 1131 du code civil, ensemble l’article 1134 du même code ;

4°/ qu’en vertu du droit de propriété attaché aux parts sociales, tout actionnaire a le droit d’en négocier librement le prix de cession ; qu’en l’espèce, en retenant que Mme Y… avait pu valablement s’engager à céder ses parts à un prix dégradé en cas de licenciement, qu’il fût fondé ou non sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a méconnu le principe de libre négociabilité des parts sociales et violé l’article 544 du code civil, ensemble l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5°/ qu’est prohibée, à l’encontre du salarié, toute sanction pécuniaire non prévue par la loi ; que le fait pour un employeur d’obtenir d’un salarié, auquel il avait été attribué gratuitement des parts sociales à titre de complément de rémunération, l’engagement de rétrocéder ses parts à moindre prix en cas de licenciement, fût-il illicite, constitue incontestablement une sanction pécuniaire déguisée ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à retenir que l’engagement litigieux avait été contracté par Mme Y… à l’égard de la société Smart Up finance qui n’était pas son employeur ; qu’en se déterminant par ce seul motif, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si cet engagement litigieux, en ce qu’il contraignait la salarié à céder ses parts sociales à moindre prix en cas de licenciement fût-il illicite, ne constituait pas une sanction pécuniaire déguisée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1331-2 du code du travail ;

Mais attendu, de première part, que Mme Y… ayant fait valoir que son statut de salariée lui avait interdit de négocier librement les clauses qui lui avaient été soumises, non à l’appui d’une demande d’annulation pour vice du consentement de la convention du 3 avril 2006, qu’elle n’a pas formée, mais au soutien de son argumentation tendant à voir juger que les dispositions de l’article 1843-4 du code civil étaient applicables, la cour d’appel n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;

Attendu, de deuxième part, que Mme Y… ayant soutenu « qu’en réalité », le pacte d’associés avait été conclu entre deux personnes entre lesquelles existait un lien de subordination et qu’elle s’était vu imposer la clause de l’article 6.2.2 du pacte d’associés par son employeur, c’est sans dénaturer la convention litigieuse que la cour d’appel, qui n’a pas dit que Mme Y… avait « exclusivement contracté avec la société Novedia », a relevé qu’elle soutenait à tort qu’elle était dans un lien de subordination avec cette dernière, qui n’était pas son employeur ;

Attendu, de troisième part, qu’ayant relevé que la clause prévoyant la décote de la valeur des actions en cas de licenciement participait de l’équilibre général du contrat et s’inscrivait dans un processus d’amélioration de la rémunération de l’intéressée mais également d’association à la gestion et d’intéressement au développement de la valeur de l’entreprise, en contrepartie de son activité au profit de cette entreprise, la cour d’appel en a justement déduit que la cause de la convention litigieuse n’était pas illicite ;

Attendu, encore, qu’il ne résulte ni des conclusions ni de l’arrêt que Mme Y… ait soutenu devant la cour d’appel que son engagement était incompatible avec le principe de libre négociabilité des actions et les dispositions visées par la quatrième branche ; que ce grief est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, enfin, que la clause d’un pacte d’actionnaires passé entre un salarié, détenant des actions de la société qui l’emploie, dont partie lui a été remise à titre gratuit, et la société mère de son employeur, en présence de ce dernier, prévoyant que le salarié promet irrévocablement de céder la totalité de ses actions en cas de perte de cette qualité, pour quelque raison que ce soit, et qu’en cas de cessation des fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des titres serait le montant évalué à dire d’expert dégradé du coefficient 0,5, ne s’analyse pas en une sanction pécuniaire prohibée, en ce qu’elle ne vise pas à sanctionner un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, dès lors qu’elle s’applique également dans toutes les hypothèses de licenciement autre que disciplinaire ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués par la cinquième branche, l’arrêt se trouve justifié ;

D’où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille seize.MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme Y…

IL EST FAIT GRIEF A L’ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D’AVOIR dit que les stipulations de l’article 6.2.2 du pacte d’associé de la société SMART UP convenu entre la société SMART UP FINANCE (aux droits de laquelle se trouve la société NOVEDIA) et Mme Y… lui étaient opposables et d’avoir déboutée celle-ci de sa demande en paiement de la somme de 77.638 euros en principal,

AUX MOTIFS PROPRES QUE le pacte d’associés en date du 3 avril 2006 contenait les dispositions suivantes sous l’article 6 intitulé « Perte de la Qualité de salarié de Madame O… » : « 6.1. Engagements réciproques irrévocables de céder de la Salariée et d’acquérir des autres Parties : En cas de perte par la Salariée de sa qualité de salarié de la Société, pour quelque cause que ce soit (démission, licenciement, décès ou invalidité entraînant l’impossibilité de poursuive l’exécution du contrat de travail), la Salariée, promet, de manière irrévocable, de céder aux autres Parties, qui s’engagent à acheter ou faire acheter, la totalité des Titres de la Société que la Salariée détiendra au prix de cession déterminé à l’article 6.2 ci-dessous. [ … ]. 6.2.2 « Prix en cas de licenciement pour motif autre que faute grave ou lourde » : en cas de cessation des fonctions pour cause de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix de cession des titres sera le montant évalué à dire d’expert dégradé du coefficient 0,5. L’expert en charge de l’évaluation de prix sera désigné d’un commun accord entre les Parties et leurs ayants droits ou, en cas de désaccord, par décision du Président du Tribunal de commerce compétent statuant en référé et sans recours possible » ; qu’il avait été prévu à l’article 6.3 de ce même pacte « Exécution des promesses » les modalités de réalisation, sauf meilleur accord des parties, des cessions de titres objet des promesses synallagmatiques visées à l’article 6.1. ; que les dispositions de l’article 1843-4 du code civil, qui avaient pour finalité la protection des intérêts de l’associé cédant, étaient sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en oeuvre d’une promesse synallagmatique de vente librement consentie entre associés dans un pacte extrastatutaire, comme en l’espèce dans le pacte du 3 avril 2006 ; qu’en effet, cette convention n’entrait pas dans le champ d’ application de ce texte qui ne s’imposait que lorsque l’obligation de cession des droit s sociaux de l’associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, résultait de dispositions légales ou statut aires et ne relevait donc pas d’une obligation purement contractuelle ; que les parties avaient conclu une convention entre associés dont l’objet était d’assurer moyennant un prix librement et valablement convenu, déterminable, la transmission des droits sociaux par Mme Y…, en cas de perte de sa qualité de salarié de la société NOVEDIA SOLUTIONS, contenant une promesse synallagmatique de vente ; que cette convention, qui faisait la loi des parties, ne pouvait être révoquée par la seule volonté d’une seule d’entre elles ; que Mme Y… était mal fondée à demander que lui soient déclarées inopposables les dispositions du pacte d’associés qu’elle avait signé ; que Mme Y… soutenait à tort qu’elle était dans un lien de subordination avec la société NOVEDIA, signataire de la convention conclue, laquelle n’était pas son employeur ; que par ailleurs, Mme Y… ne justifiait pas du caractère abusif de la clause prévoyant la décote de la valeur de cession en cas de licenciement ; que cette clause participait en effet de l’équilibre général du contrat qui s’inscrivait dans un processus d’amélioration de la rémunération de l’intéressée mais également d’association à la gestion et d’intéressement au développement de la valeur de l’entreprise, avantages consentis en contrepartie de son activité au profit de cette entreprise ; que cet équilibre qui résultait de la commune intention des parties justifiait en conséquence le lien établi entre la perte de la qualité de salarié et celle d’associé mais aussi la promesse consentie par Mme Y… de cession de ses droit s sociaux et celle de la société NOVEDIA de rachat des droits sociaux cédés et encore la détermination anticipée d’un commun accord de la valeur de rachat des parts cédées, affectée dans certains cas d’une décote, variant suivant les motifs pour lesquels Mme Y… serait amenée à cesser sa collaboration au sein de l’entreprise ; que la cause de la stipulation contractuelle de la décote de 50 % appliquée en cas de licenciement de Mme Y… pour un motif autre que la faute grave ou lourde résidait précisément dans l’intérêt en considération duquel la société NOVEDIA et Mme Y… avaient conclu le pacte d’associés et l’équilibre contractuel ainsi recherché ; que cette cause n’était pas illicite par le seul fait que la perte de la qualité d’associé et la décote critiquée seraient liés au sort du contrat de travail ; qu’au surplus, ayant été rappelé que Mme Y… était devenue définitivement attributaire gratuitement de 5.198 actions à compter du 18 janvier 2008, évaluées à cette date à une valeur d’acquisition de 34.290 €, les modalités convenues et acceptées par Mme Y… garantissaient le recours à un tiers pour établir la valeur objective et réelle des titres au jour de la cession, laquelle fixée à dire d’expert à 155.276 € n’était d’ailleurs nullement discutée en l’espèce ; qu’enfin, la clause critiquée de l’article 6.2.2. était contenue dans un pacte extra-statutaire qui liait Mme Y… à la société NOVEDIA laquelle n’était pas son employeur et ne constituait pas en conséquence une sanction pécuniaire interdite par l’article L. 1331-2 du code du travail applicable aux sanctions disciplinaires prises par l’employeur ; qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue du litige portant sur la rupture du contrat de travail ; qu’en effet il résultait de l’article 6.2.2. dont l’objet était de définir le « prix de cession en cas de licenciement pour motif autre que la faute grave ou lourde » qu’il était applicable chaque fois que la perte de la qualité d’associé résultait de la cessation des fonctions de l’associé salarié pour cause de licenciement, quelqu’en fût le motif autre que la faute grave ou lourde et que le licenciement prononcé par l’employeur fût fondé ou non sur une cause réelle et sérieuse au sens du droit du travail ; qu’il était acquis que la rupture du contrat de travail par la société NOVEDIA SOLUTIONS résultait d’un licenciement qui n’avait pas été prononcé pour faute grave ou lourde ; que quelle que fût donc l’issue de la procédure pendante devant la chambre sociale de la cour, les dispositions de l’article 6.2.2. étaient applicables ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Mme Y… échouait à démontrer valablement que les dispositions de l’article 1843-4 du code civil ayant permis la détermination de la valeur de ses droits sociaux par l’intervention d’un expert désigné à cet effet auraient vocation à annihiler les stipulations contractuelles de la promesse synallagmatique de vente visée à l’article 6.2.2 du pacte d’associés, dont les parties ne contestaient pas qu’il ait été librement consenti entre elles ; que l’expert, en déterminant la valeur réelle des 6.129 actions détenues par Mme Y…, soit la somme de 155.276 €, avait rendu déterminable le prix de leur cession à la société NOVEDIA, et ce, par application d’un coefficient de dégradation de 0,5 à ladite valeur tel que prévu à l’article 6.2.2 du pacte d’associés, soit la somme de 77.638 €,

ALORS, D’UNE PART, QUE tout pacte extra-statutaire d’actionnaires étant soumis aux règles de formation des contrats, sa validité est subordonnée à l’existence d’un consentement libre de parties ; qu’il en est ainsi, en particulier, lorsque le salarié devenue actionnaire s’est engagé, aux termes d’un tel pacte, à céder ses titres à un prix largement dégradé en cas de licenciement ; qu’en l’espèce, en se bornant à retenir que le pacte litigieux revêtait une force obligatoire, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si sa qualité de salariée de la société SMART UP, signataire de ce pacte aux côtés de son actionnaire majoritaire, la société SMART UP FINANCE, n’avait pas placée Mme Y… dans un lien de subordination qui lui avait interdit d’exprimer librement son consentement aux modalités d’évaluation des droits sociaux promis à la cession, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1101 du code civil, ensemble l’article 1134 de ce même code,

ALORS, D’AUTRE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des conventions qui leur sont soumises ; qu’en l’espèce, il ressort des termes clairs et précis du pacte d’associés litigieux non seulement que l’employeur de Mme Y… était intervenu à sa signature aux côtés de son actionnaire majoritaire, la société SMART UP FINANCES, mais qu’il avait la qualité de partie ; qu’en retenant néanmoins que Mme Y… avait exclusivement contracté avec la société NOVEDIA (venant aux droits de la société SMART UP FINANCE), qui n’était pas son employeur, la cour d’appel a dénaturé le pacte litigieux et violé l’article 1134 du code civil,

ALORS, EN OUTRE, QUE l’obligation contractée sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite est dépourvue d’effet ; que la licéité de la cause s’apprécie au regard des mobiles ayant déterminé l’engagement des parties ; qu’en l’espèce, l’engagement de Mme Y…, salarié et actionnaire de la société SMART UP, de rétrocéder ses titres à un prix dégradé en cas de démission ou de licenciement trouvait sa cause dans l’imputabilité de la rupture contractuelle envisagée, ce qui supposait qu’elle fût licite ; qu’en retenant néanmoins que l’engagement litigieux trouvait sa cause dans l’équilibre général recherché par les parties dans leurs relations contractuelles, de sorte que la licéité du licenciement envisagé était sans effet sur la validité de cet engagement, la cour d’appel a violé l’article 1131 du code civil, ensemble l’article 1134 du même code,

ALORS, PAR AILLEURS, QU’en vertu du droit de propriété attaché aux parts sociales, tout actionnaire a le droit d’en négocier librement le prix de cession ; qu’en l’espèce, en retenant que Mme Y… avait pu valablement s’engager à céder ses parts à un prix dégradé en cas de licenciement, qu’il fût fondé ou non sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel méconnu le principe de libre négociabilité des parts sociales et violé l’article 544 du code civil, ensemble l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

ALORS, ENFIN, QU’est prohibée, à l’encontre du salarié, toute sanction pécuniaire non prévue par la loi ; que le fait pour un employeur d’obtenir d’un salarié, auquel il avait été attribué gratuitement des parts sociales à titre de complément de rémunération, l’engagement de rétrocéder ses parts à moindre prix en cas de licenciement, fût-il illicite, constitue incontestablement une sanction pécuniaire déguisée ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à retenir que l’engagement litigieux avait été contracté par Mme Y… à l’égard de la société SMART UP FINANCE qui n’était pas son employeur ; qu’en se déterminant par ce seul motif, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si cet engagement litigieux, en ce qu’il contraignait la salarié à céder ses parts sociales à moindre prix en cas de licenciement fût-il illicite, ne constituait pas une sanction pécuniaire déguisée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1331-2 du code du travail.

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