Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-10.966, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 15 juin 2016, n° 15-10.966
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-10.966
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Dijon, 16 novembre 2014
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000032732797
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:C100664
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Texte intégral

CIV. 1

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 15 juin 2016

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 664 FS-D

Pourvoi n° E 15-10.966

Aide juridictionnelle totale en défense

au profit de M. A… W….

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 18 septembre 2015.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Dijon, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 17 novembre 2014 par la cour d’appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. A… W…, domicilié […] ,

2°/ au procureur général près la cour d’appel de Dijon, domicilié […] ,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 18 mai 2016, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Wallon, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Verdun, Ladant, Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, M. Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Drouet, avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Wallon, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat du bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Dijon, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. W…, l’avis de M. Drouet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué ( Dijon, 17 novembre 2014), que, par lettre non confidentielle du 27 janvier 2014, M. Q…, avocat de fonctionnaires de police victimes d’un outrage, a invité M. W…, avocat de l’auteur de l’infraction, à lui transmettre le montant des dommages-intérêts alloués par la juridiction pénale ; qu’en réponse, ce dernier lui a envoyé, le 30 janvier suivant, à l’adresse « Amphypolice » au lieu de « immeuble Amphypolis », une lettre, dépourvue de la mention officielle, dans laquelle il déniait à M. Q… la qualité de confrère pour avoir assuré la défense de la « racaille policière », refusait de transmettre à son client la demande d’exécution de la condamnation et, notamment, s’insurgeait contre le fait que, « depuis 1940, la police puisse compter sur la collaboration du barreau pour défendre ses intérêts » ; que le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Dijon (le bâtonnier) a saisi le conseil de discipline, lequel a prononcé, à l’encontre de M. W…, une sanction d’interdiction temporaire d’exercice de la profession d’avocat pendant six mois ;

Attendu que le bâtonnier fait grief à l’arrêt de déclarer juridiquement infondée la sanction disciplinaire prononcée, alors, selon le moyen :

1°/ que toute infraction déontologique commise par un avocat est susceptible de faire l’objet d’une sanction disciplinaire, y compris celle commise à l’occasion d’une correspondance protégée par le secret ; qu’en affirmant que « la force attachée à la confidentialité des avocats » est telle qu’elle « ne permet pas » de sanctionner l’infraction dont cette lettre est le vecteur, la cour d’appel a violé les articles 22 et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

2°/ que le secret dont bénéficie en principe la correspondance entre avocats ne saurait être opposé par l’auteur d’une telle correspondance lorsque celle-ci est de nature à révéler la commission d’une infraction par ce dernier ; qu’en infirmant la décision déférée, après avoir elle-même constaté que la lettre qui avait conduit à une sanction disciplinaire contenait des propos injurieux à l’égard de son destinataire et outrageants à l’égard de la police et du barreau, constitutifs d’infractions pénalement qualifiées, la cour d’appel a de plus fort violé les articles 22 et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Mais attendu qu’ayant énoncé que la lettre litigieuse, non revêtue de la mention officielle, avait été adressée par un avocat à un autre avocat, à l’occasion d’une procédure judiciaire en cours, l’arrêt retient qu’elle est couverte par le secret absolu des correspondances entre avocats édicté par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; que, par ces motifs, la cour d’appel a exactement jugé que les expressions contenues dans cette correspondance entre avocats, visant son destinataire et des tiers, ne constituaient pas l’infraction disciplinaire poursuivie, dès lors que ces propos étaient tenus dans une lettre couverte par le secret professionnel, laquelle n’avait pas été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel, de sorte qu’ils n’étaient pas punissables sous la qualification de diffamation non publique ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Dijon aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Dijon.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé la décision en date du 17 juillet 2014 du conseil de discipline de l’ordre des avocats du barreau de Dijon AUX MOTIFS QUE l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 instaure un secret des correspondances entre avocats, à l’exception de celles portant la mention « lettre officielle » que Me Q… avait donné à son courrier du 27 janvier 2014 le caractère de lettre officielle, ainsi que non couverte par le secret de la correspondance entre avocats ; que le courrier litigieux que Me W… lui avait adressé en réponse ne comportait pas, quant à lui, cette mention ; que si cette correspondance est adressée à « Q… » sans référence à sa profession, avec pour qualificatif non pas le terme de confrère mais celui de « Monsieur », et que son auteur lui fait savoir qu’il ne le considère pas comme son confrère parce que « ceux qui défendent la racaille policière ne sont pas des avocats », il n’en demeure pas moins que ce courrier était bien adressé à Me Q… en sa qualité d’avocat et non de simple citoyen, en réponse à une demande de paiement des indemnités allouées à ses clients, et donc, manifestement, dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours ; que n’étant pas revêtu de la mention « lettre officielle », fût-ce en réponse à un courrier qui l’était, ce courrier entre avocats se trouve couvert par le secret absolu des correspondances entre avocats ; que la jurisprudence de la Cour de cassation est constante en ce sens ; qu’ainsi, c’est à juste titre que Me W… invoque la force attachée à la confidentialité des courriers entre avocats, qui ne permet pas de le sanctionner ; que la décision de sanction prise à son encontre ne peut ainsi qu’être infirmée, sans qu’il soit nécessaire de répondre aux autres moyens ou simples arguments soulevés ; qu’il n’en reste pas moins évident que l’indélicatesse de Me W… vis-à-vis de son confrère qu’il domicilie à Amphypolice au lieu d’Amphypolis, qu’il appelle « Monsieur », dans une lettre dont les références sont « J… c/ Flics », qu’il déconsidère parce qu’il est l’avocat de la « racaille policière », refusant de relayer « sa demande de fric », se double de propos particulièrement virulents à l’égard de la police, dont les membres sont des « alcooliques dégénérés », tandis que le barreau qui défend ses intérêts (en particulier celui de Dijon) est en quelque sorte traité de « collaborateur », avec une allusion à la guerre de 39-45 ; qu’il s’agit là d’appréciations dénuées de toute mesure, outrageantes et injurieuses, qui, entre autres, visaient personnellement Me Q…, et qui sont, quoi qu’en pense Me W…, indignes d’un avocat ; qu’il sera souligné que Me Q… aurait pu utiliser cette correspondance devant le tribunal de police pour la défense de ses intérêts personnels, dès lors qu’il est constamment admis que le secret cède pour les besoins de la propre défense de la victime, afin qu’elle ne soit pas désarmée ; que ce n’est qu’à cette condition que ce document, vecteur de poursuites pénales contre son auteur, aurait pu être ensuite utilisé pour sanctionner celui-ci ; que Me W… doit savoir, pour l’avenir, s’il jugeait utile de récidiver, qu’une procédure pénale ferait perdre son immunité au courrier support de l’infraction qui serait sanctionnée ;

1. ALORS QUE toute infraction déontologique commise par un avocat est susceptible de faire l’objet d’une sanction disciplinaire, y compris celle commise à l’occasion d’une correspondance protégée par le secret ; qu’en affirmant que « la force attachée à la confidentialité des avocats » est telle qu’elle « ne permet pas » de sanctionner l’infraction dont cette lettre est le vecteur, la cour d’appel a violé les articles 22 et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

2. ALORS QUE le secret dont bénéficie en principe la correspondance entre avocats ne saurait être opposé par l’auteur d’une telle correspondance lorsque celle-ci est de nature à révéler la commission d’une infraction par ce dernier ; qu’en informant la décision déférée, après avoir elle-même constatée que la lettre qui avait conduit à une sanction disciplinaire contenait des propos injurieux à l’égard de son destinataire et outrageants à l’égard de la police et du barreau, constitutifs d’infractions pénalement qualifiées, la cour d’appel a de plus fort violé les articles 22 et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

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