Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2016, 15-11.231, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

SOC.

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 21 septembre 2016

Rejet

M. MALLARD, conseiller le plus ancien

faisant fonction de président

Arrêt n° 1621 F-D

Pourvoi n° T 15-11.231

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme D… C…, domiciliée […] ,

contre l’arrêt rendu le 2 décembre 2014 par la cour d’appel d’Orléans (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Val-de-France, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 6 juillet 2016, où étaient présents : M. Mallard, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. David, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. David, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme C…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Val de France, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 2 décembre 2014), que Mme C…, engagée en 1972 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France et exerçant les fonctions d’animatrice « Passerelle », a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions légales sur la rémunération des heures supplémentaires étant de portée générale et d’ordre public, il ne saurait y être dérogé directement ou indirectement, par la mise en oeuvre, au sein de l’entreprise, de règles subordonnant le règlement de ces heures à des conditions particulières de déclaration ou à des formalités spécifiques, ni par l’instauration d’un dispositif de nature à restreindre les moyens de preuve admissibles en la matière ; qu’en l’espèce, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, la cour d’appel s’est déterminée par la circonstance que la salariée s’est privée d’éléments indispensables à asseoir sa demande, dès lors qu’elle n’a pas suivi les règles de déclaration des heures supplémentaires prévues par l’accord d’entreprise du 1er juillet 1997 relatif aux « principes et modalités de recours aux heures supplémentaires », stipulant que le recours aux heures supplémentaires doit faire l’objet d’un accord préalable du responsable hiérarchique lorsque le nombre d’heures supplémentaires à effectuer au cours de la semaine est inférieur ou égal à 8 heures, que toute heure supplémentaire doit donner lieu à récupération dans les deux mois suivant le mois au cours duquel elle a été effectuée et que le paiement doit demeurer exceptionnel et faire l’objet d’une autorisation préalable écrite de l’employeur ; qu’en statuant ainsi, quand les prescriptions de l’accord d’entreprise litigieux ne pouvaient avoir pour objet ni pour effet de faire échec aux dispositions d’ordre public des articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail ni, par conséquent, priver la salariée de la faculté de rapporter par tous moyens la preuve de l’exécution d’heures supplémentaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que la circonstance que le salarié n’ait pas, avant l’accomplissement d’heures supplémentaires, sollicité ou obtenu à cette fin une autorisation expresse de l’employeur, dans les formes et selon les modalités prévues par un accord d’entreprise, ne saurait priver l’intéressé de la faculté de se prévaloir de l’accord tacite de l’employeur si ce dernier a eu connaissance des heures ainsi accomplies ; qu’en estimant dès lors que faute d’avoir respecté les règles de déclaration préalable des heures supplémentaires en vigueur dans l’entreprise, la salariée se prive d’éléments indispensables à asseoir sa demande et de nature à démontrer qu’elle aurait accompli des heures supplémentaires à la demande de l’employeur ou avec sa connaissance, même implicite, sans répondre au moyen de la salariée qui, dans ses conclusions d’appel développées oralement à l’audience, faisait valoir que l’employeur avait nécessairement été informé de l’accomplissement d’heures supplémentaires par la salariée, puisque celle-ci lui remettait régulièrement ses plannings et décomptes d’heures et que l’employeur avait, par courrier du 16 septembre 2011, accepté de régler 46,25 heures supplémentaires à l’intéressée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir relevé que la salariée ne s’était pas conformée aux dispositions de l’accord d’entreprise du 1er juillet 1997 sur les principes et modalités de recours aux heures supplémentaires lui imposant d’obtenir l’accord de son supérieur hiérarchique préalablement à l’accomplissement d’heures supplémentaires, la cour d’appel, répondant aux conclusions, a constaté que l’employeur n’avait pas consenti à la réalisation des heures de travail litigieuses dont il n’avait pas eu connaissance ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme C… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme C…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame C… de sa demande en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’il sera observé, d’abord, que c’est sans preuve à l’appui et sans aucune crédibilité que Madame C… prétend qu’elle n’aurait pas été informée des règles applicables localement en matière d’accomplissement d’heures supplémentaires ; en effet, ces règles sont issues d’un accord d’entreprise du 1er juillet 1997 « sur les principes et modalités de recours aux heures supplémentaires », ayant fait l’objet d’une communication auprès de chaque salarié de l’entreprise par voie de circulaire interne, et qui stipule notamment : que le recours aux heures supplémentaires doit faire l’objet d’un accord préalable du responsable hiérarchique direct lorsque le nombre d’heures supplémentaires à effectuer au cours de la semaine est inférieur ou égal à 8 heures, ce qui est le cas en l’espèce, que toute heure supplémentaire doit donner lieu à récupération dans les deux mois suivant le mois au cours duquel elle a été effectuée, que le paiement doit demeurer exceptionnel et faire l’objet d’une autorisation préalable écrite de la DRH ; il est constant, en l’espèce, qu’aucune de ces conditions n’est remplie par la demande en paiement d’heures supplémentaires présentée par Madame C…, sans que celle-ci justifie d’une impossibilité de s’y conformer ; qu’elle se borne en effet à évoquer des demandes orales ayant précédé la demande écrite, mais sans commencement de preuve à l’appui, ne serait-ce par exemple qu’un courriel à un supérieur hiérarchique pour attirer l’attention sur tel surcroît de travail nécessitant un dépassement d’horaire ; elle n’expose d’ailleurs pas les raisons d’une réclamation écrite apparue soudainement au mois de mai 2011 et portant sur les sept mois antérieurs, avec présentation de fiches horaires non transmises au fur et à mesure au supérieur hiérarchique ; elle ne fait pas état non plus de circonstances qui l’auraient empêchée de déclarer les heures litigieuse à la fin de chaque semaine ou de chaque mois, conformément aux règles internes en vigueur ; il en résulte que Madame C…, en s’abstenant de suivre les règles de déclaration des heures supplémentaires en vigueur dans l’entreprise, se prive d’éléments indispensables à asseoir sa demande, étant rappelé que les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée hebdomadaire normale pour les besoins d’exécution du travail, à la demande de l’employeur ou avec sa connaissance, même implicite ; à cet égard, les propos généraux sur l’importance de la mission Passerelle et sa montée en puissance sont insuffisants pour justifier la nécessité d’accomplir des heures supplémentaires de travail au cours de telle ou telle journée ou semaine, étant rappelé qu’il n’existe aucune trace au dossier de ce que, entre octobre 2010 et avril 2011, Madame C… aurait attiré l’attention de sa hiérarchie sur une surcharge de travail la concernant personnellement ; et la lettre de l’inspection du travail du 17 mai 2011, rédigée sur les seules indications de Madame C… et destinée à appuyer sa demande, ne peut pas être considéré comme une preuve objective de l’accomplissement d’heures supplémentaires connues et tolérées par l’employeur depuis octobre 2010 ; ensuite, il ressort du dossier que la CRCAM Val de France, après étude attentive de tous les éléments soumis à son appréciation, a accepté de reconnaître l’accomplissement, au cours des mois d’octobre 2010 à avril 2011, de 37 heures supplémentaires, liées notamment à des rendez-vous au domicile de clients spécifiques à la mission « Passerelle » et que ces heures majorées ont été récupérées par la salariée au mois de février 2012 ; la lettre du 16 septembre 2011, qui expose dans le détail la position de l’employeur et le détail de son calcul, n’a pas été sérieusement contredite par la salariée ; il en résulte que la demande en paiement d’heures supplémentaires présentée devant la Cour, pour partie en cumul avec la compensation en repos d’ores et déjà obtenue, et, pour une autre part, au titre d’heures non validées par l’employeur pour des motifs précis et objectifs, ne saurait prospérer ; enfin, Madame C… sollicite le paiement d’heures supplémentaires accomplies aux mois de mai, juin et juillet 2011, selon les décomptes présentés à son dossier dans le cours de la présente instance prud’homale, étant relevé qu’elle a persisté à ne pas suivre la procédure de déclaration en vigueur dans l’entreprise, qu’elle n’a pas transmis pour validation par sa hiérarchie les fiches horaires versées à son dossier, que dès le 15 juin 2011, où la demande précédente était à l’étude, l’employeur lui a enjoint de ne plus effectuer d’heures supplémentaires, que tout en demandant paiement d’un total de 126,59 heures qu’elle aurait effectuées d’octobre 2010 à juillet 2011 (y compris les 37 heures d’ores et déjà récupérées), elle présente des fiches aboutissant à un total de 114 heures seulement, que l’employeur oppose avec pertinence ne pas avoir eu connaissance, même implicite, des heures alléguées et déclarées tardivement en toute méconnaissance des règles en vigueur sur l’accomplissement d’heures supplémentaires dans l’entreprise, sans transmission à la hiérarchie pour validation, et, dès lors, non opposables ; au vu des éléments soumis à appréciation de part et d’autre, la demande en paiement d’heures supplémentaires de mai, juin et juillet 2011 n’apparaît pas justifiée et elle sera également rejetée (arrêt, pages 6 à 8) ;

ET AUX MOTIFS, DES PREMIERS JUGES, À LES SUPPOSER ADOPTÉS QU’il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation que seuls les dépassements d’horaires imposés par l’employeur ou par le volume de travail commandé peuvent constituer des heures supplémentaires ; que, précédemment, le Conseil a dit que les horaires de Madame C… étaient des horaires individualisés, mais attendu que la demanderesse n’apporte pas d’éléments quant à une quelconque autorisation ou demande de son employeur pour accomplir ces heures supplémentaires ; que selon l’article L 3171-4 du Code du travail « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » ; que la Cour de cassation a rappelé que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ; que le Conseil de prud’hommes peut constater que les éléments produits par les salariés ne sont pas susceptibles d’étayer leurs demandes ; le Conseil rejette la demande sur les heures supplémentaires (jugement, pages 4 et 5) ;

1°/ ALORS QUE les dispositions légales sur la rémunération des heures supplémentaires étant de portée générale et d’ordre public, il ne saurait y être dérogé directement ou indirectement, par la mise en oeuvre, au sein de l’entreprise, de règles subordonnant le règlement de ces heures à des conditions particulières de déclaration ou à des formalités spécifiques, ni par l’instauration d’un dispositif de nature à restreindre les moyens de preuve admissibles en la matière ;

Qu’en l’espèce, pour débouter Madame C… de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, la Cour d’appel s’est déterminée par la circonstance que la salariée s’est privée d’éléments indispensables à asseoir sa demande, dès lors qu’elle n’a pas suivi les règles de déclaration des heures supplémentaires prévues par l’accord d’entreprise du 1er juillet 1997 relatif aux « principes et modalités de recours aux heures supplémentaires », stipulant que le recours aux heures supplémentaires doit faire l’objet d’un accord préalable du responsable hiérarchique lorsque le nombre d’heures supplémentaires à effectuer au cours de la semaine est inférieur ou égal à 8 heures, que toute heure supplémentaire doit donner lieu à récupération dans les deux mois suivant le mois au cours duquel elle a été effectuée et que le paiement doit demeurer exceptionnel et faire l’objet d’une autorisation préalable écrite de l’employeur ;

Qu’en statuant ainsi, quand les prescriptions de l’accord d’entreprise litigieux ne pouvaient avoir pour objet ni pour effet de faire échec aux dispositions d’ordre public des articles L 3121-22 et L 3171-4 du Code du travail ni, par conséquent, priver la salariée de la faculté de rapporter par tous moyens la preuve de l’exécution d’heures supplémentaires, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.

2°/ ALORS QUE la circonstance que le salarié n’ait pas, avant l’accomplissement d’heures supplémentaires, sollicité ou obtenu à cette fin une autorisation expresse de l’employeur, dans les formes et selon les modalités prévues par un accord d’entreprise, ne saurait priver l’intéressé de la faculté de se prévaloir de l’accord tacite de l’employeur si ce dernier a eu connaissance des heures ainsi accomplies ;

Qu’en estimant dès lors que faute d’avoir respecté les règles de déclaration préalable des heures supplémentaires en vigueur dans l’entreprise, l’exposante se prive d’éléments indispensables à asseoir sa demande et de nature à démontrer qu’elle aurait accompli des heures supplémentaires à la demande de l’employeur ou avec sa connaissance, même implicite, sans répondre au moyen de Madame C… qui, dans ses conclusions d’appel développées oralement à l’audience, faisait valoir que l’employeur avait nécessairement été informé de l’accomplissement d’heures supplémentaires par la salariée, puisque celle-ci lui remettait régulièrement ses plannings et décomptes d’heures et que l’employeur avait, par courrier du 16 septembre 2011, accepté de régler 46,25 heures supplémentaires à l’intéressée, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

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