Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 décembre 2016, 15-19.509, Publié au bulletin

  • Montant des dommages allégués et prix du transport·
  • Effet interruptif de prescription·
  • Faute inexcusable du transporteur·
  • Prescription annale (article l·
  • 133-6 du code de commerce)·
  • Compensation unilatérale·
  • Applications diverses·
  • Domaine d'application·
  • Caractère irrégulier·
  • Contrat de transport

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En application de l’article 18.2. du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique, approuvé par décret n° 99-269 du 6 avril 1999, est irrégulière la compensation unilatérale entre le montant des dommages allégués et le prix du transport, à laquelle un donneur d’ordre procède sans l’accord du transporteur, qui en a contesté le principe.

Cette compensation irrégulière n’ayant pu interrompre le délai de prescription prévu par l’article L. 133-6 du code de commerce, ouvert, après la perte de la marchandise, au donneur d’ordre pour invoquer la faute inexcusable du transporteur, la demande reconventionnelle formée à ce titre par le donneur d’ordre après l’expiration du délai d’un an est irrecevable comme prescrite

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 13 décembre 2016

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 1115 FS-P+B

Pourvoi n° R 15-19.509

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Transports Coutarel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

contre l’arrêt rendu le 12 mars 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l’opposant à la société Bourgey Montreuil francilienne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 8 novembre 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Lecaroz, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Guérin, Mme Vallansan, MM. Marcus, Remeniéras, Mmes Vaissette, Bélaval, M. Cayrol, conseillers, M. Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, Jollec, Barbot, conseillers référendaires, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lecaroz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de la société Transports Coutarel, de Me Bertrand, avocat de la société Bourgey Montreuil francilienne, l’avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que la société Bourguey Montreuil francilienne (la société BMF) a confié à la société Transports Coutarel (la société Coutarel) le transport d’appareils électro-ménagers ; que, dans la nuit du 4 au 5 mars 2010, la marchandise a été volée ; qu’étant débitrice envers la société Coutarel des frais de diverses opérations de transport, la société BMF lui en a réglé le montant le 25 février 2011, mais sous déduction d’une somme de 31 072,95 euros, représentant la totalité de la valeur des marchandises dérobées ; que contestant cette réfaction, la société Coutarel a assigné, le 30 septembre 2011, la société BMF en paiement du montant total de ses factures ; que la société BMF a formé, le 20 juin 2012, une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 31 072,95 euros à titre de dommages-intérêts, en invoquant la faute inexcusable du transporteur, et a demandé la compensation de sa créance de dommages-intérêts avec celle du transporteur ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 133-6, alinéa 1, et L. 133-8 du code de commerce ;

Attendu que seuls les cas de fraude ou d’infidélité prévus par le premier de ces textes, qui ne se confondent pas avec la faute inexcusable prévue par le second, en ce qu’ils supposent de la part du transporteur à l’égard de son cocontractant une volonté malveillante, une déloyauté ou une dissimulation du préjudice causé à l’expéditeur ou au destinataire, sont de nature à faire échec à la prescription d’un an des actions auxquelles peut donner lieu le contrat de transport ;

Attendu que pour dire que la société Coutarel était débitrice de dommages-intérêts envers la société BMF et que la compensation effectuée par cette dernière le 25 février 2011 avait éteint les créances et dettes réciproques des parties au titre des prestations de transport réalisées le 4 mars 2010, l’arrêt retient que, la société Coutarel ayant commis une faute inexcusable dans l’exécution du contrat de transport, le délai de prescription de droit commun de cinq ans s’appliquait ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 18.2. du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique, approuvé par décret du 6 avril 1999 ;

Attendu que l’imputation unilatérale du montant des dommages allégués sur le prix du transport est interdite ;

Attendu que pour dire que la société Coutarel était débitrice de dommages-intérêts à concurrence de la somme de 31 072,95 euros et que la compensation effectuée le 25 février 2011 avait éteint les créances et dettes réciproques des parties au titre des prestations de transport réalisées le 4 mars 2010, l’arrêt retient que l’article 18.7. du contrat type général dispose qu’en cas de perte ou d’avarie partielles ou totales de la marchandise, le transporteur a droit au paiement du prix du transport, mais sous réserve qu’il règle l’indemnité correspondante ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la compensation à laquelle la société BMF avait procédé le 25 février 2011 sans l’accord de la société Coutarel, qui en a contesté le principe, était irrégulière, de sorte que, cette compensation n’ayant pu interrompre le délai de prescription d’un an ouvert après la perte de la marchandise à la société BMF pour invoquer la faute inexcusable du transporteur à l’appui de sa demande reconventionnelle, cette dernière demande était irrecevable comme prescrite, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 mars 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Condamne la société Bourgey Montreuil francilienne aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Transports Coutarel la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Transports Coutarel

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR décidé que le transporteur (la société Transports Coutarel, l’exposante) avait commis une faute inexcusable ;

AUX MOTIFS QUE le rapport d’expertise amiable avait conclu à l’absence de faute du chauffeur « compte tenu des impératifs de livraison et de l’obligation pour le chauffeur d’effectuer sa coupure de nuit » ; que l’expert observait que si celui-ci avait stationné son véhicule sur la route nationale, celle-ci était éclairée et il n’était pas démontré qu’il aurait pu le stationner en un autre lieu plus fréquenté et plus sécurisé, les aires sécurisées se situant respectivement à 200 kms au nord et à 300 kms au sud ; qu’il ajoutait que la route nationale 6 « était très fréquentée de jour comme de nuit » ; que le chauffeur devait effectivement effectuer sa coupure de nuit et ne pouvait en conséquence poursuivre sa route jusqu’à un lieu de stationnement pourvu de sécurité ; que la société Transports Coutarel affirmait que son véhicule était cadenassé et bénéficiait d’un système de protection par des rideaux anti-effraction et que les voleurs avaient détruit le cadenas et étaient donc entrés par effraction dans le camion ; que la société BM Francilienne contestait la présence d’un cadenas et faisait valoir que les rideaux anti-effraction étaient en réalité les portes de la remorque ; que le chauffeur, entendu le 5 mars 2010 à 7h15, soit immédiatement après les faits, avait indiqué avoir constaté que les portes arrière de la remorque étaient entrouvertes et qu’il manquait des colis ; qu’il avait aussi précisé avoir relevé la présence de DVD qui ne lui appartenaient pas sur le sol ; qu’en revanche, il n’avait fait état d’aucune effraction et n’avait mentionné la présence d’aucun cadenas qui aurait été forcé ; que lors de l’expertise contradictoire organisée le 18 mars sur les lieux, n’avait pas été mentionnée la présence d’un cadenas ; que s’il y avait eu un cadenas et quand bien même celui-ci aurait été jeté dans la nature par les malfaiteurs, ce que soutenait la société Transports Coutarel, le chauffeur aurait été en possession de la clé de celui-ci et en aurait fait mention ; qu’il résultait de ces éléments que le véhicule avait été laissé en stationnement toute la nuit, portes seulement fermées sans qu’il eût été apposé un cadenas ; que cette mesure élémentaire constituait une précaution minimum et élémentaire de la part d’un transporteur, d’autant qu’il savait qu’en raison des coupures réglementaires, son chauffeur aurait à stationnner son véhicule en un lieu dépourvu de tout gardiennage durant toute une nuit ; qu’il importait peu que les parois de la remorque eussent bénéficié de rideaux renforcés dès lors que l’accès par la porte était facilité en l’absence d’un cadenas ; que les circonstances de ce transport exigeaient de la part du transporteur de sécuriser son véhicule ; qu’il avait donc parfaitement conscience de la probabilité du dommage et l’avait acceptée de façon téméraire sans raison valable ;

ALORS QUE, d’une part, pour décider que le transporteur avait commis une faute inexcusable, l’arrêt infirmatif attaqué s’est borné à relever que les portes du camion n’auraient pas été cadenassées pendant le stationnement durant la coupure de nuit du chauffeur ; qu’en se déterminant par ce motif, non susceptible à lui seul de caractériser la faute inexcusable du transporteur, la cour d’appel a violé l’article L. 133-8 du code de commerce ;

ALORS QUE, d’autre part, en se fondant sur la seule circonstance tirée de l’absence de cadenas sur les portes du camion, quand il ressortait par ailleurs de ses constatations que le chauffeur avait stationné pour la nuit sur une route nationale éclairée et très fréquentée de jour comme de nuit et qu’il n’avait aucune autre possibilité de stationnement plus sécurisé, ce dont il résultait qu’aucune faute inexcusable n’était caractérisée, la cour d’appel a violé l’article L. 133-8 du code de commerce ;

ALORS QUE, en outre, pour déduire l’absence de cadenas sur les portes du camion caractérisant, selon lui, la faute inexcusable du transporteur, l’arrêt attaqué a présumé que s’il y avait eu un cadenas, le chauffeur en aurait fait mention, ce qu’il n’avait fait ni lors de la plainte à la gendarmerie, ni lors de l’expertise ; qu’en statuant ainsi, par un motif purement hypothétique, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, enfin, en statuant comme elle l’a fait, sans vérifier, ainsi que le transporteur l’y invitait (v. ses conclusions récapitulatives signifiées le 6 novembre 2014, p. 11, dern. alinéa), si celui-ci avait reçu des instructions particulières relatives à la sécurité de la marchandise, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 133-8 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR décidé qu’un transporteur (la société Transports Coutarel, l’exposante) était redevable de la somme de 31 072,95 euros HT au commissionnaire (la société Bourgey Montreuil Francilienne) et d’AVOIR déclaré que la compensation effectuée le 25 février 2011 avait éteint les créances et dettes réciproques des parties au titre des prestations de transport réalisées le 4 mars 2010 ;

AUX MOTIFS QUE la société Transports Coutarel avait commis une faute inexcusable et qu’elle ne pouvait se prévaloir des limitations de garantie ; qu’en conséquence s’appliquait le délai de prescription de cinq ans ; que la société Transports Coutarel était redevable à la société BM Francilienne de la somme de 31 072,95 euros HT ; que l’article 11.7 du contrat type de sous-traitance stipulait que, « en cas de perte ou d’avaries partielles ou totales de la marchandise dont il est tenu pour responsable, le sous-traitant a droit au paiement du prix de la prestation qu’il a effectuée sous réserve qu’il règle intégralement l’indemnité correspondante » ; que l’article 18.7 du contrat type général énonçait que, « en cas de perte ou d’avaries partielles ou totales de la marchandise, le transporteur a droit au paiement du prix du transport et sous réserve qu’il règle l’indemnité correspondante » ; qu’il résultait de ces dispositions que le transporteur avait droit au paiement de sa prestation de transport sous réserve qu’il eût réglé intégralement l’indemnité correspondante, ce qui n’excluait pas pour autant une compensation entre les créances de transport et le montant des dommages dès lors qu’il existait à ce titre une créance certaine, liquide et exigible ; que le transporteur était responsable des marchandises qu’il transportait et que le montant de sa responsabilité était au moins égal à celui résultant de l’application des limitations de responsabilité prévues par le contrat type soit 750 euros par colis ou 23 euros par kilo ; qu’il résultait des pièces produites que la marchandise se composait de 172 aspirateurs d’un poids total de 1367 kilos et de 104 tables à induction d’un poids total de 1268 kilos ; que la société Transport Coutarel avait signé le procès-verbal de réception mentionnant 46 colis manquants (aspirateurs) et 60 colis manquants (tables) ; que, dès lors, au regard de la situation qui lui était la plus favorable, soit un calcul au poids, la société Transport Coutarel était redevable d’une créance certaine, liquide et exigible de 25 392 euros ; que la société BM Francilienne était fondée à procéder à une compensation à hauteur de cette somme ; que cette compensation avait été opérée le 25 février 2011, soit à l’intérieur du délai d’un an suivant le transport de sorte que la la société BM Francilienne n’était pas prescrite ; que la société Transport Coutarel ne justifiait pas d’une créance supérieure au montant de la somme de 31 072,95 euros dont elle était redevable au titre du sinistre de sorte que la compensation effectuée avait éteint les créances et dettes réciproques ;

ALORS QUE, d’une part, toute action à laquelle le contrat de transport donne lieu est soumise à la prescription annale et que seuls les cas de fraude et d’infidélité font obstacle à cette prescription ; qu’en considérant que, ayant commis une faute inexcusable, le transporteur ne pouvait se prévaloir des limitations de garantie et qu’en conséquence s’appliquait le délai de prescription de cinq ans, quand l’action tendant à voir reconnaître cette faute, qui avait été engagée par son cocontractant après l’expiration du délai légal, était prescrite, la cour d’appel a violé l’article L. 133-6 du code du commerce ;

ALORS QUE, d’autre part, en vertu de l’article 18-2 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises, l’imputation unilatérale du montant des dommages allégués sur le prix du transport est interdite ; qu’en considérant que le commissionnaire était fondé à procéder à une compensation, effectuée unilatéralement le 25 février 2011, entre les sommes qu’il devait au transporteur au titre de contrats exécutés et les indemnités dues par celui-ci au titre de la perte partielle de marchandises pour la raison que les articles 11-7 du contrat type de sous-traitance et 18-7 du contrat type de transport n’excluaient pas une compensation entre les créances du transport et le montant des dommages, la cour d’appel a violé l’article 18-2 susvisé ;

ALORS QUE, en outre, en considérant que le commissionnaire avait légalement pu opérer la compensation, qui avait été effectuée pour un montant de 37 163,25 euros TTC correspondant à la valeur de la marchandise volée, quand, le transporteur contestant avoir commis une faute inexcusable faisant échec à la limitation de sa responsabilité, la créance n’était pas exigible, la cour d’appel a violé les articles 1289 à 1291 du code civil ;

ALORS QUE, enfin, s’analyse en un colis tout objet ou ensemble matériel composé de plusieurs objets, quels qu’en soient le poids, les dimensions et le volume, constituant une charge unitaire lors de la remise au transporteur, même si le contenu en est détaillé dans le document de transport ; qu’en retenant, pour calculer le montant de l’indemnité due par le transporteur, que chaque objet volé constituait un colis, soit un total de 106 colis, quand ces objets étaient disposés dans cinq palettes de sorte que cinq colis avaient été volés, la cour d’appel a violé l’article 2-3 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises.

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