Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 janvier 2017, 16-83.255, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— Mme Georgette X…, épouse Y…,
- M. Claude Z…,
- Mme Christiane A…, épouse Z…,
- M. Philippe B…,
- Mme Fatna B…,
- M. Bertrand C…,
- Mme Anne-Blanche D…, épouse C…,
- Mme Isabelle E…, épouse F…

-M. Yves G…,
- Mme Agnès H…, épouse G…,
- M. Christian I…,
- Mme I…,
- M. Eric J…,
- Mme Véronique K…, épouse J…,
- L’association de défense des victimes de loueurs en meublés Asdevilm, parties civiles,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 20 avril 2016, qui, dans l’information suivie contre la société Apollonia, M. Jean L… et d’autres personnes des chefs, notamment, d’escroquerie commise en bande organisée, faux et usage, publicité de nature à induire en erreur, tromperie, infractions au démarchage bancaire ou financier, exercice illégal de l’activité d’intermédiaire en opération de banque, abus de confiance, abus de biens sociaux au préjudice de la société Apollonia, entrave aux fonctions de commissaire aux comptes, faux et usage de faux en écriture publique authentique par personne chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, blanchiment d’escroquerie en bande organisée, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction refusant d’informer sur certains faits ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 23 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle MATUCHANSKY, POUPOT et VALDELIÈVRE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LE BAUT ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 9 août 2016, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 80, 85, 86, 201 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les requêtes aux fins de mesures d’instructions complémentaires et confirmé l’ordonnance de refus de telles mesures en date du 12 février 2016 ;

«  aux motifs propres que l’étendue de la saisine du juge d’instruction doit être appréciée, quant aux faits, au regard des réquisitions aux fins d’informer et des pièces qui leur étaient annexées ; que le réquisitoire introductif contre personne non dénommée, en date du 2 juin 2008, (D534) auquel est annexée la plainte déposée le 15 avril 2008 (D1), vise exclusivement des faits qualifiés d’escroquerie en bande organisée, de faux et d’usage de faux et d’exercice illégal de l’activité d’lOB, délits prévus par le code pénal et le code monétaire et financier, sans référence à des infractions de violation des dispositions des articles L. 312 7 et suivants du code de la consommation relatives à l’envoi et à la réception des offres de crédit immobilier ; que la plainte contre personne non dénommée susvisée adressée au procureur de la République expose le processus mis en oeuvre par la société Apollonia dans l’élaboration de sa politique commerciale qualifiée à titre principal d’escroquerie, de recel et de faux et visant également des délits connexes de tromperie, de publicité mensongère et de pratique commerciale agressive prévus par les articles L. 121-1, L. 212 et L. 213-1 du code de la consommation ainsi que des délits relatifs au démarchage bancaire et financier prévus par le code monétaire et financier ; que si la plainte apparaît également être dirigée contre les banques ayant consenti les crédits en considération de leur qualification de « tiers de mauvaise foi », il est seulement allégué (page 11 de la plainte) que les époux M… et N…, dont il est exposé qu’ils ont reçu l’offre les concernant à leur domicile et qu’ils l’ont signée, n’ont pas personnellement retourné l’offre de prêt acceptée, opération dont la réalisation est imputée au démarcheur, alors que le délit sanctionné par l’article L. 312-33 du code de la consommation ne peut être commis que par le prêteur qui ne respecte pas l’une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8 à L. 312-14 alinéa 2 ou 312-26 ou qui fait souscrire par l’emprunteur ou reçoit de sa part l’acceptation de l’offre sans que celle-ci comporte la date ou comporte une date fausse ; qu’il ne résulte pas des énonciations de la plainte que les offres n’ont pas été envoyées directement par les banques aux emprunteurs, ne comportent pas les mentions légales obligatoires, ou que la date mentionnée est fausse ; que la seule circonstance exposée dans la plainte simple que les offres acceptées n’ont pas été matériellement mises sous enveloppe, affranchies et postées par les emprunteurs :
- circonstance par définition inconnue du prêteur,
- ne constitue pas une dénonciation du délit réprimé par l’article L. 312-33 du code de la consommation, de sorte que le juge d’instruction n’a pas été saisi de tels faits par le réquisitoire introductif qui ne les mentionne pas ; que les réquisitoires supplétifs qui portent sur des faits distincts, notamment sur des faits de faux et usage de faux en écriture publique ou authentique par personne chargée d’une mission de service public (045198) ne mentionnent pas davantage de tels faits ; que les actes postérieurs au réquisitoire introductif ne sont pas de nature à étendre la saisine du juge d’instruction ; qu’à cet égard il convient d’observer que si des mises en examen de certaines banques sont intervenues pour escroquerie en retenant le non-respect des dispositions de la loi Scrivener comme élément constitutif des manoeuvres frauduleuses, ces mises en examen ont toutes été annulées pour absence d’indices graves ou concordants par arrêts de la chambre de l’instruction en date du 6 décembre 2012, ou ont fait l’objet d’une ordonnance du juge d’instruction d’octroi du statut de témoin assisté, le 13 septembre 2013 (d62180) ; que contrairement à ce qui est allégué, la plainte avec constitution de partie civile des époux N… déposée le 2 novembre 2007 devant le juge d’instruction du tribunal d’Aix-en-Provence, qui en tout état de cause ne saisirait le juge d’instruction de l’infraction discutée que pour le seul crédit les concernant, alors que la procédure révèle plus de sept cents autres constitutions de parties civiles incidentes, ne mentionne dans son dispositif (page 14, 85 à 97 in D1840) ; que les délits d’escroquerie, de faux, d’abus de faiblesse, de tromperie et de publicité mensongère, et le réquisitoire introductif du procureur de la République près ledit tribunal en date du 22 septembre 2008, ne mentionne pas davantage le délit sanctionné par l’article L. 312 · 33 du code de la consommation (81 in D1840), de sorte que le juge d’instruction n’a pas été saisi de ce chef au titre de cette plainte avec constitution de partie civile ; qu’en conséquence, les demandes d’auditions et de confrontations n’apparaissent pas utiles à la manifestation de la vérité dès lors qu’elles tendent, selon les parties civiles, à mettre en évidence le délit de violation des dispositions de la loi Scrivener dont le juge d’instruction n’est pas saisi ; qu’il convient en conséquence de confirmer l’ordonnance sur ce point ;

«  et aux motifs adoptés que les demandes d’actes présentées sur le fondement de l’article 82-1 du code de procédure pénale et ci-dessus visées ont pour préalable commun d’inclure dans le champ de notre saisine la violation des dispositions de la loi dite « Scrivener », codifiée aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation (notamment L. 312-7) ; que, toutefois, il est interdit à toute juridiction de statuer sur des faits autres que ceux dont elle est saisie (Crim., 28 octobre 1980, Bull. crim., n° 277 et 16 novembre1987, ibid., n° 405), ce qui justifie les refus d’actes sollicités dans le but de montrer la réalité d’une infraction basée sur des faits non compris dans la saisine du juge d’instruction (Cour de cassation, chambre criminelle, 28 janvier 2014, n° 12-88. 175) ; qu’à ce titre, il importe ici de rappeler que le réquisitoire introductif du 2 juin 2008 ne mentionne pas les faits de violation des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation (notamment L. 312-7)- (D. 534) ; que ce réquisitoire, pris moins de trois mois après le dépôt d’une plainte par les plaignantes, repose sur une plainte visant de nombreux faits pénalement répréhensibles (D1) parmi lesquels seuls ceux retenus de façon expresse et sans ambiguïté par l’autorité de poursuite dans son réquisitoire du 2 juin 2008, ont justifié l’ouverture d’une information judiciaire, définissant ainsi l’étendue de la saisine de la juridiction d’instruction (Crim., 8 décembre 1992 n° 92-3854) ; que s’agissant des faits ayant donné lieu, dans un premier temps, à une plainte avec constitution de partie civile près le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, force est de constater que le réquisitoire introductif pris par le procureur près le tribunal de grand instance d’Aix-en-Provence, le 22 septembre 2008, ne vise pas les faits constitutifs de violation de la loi Scrivener (D. 1840-81) ; que si le réquisitoire du 22 septembre 2008, fait suite à une plainte avec constitution de partie civile reçue le 3 mars 2008 par le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, il convient de relever que la référence visée par le demandeur (D. 1840-75) dans sa demande du 11 décembre 2015, ne concerne pas le texte de la plainte évoquée mais une ordonnance de soit-communiqué du doyen des juges d’instruction, laquelle ne mentionne d’ailleurs pas la violation des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation ; qu’il ressort de la procédure que la plainte initiale des époux N… dont le texte est versé en procédure (D. 1840-97 à 85) ne mentionne aucunement le délit Scrivener (articles L. 312-1 et suiv. du code de la consommation) mais se réfère aux faits d’escroquerie, de faux, d’usage de faux, d’abus de faiblesse, de tromperie et de publicité mensongère ; que, d’ailleurs, à l’occasion d’une « plainte complémentaire » (D. 48197), les époux N… ont eux-mêmes indiqué avoir déjà déposé plainte pour « escroquerie, faux et usage de faux », ce qui tend à confirmer que la plainte avec constitution de partie civile, déposée auprès de la juridiction d’Aix-en-Provence ne portait pas sur les faits de violation des dispositions de la loi Scrivener ; qu’enfin, la seule mention portée sur le soit-transmis du juge d’instruction initialement saisi au tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence (D. 1840-125) pris dans le cadre de son dessaisissement au profil du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Marseille, en tant qu’elle vise les dispositions de l’article L. 312-1 du code de la consommation ne saurait, à elle seule, valoir saisine in rem de la juridiction d’instruction ; que si aux termes de la demande d’acte du 30 avril 2015, le requérant entend démontrer, par l’acte qu’il sollicite, que « les banques » se sont rendues complices du délit d’escroquerie en bande organisée par la violation prétendument systématique des dispositions de la loi dite « Scrivener », il lui sera à nouveau rappelé qu’il résulte de la procédure et notamment des arrêts rendus par la chambre de l’instruction que les faits allégués, à les supposer établis, ne sont en l’espèce pas l’indice d’une complicité des banques au délit d’escroquerie en bande organisée ; qu’en effet, lorsqu’elle procédait à l’annulation des mises en examen des établissements bancaires, la chambre de l’instruction ne manquait pas de rappeler que, nonobstant les multiples fautes, erreurs ou dysfonctionnements qui pouvaient être reprochés aux organismes bancaires dans le traitement des dossiers de prêt proposés aux clients de la société Apollonia, la complicité des faits d’escroquerie en bande organisée supposait que la personne concernée, sciemment par aide ou assistance ait facilité la préparation ou la consommation du délit d’escroquerie, que cette aide ou assistance concomitants ou antérieurs aux faits, ne pouvait se déduire d’une simple abstention, bien qu’une abstention volontaire à empêcher la commission du délit, dès lors que pesait sur la personne une obligation de ne pas se laisser commettre l’infraction puisse néanmoins constituer un cas de complicité (D 65765) ; que, partant, la chambre de l’instruction, a procédé à l’annulation de nombreuses mises en examen d’établissements bancaires (CIFD, CIFRAA, CRCMM, CMEB (D61561-65643-65644) ; que c’est sur le fondement de ce raisonnement, faisant le départ entre l’absence de responsabilité pénale des banques au titre de leur prétendue complicité et leur éventuelle responsabilité civile, que le magistrat instructeur décidait également de prononcer la mise en examen de l’établissement BPI (D62185) ;

«  1°) alors que le juge d’instruction est saisi de l’ensemble des faits visés par le réquisitoire introductif, indépendamment des qualifications provisoirement données ou des textes de lois visés par le ministère public ; que l’étendue de cette saisine est déterminée par le réquisitoire et les pièces qui y sont annexées ; que la plainte déposée le 15 avril 2008 auprès du procureur de la République de Marseille, datée du 10 avril 2008, et jointe au réquisitoire introductif du 2 juin 2008, dénonce, en fait, les conditions d’envoi des offres des prêts et la méconnaissance des formalités et délais de rétractation prescrits par la loi Scrivener ; qu’elle vise expressément « la violation des dispositions des articles L. 312-1 et s. du code de la consommation sur le crédit immobilier sanctionnée par dans le cadre (sic) de l’article L. 312-33 dudit » ; qu’en retenant, néanmoins, que ces faits n’entraient pas la saisine du magistrat instructeur, la chambre de l’instruction a méconnu l’étendue de la saisine et excédé négativement ses pouvoirs ;

«  2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la plainte déposée le 15 avril 2008, indiquait plus précisément que « M. et Mme M…(…) n’ont jamais renvoyé cette offre de prêt ainsi que la loi l’exige. (…) les offres de prêt n’ont jamais été retournées par les plaignants pour acceptation aux banques par voie postale en totale violation des articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation ; que rien n’atteste donc de la volonté expresse des plaignants d’accepter ces offres de crédit et encore moins dans le délai de dix jours imposé par le code de la consommation, compte tenu du déroulement inquiétant des événements ; qu’il devra alors être fait application de l’article L. 312-33 alinéa 2 du code de la consommation à l’encontre des banques qui dispose : « Le prêteur qui fait souscrire par l’emprunteur ou les cautions déclarées, ou reçoit de leur part l’acceptation de l’offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu’elle a été donnée après expiration du délai de dix jours prescrit à l’article L. 312-10, sera puni d’une amende de 300 000 euros » ; que de la même manière, M. N… atteste n’avoir jamais renvoyé les offres de prêt, il semble bien que ce procédé soit généralisé ; que la date indiquée sur les documents bancaires est totalement fictive, indiquée par les démarcheurs qui sont venus récupérer les offres de crédit aux domiciles des plaignants dès réception ; que ces derniers n’ont donc jamais pu profiter du délai de réflexion légal d’ordre public » (plainte, p. 11) ; qu’en retenant que la plainte n’aurait été dirigée contre les banques qu’en considération de leur qualification de tiers de mauvaise foi dans des faits d’escroquerie et « qu’il ne résulte pas des énonciations de la plainte que (…) la date mentionnée est fausse », la chambre de l’instruction, qui a dénaturé la plainte déposée le 15 avril 2008, s’est mise en contradiction avec les pièces de la procédure ;

«  3°) alors que le juge d’instruction est saisi de l’ensemble des faits visés par la plainte avec constitution de partie civile indépendamment des qualifications données à ces faits par le réquisitoire pris aux fins d’informer ou des textes de lois qu’il vise ; que, dans le cadre de l’information initialement ouverte devant le juge d’instruction d’Aix-en-Provence et qui a été jointe à la présente procédure, après dépôt d’une plainte simple auprès du procureur de la République datée du 2 novembre 2007, les époux N… ont déposé une plainte avec constitution de partie civile datée du 3 mars 2008, qui mentionnait expressément que « les offres de prêt ont été renvoyées au domicile des plaignants mais remises en fait par Apollonia aux banques après signature par les plaignants. Les formalités et délai de rétractation prescrits par la loi Scrivener n° 79. 596 du 13 juillet 1979 codifiée aux articles L. 312-1 et 5 du code de la consommation n’ont donc pas pu être respectées » (p. 9) et qui visait « la violation des dispositions des articles L. 312-1 et s. du code de la consommation sanctionnée par l’article L. 312-33 dudit code » ; qu’après consignation, cette plainte a été communiquée pour réquisitions au procureur de la République par soit transmis du 18 septembre 2008 ; qu’un réquisitoire aux fins d’informer a été consécutivement pris le 22 septembre 2008, au visa de cette plainte ; qu’en estimant que les faits de violation de la loi Scrivener n’étaient pas inclus dans la saisine, aux motifs inopérants que la plainte préalable du 2 novembre 2007 et le réquisitoire du 22 septembre 2008 ne visent pas l’article L. 312-33 du code de la consommation, la chambre de l’instruction a excédé négativement ses pouvoirs ;

« 4°) alors qu’en confondant la plainte initiale déposée le 2 novembre 2007 auprès du procureur de la République avec la plainte avec constitution de partie civile datée du 3 mars 2008 et en retenant consécutivement que la plainte avec constitution de partie civile ne mentionne pas le délit sanctionné par l’article L. 312-33 du code de la consommation, la chambre de l’instruction s’est de nouveau mise en contradiction avec les pièces de la procédure » ;

Vu les articles 80, alinéa 1er, et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que le visa, dans le réquisitoire introductif, des pièces qui y sont jointes, équivaut à une analyse desdites pièces, lesquelles déterminent, par les indications qu’elles contiennent, l’objet exact et l’étendue de la saisine du juge d’instruction ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 10 avril 2008, le procureur de la République d’Aix-en-Provence a été destinataire d’une plainte collective déposée par une trentaine de personnes dénonçant les agissements frauduleux de la société Apollonia, ayant pour activité la commercialisation de programmes immobiliers, et de son dirigeant, M. Jean L…, susceptibles de constituer les délits d’escroquerie, de faux et usage, d’exercice illégal de la profession d’intermédiaire de banque et de violation des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation régissant le crédit immobilier applicables à l’époque des faits  ; que les plaignants, issus pour la plupart du milieu médical et disposant de revenus confortables, relataient qu’ils avaient subi un démarchage agressif et mensonger de la part des commerciaux de la société en cause pour les convaincre d’acquérir, à un prix manifestement surévalué, des biens immobiliers éligibles au dispositif de loueur en meublé professionnel (LMP), les faisant bénéficier d’une défiscalisation avantageuse, à condition, toutefois que le revenu annuel de cette activité, supérieur à 23 000 euros, représente plus de 50 % des ressources du foyer fiscal  ; qu’afin de répondre à ces exigences, les clients de la société Apollonia avaient été contraints de multiplier les acquisitions, accroissant ainsi progressivement leur endettement dont le niveau avait, d’ailleurs, excédé celui de leurs revenus locatifs  ; que les intéressés précisaient que, pour les mettre en confiance, les commerciaux de la société Apollonia faisaient valoir que celle-ci travaillait avec un réseau de professionnels partenaires, promoteurs, notaires et établissements bancaires, lesquels, selon les termes de la plainte, et pour répondre au souhait de M. L… d’accélérer la procédure, avaient tout mis en œuvre afin de les tenir à l’écart du processus de vente, les notaires leur faisant signer des procurations authentiques dans des conditions irrégulières tandis que les établissements bancaires, qui ne les avaient jamais reçus, d’une part, avaient accepté des dossiers contenant, notamment, des relevés bancaires manifestement falsifiés ou tronqués afin de dissimuler le niveau d’endettement des emprunteurs, ou présentant des anomalies flagrantes (demandes de prêt non signées ou non datées ou mentionnant une date postérieure à celle de l’offre de prêt), d’autre part, avaient enfreint les règles du code de la consommation relatives au crédit immobilier concernant, notamment, le formalisme des offres de prêt et le délai de rétractation prévus par les articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation ; qu’ainsi la plainte relève notamment que, d’une part, l’offre de prêt des époux M… ne leur a pas été adressée par la voie postale mais leur a été présentée par un commercial de la société Apollonia qui s’est chargé de recueillir leur signature à leur domicile, d’autre part, les dates indiquées sur certaines offres de prêt étaient fictives, privant ainsi les clients de la société Apollonia du délai de réflexion de dix jours imposé par la loi ; que le 2 juin 2008, le procureur de la République a ouvert une information des chefs d’escroquerie en bande organisée, faux et usage, exercice illégal de l’activité d’intermédiaire en opérations de banque, au cours de laquelle près de 680 victimes se sont manifestées pour la plupart dans les mêmes termes que ceux de la plainte initiale ;

Attendu que, le 22 septembre 2008, les époux N…, associés à la plainte initiale, ont déposé plainte avec constitution de partie civile des chefs d’escroquerie, faux et usage, tromperie, violation des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, publicité mensongère, exercice illégal de l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et infractions à la législation sur le démarchage bancaire et financier, dénonçant notamment le non-respect des dispositions relatives au délai de rétractation prescrit « par la loi Scrivener n° 79-596 du 13 juillet 1979 codifiée aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation » (page 9 de la plainte) et insistant sur la généralisation de ces pratiques ; que le 26 février 2009, le juge d’instruction, en charge de l’information ouverte sur cette constitution des chefs de faux et usage, escroquerie, publicité mensongère, tromperie, infractions à la législation sur le démarchage bancaire et financier, s’est dessaisi au profit du magistrat chargé d’instruire la première plainte  ;

Attendu que, dans le cadre de cette information, certains des établissements de crédit ainsi que leurs salariés ou directeurs d’agence mis en cause par les parties civiles ont été mis en examen du chef de complicité d’escroquerie en bande organisée ; que par trois arrêts rendus le 6 décembre 2012, la chambre de l’instruction a prononcé l’annulation de la mise en examen des premiers aux motifs, notamment, que la mise en évidence d’anomalies résultant de la violation des dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne permettait toutefois pas de caractériser l’élément intentionnel du délit de complicité d’escroquerie en bande organisé ; qu’en outre, courant 2013, certains des employés de ces organismes ont bénéficié du statut de témoin assisté  ;

Attendu que, par déclarations des 11 et 18 février, 30 avril, 10 mai, 4 juin et 11 décembre 2015 et du 19 janvier 2016, certaines des parties civiles ont présenté des demandes d’actes tendant à la caractérisation des violations des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation ; que, par ordonnance du 12 février 2016, le juge d’instruction a rejeté certaines de ces demandes au motif qu’il n’était pas saisi de ces faits ; que Mme E…, épouse F… et l’association Asdevilm ont interjeté appel de cette décision ;
que d’autres parties civiles, dont les demandes d’actes sont demeurées sans réponse, ont saisi directement la chambre de l’instruction sur le fondement de l’article 82-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que, pour confirmer l’ordonnance du juge d’instruction, l’arrêt énonce que la complexité des escroqueries dont est saisi ce magistrat n’implique pas une violation volontaire systématique par les banques de leurs obligations en matière de crédit immobilier ; que si le réquisitoire introductif ne vise pas les infractions aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, ni les termes de la plainte collective, ni ceux de la plainte avec constitution de partie civile des époux N… ne relatent des faits entrant dans le champ d’application de ces textes ; que les juges ajoutent qu’aucun acte postérieur n’étend la saisine du juge d’instruction à ces faits précis ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, par des motifs qui dénaturent les termes de la plainte du 8 avril 2008, alors que, nonobstant la qualification choisie par le procureur de la République, les faits expressément relatés dans la plainte annexée au réquisitoire introductif entrent dans la saisine du juge d’instruction, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-En-Provence, en date du 20 avril 2016, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-En-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-En-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.



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