Cour de cassation, Chambre civile 2, 8 juin 2017, 16-20.641, Inédit

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Sur la décision

Texte intégral

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 8 juin 2017

Rejet

Mme FLISE, président

Arrêt n° 862 F-D

Pourvoi n° S 16-20.641

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Anne X…, domiciliée […],

contre l’arrêt rendu le 17 mai 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme Jacqueline Y…, épouse X…, domiciliée […], représentée par son tuteur, M. Jean-François Z…, domicilié […],

2°/ à la société Cardif assurance vie, société anonyme, dont le siège est […],

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 10 mai 2017, où étaient présents : Mme Flise, président, M. A…, conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Parchemal, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. A…, conseiller référendaire, les observations de Me F…, avocat de Mme X…, de Me B…, avocat de la société Cardif assurance vie, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme Y…, représentée par son tuteur, M. Z…, l’avis de M. Grignon C…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2016), que Jean Y…, qui avait adhéré le 14 août 1996 à un contrat collectif d’assurance sur la vie souscrit par une banque auprès de la société Natio vie, aux droits de laquelle vient la société Cardif assurance vie (l’assureur), et désigné, lors de la signature du contrat, sa soeur, Mme Y…, en qualité de bénéficiaire, est décédé le […] ; que se prévalant d’une lettre adressée le 25 août 2011 à l’assureur par Jean Y…, mentionnant de la main de ce dernier « changement de bénéficiaire le 19 août 2011 » et comportant modification, selon elle, de la clause bénéficiaire à son profit, sa nièce, Mme X…, a sollicité le versement du capital garanti ; que devant le refus de l’assureur, Mme X… l’a assigné en paiement de ce capital et en dommages-intérêts ; que l’assureur a appelé en la cause Mme Y…, représentée par son tuteur, M. Z… ;

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu’aucune preuve impossible ne pouvant être exigée d’un plaideur, la charge de la preuve du contenu d’un courrier pèse, envers un tiers, sur celui qui l’a reçu ; qu’en l’espèce, il est constant que le courrier recommandé du 25 août 2011 adressé par Jean Y… à l’assureur a été reçu par ce dernier ; qu’en la déboutant néanmoins de ses prétentions à l’encontre de l’assureur, aux motifs qu’elle ne prouvait pas le contenu de ce courrier dont elle n’était ni l’auteur ni le destinataire et qu’elle ne détenait pas, la cour d’appel, qui a fait peser sur elle une preuve impossible, a violé l’article 1315 du code civil, ensemble le principe des droits de la défense et l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits des l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le défaut de production par une partie d’une pièce qu’elle est seule à détenir et qui est de nature à prouver le bien-fondé des prétentions d’une autre partie, qui se trouve dans l’impossibilité de produire ladite pièce, crée pour cette dernière une perte de chance d’établir la réalité de ses droits et lui cause un préjudice certain ; qu’en l’espèce, elle faisait valoir que, si l’assureur avait perdu la lettre litigieuse du 25 août 2011, elle avait commis une faute qui l’avait privé de la chance de pouvoir bénéficier de l’assurance-vie de son oncle ; qu’en la déboutant de toutes ses demandes, après avoir admis la faute de l’assureur, aux motifs que, faute d’établir l’intention du défunt de la désigner comme bénéficiaire, son préjudice n’était qu’hypothétique, bien que cette faute l’ait privée de toute possibilité de prouver le contenu de cette lettre et le fait que celle-ci l’instituait bénéficiaire de l’assurance, ce qui constituait un préjudice certain dans son principe qui devait donner lieu à une indemnisation, la cour d’appel, qui a ainsi refusé de l’indemniser permettant à l’assureur d’éviter toute condamnation grâce à sa propre faute, a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d’abord, que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu qu’il appartenait à Mme X… de prouver la volonté du défunt de la désigner comme bénéficiaire de l’assurance-vie, peu important la perte par l’assureur de la lettre du 25 août 2011 par laquelle Jean Y… aurait manifesté auprès de ce dernier son intention d’un changement de bénéficiaire ; qu’ayant estimé, ensuite, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que Mme X… n’établissait nullement cette volonté, la cour d’appel en a exactement déduit que le préjudice allégué était hypothétique ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me F…, avocat aux Conseils, pour Mme X…

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué,

D’AVOIR confirmé le jugement entrepris et rejeté toutes les demandes de Madame X…, tendant notamment à voir la société Cardif lui verser 134.370,98 € et la participation aux bénéfices, outre intérêts capitalisés, et à l’indemniser de ses entiers préjudices ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Anne X… fait valoir que le défunt l’a désigné sans contestation possible comme légataire universel et comme bénéficiaire du contrat d’assurance vie souscrit auprès de la SA Cardif assurance vie ainsi qu’elle en justifie suffisamment par les pièces qu’elle produit ; qu’elle estime que la perte par la SA Cardif assurance vie de la lettre modifiant la clause bénéficiaire que lui a adressée le défunt par courrier recommandé posté le 25 août 2011 constitue une négligence fautive, en lien direct avec le dommage qu’elle subit, à savoir la perte du capital d’assurance vie ; que la SA Cardif assurance vie affirme que l’appelante n’apporte pas la preuve d’une volonté certaine et non-équivoque du défunt de modifier la clause bénéficiaire en sa faveur, Madame Jacqueline X… concluant également en ce sens ; Considérant que Mme X… recherche la responsabilité de la SA Cardif assurance vie en raison de la perte du courrier qui lui a été adressé le 25 août 2011 ; que l’incapacité de l’assureur à produire le document objet de cet envoi suffit à démontrer sa négligence ; qu’en revanche, et ainsi que le soutiennent les intimées, Mme Anne X… supporte la charge de la preuve du contenu de ce courrier, l’affirmation qu’il s’agissait d’une modification à son profit de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie souscrit par Monsieur Jean Y… n’est pas suffisamment étayée ; qu’en effet la mention incontestablement de la main du défunt portée au courrier de la BNP Paribas du 9 mars 2011 « changement de bénéficiaire le 19 août 2011 LR+avis recept » ne comporte aucune indication quant au contenu de la clause, les attestations produites ne venant nullement conforter l’allégation de Madame X… d’une volonté du défunt de la désigner et elle seule comme bénéficiaire de l’assurance vie, cette volonté ne pouvant se déduire de l’institution de Mme Anne X… comme légataire universelle ; qu’elle ne peut pas plus se déduire du courriel par lequel le notaire en charge de la succession de M. Y… incite Madame Anne X… à engager rapidement une procédure, celui-ci ne faisant qu’y reprendre son affirmation quant à l’existence d’une lettre opérant changement de bénéficiaire ; qu’enfin, le document manuscrit communiqué pour la première fois en cause d’appel (la pièce 34 de l’appelante) n’est ni daté, ni signé, qu’il comporte des ratures et surcharges et demeure ambigu dans la mesure où le nom de Mme Anne X… et d’une autre nièce du défunt (raturé) est précédé de la mention « ou par défaut et à part égale à » ; que dès lors, faute pour Madame X… d’établir l’intention du défunt de la désigner bénéficiaire du contrat d’assurance vie, le préjudice dont elle allègue demeure hypothétique, la décision déférée devant être confirmée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « en l’espèce, Madame X… qui se prévaut d’une lettre que son oncle aurait adressée le 25 août 2011 à la société Cardif et portant modification de la désignation du bénéficiaire du contrat d’assurance vie en sa faveur, ne produit pas ce documents. S’il est effectivement établi au vu de l’avis de réception produit et de l’attestation de son auxiliaire de vie, Madame D…, que Monsieur Y… a bien adressé un courrier à la société Cardif à cette date, aucune preuve n’est rapportée du contenu de ce courrier, les défendeurs faisant valoir à juste titre que ce courrier peut avoir été adressé à l’assureur pour de multiples raisons : demande d’arbitrage, rachat partiel ou simple demande d’information. La mention manuscrite figurant sur un document reçu de la société Cardif et daté du 9 mai 2011 est également dénuée de force probante, dès lors qu’elle ne précise pas l’identité du nouveau bénéficiaire, étant au surplus observé que la date du 19 août qui y est indiquée ne correspond pas à la date d’envoi du courrier précité dont se prévaut Madame Anne X…. Enfin, si les attestations et relevés téléphoniques produits attestent indéniablement de relations privilégiées entre Monsieur Y… et sa nièce Madame Anne X…, ce que confirme sa désignation en qualité de légataire universelle par testament du 31 août 2011, cela est insuffisant pour établir que le de cujus a souhaité également priver sa soeur du bénéfice de son assurance vie et en faire bénéficier sa nièce, étant rappelé que le contrat d’assurance sur la vie ne fait pas partie de la succession de l’assuré et revient au bénéficiaire désigné nonobstant l’existence d’un légataire universel. Aucune attestation ne fait d’ailleurs état d’une volonté exprimée par Monsieur Y… de désigner sa nièce bénéficiaire de son contrat d’assurance vie : ainsi son amis, Madame L’Hôpital E… mentionne seulement la modification de son testament en faveur de sa nièce. Il est au surplus constaté que le testament de Monsieur Y…, pourtant postérieur à la lettre invoqué par Madame X… ne fait pas mention d’une modification du bénéficiaire de son contrat d’assurance vie. La preuve n’est donc pas rapportée par Madame Anne X… de sa qualité de bénéficiaire de l’assurance vie contractée par son oncle en 1996. C’est donc à bon droit que la société Cardif a versé à Madame Jacqueline Y…, épouse X…, bénéficiaire nommément désignée à la souscription le montant du capital assuré. Madame Anne X… invoque par ailleurs la responsabilité de la société Cardif pour avoir perdu la lettre adressée par Monsieur Y… le 25 août 2011. Toutefois, en application de l’article 1382 du Code civil, il appartient à la demanderesse de démontrer outre l’existence d’une faute, celle d’un préjudice et d’un lien de causalité direct et certain avec cette faute. Or en l’espèce, si l’absence de conservation de cette lettre constitue une négligence fautive, le préjudice qui en est résulté pour Madame X… ne peut correspondre au montant du capital de l’assurance-vie comme elle l’allègue, dès lors qu’il n’est nullement démontré que cette lettre portait effectivement modification de la clause bénéficiaire du contrat en sa faveur. La preuve que Madame Anne X… ait subi un préjudice consécutivement à cette perte n’est pas rapportée » ;

1°) ALORS QUE aucune preuve impossible ne pouvant être exigée d’un plaideur, la charge de la preuve du contenu d’un courrier pèse, envers un tiers, sur celui qui l’a reçu ; qu’en l’espèce, il est constant que le courrier recommandé du 25 août 2011 adressé par Monsieur Y… à la société Cardif assurance vie a été reçu par cette dernière ; qu’en déboutant néanmoins Madame X… de ses prétentions à l’encontre de l’assureur, aux motifs qu’elle ne prouvait pas le contenu de ce courrier dont elle n’était ni l’auteur, ni le destinataire et qu’elle ne détenait pas, la cour d’appel, qui a fait peser sur elle une preuve impossible, a violé l’article 1315 du Code civil, ensemble le principe des droits de la défense et l’article 6§1 de la Convention ESDH ;

2°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE le défaut de production par une partie d’une pièce qu’elle est seule à détenir et qui est de nature à prouver le bien-fondé des prétentions d’une autre partie, qui se trouve dans l’impossibilité de produire ladite pièce, crée pour cette dernière une perte de chance d’établir la réalité de ses droits et lui cause un préjudice certain ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait valoir que, si la société Cardif avait perdu la lettre litigieuse du 25 août 2011, elle avait commis une faute qui l’avait privé de la chance de pouvoir bénéficier de l’assurance-vie de son oncle ; qu’en la déboutant de toutes ses demandes, après avoir admis la faute de la société Cardif assurance vie, aux motifs que, faute d’établir l’intention du défunt de la désigner comme bénéficiaire, son préjudice n’était qu’hypothétique, bien que cette faute ait privé Madame X… de toute possibilité de prouver le contenu de cette lettre et le fait que celle-ci l’instituait bénéficiaire de l’assurance, ce qui constituait un préjudice certain dans son principe qui devait donner lieu à une indemnisation, la cour d’appel, qui a ainsi refusé d’indemniser permis ainsi à la société Cardif assurance vie d’éviter toute condamnation grâce à sa propre faute, a violé l’article 1382 du code civil.

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