Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2017, 16-85.161, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Justifie sa décision la juridiction qui, saisie de poursuites qualifiées de harcèlement sexuel relatives à des faits commis antérieurement à l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, après avoir retenu que lesdits faits étaient constitutifs d’une faute civile, déclare leur auteur responsable des dommages occasionnés par celle-ci et le condamne à verser des dommages-intérêts à chacune des parties civiles.

Qu’en effet, il résulte de l’article 12 de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 qu’en raison de ladite abrogation, lorsque le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels constate l’extinction de l’action publique, la juridiction demeure compétente, sur la demande de la partie civile formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite

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Sur la décision

Texte intégral

N° X 16-85.161 F-P+B

N° 2614

VD1

14 NOVEMBRE 2017

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par M. Raymond X…, contre l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 2016, qui, pour harcèlement moral, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils et qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de harcèlement sexuel, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 3 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocats en la Cour et les conclusions de M. l’avocat général QUINTARD ;

Vu le mémoire produit, en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Raymond X… a porté plainte et s’est constitué partie civile pour dénonciation calomnieuse le 19 juin 2008 après avoir été licencié par la société Air France au motif que plusieurs salariées de l’entreprise lui avaient imputé des faits de harcèlement ; que l’information, ouverte le 23 septembre 2009 du chef précité, a été étendue, selon réquisitoire supplétif du 17 mai 2010, aux délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral reprochés à M. X… ; qu’au cours de l’enquête, sept femmes, ayant travaillé sous les ordres de M. X…, Mmes Béatrice Z…, Sabrina A…, Leslie B…, Nathalie M…, épouse C…, Karen D…, Maureen Joy R… et Patricia E…, épouse Y…, ont déclaré avoir été victimes de harcèlements de la part du prévenu dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ; que trois autres employées, Mmes Clémire J…, Caroline G… et Fabienne H…, toutes également anciennes subordonnées de l’intéressé, ont évoqué des faits de harcèlement moral imputés à M. X… ; que, renvoyé de ces chefs devant le tribunal correctionnel par ordonnance d’un juge d’instruction en date du 13 mars 2012, M. X… a soulevé devant cette juridiction une exception de nullité fondée sur l’absence de base légale de la poursuite du chef de harcèlement sexuel en raison de l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal, dans sa version antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, par décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 du Conseil constitutionnel ; que les premiers juges, après avoir fait droit à cette exception de nullité et avoir examiné les faits sous la qualification de harcèlement moral, ont relaxé le prévenu ; que Mmes J…, E…, D…, AA… M… BB… et B…, de même que la société Air France, parties civiles, ainsi que le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 2, 3, 335, 435, 436, 437, 444, 445, 446, 452, 454, 512, 513, 591 et 592 du code de procédure pénale :

« en ce que la cour d’appel a déclaré M. Raymond X… coupable de harcèlement moral commis entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2008 sur Mmes Clémire J… et Caroline G…, l’a condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement assorti d’un sursis, l’a déclaré responsable du dommage de Mmes Clémire J…, Patricia E…, Karen D… et Leslie B…, l’a condamné à verser à chacune d’elles 1 200,00 euros de dommages-intérêts et 800,00 euros au titre des frais irrépétibles, l’a déclaré responsable du dommage de la compagnie Air France et l’a condamné à verser à cette dernière 500,00 euros de dommages-intérêts et 500,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

« alors qu’une même personne ne saurait être à la fois témoin et partie ; qu’en l’espèce, Mme G…, partie civile assistée, de surcroît, de deux avocats, qui ont plaidé à l’audience, ne pouvait donc pas être entendue, sous serment, en qualité de témoin, sauf à entacher la procédure d’une nullité substantielle" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, ainsi que des notes d’audience signées par le greffier et visées par le président, dont les énonciations complètent celles de l’arrêt, que Mme Caroline G…, constituée en première instance, mais non appelante du jugement, d’une part, a été entendue en la seule qualité de témoin, serment préalablement prêté, d’autre part, n’a pas été assistée d’un avocat devant la cour d’appel ;

Attendu qu’en procédant ainsi, dès lors que la partie civile, constituée en première instance, qui n’est plus partie en appel, ne peut comparaître à l’audience ou s’y faire représenter et ne peut être entendue qu’en qualité de témoin, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, 2, 3, 6, 7, 8, 10, 427, 475-1, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale :

« en ce que la cour d’appel a déclaré M. X… coupable de harcèlement moral commis entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2008 sur Mmes J… et G…, l’a condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement assorti d’un sursis et au paiement de 1 200,00 euros de dommages-intérêts, outre 800,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

« aux motifs que sur le harcèlement moral dans sa rédaction due à la loi du 17 janvier 2002, l’article 222-33-2 du code pénal incrimine le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles, notamment, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que M. X… est poursuivi pour avoir harcelé de la sorte Mmes J…, G… et Fabienne H… ; que Mme H… a situé avant 2002 les agissements dont elle avait eu à se plaindre de la part de M. X…, expliquant qu’elle avait quitté l’escale de l’aéroport pour le siège d’Air France en mai 2002 et qu’elle n’avait donc travaillé sous les ordres du prévenu que jusqu’à cette époque ; que les faits la concernant ne sont donc pas compris dans la période de temps poursuivie (2005 à 2008) pour des raisons tenant à la prescription de l’action publique, étant observé qu’en toute hypothèse, ces faits étant antérieurs à 2002, ils ne sont susceptibles d’aucune qualification pénale puisqu’il convient de rappeler que le délit de harcèlement moral visé dans la prévention n’a été introduit dans le code pénal qu’à compter de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ci-dessus rappelée et dont il est issu ; que, dès lors, M. X… ne peut qu’être renvoyé des fins de la poursuite exercée du chef de harcèlement moral au préjudice de Mme H… ; que Mme J… a situé de mars 2001, époque où, nommée « leader », elle avait été placée sous les ordres du prévenu, jusqu’au licenciement de ce dernier, les actes, attitudes et paroles blessantes qu’elle avait subis de la part de M. X… qui, notamment, critiquait de manière systématique son travail, dévalorisait publiquement ses compétences professionnelles et la plaçait sous une pression destinée à lui faire commettre des erreurs, au point qu’elle avait été hospitalisée en mai 2002 pour suivre une thérapie et qu’elle avait signalé à son encadrement le comportement tyrannique de son supérieur direct ce qui lui avait valu de perdre une année d’avancement en 2008 ; qu’elle a confirmé ses déclarations faites au juge d’instruction le 22 novembre 2010, lors de la confrontation avec M. X… du 24 janvier 2011 ; qu’elle les a encore confirmées devant la cour ; que Mme G… ayant travaillé sous les ordres de M. X… de 2002 à 2007, s’est plainte du changement brusque de comportement de son chef direct à son égard en 2003, époque à partir de laquelle il l’avait traitée sans ménagement, lui imposant notamment en 2005, alors qu’elle était enceinte, de tenir, plusieurs jours de suite, le poste d’agent d’accueil qui exigeait de rester dans la position debout pendant quelques heures ; qu’elle a répété ses déclarations devant la cour en présence de M. X… ; que les témoins entendus à la demande même de M. X…, le présentent comme un chef particulièrement compétent et rigoureux mais aussi comme un chef qui, par son comportement, pouvait être craint, puisque Mme Carla K…, citée à la demande du prévenu en qualité de témoin devant le tribunal correctionnel puis entendue par la cour, l’a, en particulier lors de l’instruction préparatoire, décrit comme un supérieur avec lequel, en dépit de ses qualités professionnelles, elle craignait de travailler ; que si les parties civiles ont dénoncé les faits à leur employeur d’abord, à la justice ensuite, en étant animées par la volonté que leur prêtent ces témoins, d’écarter M. X… du poste en avancement qui lui était promis, ce mobile prêté à leur action n’efface pas la réalité des agissements dénoncés, d’autant que celles qui en ont été les victimes n’ayant jamais dénigré ses compétences professionnelles qu’elles ont au contraire toujours reconnues, peuvent avoir effectivement eu la volonté légitime d’écarter le prévenu d’un poste de pouvoir susceptible d’établir davantage encore dans l’entreprise son emprise toxique sur les salariés placés sous ses ordres ; que dès lors, en dépit de ces témoignages, les déclarations constamment maintenues de Mmes J… et G…, corroborées par les déclarations des autres parties civiles toutes confrontées au même comportement tyrannique du prévenu, sont très suffisantes pour convaincre la cour, dans les conditions de l’article 427 du code de procédure pénale et sans doute raisonnable possible, que M. X…, durant la période de temps visée à la prévention, a harcelé l’une et l’autres en les soumettant de manière répétée à des propos brutaux, des attitudes de mépris ou d’humiliation et des décisions d’organisation du travail leur étant volontairement défavorables dont il ne peut être contesté qu’ils ont été la cause d’une dégradation de leurs conditions de travail susceptibles d’altérer leur santé physique ou psychique et que, ce faisant, il s’est rendu coupable envers ces deux personnes de l’infraction de harcèlement moral visée dans la prévention ; qu’en répression, tenant compte de la gravité de l’infraction commise par abus du pouvoir hiérarchique qui lui avait été confié par son employeur et de sa personnalité, notamment de sa compétence professionnelle jamais remise en cause et de son casier judiciaire exempt de toute condamnation, la cour condamne M. X… à la peine de quatre mois d’emprisonnement entièrement assortie du sursis simple ; que […] s’agissant de l’action civile de Mme J…, Mme J… est victime du harcèlement moral dont M. X… est déclaré coupable ; que sa constitution de partie civile étant recevable et le préjudice moral dont elle se prévaut étant en relation direct avec l’infraction commise à son détriment, M. X… sera déclaré entièrement responsable de celui-ci ; que compte tenu des renseignements figurant au dossier et de ceux portés à sa connaissance par les parties, la cour fixe ce préjudice à la somme de 1 200 euros, somme que M. X… sera condamné à lui payer à titre de dommages et intérêts ; qu’en outre, en équité M. X… est condamné à lui payer la somme de 800 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

« alors que le harcèlement moral se définit par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en l’espèce, en énonçant de façon péremptoire que M. X… aurait commis de tels agissements sur Mmes J… et G… entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2008 sans préciser, comme elle y était invitée, quand aurait eu lieu le dernier de ces agissements, la cour d’appel n’a pas mis pleinement la Cour de cassation en mesure de s’assurer que les poursuites de ce chef n’étaient pas atteintes par la prescription" ;

Attendu qu’en l’absence, dans les constatations des juges du fond, des éléments nécessaires pour en apprécier la valeur, le moyen, qui invoque pour la première fois devant la Cour de cassation la prescription de l’action publique du chef de harcèlement moral, est nouveau, mélangé de fait, et, comme tel, irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 12 de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, 1382 du code civil, préliminaire, 2, 3, 6, 7, 8, 10, 427, 470, 475-1, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale :

« en ce que la cour d’appel a déclaré M. X… responsable du dommage de Mmes Patricia E…, Karen D… et Leslie B…, et l’a condamné à verser à chacune d’elles 1 200,00 euros de dommages-intérêts et 800,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

« aux motifs que sur le harcèlement sexuel, la juridiction correctionnelle se trouve saisie de faits imputés au prévenu pour la période comprise entre 2005 et 2008 sous la qualification de harcèlement sexuel, délit prévu par l’article 222-33 du code pénal en vigueur à l’époque des faits et puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros ; que par décision numéro 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 222-33 du code pénal contraire à la Constitution ; qu’en conséquence, l’abrogation de l’article précité a pris effet à compter de la publication de cette déclaration d’inconstitutionnalité au journal officiel du 5 mai 2012 et trouve à s’appliquer à toutes les affaires non définitivement jugées à cette date ; que l’article 222-33 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2012 applicable à compter du 8 août 2012 ne saurait s’appliquer en l’espèce, le principe de non rétroactivité de la loi pénale s’opposant à ce que soient jugés sur le fondement de cette nouvelle incrimination des faits de harcèlement sexuel antérieurs à la date d’entrée en vigueur de cette dernière loi ; qu’en conséquence, en application de l’article 6 du code de procédure pénale selon lequel l’action publique se trouve éteinte par l’effet notamment de l’abrogation de la loi pénale, la cour, compte tenu de l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal à compter du 5 mai 2012, doit constater l’extinction de l’action publique exercée à l’encontre de M. X… pour la poursuite de faits de harcèlement sexuel dénoncés comme s’étant produits entre 2005 et 2008 ; que s’appuyant notamment sur la circulaire du 7 août 2012 du Garde des Sceaux, ministre de la justice, de présentation de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, qui énonce que la juridiction de jugement a le devoir de retenir la qualification la plus adéquate sans être liée par la prévention et qu’elle ne doit donc constater l’extinction de l’action publique que dans le seul cas où les faits de harcèlement sexuel ne peuvent constituer aucune autre infraction pénale telle celle de harcèlement moral ou tentative d’agression sexuelle, le parquet général demande à la cour de requalifier les faits en harcèlement moral et les parties civiles en harcèlement moral et agression sexuelle ou tentative d’agression sexuelle ; qu’étant rappelé que les énonciations d’une circulaire ne sauraient s’imposer aux juges, la cour remarque que s’il est exact qu’en application de l’article 470 du code de procédure pénale, la juridiction correctionnelle ne peut relaxer un prévenu que si le fait poursuivi ne constitue aucune infraction à la loi pénale, ce qui lui impose effectivement de ne prononcer une décision de relaxe qu’après avoir vérifié que les faits dont elle est saisie ne sont constitutifs d’aucune infraction puisqu’il est de principe qu’elle ne se trouve pas liée par la qualification donnée par la prévention, il n’empêche qu’elle ne peut substituer une qualification à une autre que sous certaines conditions de droit et de fait respectueuses des droits de la défense et plus particulièrement lorsque, comme en l’espèce, il ne s’agit pas de renvoyer un prévenu des fins de la poursuite mais de constater l’extinction de l’action publique suite à la disparition du délit sous la qualification duquel ce dernier est poursuivi ; qu’il en est nécessairement ainsi lorsque, comme en l’espèce, la juridiction de jugement se trouve saisie des faits par le renvoi d’un juge d’instruction opéré à l’issue d’une instruction préparatoire pendant laquelle le prévenu a été exclusivement requis de s’expliquer sur les éléments constitutifs de l’infraction dont on lui signifie l’abrogation lors de sa comparution devant le juge du fond ; que retenir en ce cas les faits poursuivis sous une autre qualification pour déjouer la disparition de la loi pénale dont bénéficie le prévenu ne doit pas conduire à lui appliquer rétroactivement une loi pénale, certes existante à l’époque des faits poursuivis, mais dont il avait légitimement pu croire avoir été préservé durant toute la procédure de mise en état préparatoire à son procès ; que, dès lors, s’agissant du délit de harcèlement moral qu’il est suggéré à la cour de substituer au délit de harcèlement sexuel disparu en mai 2012, il sera rappelé que l’un et l’autre de ces deux délits ont été introduits dans le code pénal par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 sous deux textes séparés, l’article 222-33, d’une part, et l’article 222-33-2, d’autre part ; que si l’un et l’autre de ces délits, selon les textes en vigueur à l’époque visée par la prévention, étaient punis par les mêmes peines d’emprisonnement et d’amende, pour autant, leurs éléments constitutifs ne se confondent pas, raison pour laquelle le juge d’instruction a nettement distingué la prévention pour harcèlement sexuel exercé au détriment de sept personnes de celle de harcèlement moral exercé au détriment de trois autres personnes et ce d’autant que les éléments constitutifs du harcèlement moral ont été insuffisamment abordés, en ce qui concerne les sept personnes désignées comme victimes de harcèlement sexuel durant l’instruction préparatoire au jugement ; que dans ces conditions, la cour considère que les faits poursuivis sous la qualification de harcèlement sexuel ne peuvent être qualifiés de harcèlement moral alors par ailleurs que M. X… n’accepte pas cette qualification nouvelle ayant d’ailleurs clairement déclaré devant le tribunal correctionnel « ne pas accepter d’être entendu sur autre chose que sur les faits pour lesquels (il a) été cité » ainsi qu’il résulte des notes d’audience prises par le greffier ; que la cour ne trouve pas non plus motif à retenir ces faits qualifiés dans la prévention de harcèlement sexuel, sous la qualification d’agression sexuelle ou de tentative d’agression sexuelle ; qu’en effet, les éléments caractérisant le délit d’agression sexuelle se distinguent par trop nettement des éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel ; qu’en toute hypothèse, substituer au délit poursuivi le délit d’agression sexuelle prévu et puni par les articles 222-22, 222-27 et 222-31 du code pénal d’une peine de cinq années d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende supposerait, à tout le moins, le plein accord du prévenu alors que M. X… a déclaré lors des débats devant la cour ne pas accepter de répondre de cette infraction plus grave dont les éléments constitutifs n’ont jamais été abordés, si peu que ce soit, par la procédure d’instruction soumise à l’appréciation de la juridiction de jugement ; qu’en définitive, ne pouvant procéder à aucune requalification, la cour ne peut que constater l’extinction, pour cause d’abrogation de la loi pénale, de l’action publique pour l’application des peines réprimant l’infraction de harcèlement sexuel prévue par l’article 222-33 du code pénal en vigueur au temps des faits poursuivis ; que s’agissant de l’action civile de Mmes Patricia E…, Karen D…, Nathalie M… et Leslie B…, la cour a constaté l’extinction de l’action publique exercée à l’encontre de M. X… du chef du harcèlement sexuel dont elles sont désignées victimes par la prévention ; qu’il est cependant de principe que si l’action publique pour l’application de la peine s’éteint pas l’abrogation de la loi pénale, il n’en va pas de même de l’action civile en réparation du dommage sur laquelle la juridiction répressive demeure compétente pour statuer dès lors qu’elle en a été saisie antérieurement à cette abrogation ; que l’article 12 de la loi 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel contient un rappel de ce principe ; que la cour demeure en conséquence compétente pour statuer sur l’action civile de Mmes E…, D…, M… et B… constituées partie civile devant le juge d’instruction et toutes appelantes du jugement déféré ; que Mme E… a plus particulièrement déclaré que M. X… avait essayé de l’embrasser de force sur les lèvres en 2005 en prétextant vouloir savoir l’effet d’un baiser donné à une fille portant un « piercing » sur la langue ; que quelques jours après, il l’avait embrassée dans le cou et que plusieurs fois auparavant, il l’avait prise par la taille ; que Mme D… a dénoncé plusieurs gestes déplacés de M. X… qui à plusieurs reprises l’avait embrassée et caressée dans le cou ou encore l’avait tenue par la taille, insistant par ailleurs pour voir le piercing qu’elle portait sur le ventre que, selon elle, M. X… l’ayant conduite au cabinet du médecin de l’aéroport suite à un malaise, avait commencé à la déshabiller avant que le praticien consulté ne l’arrête ; que ces gestes avaient, selon elle, été répétés jusqu’à une date de mai 2007 à compter de laquelle, ayant repoussé M. X…, celui-ci avait cessé ses agissements pour la soumettre à une charge de travail accrue ; que Mme M… a dénoncé, y compris lors d’une confrontation avec le prévenu du 25 janvier 2011, des faits qu’elle a situés en 1997 ou 1998 lorsque M. X… avait essayé de l’embrasser de force sur les lèvres sans parvenir à ses fins car elle avait réussi à se dégager de son étreinte et à informer la direction pour être affectée à un autre groupe de travail ; que de nouveau sous ses ordres quelques années après, elle a déclaré qu’il avait eu alors « tendance à faire des bisous dans le cou » sans qu’elle considère ces gestes « comme du harcèlement » ; que Mme B… déclarant travailler pour la compagnie Air-France sous les ordres de M. X… à compter de février 2006, a dit que celui-ci avait commencé par la regarder en lui faisant des réflexions sur son physique qu’il trouvait « pas mal » puis que, deux fois de suite, il lui avait demandé de venir dans son bureau pour le masser, ce qu’elle avait refusé ; qu’elle a confirmé ses dires lors d’une confrontation du 21 février 2011 avec M. X… ; que la cour relève que plusieurs autres salariées ayant eu M. X… pour supérieur hiérarchique et antérieurement constituées parties civiles mais non appelantes, ont été amenées à dénoncer des gestes commis selon elles de manière impudique par M. X… ; qu’il en est ainsi de Mme Z… qui a déclaré que M. X… l’avait caressée en glissant ses mains sous ses sous vêtements, avait essayé de soulever sa robe ou encore lui avait posé des questions déplacées en lui demandant notamment quelle était la couleur de ses sous-vêtements ; qu’il a d’ailleurs été confirmé devant le tribunal correctionnel et devant la cour par Mme Eliane N…, épouse S… que Mme Z… lui avait dit que M. X… lui avait « touché les seins » ; qu’il en est également ainsi de Mme Maureen Joy R… et de Mme Sabrina A… ; que les témoins favorables à M. X… et cités par lui en cette qualité devant le tribunal correctionnel puis entendus en cette même qualité par la cour, ont attribué aux gestes dénoncés par les parties civiles les caractéristiques de plaisanteries suscitées par l’ambiance familiale régnant au sein de l’escale de l’aéroport du Lamentin mais aussi par le comportement des victimes elles-mêmes qu’elles ont dénigrées ; que toutefois, ces témoignages ne font que confirmer le climat impudique auquel se trouvait confrontées les parties civiles soumises à l’autorité de M. X… ; qu’il en est ainsi du témoin masculin M. O… lorsqu’il déclare : « on plaisantait avec les collègues féminins au sujet du piercing sur la langue et des effets sur la fellation et nous en rigolions tous ensemble » ou encore d’un autre témoin masculin, M. Michaël P… qui, après avoir déclaré au tribunal correctionnel, ainsi que le rapportent les notes d’audience tenues par le greffier, que « Mme E… rigolait des plaisanteries grivoises » et que « Mme Z… pouvait facilement arriver sur le terrain sexuel » a répondu, à la question de savoir si un supérieur hiérarchique pouvait avoir des gestes déplacés envers ses subordonnés « non, mais en l’espèce ces gestes sont intervenus à titre amical » ; qu’au regard des considérations qui précèdent, les déclarations constamment maintenues de Mmes E…, D… et B… concordantes entre elles et corroborées par les déclarations d’autres personnes féminines antérieurement constituées parties civiles et par les déclarations de plusieurs témoins dont certains favorables au prévenu, sont suffisantes pour convaincre la cour que M. X…, usant de l’autorité que lui conférait ses fonctions, les a soumises de manière répétée à des gestes licencieux et à des propos indécents et déplacés dans le but de leur arracher des faveurs de nature sexuelle, commettant ce faisant à leur égard de manière indiscutablement fautive les faits poursuivis à l’origine sous la qualification pénale de harcèlement sexuel alors en vigueur ; que si ces faits ne sont plus susceptibles d’être pénalement sanctionnés en raison de l’abrogation de la loi pénale, ils n’en constituent pas moins une faute dont il ne peut être contesté qu’elle a directement causé à Mmes E…, Q… D… et B… un dommage personnel dont M. X… doit être déclaré entièrement responsable et qu’il est nécessairement tenu de réparer ; que s’agissant de la fixation de ce préjudice moral subi par ces parties civiles, la cour, au vu des circonstances de la cause et des informations portées à sa connaissance par les parties, considère qu’il est justifié de le fixer à 1 200 euros et de condamner en conséquence M. X… à verser cette somme à chacune d’elles, à titre de dommages-intérêts ; qu’en équité, la cour condamnera par ailleurs M. X… à payer à chacune d’elles une indemnité de 800 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

« 1°) alors que la juridiction répressive ne statuant plus que sur le seul volet civil à l’égard d’un prévenu définitivement non condamné ne peut dire qu’il a commis l’infraction poursuivie mais doit se borner à rechercher s’il a commis une faute civile démontrée à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, statuant sur le seul volet civil du litige à l’égard de M. X… en ce qui concerne les faits initialement poursuivis du chef de harcèlement sexuel pour lesquels le prévenu était définitivement réputé innocent en raison de l’extinction de l’action publique, ne pouvait donc expressément fonder sa décision de condamnation à des dommages-intérêts de ce chef sur des considérations tirées de ce qu’il aurait commis des agissements constitutifs de harcèlement sexuel, qui tombaient sous la qualification pénale de harcèlement sexuel alors en vigueur, et se prononcer ainsi sur la commission de l’infraction du chef de laquelle le prévenu n’était pourtant plus pénalement poursuivi ;

« 2°) alors que, lorsque l’action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l’action publique ; qu’en l’espèce, en condamnant M. X… à des dommages-intérêts en raison d’agissements de harcèlement sexuel qu’il aurait commis sur Mmes E… et B… sans préciser, comme elle y était invitée, quand aurait eu lieu le dernier de ces agissements, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation pleinement en mesure de s’assurer que l’action civile de ces deux personnes n’était pas atteinte par la prescription" ;

Attendu que, pour déclarer M. X… responsable des dommages occasionnés à Mmes Patricia E…, Karen D… et Leslie B… et le condamner à verser des dommages-intérêts à chacune d’elles, l’arrêt relève qu’il résulte des déclarations constantes de ces trois victimes, concordantes entre elles et corroborées par les déclarations d’autres personnes, que M. X…, usant de l’autorité que lui ont conférée ses fonctions, les a soumises de manière répétée à des gestes licencieux et à des propos indécents et déplacés dans le but de leur arracher des faveurs de nature sexuelle ; que les juges en déduisent que l’intéressé a commis à leur égard des faits qui, poursuivis à l’origine sous une qualification pénale depuis abrogée, n’en constituent pas moins une faute qui a directement causé à ces trois femmes un dommage personnel dont il doit être déclaré entièrement responsable et qu’il est nécessairement tenu de réparer ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, qui caractérisent, pour chacune des parties civiles, une faute civile qui a entraîné pour elles un préjudice direct et personnel ouvrant droit à réparation pour un montant que les juges ont souverainement évalué, dans les limites des conclusions dont ils étaient saisis, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen ;

Qu’en effet, l’article 12 de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, qui énonce qu’en raison de l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, lorsque le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels constate l’extinction de l’action publique, la juridiction demeure compétente, sur la demande de la partie civile formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite, commande que la juridiction saisie procède à l’examen tant des agissements fautifs imputés par les victimes à l’intéressé qu’à l’évaluation des préjudices invoqués susceptibles d’en résulter ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des 1147, 1382 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1231-4, L. 1232-1, L. 1234-1 du code du travail, 2, 3, 475-1, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale :

« en ce que la cour d’appel a déclaré M. X… responsable du dommage de la compagnie Air France et l’a condamné à verser à cette dernière 500 euros de dommages-intérêts et 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

« aux motifs que le délit de harcèlement moral dont M. X… est déclaré coupable, de même que les agissements fautifs de harcèlement sexuel dont il est reconnu entièrement responsable ont directement causé à la société Air France un dommage puisqu’il a outrepassé, pour les commettre, les pouvoirs hiérarchiques qui lui avaient été dévolus par son employeur dont il a, ce faisant, terni l’image auprès des autres salariés de la compagnie ; que la constitution de partie civile de la société Air France se trouve en conséquence recevable et la cour fixe, au regard des éléments de la procédure et des renseignements donnés par les parties, à 500 euros le montant de son préjudice moral, M. X… étant condamné à lui payer cette somme à titre de dommages et intérêts ; qu’il sera en outre tenu, en équité, de lui verser une indemnité de 500 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

« alors que le salarié ne peut être tenu pour responsable à l’égard de l’employeur des conséquences pécuniaires de fautes commises dans l’exécution du contrat de travail qu’en cas de faute lourde, laquelle n’est caractérisée que lorsqu’est relevée son intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise ; qu’en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait donc retenir la responsabilité civile de M. X… à l’égard de son employeur, la compagnie Air France, sans relever, dans son chef, une quelconque intention de nuire" ;

Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la société Air France, dire le prévenu responsable d’un dommage subi par cette dernière et le condamner à lui verser la somme de 500 euros, l’arrêt relève que le délit de harcèlement moral dont M. X… a été déclaré coupable, de même que les agissements fautifs dont il a été reconnu responsable, ont directement causé à ladite société un dommage dès lors que, pour commettre ces faits, l’intéressé a outrepassé les pouvoirs hiérarchiques qui lui avaient été dévolus par son employeur ; que les juges en déduisent qu’en agissant ainsi, celui-ci a terni l’image de la compagnie auprès de ses autres salariés ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, exemptes d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 1 500 euros la somme que M. X… devra payer à la société Air-France et à 3 000 euros la somme globale qu’il devra payer à Me BOUTHORS avocat à la Cour au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2017, 16-85.161, Publié au bulletin