Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 décembre 2017, 16-20.810, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’article 4, alinéa 1, de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l’exequatur et à l’extradition impose au juge, fût-il premier saisi, devant qui est invoquée une décision rendue dans l’autre Etat, de vérifier, au besoin d’office, si cette décision remplit les conditions prévues à l’article 1er de ce texte pour jouir de plein droit de l’autorité de chose jugée et de constater, dans sa décision, le résultat de cet examen

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Sur la décision

Texte intégral

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 13 décembre 2017

Cassation

Mme X…, président

Arrêt n° 1302 F-P+B

Pourvoi n° A 16-20.810

Aide juridictionnelle totale en défense

au profit de Mme Y….

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 29 mars 2017.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Mohamed-Yacine Z…, domicilié […] ,

contre l’arrêt rendu le 25 mai 2016 par la cour d’appel de Poitiers (4e chambre civile), dans le litige l’opposant à Mme Achraf Y…, épouse Z…, domiciliée […],

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 14 novembre 2017, où étaient présents : Mme X…, président, M. A…, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. A…, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. Z…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de Mme Y…, l’avis de Mme B…, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 1er et 4 de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l’exequatur et à l’extradition ;

Attendu que l’article 4, alinéa 1, de la Convention impose au juge, fût-il premier saisi, devant qui est invoquée une décision rendue dans l’autre Etat, de vérifier, au besoin d’office, si cette décision remplit les conditions prévues à l’article 1er de ce texte pour jouir de plein droit de l’autorité de chose jugée et de constater, dans sa décision, le résultat de cet examen ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Z…, de nationalité algérienne et française, et Mme Y…, de nationalité algérienne, se sont mariés le 23 juillet 2008 à Constantine (Algérie) ; que, le 23 février 2015, Mme Y… a saisi le juge aux affaires familiales d’une requête en divorce ; qu’une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 21 septembre suivant ; que devant la cour d’appel, M. Z…, tout en invoquant une exception de litispendance internationale, s’est prévalu d’une décision de divorce rendue par le juge algérien le 21 décembre 2015 ;

Attendu que, pour rejeter l’exception de litispendance internationale, l’arrêt retient que la juridiction française a été saisie en premier lieu de l’action en divorce ;

Qu’en statuant ainsi, sans procéder à la vérification qui lui incombait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 mai 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

Condamne Mme Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Z…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté l’exception de litispendance soulevée par M. Z… ;

AUX MOTIFS QUE l’article 100 du code de procédure civile dispose que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaitre, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande ; à défaut, elle peut le faire d’office ; que sachant que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Niort a été saisi par requête en divorce déposée le 23 février 2015, M Z… fait plaider que seul le tribunal de Constantine (Algérie) apparaît compétent pour statuer comme ayant été saisi le premier, le 28 janvier 2015, d’une requête pour contraindre son épouse à réintégrer le domicile […], requête à laquelle, à l’issue d’une procédure contradictoire, il a été fait droit par jugement rendu le 30 avril 2015 ; qu’il faut cependant constater que la procédure algérienne dont l’objet est d’obtenir judiciairement la réintégration du domicile conjugal par l’époux l’ayant quitté, ne constitue pas la première étape de la procédure algérienne de divorce ainsi que le prétend l’appelant qui en tout état de cause n’en rapporte pas la preuve ; que le jugement de divorce prononcé le 6 décembre 2015 par le tribunal de Constantine fait état d’audiences de conciliation tenues les 8 et 22 octobre 2015 et 19 novembre 2015 ; le code algérien de la famille en son article 49 prévoit avant jugement une tentative de conciliation ; que ce parallèle qui montre que les deux législations connaissent un préalable de conciliation avant débats sur le fond, établit que le juge aux affaires familiales de Niort a été valablement saisi le premier, et permet ainsi de rejeter l’exception de litispendance soulevée par l’appelant ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation; qu’en l’espèce, M. Z… soutenait qu’en droit algérien, la demande est précédée, comme en droit français, d’un préliminaire de conciliation mais également d’une demande de réintégration de l’épouse afin de donner une chance au couple de se reformer ; qu’après avoir constaté qu’une requête avait été déposée par M. Z… le 28 janvier 2015 devant le tribunal de Constantine pour contraindre son épouse à réintégrer le domicile conjugal, la cour d’appel, pour considérer que le juge aux affaires familiales de Niort avait été saisi en premier, le 23 février 2015, et rejeter en conséquence l’exception de litispendance, a retenu qu'« il faut constater que la procédure algérienne dont l’objet est d’obtenir judiciairement la réintégration du domicile conjugal par l’époux l’ayant quitté, ne constitue pas la première étape de la procédure algérienne de divorce » ; qu’en se bornant à cette seule énonciation sans viser le texte lequel elle se fondait pour procéder à cette affirmation, la cour d’appel a statué par un motif péremptoire et a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, toutes les fois que la règle française de solution de conflits de juridictions n’attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compétent, si le litige se rattache d’une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la juridiction n’a pas été frauduleux ; qu’en l’espèce, les deux époux étaient de nationalité algérienne et la résidence de la famille étant à Constantine, le litige se rattachait de manière caractérisée à la juridiction algérienne, qui n’avait pas été frauduleusement saisie par M. Z… ; que dès lors, le divorce prononcé par le juge algérien devait être reconnu en France ; qu’en décidant le contraire et en renvoyant les parties devant le juge français, la cour d’appel a violé les articles 14 et 15 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait encore grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR renvoyé les époux à saisir le juge aux affaires familiales de Niort pour qu’il se prononce sur la demande de divorce et statue sur ses effets, après avoir dit que le premier juge de Niort était territorialement compétent ;

AUX MOTIFS QUE l’article 1070 du code de procédure civile prescrit que le juge aux affaires familiales territorialement compétent est :

— le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ;

— si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;

— dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n’a pas pris l’initiative de la procédure ; qu’il est constant que la résidence de la famille se trouve à Constantine, mais que présent sur le sol français depuis le 9 janvier 2015 pour que des soins médicaux soient prodigués à leur enfant, le couple s’est séparé au cours du mois de janvier 2015 dans des circonstances telles que M. Z… a cru opportun de saisir le 28 janvier 2015 le tribunal de Constantine d’une requête pour contraindre son épouse à réintégrer le domicile conjugal sachant que l’enfant est resté auprès de sa mère pour recevoir des soins appropriés à son état d’abord en région parisienne, puis à Niort où fin janvier début février 2015, Mme Y… a trouvé refuse chez sa soeur ; qu’il en ressort qu’à la date de la présentation de la requête en divorce, l’intimée était hébergée avec son fils chez les époux C… à Niort ; que cette situation de fait qui a gagné en stabilité à compter du 1er août 2015 avec la conclusion par l’intimée d’un contrat de bail à Niort, justifie la compétence territoriale du premier juge de Niort au regard des prescriptions ci-dessus rappelées (arrêt p. 3 et 4) ;

1°) ALORS QU’il résultait des propres constatations de l’arrêt que la résidence de la famille se trouvait à Constantine ; qu’en décidant pourtant que le juge territorialement compétent était celui de Niort, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et, partant, a violé l’article 1070, alinéa 1, du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la compétence territoriale du juge peut être aussi justifiée par la « résidence habituelle » des enfants mineurs ; que pour décider que le juge territorialement compétent était celui de Niort, la cour d’appel s’est fondée sur l’hébergement de Mme Y… par les époux C… qui lui avaient procuré « refuge » ; qu’une telle circonstance ne pouvant valoir « résidence habituelle » » au sens entendu par la loi, la cour d’appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l’article 1070, alinéa 2, du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait encore grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR renvoyé les époux à saisir le juge aux affaires familiales de Niort pour qu’il se prononce sur la demande de divorce et statue sur ses effets, après avoir dit que les deux époux sont domiciliés sur le territoire français et qu’ainsi la loi française est applicable ;

AUX MOTIFS QUE l’article 309 du code civil énonce que le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française :

— lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française,

— lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français,

— lorsque aucune loi étrangère ne se reconnait compétente alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps ; que M. Z… est titulaire de la double nationalité algérienne et française alors que son épouse est de nationalité algérienne, ce qui exclut l’application de la loi française s’agissant de la nationalité ; que les éléments de fait exposés ci-dessus établissent que Mme Y… a fixé son domicile […] mais il faut observer qu’elle pourrait se prévaloir d’un domicile antérieur en France puisqu’elle produit des avis d’impôt sur le revenu portant sur les années 2009 à 2012 au nom des deux époux, faisant état comme adresse d’imposition […] ; que M. Z… qui prétend uniquement domicilié […] , est au premier chef concerné par ces avis d’imposition puisqu’il est le déclarant de revenus commerciaux perçus en France ; qu’il allègue que cette adresse correspond à un appartement, propriété de sa soeur qui a mis celui-ci à leur disposition le temps de leur séjour en France pour des soins médicaux dispensés par l’hôpital américain de Neuilly à leur fils mais d’une part, il ne démontre pas ce qu’il allègue, d’autre part cette adresse correspond indiscutablement à un domicile fiscal et par sa stabilité et son caractère habituel à un véritable domicile en France ; qu’il faut au surplus constater que pour la mise en location-gérance d’un fonds de commerce dont il est propriétaire à Paris, l’appelant a fait état en 2015 d’une autre adresse qui n’est pas celle de Constantine mais […] (Vème) ; qu’il y a lieu en conséquence de considérer que les époux sont domiciliés sur le territoire français et qu’ainsi la loi française est applicable ;

1°) ALORS QUE le divorce est régi par la loi française lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française ou lorsque l’un et l’autre ont leur domicile sur le territoire français ou encore lorsqu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente ; que la détermination du domicile s’apprécie au jour de la requête en divorce ; qu’en l’espèce, pour considérer que « les deux époux sont domiciliés sur le territoire français » et retenir, en conséquence, l’applicabilité de la loi française, la cour d’appel a retenu que Mme Y… a fixé son domicile […] ; qu’en statuant ainsi, quand elle avait auparavant constaté qu’à la date de la requête en divorce, l’intimée était « hébergée » par les époux C… (sa belle-famille), la cour d’appel n’a pas caractérisé le domicile de Mme Y… en France à la date de la requête et, partant, a violé l’article 309 du code civil ;

2°) ALORS QU’en retenant, par ailleurs, que « cette situation de fait a gagné en stabilité à compter du 1er août 2015 », sans répondre aux conclusions de M. Z… soutenant, d’une part, que le Préfet avait refusé à son épouse le droit de séjourner en France et, d’autre part, que celle-ci avait signé un engagement aux termes duquel elle « n’avait nullement l’intention de résider en France » (conclusions d’appel p. 9), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU’en retenant ensuite que Mme Y… « pourrait se prévaloir d’un domicile antérieur », la cour d’appel a statué par un motif dubitatif, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU’en retenant encore que Mme Y… « produit des avis d’imposition pour les années 2009 à 2012 » sans constater qu’elle était encore en mesure de déclarer des impôts en France depuis l’année 2012, donc à la date de la requête, la cour d’appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l’article 309 du code civil ;

5°) ALORS QUE pour retenir le domicile de M. Z… sur le territoire français, la cour d’appel a constaté que celui-ci était déclarant de revenus commerciaux perçus en France ; qu’un tel motif, qui corrobore seulement la mise en location-gérance du fonds de commerce dont M. Z… est propriétaire à Paris, était impropre à caractériser le domicile de ce dernier sur le territoire français ; qu’en statuant pourtant de la sorte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 309 du code civil, ensemble l’article 1070 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QU’après avoir constaté que les avis d’imposition produits faisaient état d’une adresse d’imposition à Neuilly-sur-Seine, la cour d’appel a retenu que « cette adresse correspond indiscutablement à un domicile fiscal et par sa stabilité et son caractère habituel à un véritable domicile en France » ; qu’en statuant de la sorte, après avoir relevé que les avis d’imposition concernaient les seules années 2009 à 2012, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l’article 309 du code civil ;

7°) ALORS QU’ENFIN, la domiciliation fiscale des revenus ne saurait être assimilée au domicile des époux au sens entendu par l’article 309, c’est-à-dire la résidence ; qu’en énonçant dès lors que l’adresse à Neuilly-sur-Seine correspond « indiscutablement à un domicile fiscal » et « à un véritable domicile en France », sans expliquer en quoi la domiciliation en France des revenus perçus dans ce pays correspondrait à la résidence des époux sur le territoire français, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article 309 du code civil.

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