Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 janvier 2018, 17-80.816, Inédit
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | Cass. crim., 10 janv. 2018, n° 17-80.816 |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 17-80.816 |
Importance : | Inédit |
Décision précédente : | Cour d'appel de Paris, 11 janvier 2017 |
Dispositif : | Cassation |
Date de dernière mise à jour : | 4 novembre 2021 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000036635116 |
Identifiant européen : | ECLI:FR:CCASS:2018:CR03169 |
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Sur les parties
- Président : M. Soulard (président)
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
Texte intégral
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
—
Le procureur général près la cour d’appel de Paris,
contre l’arrêt de ladite cour, chambre 4-11, en date du 12 janvier 2017, qui a relaxé Mme A… Z… du chef d’exhibition sexuelle et, pour dégradations volontaires, l’a condamnée à 600 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 15 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. STEPHAN, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour et les conclusions de M. l’avocat général MONDON ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-32 du code pénal, 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
Vu les articles 222-32 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que selon le premier de ces textes, est constitutive d’un délit l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public ;
Que, selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 juin 2014, Mme A… Z… s’est présentée au musée Grévin à Paris, dans la salle des chefs d’Etat, rassemblant plusieurs statues de cire de dirigeants mondiaux ; que, se dévêtant le haut du corps, sa poitrine étant nue, laissant apparaître l’inscription « Kill Y… », la prévenue a fait tomber la statue du président B…, M. X… Y…, dans laquelle elle a planté à plusieurs reprises un pieux métallique partiellement peint en rouge, en déclarant « Fuck dictator, Fuck X… Y… » ; qu’elle a été interpellée et s’est revendiquée membre du mouvement « Femen », donnant à son geste un caractère de protestation politique ; qu’elle a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs d’exhibition sexuelle et de dégradations volontaires du bien d’autrui ; que, par jugement, en date du 15 octobre 2014, le tribunal l’a déclarée coupable de ces deux délits, l’a condamnée à une amende de 1 500 euros et a prononcé sur les intérêts civils ; que la prévenue et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement lui étant déféré et relaxer Mme Z… du délit d’exhibition sexuelle, l’arrêt retient que l’exposition du torse nu d’une femme à la vue d’autrui, en dehors de tout élément intentionnel de nature sexuelle, ne peut, au regard des circonstances dans lesquelles cette exposition s’est déroulée le 5 juin 2014, recouvrir la qualification d’exhibition sexuelle, s’agissant de l’utilisation par la prévenue de sa poitrine dénudée portant un message écrit à des fins de manifestation d’une expression en dehors de toute connotation sexuelle ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’elle relevait, indépendamment des motifs invoqués par la prévenue, sans effet sur les éléments constitutifs de l’infraction, que celle-ci avait exhibé volontairement sa poitrine dans un musée, lieu ouvert au public, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 12 janvier 2017, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix janvier deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Textes cités dans la décision