Cour de cassation, Chambre civile 1, 7 février 2018, 16-28.374, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 7 février 2018

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 158 F-D

Pourvoi n° X 16-28.374

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. Franck X…, domicilié […] ,

2°/ M. Olivier X…, domicilié […] ,

contre l’arrêt rendu le 13 octobre 2016 par la cour d’appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme Marie-Claude Y…, épouse Z…, domiciliée […] ,

2°/ à Mme Marie-Pierre A…, épouse B…, domiciliée […] ,

défenderesses à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme C…, conseiller rapporteur, M. Reynis, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme C…, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. Franck et Olivier X…, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme A…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 13 octobre 2016), que Renée D… est décédée le […] , en l’état d’un testament olographe du 3 mai 2010, comportant divers legs, notamment au profit de Mme Y… et de Mme A…, infirmière libérale lui ayant prodigué des soins, qui était aussi désignée comme bénéficiaire de trois contrats d’assurance sur la vie ; que MM. Franck et Olivier X… (les consorts X…), se prévalant de la qualité d’héritiers, ont assigné Mmes Y… et A… en annulation des legs testamentaires et en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ;

Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes en annulation des legs et des clauses bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une infirmière libérale ne peut profiter de libéralités faites par une personne malade à laquelle elle a apporté des soins réguliers tout au long d’une période qui s’est terminée par le décès du disposant ; que les consorts X… faisaient notamment valoir que Renée D… était atteinte depuis 1990/1991 d’une affection nécessitant des soins réguliers, qui étaient prodigués par Mme A…, infirmière libérale ; que l’état de santé de Renée D… s’était fortement dégradé à partir de 2008 ; qu’entre le 10 janvier 2009 et le […], date du décès de Renée D…, Mme A… avait ainsi effectué plus de 350 actes de soins ; que Mme A… « intervenait, en sa qualité d’infirmière, à tout le moins plusieurs fois par mois et, très régulièrement, plusieurs fois par semaine. Il doit être également noté que cette dernière a administré des soins dits « AMI » correspondant à des prélèvements, injections, pansements mais également des soins dits « AIS » signifiant : « soins infirmiers : dépendance temporaire ou permanente » » ; qu’en affirmant, pour rejeter les demandes des consorts X…, qu'« il n’est nullement démontré que Mme A… a soigné Renée D… pendant la maladie dont elle est morte », sans se prononcer sur ce qui précède, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 909 du code civil ;

2°/ qu’une infirmière libérale ne peut profiter de libéralités faites par une personne malade à laquelle elle a apporté des soins réguliers tout au long d’une période qui s’est terminée par le décès du disposant, sauf à l’infirmière à prouver que ce décès a une cause totalement étrangère à l’état ayant nécessité les soins prodigués ; qu’en rejetant les demandes des consorts X…, au prétexte qu’il existait une « incertitude » sur la cause exacte et précise du décès de Renée D… et qu’il n’était donc pas établi que Mme A… ait donné des soins à la défunte pendant la maladie « dont celle-ci est décédée », quand il appartenait à l’infirmière de démontrer que le décès de Renée D… avait une cause totalement étrangère à l’état ayant nécessité les soins prodigués, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir relevé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, qu’aucun des documents médicaux communiqués ne révélait de quelle affection Renée D… était décédée, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, et qu’en l’état de cette incertitude sur la cause du décès, il n’était pas établi que Mme A… avait donné des soins à la défunte pendant la maladie dont celle-ci était décédée, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et qui en a déduit, sans inverser la charge de la preuve, que les consorts X… ne pouvaient invoquer l’article 909 du code civil, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. Franck et Olivier X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme A… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour MM. Franck et Olivier X…

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les demandes au titre de l’annulation de legs testamentaires, dit que Mme Marie-Pierre B… (A…) était la bénéficiaire du prix de vente de la maison dont était propriétaire Mme Renée D…, rejeté la demande tendant à dire que les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance vie Predissime et Predige étaient nulles et nulles d’effet, dit que Mme Marie-Pierre B… (A…) était bénéficiaire, conformément aux clauses bénéficiaires des contrats Predige et Predissime, souscrits respectivement les 11 avril 1991 et 26 juin 2008, et ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme Renée D… décédée le […]  ;

AUX MOTIFS QUE « (

) sur la capacité de Mme B… (A…) à recevoir des legs de Mme D… ; que l’article 909 du code civil dispose notamment que les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ; que les contrats d’assurance vie mentionnant à titre de bénéficiaire un des professionnels visé par ce texte sont assimilés à des dispositions prohibées ; que Mme B… (A…) est infirmière libérale ; que les appelants soutiennent qu’elle a prodigué des soins à Mme D… pendant la maladie dont elle est décédée ; qu’ils déclarent que la défunte souffrait d’une affection nécessitant des soins récurrents depuis au moins 1990, que son état a fortement évolué et s’est gravement dégradé au cours de l’année 2008 ; qu’ils affirment que Mme B… (A…) lui a prodigué des soins constants de 1990 à son décès ; que l’intimée dément avoir prodigué des soins à la défunte pendant la maladie dont elle est morte ; qu’elle conteste que Mme D… était atteinte d’une maladie chronique évolutive dont elle serait décédée et soutient que les causes de son décès ne sont pas connues ; que le docteur E…, qui a été désigné en qualité d’expert par ordonnance du 29 mai 2011 afin de rechercher si Mme D… était saine d’esprit en mai 2010 et qui a reçu le dossier médical détenu par la clinique […], ne mentionne qu’une hospitalisation en avril 2007 en raison d’une fissure de l’os pubien ; qu’il n’évoque aucune autre intervention ; qu’aucun des documents médicaux communiqués ne révèle de quelle affection Mme D… est décédée à l’âge de 85 ans ; que si elle était atteinte d’une affection de longue durée pour laquelle un protocole de soins a été établi fin 2008, rien ne permet de mettre en relation le décès avec cette affection sur laquelle aucune précision n’est au demeurant apportée ; que le rapport de transmission de l’examen tomographique justifié par une lésion du foie, établi par le docteur F… le 24 octobre 2008 révèle quelques « anomalies » mais le courrier du docteur G… du 18 décembre 2008 mentionne qu’il n’existe aucun argument pour une pathologie endocrine carcinomateuse évolutive, aucun critère suspect de malignité après une échographie cervicale et que si l’on constate un nodule colloïde, celui-ci est bénin ; que le docteur G… conclut ainsi : on manque donc vraiment d’argument pour penser à un problème thyroïdien évolutif ; qu’en l’état de cette incertitude sur la cause du décès de Mme D… il n’est pas établi que l’intimée ait donné des soins à la défunte pendant la maladie dont celle-ci est décédée ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il rejette la demande d’annulation des legs testamentaires au profit de Mme B… (A…) et en ce qu’il dit cette dernière bénéficiaire des contrats Predige et Predissime conformément aux clauses contractuelles ainsi qu’elle est bénéficiaire du prix de vente de la maison aux termes du testament (

) » (arrêt attaqué, p. 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « (

) M. Franck X… et M. Olivier X… ne peuvent invoquer l’application de l’article 909 du code civil à l’égard de Mme Marie-Pierre B… (A…), puisque malgré les pièces produites, il n’est nullement démontré que celle-ci a soigné Mme Renée D… pendant la maladie dont elle est morte (

) » (jugement entrepris p. 4) ;

ALORS QUE 1°), une infirmière libérale ne peut profiter de libéralités faites par une personne malade à laquelle elle a apporté des soins réguliers tout au long d’une période qui s’est terminée par le décès du disposant ; que MM. X… faisaient notamment valoir que Mme D… était atteinte depuis 1990/1991 d’une affection nécessitant des soins réguliers, qui étaient prodigués par Mme B…, infirmière libérale ; que l’état de santé de Mme D… s’était fortement dégradé à partir de 2008 ; qu’entre le 10 janvier 2009 et le […] (date du décès de Mme D…), Mme B… avait ainsi effectué plus de 350 actes de soins ; que « Mme Marie-Pierre B… intervenait, en sa qualité d’infirmière, à tout le moins plusieurs fois par mois et, très régulièrement, plusieurs fois par semaine. Il doit être également noté que cette dernière a administré des soins dits « AMI » correspondant à des prélèvements, injections, pansements mais également des soins dits « AIS » signifiant : « soins infirmiers : dépendance temporaire ou permanente » » (conclusions d’appel de MM. X…, pp. 20 et s.) ; qu’en affirmant, pour rejeter les demandes de MM. X…, qu'« il n’est nullement démontré que (Mme B…) a soigné Mme Renée D… pendant la maladie dont elle est morte » (motifs adoptés du jugement entrepris, p. 4), sans se prononcer sur ce qui précède, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 909 du code civil,

ALORS QUE 2°), une infirmière libérale ne peut profiter de libéralités faites par une personne malade à laquelle elle a apporté des soins réguliers tout au long d’une période qui s’est terminée par le décès du disposant, sauf à l’infirmière à prouver que ce décès a une cause totalement étrangère à l’état ayant nécessité les soins prodigués ; qu’en rejetant les demandes de MM. X…, au prétexte qu’il existait une « incertitude » sur la cause exacte et précise du décès de Mme D… et qu’il n’était donc pas établi que Mme B… ait donné des soins à la défunte pendant la maladie « dont celle-ci est décédée », quand il appartenait à l’infirmière de démontrer que le décès de Mme D… avait une cause totalement étrangère à l’état ayant nécessité les soins prodigués, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du code civil.

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