Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2018, 16-25.500, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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www.sancy-avocats.com · 18 septembre 2022

Le comportement du salarié, résultat d'une position managériale partagée et encouragée par l'ensemble de ses supérieurs hiérarchiques, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 12-7-2022, 20-22.857). 1/ Les faits Un salarié, engagé par une entreprise horticole le 4 février 2015, en qualité de directeur des systèmes d'information, est licencié pour faute grave le 2 mai 2016. L'employeur lui reproche des faits de harcèlement moral à l'égard d'une collègue, et l'instauration d'un climat de tension et de peur caractérisé par une volonté affichée d'éliminer …

 

SW Avocats · 2 mai 2021

Dans un arrêt rendu le 21 juin 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « ayant retenu que le médecin du travail avait envoyé à l'employeur un courriel le 16 novembre 2009 dans lequel il l'informait, outre de la nécessité de trouver rapidement un poste adapté à l'état de santé d'un salarié en situation de handicap, de propos discriminatoires tenus à son encontre par le supérieur hiérarchique et relevé que l'employeur n'avait pas réagi à celui-ci, en ne diligentant aucune enquête ni même en procédant à une simple vérification des faits dénoncés, a exactement décidé que …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 21 juin 2018, n° 16-25.500
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-25.500
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 7 septembre 2016, N° 14/01487
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037135957
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:SO00981
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, le 8 septembre 2016), que M. Y…, engagé par la société Bio.C – Laboratoire interprofessionnel d’Aquitaine (la société), à compter du 1er septembre 2007 en qualité de responsable production, convoqué le 25 octobre 2012 à un entretien préalable fixé au 7 novembre, a été licencié par lettre du 27 novembre 2012 pour fautes lourdes ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de dire le licenciement pour faute lourde dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, au motif que les présumés faits reprochés sont prescrits, et, en conséquence, de la condamner au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en jugeant que la lettre du 16 novembre 2009 adressée par le médecin du travail à l’employeur, qui mettait l’accent sur la situation de la salariée en situation de handicap en termes d’état de santé et de charge de travail, lui permettait d’avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits commis par le salarié jusqu’à cette date, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1332-4 du code du travail ;

2°/ qu’en retenant la circonstance qu’à l’issue d’une visite de cette salariée du 2 juin 2009, le médecin du travail avait noté notamment des problèmes relationnels avec M. Y…, sans constater que ces observations, figurant dans le dossier du médecin du travail, auraient été transmises à l’employeur, elle a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard du même article ;

3°/ qu’en retenant que le fait que les comportements reprochés aient persisté dans le temps, et plus particulièrement dans le délai de deux mois précédant la prescription, n’était pas de nature à suspendre ou interrompre le délai de prescription, la cour d’appel a violé l’article précité ;

4°/ qu’en retenant que l’employeur ne pouvait valablement se défendre de la prescription des faits, y compris pour les faits qui s’étaient poursuivi dans le temps, au prétexte qu’informé de ces derniers par le courriel du 16 novembre 2009, il les avait tolérés en ne diligentant aucune enquête ni vérification, quand cette abstention unique ne pouvait valoir tolérance, laquelle suppose qu’un employeur ne réagisse pas à plusieurs reprises face à des agissements fautifs répétés, la cour d’appel a violé les articles L. 3141-26, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

5°/ que l’employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, peut toujours justifier le licenciement d’un salarié qui s’est rendu coupable d’agissements graves contraires à ces intérêts, quel que soit son comportement antérieur ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1, L. 3141-26, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, ayant retenu que le médecin du travail avait envoyé à l’employeur un courriel le 16 novembre 2009 dans lequel il l’informait, outre de la nécessité de trouver rapidement un poste adapté à l’état de santé d’un salarié en situation de handicap, de propos discriminatoires tenus à son encontre par le supérieur hiérarchique et relevé que l’employeur n’avait pas réagi à celui-ci, en ne diligentant aucune enquête ni même en procédant à une simple vérification des faits dénoncés, a exactement décidé que l’employeur ne pouvait ensuite, trois ans plus tard, licencier pour faute lourde l’auteur fautif de ces agissements, qui se seraient poursuivis, en raison de leur prescription et de la tolérance dont ils avaient fait l’objet de sa part ; que le moyen, irrecevable dans sa cinquième branche, comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laboratoire interprofessionnel d’Aquitaine, A.Bio.C aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Laboratoire interprofessionnel d’Aquitaine, A.Bio.C et la condamne à payer à M. Y… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoire interprofessionnel d’Aquitaine, A.Bio.C

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement pour faute lourde notifié à M. Y… par la société A.Bio.C – laboratoire interprofessionnel d’Aquitaine est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse en raison de la prescription des faits reprochés à M. Y…, et en conséquence, d’AVOIR condamné l’employeur à payer au salarié les sommes de 8 599,20 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 859,92 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis, 4 473,18 € à titre d’indemnité de licenciement, 2 866,40 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, 20 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail et 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR ordonné le remboursement par la société à Pôle emploi de deux mois d’indemnités de chômage touchées par M. Y…, et d’AVOIR condamné la société A.Bio.C – laboratoire interprofessionnel d’Aquitaine aux entiers dépens,

AUX MOTIFS PROPRES QUE La lettre de licenciement pour faute lourde du 27 novembre 2012 est ainsi rédigée : « nous sommes contraints de vous licencier pour fautes lourdes en raison des faits suivants : dans le cadre de votre fonction, vous avez exercé des pressions morales caractérisées sur le personnel dont vous aviez la responsabilité, et notamment sur des personnes ayant une reconnaissance de travailleur handicapé, ce dont vous aviez parfaitement connaissance. Ainsi, notamment, vous avez, outre des propos discriminants envers certains salariés, exercé des pressions sur des salariés, en vue de les déstabiliser, créant ainsi une ambiance délétère et détériorant la cohésion des équipes. Ces agissements répétés, portés récemment à notre connaissance, ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail et ont altéré la santé mentale de certains salariés, notamment des personnes ayant le statut de travailleur handicapé. Ces agissements d’une gravité exceptionnelle sont inadmissibles. En conséquence, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute lourde » ; que la faute lourde, privative des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés, dont la charge de la preuve pèse sur l’employeur qui l’invoque, est celle commise par le salarié dans l’intention de nuire à son employeur, ou à l’entreprise ; que la société produit les attestations de Mesdames Christèle A… et de Laetitia B… ; que dans son attestation du 16 octobre 2012 (pièce 5), Christèle A… écrit : « depuis l’arrivée de M. Olivier Y… en tant que responsable du secteur de chimie, j’ai subi régulièrement une discrimination liée à mon handicap (reconnu auprès de la DDHP) cf pièce jointe du 16 novembre 2009. Lettre adressée à l’inspecteur du travail. Il m’appelait dans son bureau et lors des entretiens il me hurlait dessus, ne me laissait pas m’exprimer (une de mes collègues se mettait à proximité de la porte prête à intervenir pour me soutenir. Il m’est arrivé de finir accroupie la tête entre les mains, en pleurs tellement c’était insupportable. Lors de ces entretiens il me demandait d’effectuer du travail incompatible avec mon handicap malgré les informations fournies par la médecine du travail – pièce jointe du 02/06/2009. Il y avait des jours où je pleurais en travaillant parce que je ne pouvais plus supporter ce que je subissais. Même si on peut trouver ça hallucinant j’étais rassurée de voir d’autres techniciennes ne souffrant pas d’handicap pleurer régulièrement. Cette situation, je l’ai dénoncée à son supérieur hiérarchique M. Nicolas C…. Mais celui-ci n’a pas donné suite. Parmi toutes les situations très déstabilisantes que j’ai vécues, je ne relate que celles pour lesquelles j’ai des preuves » ; que la société produit une autre attestation de Christèle A…, du 5 janvier 2016 (pièce 27) ainsi rédigée : « certifie que les faits décrits dans l’attestation que j’ai rédigée le 16 octobre 2012 se sont déroulés depuis 2009 jusqu’au départ de M. Olivier Y… à l’automne 2012 » ; que dans son attestation du 28 octobre 2012 (pièce 6) Laetitia B… écrit : « je tiens à témoigner contre M. Olivier Y… pour ses agissements envers moi-même et plusieurs de mes collègues. Il utilisait un langage irrespectueux, blessant et humiliant. Pour nous appeler il nous sifflait ou nous interpellait par « Hep ». Il surnommait une collègue « la petite » ou « l’autre » avec une intonation insultante. Il avait un comportement différent suivant à qui il s’adressait. Une voisine de son bureau savait à qui il parlait au téléphone rien qu’en écoutant le langage employé. J’ai moi-même été témoin d’une réprimande dans son bureau où une collègue était tellement rabaissée qu’elle était accroupie en pleurs et qu’il continuait à lui hurler dessus. De plus il se vantait d’être intouchable car il était ami avec le directeur d’Abioc. M. Y… avait un caractère bipolaire à savoir qu’il nous réprimandait ou nous engueulait car les résultats n’étaient pas corrects et rendus à temps alors que soit cela venait de la machine, soit un contrôle qui n’était pas bon et dont les résultats ne lui convenaient pas. Ensuite 2 ou 3 heures plus tard il venait avec un ton tout doux presque mielleux pour nous demander d’autres analyses. Par ailleurs j’ai été victime de menace de licenciement ou d’avertissement pour ne pas lui avoir donné une réponse dans l’immédiat alors que l’analyse n’était pas terminée. Il nous invectivait car le tableau du délai n’était pas fait alors que nous n’avions pas le temps, nous étions occupés à d’autres analyses. Quant à lui il validait des résultats alors que les analyses n’étaient pas commencées. Par exemple : il nous demandait de trouver ce résultat de fibres parce qu’il le validait. De même il ne faisait pas le travail de qualité. Pour ma part pour l’audit j’ai été obligée de falsifier mon habilitation pour (illisible) parce qu’il ne l’avait pas faite alors que c’est moi qui ai mis en partie en place lors de mon rapport de stage d’apprentissage, alors que je donnais des conseils à mes collègues car je connaissais bien la machine. Également il y a deux ou trois ans on m’a dit que je n’étais pas habilitée à certaines analyses à la pesée alors que j’avais fait mes essais depuis longtemps » ; que les faits relatés par cette salariée, qui sont concordants avec ceux décrits par Christèle A… et qu’ils viennent confirmer, sont d’une gravité certaine quant au comportement de M. Y…, particulièrement en sa qualité de supérieur hiérarchique décrit comme volontairement blessant et humiliant à l’égard de salariées, dont l’une d’entre elles au moins peut être qualifiée de particulièrement vulnérable, Mme A… reconnue travailleur handicapé, qui, bien que non citée dans cette attestation, est manifestement concernée par la description qui en est faite et qui correspond précisément à celle qu’elle-même décrit dans son attestation (« il me hurlait dessus », « il m’est arrivée de finir accroupie la tête entre les mains, en pleurs tellement c’était insupportable ») ; que le salarié soulève la prescription des faits qui lui sont reprochés ; qu’en application des dispositions de l’article L.1332-4 du Code du travail, aucun agissement fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à des poursuites disciplinaires plus de deux mois au-delà de la date à laquelle l’employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, en a eu connaissance, sauf s’il a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai ; que dès lors qu’il est établi que les faits ont été commis plus de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire, c’est à l’employeur de prouver qu’il n’en a eu connaissance que postérieurement au point de départ du délai de prescription de 2 mois, en justifiant, au besoin de la nécessité de procéder à une enquête et à des vérifications pour avoir une connaissance complète et précise des faits, de leur degré de gravité et de leur imputabilité ; que les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont graves, par nature, en premier lieu, nécessairement, pour la victime, mais aussi pour le salarié à qui de tels faits inadmissibles sont reprochés et également pour l’employeur qui a une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés et qui, ayant été informé de tels faits, n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour y mettre un terme ; que ma société prétend qu’elle n’a eu connaissance exacte des faits imputables à M. Y… qu’après son départ du laboratoire en octobre 2012, pour continuer ses fonctions dans le cadre du télétravail ; que la société produit (pièce 23) le courrier RAR du 16 novembre 2009 que le médecin du travail (docteur B. G…) a adressé à : M. C… Nicolas, directeur laboratoire A.Bio.C, M. Henri D…, Agro Bio, et à l’inspecteur du travail ; que le texte de ce courrier est le suivant : « j’ai reçu, à sa demande, Mme A… Christel, le 12 novembre 2009, suite à son accident du travail du 5 novembre 2009. Mme A… a été hospitalisée suite à une nouvelle crise d’épilepsie généralisée, sur le lieu de travail. Elle est toujours en arrêt de travail. Depuis janvier 2007, je suis régulièrement cette salariée, essayant de trouver un poste adapté à son handicap. Les propos discriminants de son responsable hiérarchique, la charge de travail qui lui est attribuée contribuent à aggraver son état de santé. La reprise à temps plein après un mi-temps thérapeutique de 8 mois en 2007 et 3 mois en 2008, est difficile pour Mme A…. L’ambiance et la charge de travail provoquent insomnies, fatigue, hypersensibilité psychique, très défavorables dans son cas. Elle a accepté d’effectuer des démarches de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé en août 2009, afin de pouvoir élaborer un dossier de lourdeur du handicap (LDH). Ce dossier lui permettrait d’alléger la charge de travail sans pénaliser financièrement l’employeur. Le SAMETH Béarn vous a d’ailleurs rencontré à ce sujet-là. À ce jour, rien n’est fait et l’état de santé de Mme A… s’aggrave. Je souhaiterais que vous sollicitiez au plus vite M. E… F… du SAMETH pour vous aider à remplir le dossier LDH. J’ai demandé au médecin traitant de Mme A… de prolonger son arrêt jusqu’en début décembre de prescrire une reprise à mi-temps thérapeutique. Mme A… peut travailler de façon discontinue (maximum 2 heures) au broyage, la vérification des pipettes et balances, à la saisie de résultats, à la pesée. Elle ne présente aucune contre-indication médicale au travail sur écran. Je reste à votre disposition pour vous aider dans l’adaptation du poste de travail de Mme A…. Vous pouvez me joindre au (numéro téléphone) » ; qu’il résulte de ce courrier qu’il a été porté à la connaissance de l’employeur, dès le mois de novembre 2009, le fait que Christèle A… se plaignait d’être victime de propos discriminants de son supérieur hiérarchique et de ce qu’une charge de travail lui était attribuée inadaptée à son état de santé ; que la date certaine de ce courrier permet donc de dater non seulement les faits dont Christèle A… a été victime, ou a commencé à l’être, mais également du moment où ils ont été portés à la connaissance de l’employeur, au moins de manière indubitable ; qu’en revanche, les faits dénoncés par Laetitia B… dans son attestation ne sont pas datés et aucun élément produit ne permet de déterminer la date à laquelle ils ont été commis et donc s’ils sont susceptibles d’être couverts par la prescription ou non, ni d’ailleurs quels sont les autres salariés qui ont pu avoir été victimes du comportement de M. Y…, exceptés les faits concernant A… Christèle, identifiable dans l’attestation, et dont le courrier du médecin du travail permet de les situer au moins avant novembre 2009 ; qu’il ne paraît pas très banal qu’un médecin du travail adresse un courrier avec un tel contenu au directeur de l’établissement, au président de la société, ainsi qu’à l’inspecteur du travail ; que c’est manifestement la gravité de la situation de la salariée qui l’a conduit à faire cette démarche, ce qui ressort du rappel qu’il suit cette salariée depuis janvier 2007 afin d’essayer de lui trouver un poste adapté à son handicap, et surtout de la mention selon laquelle elle subit des propos discriminants de la part de son responsable hiérarchique ainsi qu’une charge de travail qui, inadaptée à son état de santé, aggrave celle-ci ; que ce courrier du médecin du travail fait suite à une précédente visite de la salariée du 2 juin 2009 à l’issue de laquelle il notait notamment des problèmes relationnels avec Olivier Y… ; que l’inquiétude du médecin du travail quant à la gravité des faits supportés par la salariée, et sa conviction de la nécessité de trouver une solution rapide, ressort également de ce qu’il a conclu son courrier en indiquant rester à la disposition de ses divers destinataires, allant jusqu’à donner son numéro de téléphone portable ; qu’or, il n’est pas allégué, ni a fortiori démontré, que le directeur de l’établissement, ou le président de la société, ont donné une quelconque suite à ce courrier ; que l’argument selon lequel M. Y… a pu bénéficier d’une protection de la part du directeur du laboratoire, comme le soutient la société, et que dès lors celle-ci n’a pu avoir connaissance des faits dénoncés par la salariée avant le départ de M. Y… et du directeur du laboratoire, n’est pas pertinent car il est établi, et non contesté, que le courrier du médecin du travail a été également adressé au président de la société, M. D…, de sorte que l’employeur est réputé avoir eu connaissance de ces faits dès novembre 2009 ; qu’or, la société n’allègue pas, ni ne démontre, qu’à la suite de cette information elle a fait procéder à une enquête, ou à quelconque investigation, ou s’être rapproché du médecin du travail, afin de vérifier les faits portés à sa connaissance et afin d’avoir une connaissance complète et précise des faits et de leur imputabilité, de sorte qu’elle ne justifie pas des raisons pour lesquelles la procédure de licenciement n’a été engagée qu’en octobre 2012, soit 3 ans après que les faits ont été portés à sa connaissance en novembre 2009 ; qu’il n’est pas davantage prétendu que des poursuites pénales ont été engagées pendant ce délai ; que l’argument selon lequel les faits de harcèlement se seraient poursuivis jusqu’au jour du départ de M. Y… du laboratoire en octobre 2012, et auraient donc persisté dans le délai de 2 mois précédant l’engagement des poursuites, n’est pas pertinent et n’est pas de nature à suspendre ou interrompre le délai de prescription car, puisqu’il est prétendu que ce sont des faits de même nature qui se sont poursuivis, cela signifie qu’en dépit de la connaissance que l’employeur a eu de ces faits en novembre 2009 il les a laissés se poursuivre, sans justifier d’une enquête ou vérification pour en apprécier l’exactitude et l’étendue, de sorte que cette abstention caractérise ainsi une tolérance de ces faits ce qui lui interdit de les invoquer 3 ans plus tard pour justifier un licenciement pour faute ; que par conséquent, il y a lieu de dire que les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont établis tant en ce qui concerne leur matérialité, que leur gravité et leur imputabilité à M. Y… qui échappera cependant à leurs conséquences du fait de leur prescription et de la tolérance dont ils ont fait l’objet de la part de l’employeur ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’en droit, selon les dispositions de l’article L1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement doit invoquer un motif suffisamment précis pour permettre l’appréciation du caractère réel et sérieux du licenciement ; qu’en l’espèce, la lettre de licenciement de M. Olivier Y… en expose les motifs avec les ternes suivants : « dans le cadre de vos fonctions, vous avez exercé des pressions morales caractérisées sur le personnel dont vous aviez la responsabilité, et notamment sur des personnes ayant une reconnaissance de travailleur handicapé, ce dont vous aviez parfaitement connaissance. Ainsi, notamment, vous avez, en outre des propos discriminants envers certains salariés, exercé des pressions sur les salariés, en vue de les déstabiliser, créant ainsi une ambiante délétère et détériorant la cohésion des équipes. Ces agissements répétés, portés récemment à notre connaissance, ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail et altéré la santé mentale de certains salariés, notamment des personnes ayant le statut de travailleurs handicapés » ; que le Conseil constate que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement de M. Olivier Y… sont suffisamment précis, objectifs, et vérifiables et qu’en conséquence les dispositions de l’article L. 1232-6 du Code du travail ont été respectées par la société ABIOC ; qu’en droit, l’article L. 1332-4 du Code du travail indique qu'« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui Seul à l’engagement des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de cieux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales » ; qu’en l’espèce, la société ABIOC fonde le licenciement de M. Olivier Y… sur des faits que ce dernier aurait commis à l’encontre de Mme A… ; qu’or, au vu de la pièce 23 produite par la société ABIDC, un courrier daté du 16 novembre 2009 et signé du médecin du travail en charge du suivi de Mme A… fait état des difficultés rencontrées par cette dernière à son travail et des « propos discriminants de son responsable hiérarchique » qui n’est autre que M. Olivier Y… ; que ce courrier est adressé à M. C…, Directeur Laboratoire ABIOC et supérieur hiérarchique de M. Olivier Y…, ainsi qu’à M. Henri D… ; qu’au vu de la pièce 25 produite par la société ABIOC, il est constaté que M. C… est membre du comité de Direction et titulaire d’une délégation de pouvoir en matière de gestion du personnel ; qu’enfin, à l’audience du bureau de jugement, il est dit que M. D… avait à l’époque la qualité d’employeur ; qu’ainsi, quand bien même il y aurait eu, comme le prétend la société ABIOC, collusion entre MM. C… et Y…, il ne fait aucun doute que le 16 novembre 2009, M. D…, en qualité d’employeur de M. Olivier Y…, avait connaissance des faits à l’encontre de Mme A…, et que pour autant, aucune procédure disciplinaire ni avertissement n’ont alors été fait vis-à-vis de M. Olivier Y… ; qu’en conséquence, les faits à l’origine du licenciement pour faute lourde de M. Olivier Y…, notifié en date du 27 novembre 2012, sont très largement prescrits ; qu’ainsi, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens des parties, le licenciement de M. Olivier Y… sera dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QUE la prescription prévue par l’article L. 1332-4 du Code du travail ne court que du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ; qu’en l’espèce, il résulte de l’arrêt attaqué que dans sa lettre du 16 novembre 2009 relative à la situation de Mme A…, le médecin du travail faisait brièvement état de la tenue de propos discriminants de son responsable hiérarchique (M. Y…), mais mettait surtout l’accent sur la charge de travail de la salariée, contribuant à aggraver son état de santé, sans attribuer spécifiquement cette situation au supérieur hiérarchique de Mme A… ; que s’il pressait l’employeur d’intervenir et laissait son numéro de téléphone portable, c’était en vue de faire élaborer un dossier de lourdeur du handicap afin de permettre d’alléger la charge de travail de la salariée et d’envisager une adaptation du poste de travail, et non s’agissant des propos discriminants tenus par M. Y… ; qu’en jugeant, sur la base de ce courrier, que l’employeur était réputé avoir eu connaissance en novembre 2009 des faits reprochés à M. Y… à l’égard de Mme A…, la cour d’appel n’a pas caractérisé la connaissance exacte, par l’employeur, de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits commis jusqu’au 16 novembre 2009 par M. Y…, et a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

2. ALORS en outre QU’en se fondant sur la circonstance qu’à l’issue d’une visite de Mme A… du 2 juin 2009, le médecin du travail avait noté notamment des problèmes relationnels avec Olivier Y…, sans constater que ces observations, figurant dans le dossier du médecin du travail, auraient été transmises à l’employeur, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1332-4 du code du travail ;

3. ALORS en toute hypothèse QUE lorsque le comportement reproché au salarié s’est poursuivi dans le délai de deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement, l’employeur est fondé à prendre en considération à l’appui du licenciement les faits antérieurs ; qu’en affirmant que faute de suite donnée au courrier du médecin du travail du 16 novembre 2009, l’argument selon lequel les faits de harcèlement se seraient poursuivis jusqu’au jour du départ de M. Y… du laboratoire en octobre 2012, et auraient donc persisté dans le délai de 2 mois précédant l’engagement des poursuites, n’était pas de nature à suspendre ou interrompre le délai de prescription, la cour d’appel a violé l’article L. 1332-4 du code du travail ;

4. ALORS par ailleurs QU’une tolérance ne peut être opposée à l’employeur que lorsqu’il n’a pas réagi à plusieurs reprises face à des agissements fautifs réitérés dont il avait connaissance ; que l’absence de réaction de l’employeur, informé à une reprise d’un comportement fautif, ne lui interdit pas, lorsqu’il découvre que ce comportement s’est poursuivi, de sanctionner le salarié, aucune tolérance ne pouvant lui être opposée, au moins pour les nouveaux faits ; qu’en l’espèce, il résulte seulement de l’arrêt que par courrier du 16 novembre 2009, l’employeur avait été informé par le médecin du travail de la tenue par M. Y… de propos discriminants à l’égard de Mme A… ; qu’en refusant à l’employeur le droit de se prévaloir des faits commis par M. Y… entre le 17 novembre 2009 et le 1er octobre 2012, au prétexte que l’employeur n’avait pas procédé à une enquête ou à une vérification pour apprécier l’exactitude et l’étendue des faits dénoncés par le médecin du travail en novembre 2009 et aurait ainsi toléré ces faits, quand cette abstention unique ne pouvait valoir tolérance, à tout le moins des faits commis postérieurement au courrier du médecin du travail, et priver l’employeur du droit de les sanctionner, la cour d’appel a violé les articles L. 3141-26, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

5. ALORS subsidiairement QUE l’abstention de l’employeur à faire procéder à une enquête et à des vérifications face à une dénonciation de propos discriminants proférés contre un travailleur handicapé par son supérieur hiérarchique, ne lui interdit pas, quoique cette attitude puisse concourir à la persistance de tels agissements, d’invoquer ultérieurement à l’appui du licenciement de leur auteur la poursuite effective de son comportement blessant et humiliant à l’égard de la même personne vulnérable ; qu’en l’espèce, sur la base d’attestations relatant des agissements humiliants et discriminants datant de 2009 et ayant persisté jusqu’à l’automne 2012, la cour d’appel a retenu qu’ils étaient « d’une gravité certaine » et « inadmissibles », en ce qu’ils émanaient d’un supérieur hiérarchique et visaient une subordonnée particulièrement vulnérable comme reconnue travailleur handicapé ; qu’en jugeant que faute d’avoir diligenté une enquête en 2009, date à laquelle le médecin du travail l’avait alerté de propos discriminants tenus par le responsable hiérarchique d’une salariée handicapée, l’employeur avait ainsi laissé se poursuivre les agissements de harcèlement litigieux, ce qui caractérisait une tolérance lui interdisant d’invoquer leur poursuite trois ans plus tard pour justifier un licenciement, quand quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, la gravité du comportement constaté autorisait le licenciement, la cour d’appel a violé les articles L 1152-1, L 3141-26, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9 et L 1235-1 du code du travail.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour de cassation, Chambre sociale, 21 juin 2018, 16-25.500, Inédit