Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 16-19.536, Inédit

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

SOC.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 20 juin 2018

Rejet

M. X…, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 1000 F-D

Pourvoi n° R 16-19.536

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Pharmalog, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 26 avril 2016 par la cour d’appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l’opposant à M. Charles Y…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

En présence du : Défenseur des droits, domicilié […] ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 24 mai 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller, Mme E…, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z…, conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Pharmalog, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. Y…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 26 avril 2016), que M. Y… a été engagé, le 5 octobre 1998, en qualité d’assistant logistique, par la société Pharmalog ; qu’il a été désigné, le 12 mars 2004, délégué syndical par l’union départementale Force Ouvrière de l’Eure et a ensuite exercé les mandats de représentant syndical au comité d’entreprise et au CHSCT ; que soutenant être victime d’entrave à sa liberté syndicale, d’une discrimination syndicale et d’un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages et intérêts en réparation des faits de discrimination et de harcèlement subis depuis mars 2004 alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque les éléments de faits produits par le salarié permettent de présumer l’existence d’une discrimination, il appartient à l’employeur de justifier ses décisions par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que la société justifiait de ce que les salariés de l’entreprise sont régulièrement affectés, à titre temporaire, au sein du bâtiment « […] » dédié à l’activité d’un client et qu’en conséquence, l’affectation du salarié dans ce bâtiment, pendant quelques mois au cours de l’année 2004, était non seulement justifiée objectivement, compte tenu des modalités d’organisation de l’entreprise, mais aussi étrangère à ses fonctions syndicales ; qu’en retenant cependant que ce fait n’était pas objectivement justifié par des considérations étrangères aux activités syndicales du salarié dès lors que la société ne démontre pas la « nécessité » objective d’affecter M. Y…, et non un autre salarié, dans cet établissement à compter de la mi-mars 2004, la cour d’appel a violé les articles L. 2141-2, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°/ que l’annulation d’une décision administrative, sur recours hiérarchique, ne laisse rien subsister de cette décision ; que, s’agissant de la procédure de licenciement engagée en octobre 2009, en raison de l’introduction par le salarié, sur un ordinateur de l’entreprise, d’une clé USB contenant des logiciels malveillants servant au décryptage de mots de passe, la société soulignait que le Ministre du travail avait annulé la décision de l’inspecteur du travail du 5 mai 2009 et que le refus du Ministre d’accorder une autorisation de licenciement était fondé uniquement sur le non-respect du délai prévu par l’article R. 2421-14 du code du travail, en cas de mise à pied conservatoire du salarié ; que, dans sa décision du 16 novembre 2009, le ministre du travail a ainsi relevé que, selon les dispositions de l’article R. 2421-14 du code du travail, la demande d’autorisation de licenciement doit, en cas de mise à pied conservatoire, être présentée dans un délai maximal de dix jours à compter de la notification de cette mesure et que « le délai écoulé entre le 27 mars 2009, date de notification de la mise à pied de M. Y… et le 21 avril 2009, date de présentation de la demande d’autorisation est excessif et constitue un vice substantiel de procédure qui justifiait à lui seul le refus de l’autorisation de licenciement » ; qu’en se fondant néanmoins sur les motifs de la décision de l’inspecteur du travail du 5 mai 2009, qui avait été annulée, pour retenir que la société ne justifiait pas des raisons objectives l’ayant conduite à supprimer temporairement l’accès du salarié au réseau internet de l’entreprise et à engager une procédure de licenciement à son encontre, la cour d’appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs issu de la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°/ que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés ; qu’en l’espèce, la société faisait valoir, pour justifier sa décision de suspendre temporairement le permis de conduire des chariots élévateurs attribué au salarié, lors du retour de ce dernier dans l’entreprise après le refus de l’inspecteur du travail d’autoriser son licenciement, que le salarié avait fait montre, par le passé, d’un comportement dangereux dans la conduite de tels engins et que, lorsqu’ils s’étaient prononcés sur le projet de licenciement du salarié, les membres du comité d’entreprise avaient à l’unanimité donné un avis favorable à ce licenciement au motif que « le comportement de M. Y… crée un climat tendu, voire dangereux vis-à-vis de ses collègues de travail ; le CE est très inquiet des conséquences possibles d’un tel climat » ; qu’en retenant que la société ne justifiait pas objectivement sa décision de suspendre temporairement le permis de conduire les chariots élévateurs du salarié, lors de sa réintégration dans son poste, le 22 février 2009, au motif inopérant que l’accident occasionné par le salarié datait du 20 juin 2008 et que l’avis du formateur externe sur l’inaptitude du salarié à la conduite de tels véhicules n’avait pas été suivi immédiatement d’une interdiction de conduire ce type de véhicules, la cour d’appel a violé les articles L. 2141-5, L. 1132- 1, L. 1134-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

4°/ qu’en affirmant encore que dès sa désignation en qualité de représentant syndical, le salarié a été « rétrogradé de fait dans l’exercice de ses fonctions », dès lors qu’il a été privé d’un accès au réseau internet et de son permis de conduire des chariots élévateurs, sans aucunement faire ressortir en quoi ces deux décisions, dont elle a elle-même constaté qu’elles étaient temporaires, privaient le salarié de l’exercice de certaines responsabilités ou modifiaient ses fonctions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

5°/ que lorsque le salarié établit des éléments de faits qui laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral, le juge doit rechercher si l’employeur justifie ces faits par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que si l’annulation de sanctions disciplinaires et des refus d’autorisation de licenciement peuvent être de nature à laisser présumer un harcèlement moral, le juge doit alors rechercher si l’employeur justifie par des raisons objectives ces différentes procédures disciplinaires ; qu’il doit en conséquence examiner les motifs de l’annulation de ces sanctions et des refus d’autorisation de licenciement ; qu’en l’espèce, la société faisait valoir que l’annulation d’une mise à pied prononcée à l’encontre du salarié et les deux refus d’autorisation de licenciement étaient motivés par le non-respect de délais de procédures ou de règles de forme, mais que le caractère fautif des faits reprochés au salarié dans le cadre de ces procédures disciplinaires n’était pas remis en cause ; qu’en se bornant à relever que la « grande majorité » des mesures disciplinaires prononcées à l’encontre du salarié a été invalidée soit par le conseil de prud’hommes, soit par l’inspecteur du travail, sans examiner les motifs de ces décisions d'« invalidation », ni rechercher si les différentes procédures disciplinaires engagées par l’employeur ne reposaient pas sur des faits fautifs du salarié, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

6°/ enfin, que si le caractère répété de procédures disciplinaires injustifiées peut caractériser un harcèlement moral ou une discrimination, encore faut-il que le juge constate que toutes les procédures disciplinaires invoquées par le salarié ne sont pas fondées sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination ; qu’en l’espèce, la société faisait valoir que le salarié n’avait pas lui-même contesté, ni sollicité l’annulation de plusieurs des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ces sanctions, pour apprécier l’ampleur des faits de discrimination et de harcèlement moral subis par le salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, qu’ayant relevé que, dès sa désignation en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au comité d’entreprise puis au CHSCT, le salarié avait été affecté dans un local distant de quelques kilomètres où il travaillait isolé de ses collègues, s’était vu notifier un avertissement et avait été l’objet d’une procédure de licenciement à laquelle la société avait renoncé à la suite de sa contestation, puis de pressions et de menaces de licenciement alors qu’il assistait une collègue en sa qualité de représentant syndical, d’une mise à pied disciplinaire jugée disproportionnée et annulée, de deux autres procédures de licenciement avec mise à pied conservatoire, que le ministre du travail avait, le 16 novembre 2009, refusé d’autoriser le licenciement au motif que le délai maximal de dix jours entre la date de la mise à pied conservatoire et la demande d’autorisation du licenciement n’avait pas été respecté, que la demande d’autorisation de licenciement pour motif disciplinaire du 15 décembre 2009 avait été également rejetée le 22 février 2010 par l’inspecteur du travail aux motifs que la matérialité du grief reproché au salarié n’était pas établie et que l’appartenance syndicale de celui-ci n’était pas dénuée de tout lien avec la demande présentée, qu’à compter de sa réintégration dans l’entreprise le salarié avait été privé d’accès au réseau internet, qu’il s’était vu retirer son autorisation de conduite de chariot automoteur, indispensable à l’exercice de ses fonctions, la cour d’appel a pu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche du moyen, en déduire que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l’existence d’une discrimination syndicale et a estimé que l’employeur ne démontrait pas d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Attendu, ensuite, qu’appréciant souverainement les éléments de preuve et de fait qui lui étaient soumis et exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1154-1 du code du travail, la cour d’appel en a déduit l’existence de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, sans que la société ne démontre que ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Pharmalog aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pharmalog à payer à M. Y… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Pharmalog

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Pharmalog à verser à Monsieur Y… la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des faits de discrimination et de harcèlement subis depuis mars 2004 et la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la discrimination : les dispositions de l’article L. 2141-5 du code du travail interdisent, de manière spécifique, à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions afférentes notamment à la conduite et la répartition du travail, à la formation professionnelle, à l’avancement et à la rémunération ; que selon l’article L. 1134 -1 du code du travail, dans un procès en discrimination, il revient à celui qui se prétend victime de présenter des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que M. Y… soutient que son employeur, dès qu’il a eu connaissance de sa désignation en qualité de représentant syndical, lui a fait subir une véritable discrimination ayant consisté notamment, à prendre des sanctions disciplinaires disproportionnées, présenter des demandes de licenciement qui n’ont pas reçu l’agrément de l’Inspection du travail, lui retirer l’accès au réseau informatique de l’entreprise et l’isoler du reste de ses collègues en l’affectant à un poste de travail situé à plusieurs kilomètres du siège de la société. Il souligne qu’avant 2004, il n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque sanction disciplinaire ; que les pièces produites aux débats font ressortir les éléments de fait suivants : – par un courrier recommandé du 12 mars 2004, l’union syndicale des syndicats Force Ouvrière de l’Eure a informé la direction de la société Pharmalog de la désignation de M. Y… en qualité de délégué syndical Force Ouvrière ; – de la mi-mars 2004 au mois de septembre 2004, il s’est trouvé affecté dans un local "[…]", situé à quelques kilomètres du siège de la société, où il a travaillé seul et s’est trouvé isolé de ses collègues ; – par un courrier recommandé du 29 avril 2004, l’union syndicale des syndicats Force Ouvrière de l’Eure a informé la direction de la société Pharmalog de la désignation de M. Y… en qualité de représentant syndical au Comité d’Entreprise ; – le 13 mai 2004, un avertissement lui est notifié pour « écart de conduite intolérable envers votre supérieur hiérarchique (propos injurieux) » ; cet avertissement a été maintenu malgré ses protestations ; – par un courrier recommandé du 23 septembre 2004, l’union syndicale des syndicats Force Ouvrière de l’Eure a informé la direction de la société Pharmalog de la désignation de M. Y… en qualité de représentant syndical au CHSCT ; – le 15 octobre 2004, la société Pharmalog a engagé une procédure de licenciement à son encontre pour avoir refusé d’obéir aux ordres de sa hiérarchie et d’accomplir certaines tâches ; l’employeur a renoncé à cette procédure -à la suite de la contestation faite par le salarié qui l’estimait injustifiée ; – le 18 juin 2008, comme celle-ci en atteste, M. Y…, qui assistait Mme Carine A… en qualité de représentant syndical dans le cadre d’un entretien en vue de son licenciement, a « subi des pressions et reçu des menaces très caractérisées (menaces verbales de licenciement) » de la part de M. Marc B…, président directeur général de Pharmalog ; – par un courrier du 8 juillet 2008, M. B… a reconnu l’existence de cet emportement verbal en précisant « si je reconnais volontiers qu’à cette occasion le ton est monté., je tiens à vous confirmer que, d’une part, je n’en détiens nullement l’unique responsabilité et que, d’autre part, je n’ai en aucun cas prononcé de .propos calomnieux ou discriminatoires » ; – le 5 septembre 2008, il est mis à pied à titre disciplinaire pour ne pas avoir respecté la procédure interne d’étiquetage des palettes ; sur le recours formé par M. Y…, le conseil de prud’hommes de Louviers a prononcé l’annulation de cette mise à pied disciplinaire, la considérant comme étant « disproportionnée au grief invoqué » ; – le 27 mars 2009, la société Pharmalog a engagé une procédure de licenciement avec mise à pied conservatoire "à la suite de l’introduction par M. Y… dans le système informatique de l’entreprise d’une clé USB contenant des logiciels suspects déclenchant une alerte informatique ; par une décision du 4 mai 2009, l’Inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement en retenant que l’intention de nuire, prêtée au salarié, n’était pas prouvée et que le délai de la mise en oeuvre de la demande de licenciement était trop long ; l’Inspecteur du travail a formulé l’avis selon lequel « il ne peut être écarté l’existence d’un lien entre l’exercice pat M, Y… de ses mandats et la demande d’autorisation de licencier » ; – le 16 novembre 2009, statuant sur le recours formé par l’employeur contre cette décision, le Ministre du travail a confirmé le refus d’autoriser le licenciement au motif que le délai maximal de dix jours entre- la date de la mise à pied conservatoire et la demande d’autorisation du licenciement n’avait pas été respecté ; – à compter du 11 mai 2009, date de sa réintégration dans l’entreprise, M. Y… a été privé d’accès au réseau internet de la société Pharmalog (ordinateur, messagerie, logiciel SAP, module de réception) et, -dans un courrier adressé à la direction le 12 avril 2010, il a protesté contre cette mesure en faisant valoir que celle-Ci entraînait « la suppression pure et simple de ma fonction principale, de ce fait, je ne peux plus exercer mon Métier » ; cette mesure a été ultérieurement qualifiée de fait discriminatoire par l’inspecteur du travail dans sa décision du 22 février 2010 rejetant la demande de la société Pharmalog du 5 janvier 2010 tendant à se voir autorisée à mettre en oeuvre contre M. Y… une nouvelle mesure de licenciement pour motif disciplinaire ; – le 15 décembre 2009, la société Pharmalog a engagé une nouvelle procédure de licenciement pour « propos injurieux tenus à l’encontre de son supérieur hiérarchique » ; le 22 février 2010, l’inspecteur du travail a refusé l’autorisation de licenciement aux motifs que la matérialité du grief reproché à M. Y… n’était pas établie et que l’appartenance syndicale de celui-ci n’était pas dénuée de tout lien avec la demande présentée ; – le 22 février 2010, la société Pharmalog a retiré à M. Y… son autorisation de conduite de chariot automoteur, indispensable à l’exercice de ses fonctions, lui reprochant de le conduire dangereusement ; informée de cette mesure, l’inspection du travail a demandé à l’employeur de restituer sans délai cette autorisation et de garantir l’exécution normale des tâches de M. Y… et l’exercice régulier de ses missions de délégué du personnel, sous peine de voir « relever chaque infraction de discrimination et d’entrave » ; qu’il convient de constater que ces éléments, dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; que la société Pharmalog prétend que ces mesures se trouveraient justifiées par des éléments objectifs étrangers à la discrimination, en développant, pour l’essentiel, les arguments suivants : – la société comprend de nombreux représentants du personnel parmi lesquels plusieurs délégués syndicaux et, à aucun moment, n’a été invoquée par l’un de ces représentants, à l’exception de M. Y…, une quelconque discrimination, à fortiori syndicale ; – il est troublant de constater la concomitance qui existe entre la désignation de M. Y… en qualité de représentant syndical, ses contestations systématiques et ses débordements de comportement ; – les membres du comité d’entreprise ont, à deux reprises, émis un vote favorable sur le projet de licenciement de M. Y… estimant que celui-ci avait adopté un comportement inacceptable, les élus indiquant notamment : « nous ne pouvons pas prendre le risque que M. Y… continue à être totalement indifférent à nos préoccupations de sécurité et, ce faisant, à faire courir à l’entreprise des risques qu’il nie » ; – les critiques émises par M. Y… sur la modification de ses fonctions sont d’autant plus vaines que celui-ci a expressément revendiqué d’accomplir plus de tâches de magasinage et de cariste, allant même jusqu’à signer une fiche de fonctions le prévoyant ; – les sanctions disciplinaires et les procédures de licenciement étaient justifiées par des écarts de conduite intolérables, l’absence de respect des procédures internes, des actes d’insubordination et des propos injurieux envers ses supérieurs hiérarchiques ; – chacune des procédures initiées à l’encontre de M. Y… était justifiée par des éléments précis, sans lien avec son mandat syndical, et les procédures de licenciement ont été refusées pour des raisons de pure forme ; – l’affectation de M. Y… au bâtiment "[…]", au demeurant temporaire (quelques mois en 2004), ne constitue nullement un acte d’isolement ou de discrimination, d’autres salariés ayant eu à exercer leurs fonctions au sein de ce bâtiment dédié à l’activité du client Jansen Cilag ; cette affectation était nécessaire pour les besoins de l’exercice des fonctions de M. Y… et ce dernier n’a pas été privé de relations avec ses collègues ; – il n’a pas été privé d’accès aga réseau Informatique alors qu’il exerçait ses fonctions aux[…] et ses fonctions ne nécessitent pas un accès permanent au réseau informatique ; que, cependant, la cour relève que : – la société Pharmalog ne démontre nullement la nécessité objective d’affecter M. Y…, à compter de la mi – mars 2004, dans un poste de travail où il s’est trouvé isolé de ses collègues, précisément à une date très proche de l’annonce qui lui avait été faite par l’union syndicale des syndicats Force Ouvrière de l’Eure de sa désignation en qualité de délégué syndical, à savoir le 12 mars 2004, alors que l’entreprise emploie d’autres salariés susceptibles d’occuper temporairement ce poste, notamment M. C… qu’elle cite dans ses écritures ; – elle ne justifie pas davantage les raisons objectives l’ayant conduite à supprimer l’accès de M. Y… au réseau internet de l’entreprise à compter du 11 mai 2009, alors que, d’une part, en soutenant que Ses fonctions ne nécessitent pas un accès permanent au réseau informatique, la société Pharmalog fait l’aveu qu’il doit pouvoir bénéficier, au moins ponctuellement, de Cet accès, comme le font’ apparaître les fiches de fonction « Magasinier cariste santé » et « contrôleur réception », d’autre part, l’inspection du travail a refusé d’autoriser le licenciement à la suite de l’incident survenu début 2009 sur le réseau informatique, aux motifs qu’il n’est pas proscrit d’introduire une clé USB personnelle dans les ordinateurs de l’entreprise, qu’en raison du fonctionnement du « pare feu » du système informatique, l’entreprise n’a subi aucun préjudice en conséquence des faits reprochés, qu’aucun élément ne vient corroborer l’intention prêtée au salarié d’avoir voulu s’introduire, caché de tous, sur le système informatique avec l’identité d’un autre salarié en vue de nuire aux intérêts de l’entreprise, au contraire des affirmations de l’employeur, qu’en raison des intentions prêtées au salarié et des longs délais dans la mise en oeuvre de la demande, il ne peut pas être écarté l’existence d’un lien entre l’exercice par M. Charles Y… de ses mandats et la demande d’autorisation de le licencier et que les faits qui lui sont reprochés ne présentent pas une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; – qu’elle n’apporte aucun élément objectif de nature à justifier les menaces de licenciement proférées le 18 juin 2008 par M. Marc B…, président directeur général de Pharmalog, contre M. Y… alors que celui-ci assistait Mme Carine A…, dans le cadre de ses fonctions de délégué syndical, ce qui constitue une entrave manifeste à l’exercice de ce mandat ; – qu’elle ne démontre pas la nécessité de suspendre temporairement son permis de conduire les chariots élévateurs, précisément, le 22 février 2010, jour où l’inspecteur du travail a refusé l’autorisation de la troisième procédure de licenciement, alors que l’accident mentionné dans ses écritures d’appel remontait au 20 juin 2008 et n’avait pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire, que l’avis du formateur externe sur l’inaptitude de M. Y… à la conduite de tels engins avait été émis le 23 août 2008 sans être suivi d’une quelconque interdiction et que, dans ces circonstances, l’avis émis le 30 décembre 2009 par le Comité d’Entreprise n’imposait pas que soit prise une telle mesure le jour même de la réintégration du salarié dans l’entreprise, étant ajouté que le fait que cette mesure ait été annulée le jour même à la demande de l’inspecteur du travail est sans incidence sur .son caractère discriminatoire ; qu’en conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a considéré que M. Y… n’avait pas été victime de la part de son employeur d’un traitement discriminatoire en relation avec ses mandats syndicaux et débouté celui-ci de sa demande de dommages et intérêts ; Sur le harcèlement moral : l’article L. 1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou morale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’au cas d’espèce, les éléments qui viennent d’être exposés, – démontrent suffisamment que, dès sa désignation en qualité de représentant syndical, M. Y… a subi de la part de son employeur un harcèlement moral ayant consisté à l’isoler de ses collègues, le rétrograder de fait dans l’exercice de ses fonctions en le privant d’un accès au réseau internet et du permis de conduire les chariots élévateurs, et le soumettre à de nombreuses mesures disciplinaires, qui, dans leur grande majorité, ont été invalidées soit par le conseil de prud’hommes, soit par l’inspection du travail ; qu’il est établi par le certificat du Docteur D… en date du 27 mai 2011 et les ordonnances prescrivant régulièrement des anxiolytiques à M, Y…, que celui-ci présente, depuis le 15 juillet 2004 un syndrome dépressif chronique en lien avec des problèmes rencontrés dans son activité professionnelle ; qu’en considération de ces éléments, c’est vainement que la société Pharmalog conteste la réalité du harcèlement moral dont M. Y… réclame la réparation ; que le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a débouté M. Y… de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ; qu’en considération de la durée et de l’importance des faits discriminatoires et du harcèlement subi, il convient de faire droit à la demande de dommages et intérêts de M. Y… à hauteur de 30.000 euros » ;

1. ALORS QUE lorsque les éléments de faits produits par le salarié permettent de présumer l’existence d’une discrimination, il appartient à l’employeur de justifier ses décisions par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que la société Pharmalog justifiait de ce que les salariés de l’entreprise sont régulièrement affectés, à titre temporaire, au sein du bâtiment « […] » dédié à l’activité d’un client et qu’en conséquence, l’affectation de Monsieur Y… dans ce bâtiment, pendant quelques mois au cours de l’année 2004, était non seulement justifiée objectivement, compte tenu des modalités d’organisation de l’entreprise, mais aussi étrangère à ses fonctions syndicales ; qu’en retenant cependant que ce fait n’était pas objectivement justifié par des considérations étrangères aux activités syndicales de Monsieur Y…, dès lors que la société Pharmalog ne démontre pas la « nécessité » objective d’affecter Monsieur Y…, et non un autre salarié, dans cet établissement à compter de la mi-mars 2004, la cour d’appel a violé les articles L. 2141-2, L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;

2. ALORS QUE l’annulation d’une décision administrative, sur recours hiérarchique, ne laisse rien subsister de cette décision ; que, s’agissant de la procédure de licenciement engagée en octobre 2009, en raison de l’introduction par le salarié, sur un ordinateur de l’entreprise, d’une clé USB contenant des logiciels malveillants servant au décryptage de mots de passe, la société Pharmalog soulignait que le Ministre du travail avait annulé la décision de l’inspecteur du travail du 5 mai 2009 et que le refus du Ministre d’accorder une autorisation de licenciement était fondé uniquement sur le non-respect du délai prévu par l’article R. 2421-14 du Code du travail, en cas de mise à pied conservatoire du salarié ; que, dans sa décision du 16 novembre 2009, le Ministre du travail a ainsi relevé que, selon les dispositions de l’article R. 2421-14 du Code du travail, la demande d’autorisation de licenciement doit, en cas de mise à pied conservatoire, être présentée dans un délai maximal de dix jours à compter de la notification de cette mesure et que « le délai écoulé entre le 27 mars 2009, date de notification de la mise à pied de Monsieur Y… et le 21 avril 2009, date de présentation de la demande d’autorisation est excessif et constitue un vice substantiel de procédure qui justifiait à lui seul le refus de l’autorisation de licenciement » ; qu’en se fondant néanmoins sur les motifs de la décision de l’inspecteur du travail du 5 mai 2009, qui avait été annulée, pour retenir que la société Pharmalog ne justifiait pas des raisons objectives l’ayant conduite à supprimer temporairement l’accès de Monsieur Y… au réseau internet de l’entreprise et à engager une procédure de licenciement à son encontre, la cour d’appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs issu de la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du Code du travail ;

3. ALORS QUE l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, doit mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés ; qu’en l’espèce, la société Pharmalog faisait valoir, pour justifier sa décision de suspendre temporairement le permis de conduire des chariots élévateurs attribué à Monsieur Y…, lors du retour de ce dernier dans l’entreprise après le refus de l’inspecteur du travail d’autoriser son licenciement, que Monsieur Y… avait fait montre, par le passé, d’un comportement dangereux dans la conduite de tels engins et que, lorsqu’ils s’étaient prononcés sur le projet de licenciement de Monsieur Y…, les membres du comité d’entreprise avaient à l’unanimité donné un avis favorable à ce licenciement au motif que « le comportement de M. Y… crée un climat tendu, voire dangereux vis-à-vis de ses collègues de travail ; le CE est très inquiet des conséquences possibles d’un tel climat » ; qu’en retenant que la société Pharmalog ne justifiait pas objectivement sa décision de suspendre temporairement le permis de conduire les chariots élévateurs de Monsieur Y…, lors de sa réintégration dans son poste, le 22 février 2009, au motif inopérant que l’accident occasionné par Monsieur Y… datait du 20 juin 2008 et que l’avis du formateur externe sur l’inaptitude de Monsieur Y… à la conduite de tels véhicules n’avait pas été suivi immédiatement d’une interdiction de conduire ce type de véhicules, la cour d’appel a violé les articles L. 2141-5, L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 4121-1 du Code du travail ;

4. ALORS QU’ en affirmant encore que dès sa désignation en qualité de représentant syndical, Monsieur Y… a été « rétrogradé de fait dans l’exercice de ses fonctions », dès lors qu’il a été privé d’un accès au réseau internet et de son permis de conduire des chariots élévateurs, sans aucunement faire ressortir en quoi ces deux décisions, dont elle a elle-même constaté qu’elles étaient temporaires, privaient le salarié de l’exercice de certaines responsabilités ou modifiaient ses fonctions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 2141-5 du Code du travail ;

5. ALORS QUE lorsque le salarié établit des éléments de faits qui laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral, le juge doit rechercher si l’employeur justifie ces faits par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que si l’annulation de sanctions disciplinaires et des refus d’autorisation de licenciement peuvent être de nature à laisser présumer un harcèlement moral, le juge doit alors rechercher si l’employeur justifie par des raisons objectives ces différentes procédures disciplinaires ; qu’il doit en conséquence examiner les motifs de l’annulation de ces sanctions et des refus d’autorisation de licenciement ; qu’en l’espèce, la société Pharmalog faisait valoir que l’annulation d’une mise à pied prononcée à l’encontre de Monsieur Y… et les deux refus d’autorisation de licenciement étaient motivés par le non-respect de délais de procédures ou de règles de forme, mais que le caractère fautif des faits reprochés à Monsieur Y… dans le cadre de ces procédures disciplinaires n’était pas remis en cause ; qu’en se bornant à relever que la « grande majorité » des mesures disciplinaires prononcées à l’encontre de Monsieur Y… a été invalidée soit par le conseil de prud’hommes, soit par l’inspecteur du travail, sans examiner les motifs de ces décisions d’ « invalidation », ni rechercher si les différentes procédures disciplinaires engagées par l’employeur ne reposaient pas sur des faits fautifs du salarié, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 2141-5 du Code du travail ;

6. ALORS, ENFIN, QUE si le caractère répété de procédures disciplinaires injustifiées peut caractériser un harcèlement moral ou une discrimination, encore faut-il que le juge constate que toutes les procédures disciplinaires invoquées par le salarié ne sont pas fondées sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination ; qu’en l’espèce, la société Pharmalog faisait valoir que Monsieur Y… n’avait pas lui-même contesté, ni sollicité l’annulation de plusieurs des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ces sanctions, pour apprécier l’ampleur des faits de discrimination et de harcèlement moral subis par le salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 2141-5 du Code du travail.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 16-19.536, Inédit