Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juillet 2018, 17-20.654, Publié au bulletin

  • 631-7 du code de la construction et de l'habitation·
  • Obtention par le propriétaire·
  • Affectation à d'autres fins·
  • Local à usage d'habitation·
  • Changement d'affectation·
  • Domaine d'application·
  • Bail d'habitation·
  • Logements·
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  • Urbanisme

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Encourt l’amende prévue par l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation le propriétaire d’un local à usage d’habitation qui, sans solliciter l’autorisation prévue par l’article L. 631-7 du même code lorsque celle-ci est requise, consent un bail autorisant le locataire à le louer de manière temporaire à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile

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Sur la décision

Texte intégral

CIV.3

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 12 juillet 2018

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 700 FS-P+B+I

Pourvoi n° B 17-20.654

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Etienne Y…-A…, domicilié […],

contre l’arrêt rendu le 7 mars 2017 par la cour d’appel de Paris (pöle 1, chambre 3), dans le litige l’opposant :

1°/ à la ville de Paris, prise en la personne de son maire en exercice, domicilié place de l’Hôtel de Ville, 75004 Paris,

2°/ au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié 34 quai des Orfèvres, 75055 Paris cedex 01,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 12 juin 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Brenot, M. Parneix, Mmes Andrich, Dagneaux, Provost-Lopin, M. Barbieri, conseillers, Mmes Corbel, Meano, M. Jariel, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. Y…, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la ville de Paris, l’avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et sixième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2017), rendu en référé, que M. Y…, propriétaire d’un appartement à usage d’habitation, a été assigné par le procureur de la République en paiement d’une amende civile, sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, pour avoir loué ce logement de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l’article L. 631-7 du même code ;

Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt de dire qu’il a enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 précité et de le condamner au paiement d’une amende de 20 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que, pour justifier la condamnation de M. Y…, la cour d’appel a retenu, par motifs propres, que son appartement avait été offert à la location sur les sites de booking.com et budgetplaces.com, puis sur le site Habitat Parisien, en ajoutant que M. Y… ne pouvait le contester « puisqu’il justifie avoir donné son appartement en location meublée par contrat du 2 juin 2010 à la société Habitat Parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement » ; qu’en se déterminant ainsi, sans avoir constaté que M. Y… ait lui-même procédé aux mises en location litigieuses sur ces sites, pour être l’auteur d’une infraction, ni donné aucune autorisation à la société Habitat Parisien d’y procéder dans des conditions contraires à la loi, la cour d’appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

2°/ que l’amende civile est une sanction ayant le caractère d’une punition, même lorsqu’elle n’est pas prononcée par une juridiction répressive, de sorte qu’elle est susceptible d’être confrontée au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ; qu’il s’ensuit que son infliction doit respecter, en toutes matières, les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, et notamment le principe de personnalité des peines, qui a valeur constitutionnelle et s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une sanction ; qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a relevé, par motifs propres ou adoptés, aucun élément permettant d’établir que M. Y… aurait, soit commis personnellement l’infraction sanctionnée, soit donné instruction à son preneur de sous-louer dans des conditions prohibées, soit ait seulement connu les conditions illégales de la sous-location ; que la seule « connaissance de cause » que la cour d’appel lui a attribuée, dans le contrat de bail qu’il a conclu avec la société Habitat Parisien, porte exclusivement sur l’autorisation « expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement », sous-location qui, en soi, n’a rien d’illégal ; qu’en infligeant dès lors à M. Y… une amende civile, c’est-à-dire une sanction ayant le caractère d’une punition, sans avoir retenu aucune pratique interdite par le législateur qu’il ait lui-même personnellement commise, la cour d’appel a violé l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, ensemble les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 et l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu’ayant relevé qu’il résultait de l’enquête diligentée par la Direction du logement et de l’habitat que l’appartement de M. Y… avait été loué ou proposé à la location sur plusieurs sites internet et que, par contrat du 2 juin 2010, il avait été donné en location meublée à la société Habitat parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de le sous-louer de manière temporaire, la cour d’appel a retenu à bon droit qu’une telle location en connaissance de cause ne pouvait dégager M. Y… de la responsabilité qu’il encourait en qualité de propriétaire et a pu, sans méconnaître les dispositions des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le condamner au paiement de l’amende civile prévue par l’article L. 651-2 précité ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y… et le condamne à payer à la ville de Paris la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. Y… .

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance rendue le 3 mai 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par M. Y… ;

Aux motifs que l’exemplaire de l’assignation produit par Monsieur Y… n’est pas le premier original qui est remis par l’huissier au défendeur, mais une expédition ; que dans ces conditions, la Cour ne peut vérifier si la date de comparution à l’audience figurait bien sur l’original qui lui a été signifié à domicile à la personne de son épouse, étant observé de surcroît que la copie produite ne reproduit pas non plus l’annexe de signification qui n’est pas numérotée, laquelle précise bien que l’acte remis comporte 26 pages à l’expédition, et que la page 1, qui manque sur l’exemplaire produit par Monsieur Y…, est la requête aux fins d’assigner d’heure à heure et l’ordonnance du président autorisant cette assignation pour la date du 7 avril 2016 ;

1° Alors que l’assignation, délivrée au défendeur sous forme d’expédition, doit notamment contenir, à peine de nullité, l’indication des modalités de comparution devant la juridiction, ce qui inclut la mention du jour et de l’heure d’audience, d’autant plus nécessaire que le défendeur est assigné d’heure à heure ; qu’en l’espèce, pour justifier sa demande d’annulation de l’assignation d’heure à heure, M. Y… avait fait valoir que l’expédition qui lui en avait été délivrée le 21 mars 2016 ne comportait aucune date d’audience et n’était accompagnée d’aucune ordonnance présidentielle, de sorte qu’il n’avait pu se présenter à l’audience et avait été condamné sans pouvoir se défendre ; que pour écarter cette demande, la cour a retenu qu’elle n’était pas en mesure de vérifier cette irrégularité parce que M. Y… ne lui soumettait qu’une expédition et non pas « le premier original qui est remis par l’huissier au défendeur » ; qu’en se déterminant ainsi, quand seule une expédition est remise au défendeur, tandis que l’huissier, conformément à ses obligations légales, conserve l’original, la cour, qui s’est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé les articles 56 et 114 du code de procédure civile, ensemble l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, modifié par l’article 16 de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, et l’article 25 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 ;

2° Alors que, pour justifier sa demande en nullité de l’assignation dont il avait été l’objet, M. Y… s’était borné à soutenir que l’expédition qui lui en avait été délivrée ne comportait pas un élément requis pour sa validité, à savoir l’indication de la date de l’audience, de sorte que ce défaut d’information nécessaire l’ayant privé de la faculté de se défendre, il avait été condamné sans avoir pu le faire ; qu’en aucun cas M. Y… n’a fait état d’un défaut de conformité de l’expédition à l’original ; qu’en jugeant dès lors, pour rejeter sa demande, qu’en l’état de la seule production d’une expédition, sans production du « premier original » qui lui avait été prétendument remis par l’huissier, elle n’était pas en mesure de vérifier si une date de comparution « figurait bien sur l’original », la cour, qui s’est déterminée sur le fondement d’une comparaison qui ne lui était pas demandée, a méconnu les termes du litige, en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

3° Alors, enfin, que pour rejeter la demande de constatation de la nullité de l’assignation de M. Y…, la cour a retenu de surcroît que la copie produite ne reproduisait pas l’annexe de signification, qui n’était pas numérotée, précisant que l’acte comportait 26 pages à l’expédition et que la page 1, manquant à l’exemple produit par M. Y…, était la requête aux fins d’assigner d’heure à heure et l’ordonnance du président autorisant cette assignation pour le 7 avril 2016 ; qu’en se déterminant ainsi, après avoir précédemment jugé que l’absence de production par M. Y… d’un « premier original » ne lui permettait pas de vérifier si la date de comparution à l’audience figurait bien « sur l’original qui lui a été signifié à domicile », la cour a tout à la fois jugé qu’elle n’était pas en mesure de vérifier si la date de comparution à l’audience avait été communiquée à M. Y… et qu’elle était en mesure de juger que cette date lui avait bien été communiquée ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires s’analysant en un défaut de motifs, la cour a violé l’article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance rendue le 3 mai 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’elle a jugé que M. Étienne Y… avait enfreint, au minimum de janvier 2015 à septembre 2015, les dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation relativement au local situé au 4e étage porte face gauche de l’escalier A du bâtiment A de la copropriété de l’immeuble situé au […], et en ce qu’elle l’a condamné au paiement d’une amende de 20 000 euros, en ajoutant que le produit de cette amende serait intégralement versé à la Ville de Paris conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

Aux motifs propres qu’il résulte de l’enquête diligentée par la Direction du logement et de l’habitat à la suite de la plainte du syndic de la copropriété du […] transmettant une pétition des occupants de l’immeuble que l’appartement de Monsieur Y… a été loué sur le site de booking.com et budgetplaces.com, les photos prises sur place les 3 septembre 2015 et 8 décembre 2015 après ouverture du logement par les touristes qui l’occupaient temporairement correspondant à celles figurant sur le site ; que le même logement était proposé à la location touristique sur le site Habitat Parisien les 23 octobre 2013 et 15 septembre 2015 ; que Monsieur Y…, dit Y… ne peut contester ces faits puisqu’il justifie avoir donné son appartement en location meublée par contrat du 2 juin 2010 à la société Habitat Parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement, cette location en connaissance de cause ne pouvant le dégager de sa responsabilité en qualité de propriétaire, et qu’il a répondu le 20 décembre 2015 à l’injonction qui lui était faite par la Mairie de Paris le 4 décembre précédent de cesser l’infraction constituée par la location meublée de courte durée du logement qu’il en prenait bonne note et entendait s’y conformer ; qu’il produit effectivement un contrat de bail meublé signé le 29 décembre 2015 sans qu’aucune autre pièce n’établisse l’effectivité dudit bail ; qu’il convient au vu de l’ensemble de ces éléments de confirmer la décision attaquée en ce qui concerne tant le principe que le montant de l’amende prononcée, étant ajouté qu’elle devra être intégralement versée à la Mairie de Paris, commune dans laquelle est situé l’immeuble conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ; que s’agissant de la condamnation sous astreinte au retour à l’habitation du logement, elle n’est plus demandée par le Ministère public et il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance sur ce point ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges que l’enquête de la mairie de Paris et les pièces produites aux débats établissent de manière certaine que l’appartement propriété de M. Y… a bien fait l’objet de locations saisonnières, correspondant à un usage hôtelier et non d’habitation, en infraction avec cette disposition légale ; qu’il existe cependant une difficulté sur l’existence et l’ampleur de l’infraction, l’incertitude portant à la fois sur le point de départ de ces locations, sur leur volume, et sur leur éventuelle cessation ; que le point de départ de cette pratique, en premier lieu, demeure en effet incertain, M. Y… l’ayant reconnue dans son mail du 8 février 2016, tout en se gardant de toute précision permettant de mesurer l’étendue de cet « aveu », se contentant d’un « il m’est arrivé effectivement de louer cet appartement, qui était ma résidence principale, pendant mes missions à l’étranger » ; qu’à cet égard, l’indication d’une première mise en ligne en janvier 2013 qui figure dans l’assignation ne repose sur rien, sinon sur l’affirmation, notoirement insuffisante en termes de preuve, qui en est faite dans l’assignation ; qu’en outre, l’article 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation précise en son dernier alinéa qu’aucune autorisation n’est nécessaire pour louer pour de courtes durées une clientèle de passage si le local, à usage d’habitation, constitue la résidence principale du loueur ; que c’est bien ce que prétend M. Y…, indiquant qu’il n’a quitté cette résidence principale que pour aller vivre à […] après son mariage en juin 2015 ; que cette affirmation est partiellement étayée par l’attestation des services fiscaux qui figure au dossier de la Mairie, indiquant que M. Y… a acquitté pour les années 2005 à 2015 tant la taxe foncière que la taxe d’habitation de l’appartement, qui est également l’adresse à laquelle il a déclaré ses revenus 2013 et 2014 ; qu’il a cependant indiqué, dans ces mêmes déclarations de revenus, avoir emménagé chez ses parents au […], à compter du 1er juillet 2013. jusqu’à son départ pour […], qu’il y fixe non à juin, mais à janvier 2015 ; que dans la mesure où il est difficile d’imaginer que M. Y… ait libéré son appartement en juillet 2013 dans le seul intérêt de le laisser vacant en continuant d’acquitter les taxes afférentes, le fait qu’il ne justifie ni même n’allègue l’avoir loué à usage d’habitation à partir de cette date, incite à y placer le point de départ des locations saisonnières ; que cependant, d’un point de vue fiscal, l’appartement était toujours, à cette date, la résidence principale de M. Y…, qui en acquittait les taxes, tant foncière que locative ; qu’on peut donc considérer que jusqu’à janvier- et non juin – 2015, date à laquelle il a transporté sa résidence à […], cette qualification de l’appartement l’autorisait à en pratiquer la location de courte durée ; que cette autorisation ne vaut cependant que pour le principe, puisque les locations ainsi tolérées à un résident principal ne peuvent dépasser un maximum de quatre mois non continus sur une année ; que si la fréquence effective de ces locations est un deuxième point d’incertitude du dossier, force est cependant de constater que M. Y…, dans ses échanges avec les services de la Mairie, aurait pu lever aisément cette incertitude en justifiant du volume de ses revenus locatifs, qu’il dit avoir tous régulièrement déclarés, son silence sur ce point laissant suspecter que ce seuil de durée a été dépassé, ce qui le constituerait, à tout le moins, en état d’infraction partielle quant au régime de l’occupation du local, et ce dès juillet 2013 ; qu’en ce qui concerne la cessation de l’infraction, elle est tout aussi incertaine, puisque la désactivation des annonces sur le site ne s’est pas accompagnée de la production des justificatifs du bail de longue durée qu’il lui aurait pourtant été tout aussi aisé de produire ; que, de ces considérations cumulées, il résulte que l’infraction, hautement vraisemblable pendant la période de juillet 2013 à septembre 2015, est en tout cas parfaitement avérée pour la période de janvier 2015 à septembre 2015, sans certitude sur le point de savoir si elle a cessé ou si elle perdure, étant observé que la charge de la preuve incombe à cet égard à M. Y…, qu’elle est simple à rapporter, et qu’il s’en est abstenu aussi bien dans ses échanges directs avec les services concernés que dans le cadre de la présente procédure ; qu’il y a lieu de ce fait de condamner M. Y… au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l’amende prévue à l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

1° Alors que dans les communes de plus de 200 000 habitants, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à une autorisation préalable, ces locaux incluant les meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation ; qu’aucune autorisation n’est cependant nécessaire pour louer, pour de courtes durées, à une clientèle de passage le local, à usage d’habitation, qui constitue la résidence principale du loueur ; que le changement d’usage illicite est sanctionné par l’infliction d’une amende civile pouvant atteindre 50 000 € par local irrégulièrement transformé ; qu’en l’espèce, la cour, par motifs adoptés, a retenu que si l’appartement de Y… avait été l’objet d’une location illicite, il existait « une difficulté sur l’existence et l’ampleur de l’infraction, l’incertitude portant à la fois sur le point de départ de ces locations, sur leur volume, et sur leur éventuelle cessation », que « l’indication d’une première mise en ligne en janvier 2013 qui figure dans l’assignation ne repose sur rien », que la circonstance que M. Y… ait libéré en juillet 2013 son appartement et le fait « qu’il ne justifie ni même n’allègue l’avoir loué à usage d’habitation à partir de cette date, incite à y placer le point de départ des locations saisonnières », bien que l’appartement soit toujours demeuré fiscalement sa résidence principale, de sorte que, jusqu’en janvier 2015, « cette qualification de l’appartement l’autorisait à en pratiquer la location de courte durée » ; qu’elle a ajouté que la « fréquence effective des ces locations est un deuxième point d’incertitude du dossier », que le fait que M. Y…, dans ses échanges avec la mairie, n’ait pas levé cette incertitude laissait « suspecter que ce seuil de durée [de quatre mois non continus sur une année] a été dépassé, ce qui le constituerait, à tout le moins, en état d’infraction partielle quant au régime de l’occupation du local, et ce dès juillet 2013 » et que « la cessation de l’infraction (…) est tout aussi incertaine » ; qu’en déduisant dès lors de ces éléments hypothétiques, de ces suspicions, de ces possibilités d’infraction et des extrapolations qui en étaient tirées qu’il était « hautement vraisemblable » que M. Y… ait commis une infraction pour la période de juillet 2013 à septembre 2015 et « parfaitement avéré » qu’il l’ait commise pour la période de janvier 2015 à septembre 2015, sans avoir retenu aucun élément de nature à établir qu’il ait été avec certitude l’auteur de cette infraction, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-7 et L. 6521-2 du code de la construction et de l’habitation ;

2° Alors que, pour justifier la condamnation de M. Y…, la cour a retenu, par motifs propres, que son appartement avait été offert à la location sur les sites de booking.com et budgetplaces.com, puis sur le site Habitat Parisien, en ajoutant que M. Y… ne pouvait le contester « puisqu’il justifie avoir donné son appartement en location meublée par contrat du 2 juin 2010 à la société Habitat Parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement » ; qu’en se déterminant ainsi, sans avoir constaté que M. Y… ait lui-même procédé aux mises en location litigieuses sur ces sites, pour être l’auteur d’une infraction, ni donné aucune autorisation à la société Habitat Parisien d’y procéder dans des conditions contraires à la loi, la cour a violé les articles L. 631-7 et L. 6521-2 du code de la construction et de l’habitation ;

3° Alors, en toute hypothèse, que l’amende civile prévue par l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation est encourue par « toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article » ; qu’en l’espèce, la cour, après avoir jugé, dans les termes ci-dessus critiqués, que M. Y… avait commis l’infraction susvisée, a constaté qu’il avait « répondu le 20 décembre 2015 à l’injonction qui lui était faite par la mairie de Paris le 4 décembre précédent de cesser l’infraction constituée par la location meublée de courte durée du logement, qu’il en prenait bonne note et entendait s’y conformer » et qu’il « produi(sai)t effectivement un contrat de bail meublé signé le 29 décembre 2015 » (arrêt, p. 6, § 2) ; qu’en condamnant dès lors M. Y… malgré le constat de ce qu’il avait « répondu à l’injonction qui lui était faite par la mairie de Paris » par la conclusion du bail produit, la cour, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 631-7 et L. 6521-2 du code de la construction et de l’habitation ;

4° Alors, en toute hypothèse, que c’est en vain qu’il serait objecté, pour soutenir que M. Y… ne se serait pas « conformé » à l’injonction qui lui a été faite par la ville de Paris de cesser l’infraction constituée par la location meublée de courte durée de son logement, que la cour a constaté que s’il avait répondu qu’il entendait s’y conformer et produisait un contrat de bail meublé signé le 29 décembre 2015 (contrat renouvelable conclu avec Mme Élodie Z…), « aucune autre pièce n’établiss(ait) l’effectivité dudit bail » ; qu’en effet, lors même que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties, elles constituent des faits juridiques dont peuvent être déduites des conséquences en droit à l’égard des tiers ; qu’ainsi, cette convention étant opposable tant à la mairie de Paris qu’au procureur de la République, il leur appartenait, s’ils entendaient établir l’absence de caractère « effectif » de cette convention et puisqu’ils poursuivaient M. Y…, de le prouver ; qu’en retenant au contraire, contre M. Y…, pour le condamner, « qu’aucune pièce n’établit l’effectivité dudit bail » (arrêt, p. 6, § 2), pourtant produit aux débats, en dispensant ainsi tant la ville de Paris que le procureur de la République de rapporter la preuve de cette absence prétendue d’effectivité, la cour a violé l’article 1315 ancien du code civil ;

5° Alors qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, le législateur a la faculté de déterminer les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu’il peut dès lors, compte tenu des objectifs qu’il s’assigne en matière d’ordre public, assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile ; qu’il en est ainsi de celle qui frappe « toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 [du code de la construction et de l’habitation] ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article » ; que, cependant, cette amende n’a pas pour objet de réparer un préjudice, mais de réprimer les pratiques interdites par le législateur ; qu’en l’espèce, pour l’infliger à M. Y…, la cour, après avoir constaté que son appartement avait été mis en location sur trois sites internet (booking.com, budgetplaces.com et sur le site Habitat Parisien), a jugé qu’il avait « donné son appartement en location meublée (…) à la société Habitat Parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement » et qu’il ne pouvait pas se « dégager de sa responsabilité en qualité de propriétaire » parce que cette location était intervenue « en connaissance de cause » ; qu’en justifiant ainsi cette amende sur le fondement d’une responsabilité d’un fait d’autrui, non exonératoire, à raison de la qualité de bailleur et du consentement donné, comme si l’amende civile avait pour objet de réparer un préjudice, la cour a violé l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, par fausse application ;

6° Alors que l’amende civile est une sanction ayant le caractère d’une punition, même lorsqu’elle n’est pas prononcée par une juridiction répressive, de sorte qu’elle est susceptible d’être confrontée au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ; qu’il s’ensuit que son infliction doit respecter, en toutes matières, les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, et notamment le principe de personnalité des peines, qui a valeur constitutionnelle et s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une sanction ; qu’en l’espèce, la cour n’a relevé, par motifs propres ou adoptés, aucun élément permettant d’établir que M. Y… aurait, soit commis personnellement l’infraction sanctionnée, soit donné instruction à son preneur de sous-louer dans des conditions prohibées, soit ait seulement connu les conditions illégales de la sous-location ; que la seule « connaissance de cause » que la cour lui a attribuée, dans le contrat de bail qu’il a conclu avec la société Habitat Parisien, porte exclusivement sur l’autorisation « expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement », sous-location qui, en soi, n’a rien d’illégal ; qu’en infligeant dès lors à M. Y… une amende civile, c’est-à-dire une sanction ayant le caractère d’une punition, sans avoir retenu aucune pratique interdite par le législateur qu’il ait lui-même personnellement commise, la cour a violé l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, ensemble les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 et l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

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