Cour de cassation, Chambre sociale, 11 juillet 2018, 16-20.029, Publié au bulletin

  • Portée sécurité sociale, régimes complementaires·
  • Sécurité sociale, régimes complémentaires·
  • Couverture de prévoyance complémentaire·
  • Portée contrat de travail, exécution·
  • Cotisations sur les salaires versés·
  • Contrat de travail, exécution·
  • Prescription de droit commun·
  • Portée prescription civile·
  • Régimes complémentaires·
  • Action en contestation

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’obligation pour l’employeur d’affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605 et arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

Une cour d’appel, qui constate que la demande d’un salarié, tendant à ce que l’employeur régularise sa situation auprès d’un organisme de retraite complémentaire, ne concerne pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais porte sur la contestation de l’assiette des cotisations retenue par l’employeur sur les salaires versés, en déduit exactement que cette demande était, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605).

Une cour d’appel retient à tort que l’action est soumise au délai de prescription applicable aux salaires, alors qu’elle a procédé aux mêmes constatations (arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

La créance dépendant d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne courait qu’à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605 et arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029)

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

SOC.

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 11 juillet 2018

Cassation

M. FROUIN, président

Arrêt n° 1130 FP-P+B

Pourvoi n° B 16-20.029

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Edouard X…, domicilié […],

contre l’arrêt rendu le 19 mai 2016 par la cour d’appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l’opposant à la société Axa France IARD, dont le siège est […],

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 12 juin 2018, où étaient présents : M. Frouin, président, Mme Farthouat-Danon, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Goasguen, MM. Chauvet, Maron, Mme Aubert-Monpeyssen, MM. Rinuy, Pion, Schamber, Mme Slove, MM. Ricour, Pietton, conseillers, Mmes Ducloz, Sabotier, Salomon, Depelley, conseillers référendaires, M. Liffran, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Farthouat-Danon, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. X…, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Axa France IARD, l’avis de M. Liffran, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, et l’article 26-II de la même loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 4 août 1978 par la société UAP, aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (la société Axa) ; que, de 1981 à 1996, il a exercé des fonctions au sein de filiales étrangères de la société ; qu’il a fait valoir ses droits à la retraite le 1er décembre 2011 ; que, le 16 janvier 2013, il a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la condamnation de la société Axa à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite ARRCO et AGIRC en tenant compte de l’ensemble des éléments de sa rémunération, et, subsidiairement, de la voir condamnée à lui payer une certaine somme en réparation de son préjudice ;

Attendu que pour dire la demande tendant à la régularisation des cotisations de retraite irrecevable, l’arrêt retient que la prescription quinquennale instaurée par l’article L. 143-14 de l’ancien code du travail s’applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail, que les cotisations de retraite patronales sont calculées et versées en principe en même temps que le salaire est payé au salarié, et que, dès lors, un salarié ne peut engager une action en paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires si l’action en paiement du salaire correspondant ne lui est pas ou plus ouverte ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’obligation pour l’employeur d’affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun et qu’elle avait constaté que la demande ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l’assiette des cotisations retenue par l’employeur sur les salaires versés, ce dont elle aurait dû déduire que cette demande était, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire, et que la créance dépendant d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne courait qu’à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclarée prescrite l’action de M. X… tendant à obtenir la condamnation de la société Axa à payer des cotisations patronales de retraite sur la base des rémunérations effectivement perçues ;

AUX MOTIFS QUE sur la prescription, avant d’aborder la question de la prescription proprement dite, il convient de préciser d’une part, que la réclamation de M. X… ne concerne que les cotisations de retraite patronales et, d’autre part, qu’il n’est pas contesté que la société Axa a payé des cotisations patronales de retraite pour M. X… tout au long de sa carrière ; que la contestation porte sur le montant de ces cotisations, en ce que la base de calcul retenue par Axa était, selon M. X…, erronée en ce qu’elle n’intégrait pas tous les avantages en nature dont il bénéficiait dans le cadre de ses expatriations ; qu’aux termes de l’article L. 143-14 de l’ancien code du travail, alors applicable (devenu l’article L. 3245-1), l'« action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 5 ans, conformément à l’article 2277 du code civil » ; que ce dernier article se lit : « se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : des salaires ; des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; des loyers et des fermages ; des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts » ; que M. X… soutient que ces dispositions ne se sont jamais appliquées aux cotisations retraite puisque les actions en discrimination se prescrivent par trente ans ; que sur la prescription des actions relatives aux cotisations retraite, dès lors qu’il est constant que M. X… a été régulièrement affilié par son employeur, la question posée par M. X… revient, seulement, à savoir si les cotisations retraite patronales peuvent être assimilées à un salaire ou à un élément de salaire ; que les cotisations de retraite salariales, qu’il s’agisse de la retraite de base ou des retraites complémentaires constituent incontestablement des éléments de salaire ; que l’employeur est tenu de cotiser conformément au contrat de travail et donc, le cas échéant, conformément aux conventions collectives applicables, qui sont susceptibles, ainsi que les écritures des parties le démontrent abondamment, d’influer sur le montant des sommes prélevées ou l’organisme auquel il convient que les prélèvements soient adressés ; que la cour ne trouve aucun motif de considérer que les cotisations de retraite patronales devraient obéir à un régime différent ; qu’il a été régulièrement jugé que la prescription quinquennale instituée par l’article L. 143-14 de l’ancien code du travail s’applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail ; que les cotisations de retraite patronales sont dues en même temps que le salaire proprement dit, plus exactement, les cotisations patronales sont calculées et en principe, versées, en même temps que le salaire est payé au salarié ; que dès lors, un salarié ne peut engager une action en paiement des cotisations de retraite assises sur ce salaire si l’action en paiement du salaire correspondant ne lui est pas, ou plus, ouverte ; que dans le cas d’espèce, le dernier salaire perçu par M. X… au titre d’une période pendant laquelle il était expatrié (seules ces périodes sont en cause ici) date, dans l’hypothèse la plus favorable à l’intéressé, du 31 janvier 1997 ; que M. X… a fait valoir ses droits à retraite le 1er décembre 2011, soit plus de 14 ans après cette date, a interpellé son ex-employeur seulement dans le courant de l’année 2012 et a saisi le conseil de prud’hommes le 16 janvier 2013 ; que son action serait donc prescrite ; que M. X… argumente par ailleurs que n’ayant pris sa retraite qu’en 2011, il disposait d’un délai de cinq ans pour engager son action puisque ce n’est qu’à cette date qu’il a pu connaître le montant de ses droits ; qu’outre que cette affirmation est dénuée de fondement, dès lors que dès 2007 M. X… a été placé en position de non-activité avec maintien de sa rémunération et qu’il lui était loisible de connaître avec précision le montant de sa pension, elle constitue, surtout, un artifice pour tenter d’écarter la prescription ; qu’en effet, en 1983 (M. X… a admis que pour les années antérieures, son action était en tout état de cause, prescrite), M. X… savait, depuis plusieurs mois, que les cotisations patronales étaient payées en France par Axa (Uap, à l’époque) sur la base de son salaire de référence, tandis que son employeur local cotisait au régime local de retraite (la cour note, à cet égard, que M. X… ne fournit aucun élément quant aux retraites ou autres sommes qu’il aurait perçues à ce titre, se contentant d’affirmer qu’il n’avait rien perçu de ces régimes) ; que les bulletins de salaire émis par la société gabonaise ne laissent aucun doute à cet égard : s’ils mentionnent des retenues afférentes aux différents régimes locaux, ils ne font aucune référence d’aucune sorte au régime de retraite et de prévoyance français ; qu’à supposer que M. X… n’ait pas expressément été informé de sa situation au regard du régime français de retraite, il savait, depuis décembre 1981 au plus tard, qu’aucune cotisation n’avait été versée, à titre patronal ou salarial, d’ailleurs, aux organismes français ; que d’ailleurs, M. X… a adhéré à l’assurance vieillesse de la caisse des expatriés à compter du 1er octobre 1981 ; qu’en d’autres termes, depuis décembre 1981 au plus tard, M. X…, qui ne conteste pas par ailleurs qu’il était régulièrement affilié par son employeur auprès des organismes français, sait qu’en cas d’expatriation, les cotisations de retraite patronales, en France, seront calculées sur la seule base du salaire dit de référence ; que cette règle était applicable à tous les contrats d’expatriation, M. X… n’est en aucune manière fondé, à supposer que cela soit pertinent et vérifié, à invoquer qu’il n’aurait reçu sa lettre de mission pour d’autres pays que postérieurement à sa prise de fonction ; qu’ainsi, par lettre en date du 29 avril 1986, le département du personnel et des relations sociales d’Uap a informé M. X… que, détaché au Maroc, il ne percevrait plus son salaire en francs français mais que son salaire de référence subirait les variations applicables aux traitements des membres du personnel de la société en France métropolitaine de même statut que lui et en particulier, lui a précisé : « Vos droits et obligations envers les organismes de retraites et de prévoyance métropolitains (…), auxquels vous serez affilié, seront déterminés sur la base de 100 % de votre traitement de référence selon les mêmes règles que pour vos collègues, de même statut que vous, exerçant leurs activités en France » ; que la lettre ajoute, s’agissant spécialement du régime de retraite et de prévoyance : « Vous bénéficierez, à hauteur de votre salaire de référence, d’une protection sociale (prévoyance et retraite) équivalente à celle des personnels de même statut exerçant leurs fonctions en France métropolitaine » ; que la lettre de mission en Suisse, datée 13 juillet 1989, commence par préciser que « les dispositions de la lettre France du directeur du personnel du 29 avril 1986 demeur(e)nt inchangées » ; que la lettre de mission au Portugal, datée du 12 juillet 1993, rappelle à M. X… que son « grade actuel (lui) reste acquis dans la hiérarchie du statut des inspecteurs du cadre non commissionnés de (la) Société » et que son « salaire français (…) deviendra une simple référence » ; que la lettre précise à M. X… qu’il bénéficiera « à hauteur de (son) salaire de référence, d’une protection sociale (prévoyance et retraite) équivalente à celle des personnels de même statut exerçant leurs fonctions en France métropolitaine » ; qu’ainsi, dans tous les cas, M. X… a été informé précisément de sa situation au regard des cotisations patronales aux organismes de retraite et de prévoyance en France depuis un nombre d’années bien supérieur à cinq ; que son action tendant à obtenir la condamnation de la société Axa à payer des cotisations patronales de retraite Agirc ou RPF sur la base des rémunérations effectivement perçues lors de ses expatriations est prescrite ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; que le préjudice né de la perte des droits correspondant à des cotisations non versées ne devient ainsi certain qu’au moment où le salarié s’est trouvé en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension ; qu’en considérant comme « dénuée de tout fondement » l’affirmation du salarié selon laquelle il ne pouvait être opposé à sa demande tendant à obtenir les cotisations patronales non versées, la prescription afférente aux salaires auxquels elles se rattachaient, dès lors qu’il n’avait eu connaissance de leur absence de versement qu’au moment de la liquidation de ses droits à retraite, la cour d’appel a d’ores et déjà violé l’article L. 3245-1 du code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le fondement de la demande d’un salarié relative à ses droits à retraite ne peut être révélé qu’à compter de l’information officielle qui lui est donnée par les organismes de retraite lors de leur liquidation ; qu’en déboutant M. X… de sa demande au motif qu’il aurait été informé dès décembre 1981 de ce que les cotisations patronales n’étaient payées que sur son salaire de référence et non sur son salaire d’expatriation, quand il n’avait pu obtenir cette information qu’au moment de la liquidation de ses droits à retraite, soit le 1er décembre 2011, la cour d’appel a encore violé l’article L. 3245-1 du code du travail ;

ET ALORS, ENFIN, QU’en se bornant à affirmer que M. X… aurait été expressément informé de sa situation au regard du régime français de retraite dès le début des années 80, sans indiquer ce qui lui permettait de conclure en ce sens, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.3245-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la demande de M. X… au titre de la discrimination était irrecevable ;

AUX MOTIFS QUE sur l’action en discrimination, M. X… soutient que, en matière de discrimination, la prescription est trentenaire et que, sur cette base, sa demande est nécessairement recevable ; qu’il convient tout d’abord de relever que, sous couvert d’une action en discrimination, M. X… tente d’échapper à la prescription ; qu’en tant que telle, elle est donc irrecevable ; qu’en tout état de cause, après une longue discussion sur les conventions collectives ou délibérations éventuellement applicables, M. X… en vient à considérer qu’il a été discriminé puisque il a été privé de la possibilité de bénéficier d’un dispositif « commun de garanties sociales » ; qu’en réalité, cette présentation est fallacieuse, sauf à vouloir sanctionner la société pour avoir appliqué à M. X… une forme de discrimination positive du fait des expatriations dont il a fait l’objet ; qu’en effet, il résulte des conclusions mêmes de M. X… que ce dernier a bénéficié de nombreux avantages à l’occasion de ses expatriations, y compris parfois d’un logement ou de prise en charge de frais de personnel, dont il ne conteste pas que même le président directeur général d’Axa n’en bénéficie pas ; que de plus, les cotisations de retraite ont été payées par Axa sur le salaire de référence, à propos duquel M. X… ne soumet aucun élément d’aucune sorte permettant de penser qu’il n’est pas celui qu’il aurait perçu s’il était resté en France, étant souligné que durant le temps de ses expatriations, M. X… a continué de bénéficier de l’avancement qui aurait été le sien en France ; qu’en outre, ainsi qu’il a été dit plus haut, des cotisations retraite et prévoyance ont été payées par ses employeurs locaux aux organismes locaux et M. X… ne produit aucun document devant la cour, qui permettrait de vérifier son affirmation qu’il n’en a retiré aucun bénéfice d’aucune sorte (capital ou pension de retraite, aussi minimes soient-ils) ; qu’au surplus, aux termes de l’article L. 122-45 du code du travail alors applicable, la discrimination était définie de la manière suivante : « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 140-2, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire visée à l’alinéa précédent en raison de l’exercice normal du droit de grève. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas précédents ou pour les avoir relatés » ; qu’à l’évidence, M. X… n’entre dans aucune des catégories limitativement énumérées ci-dessus ; que la cour n’ignore pas que la loi du 27 février 2014 a ajouté à ces critères celui de la résidence, mais, pour les raisons expliquées plus haut, aucune discrimination ne peut être invoquée par M. X… à cet égard ; que M. X… n’est ainsi aucunement fondé à invoquer une quelconque discrimination ;

ALORS, D’UNE PART, QU’aux termes de l’article L. 1134-5 du code du travail, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; qu’en affirmant, pour débouter M. X… de sa demande au titre de la discrimination qu’il avait subie faute d’avoir bénéficié d’un dispositif commun de garanties sociales, que sous couvert d’une action en discrimination, il tentait d’échapper à la prescription quinquennale, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l’a privée en conséquence de base légale au regard de l’article susvisé ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’action qui ne vise pas à obtenir le règlement d’éléments de rémunérations, mais à faire constater l’existence d’une discrimination dont le salarié a été victime est une action autonome qu’il incombe aux juges d’examiner ; qu’en déclarant irrecevable la demande de M. X… au motif qu’elle ne tendrait qu’à lui permettre d’échapper à la prescription quinquennale relatives aux salaires, sans rechercher si M. X… n’avait pas effectivement subi une discrimination, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1132-1 du code du travail ;

ALORS ENSUITE, (et subsidiairement), QUE les avantages accordés aux salariés expatriés sont destinés à compenser les sujétions et contraintes que cette expatriation implique et auxquelles les salariés non expatriés ne se trouvent par définition pas soumis ; qu’en retenant, pour débouter M. X… de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination résultant de ce qu’il avait été privé de la possibilité de bénéficier d’un dispositif commun de garanties sociales, qu’il aurait bénéficié de nombreux avantages à l’occasion de ses expatriations, de sorte qu’il aurait bénéficié d’une forme de discrimination positive, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l’a privée en conséquence de base légale au regard de l’article L. 1132-1 du code du travail ;

ET ALORS, ENFIN (et subsidiairement), QUE la différence de traitement entre salariés exerçant des fonctions identiques doit reposer sur des raisons objectives qu’il appartient à l’employeur de démontrer et dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que la localisation géographique d’un emploi n’est pas en elle-même suffisante pour justifier une différence de rémunération entre des salariés placés dans une situation professionnelle identique et il incombe aux employeurs de justifier, outre la localisation différente des emplois, de l’existence d’un critère objectif justifiant l’inégalité de traitement dénoncée ; qu’en déclarant infondée la demande de M. X… visant à voir constater la discrimination dont il avait été victime, sans rechercher si, en prenant en compte une assiette de cotisations différente de celle de ses collègues travaillant en France, la société n’avait pas créé une situation discriminatoire non objectivement justifiée, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1132-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X… de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;

AUX MOTIFS QUE M. X… sollicite, à titre subsidiaire, une somme de 1 599 412 € à titre de dommages intérêts, représentant son préjudice en « valeur actuelle probable » ; que cette demande tend en réalité à obtenir le paiement des cotisations de retraite dont la cour a dit plus haut que, par l’effet de la prescription, M. X… ne peut y prétendre ; qu’elle est donc irrecevable ;

ALORS QUE l’action en responsabilité qui ne vise pas à obtenir le règlement d’éléments de rémunérations, mais à faire réparer le préjudice causé par la faute de l’employeur qui n’a pas satisfait à son obligation d’affilier le salarié à un régime de retraite et de régler les cotisations qui en découlent est une action autonome et il incombe aux juges du fond d’apprécier l’existence du préjudice qui en résulte ainsi que son étendue ; qu’en se bornant à rejeter la demande du salarié au motif qu’elle ne tendrait qu’à obtenir le paiement des cotisations retraites, sans rechercher si M. X… n’avait pas subi un préjudice indépendant qui devait être réparé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1146 du code civil.

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