Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 janvier 2019, n° 18-82.235

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Texte intégral

Sommaire :
Il résulte de l’article 1142-7 du code de la santé publique que la saisine de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux suspend le délai de prescription de l’action publique.

Demandeur : M. René X… ; et autres

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme, et des pièces de la procédure que Valérie X… est décédée le […] après avoir été hospitalisée la veille pour une affection diagnostiquée comme une gastro-entérite ;

Que la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI), saisie par les parents de la victime en avril 2010, a rendu un avis en janvier 2011 concluant à un défaut de prise en charge par différents professionnels de santé ;

Que le 22 septembre 2011, les parents et le frère de la victime, David, ont déposé plainte contre personne non dénommée, auprès du procureur de la République, pour homicide involontaire ; que celui-ci a ordonné une enquête le 5 avril 2012, puis l’ouverture d’une information le 11 mars 2015 ; que les consorts X… se sont constitués partie civile le 8 décembre 2016 ; que le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu le 9 mai 2017, de laquelle les parties civiles ont relevé appel ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de non-lieu entreprise et déclaré la prescription de l’action publique acquise ;

« aux motifs qu’aux termes de l’article 8 du code de procédure pénale, dans sa version en vigueur au moment des faits, la prescription de l’action publique en matière de délit était de trois années révolues ; que la plainte adressée par les consorts X… le 22 septembre 2011 au procureur de la République d’Arras ne constitue pas un acte de poursuite ou d’instruction au sens de l’article 7 du code de procédure pénale et n’a pas eu d’effet interruptif de la prescription de l’action publique ; que la prescription était acquise à la date du 17 décembre 2011, soit avant le 5 avril 2012, date de transmission par le parquet d’Arras à la gendarmerie d’Arras d’un soit transmis aux fins d’enquête, premier acte interruptif de prescription ; que l’ordonnance de non-lieu sera en conséquence confirmée » ;

« et aux motifs éventuellement adoptés que : Valérie X… est décédée le […] , que la plainte adressée au procureur de la République le 22 septembre 2011 n’est pas un acte de poursuite ou d’instruction interruptif de prescription ; qu’en conséquence, le premier acte d’enquête de la procédure susceptible d’interrompre la prescription a été le soit transmis du procureur de la République du 5 avril 2012 ;

Attendu cependant que ce soit transmis est intervenu après le délai triennal de prescription alors en vigueur ; qu’en effet la prescription de l’action publique était acquise au 17 décembre 2008 ;

Attendu en conséquence que les faits objets de la plainte avec constitution de partie civile sont présents » ;

"1°) alors que, les dispositions des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, dans leur version antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, qui, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante de la chambre criminelle, dénient tout effet interruptif de la prescription de l’action publique à la première plainte simple adressée au parquet par la victime d’une infraction, en instituant une différence de traitement entre, d’une part, la victime qui dépose une plainte simple devant le procureur de la République et d’autre part, non seulement celle qui dépose une plainte avec constitution de partie civile et verse une consignation, mais aussi celle qui dépose une plainte simple devant un officier de police judiciaire recueillant ces dénonciations dans un procès-verbal, portent atteinte au droit à un recours effectif ainsi qu’aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant la justice, garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; que consécutivement à la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, l’arrêt attaqué sera dépourvu de tout fondement" ;
Attendu que le moyen est devenu sans objet à la suite de la décision du 27 novembre 2018 de la Cour de cassation disant n’y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de non-lieu entreprise et déclaré la prescription de l’action publique acquise ;

« aux motifs qu’aux termes de l’article 8 du code de procédure pénale, dans sa version en vigueur au moment des faits, la prescription de l’action publique en matière de délit était de trois années révolues ; que la plainte adressée par les consorts X… le 22 septembre 2011 au procureur de la République d’Arras ne constitue pas un acte de poursuite ou d’instruction au sens de l’article 7 du code de procédure pénale et n’a pas eu d’effet interruptif de la prescription de l’action publique ; que la prescription était acquise à la date du 17 décembre 2011, soit avant le 5 avril 2012, date de transmission par le parquet d’Arras à la gendarmerie d’Arras d’un soit transmis aux fins d’enquête, premier acte interruptif de prescription ; que l’ordonnance de non-lieu sera en conséquence confirmée » ;

« et aux motifs éventuellement adoptés que Valérie X… est décédée le […] , que la plainte adressée au procureur de la République le 22 septembre 2011 n’est pas un acte de poursuite ou d’instruction interruptif de prescription ; qu’en conséquence, le premier acte d’enquête de la procédure susceptible d’interrompre la prescription a été le soit transmis du procureur de la République du 5 avril 2012 ; que cependant que ce soit transmis est intervenu après le délai triennal de prescription alors en vigueur ; qu’en effet la prescription de l’action publique était acquise au 17 décembre 2008 ; qu’en conséquence que les faits objets de la plainte avec constitution de partie civile sont présents » ;

"1°) alors que s’il est loisible au législateur de poser des limitations au droit d’accès au juge que garantit l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’interprétation par les tribunaux des règles de procédure qui les instituent ne saurait aboutir à un formalisme excessif atteignant ce droit dans sa substance ; qu’en déclarant la prescription de l’action publique acquise en retenant que la plainte adressée par les époux X… moins de trois ans après les faits litigieux au procureur de la République, en dépit des actes d’investigation qu’elle a occasionnés, n’avait pas d’effet interruptif de la prescription de l’action publique, la chambre de l’instruction a violé le droit d’accès au juge des exposants ;

"2°) alors que l’article 14 de la Convention européenne interdit de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables ; qu’en créant une distinction entre, d’une part, la victime d’une infraction qui pour la dénoncer adresse une plainte simple au procureur de la République et, d’autre part, non seulement celle qui dépose une plainte avec constitution de partie civile et verse une consignation, mais aussi celle qui dépose une plainte simple devant un officier de police judiciaire recueillant ces dénonciations dans un procès-verbal, la chambre de l’instruction a créé une discrimination injustifiée contraire aux articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme" ;

Attendu que, pour dénier à la plainte déposée par les consorts X… devant le procureur de la République l’effet interruptif de la prescription, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que, si la plainte adressée au procureur de la République ne constitue pas un acte de poursuite ou d’instruction et n’a pas d’effet interruptif de la prescription de l’action publique, il était cependant loisible aux consorts X… de porter plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction passé un délai de trois mois suivant leur plainte initiale du 22 septembre 2011, la prescription ayant été suspendue pendant ce délai en application de l’article 85 du code de procédure pénale dans sa version en vigueur à l’époque, et ainsi d’interrompre le cours de la prescription entre le 22 décembre 2011 et le 17 mars 2012, date à laquelle les faits étaient susceptibles d’être prescrits, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucune des stipulations conventionnelles invoquées ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le moyen relevé d’office et soumis à la discussion des parties, pris de la violation des articles L. 1142-7 du code de la santé publique et 593 du code de procédure pénale ;
Vu lesdits articles ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que la saisine de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux suspend le délai de prescription de l’action publique ;

Attendu que selon le second, tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour confirmer l’ordonnance de non-lieu et déclarer les faits prescrits, l’arrêt énonce qu’aucun acte interruptif de prescription n’est intervenu dans les trois ans qui ont suivi le jour du décès de la victime, le […] , la plainte de ses parents auprès du procureur de la République, en date du 22 septembre 2011, n’ayant pas le caractère d’un acte interruptif de la prescription de l’action publique, tandis que le premier acte interruptif n’est intervenu que le 5 avril 2012 ;

Mais attendu qu’en prononçant par ces seuls motifs, sans s’expliquer sur les conséquences sur le délai de la prescription de l’action publique de la saisine de la CRCI par les parents de la victime, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai, en date du 14 mars 2018, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction cour d’appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Président : M. Soulard

Rapporteur : M. Barbier

Avocat général : M. Lagauche

Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

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