Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 février 2019, 17-27.416, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 20 févr. 2019, n° 17-27.416
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-27.416
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 25 septembre 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038194573
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:CO00141
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

MY1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 20 février 2019

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 141 F-D

Pourvoi n° B 17-27.416

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Coopérative U enseigne, société anonyme, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Système U centrale régionale Sud,

contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2017 par la cour d’appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Cogit LGC, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 8 janvier 2019, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Laporte, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Laporte, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Coopérative U enseigne, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cogit LGC, l’avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 26 septembre 2017), que la société Cogit LGC (la société Cogit) a conclu avec la société Système U centrale régionale Sud, aux droits de laquelle est venue la société Coopérative U enseigne (la société U),un contrat de prestations par lequel celle-ci s’est engagée à faire transporter les fruits et légumes qu’elle livre à ses magasins dans des caisses réutilisables que la société Cogit met, vides, à la disposition des producteurs, avec lesquels elle est liée par un contrat de location ; que la société U ayant résilié le contrat de prestations, la société Cogit l’a assignée en restitution des caisses qui ne lui avaient pas été rendues et en réparation de son préjudice ;

Attendu que la société U fait grief à l’arrêt de la dire tenue d’une obligation de restitution intégrale des caisses livrées à ses magasins à concurrence de 488 999 caisses et de la condamner au paiement de dommages-intérêts au titre des caisses non restituées alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que l’article 1.2 du contrat conclu le 23 octobre 1998 entre la société Cogit et la société Système U met à la charge de cette dernière l’obligation de donner « comme instruction [à chaque magasin] d’emboîter les caisses vides et de les empiler sur palette ceci afin de pouvoir les restituer à l’entrepôt », cependant que l’article 1.3 de cette convention stipule que « la société Système U récupère les caisses auprès des magasins et les stocke sur son entrepôt », pour ensuite « charg[er] le véhicule envoyé par la société Cogit pour l’enlèvement des caisses vides (

) », ce dont il résulte que les seules obligations imposées à la société Système U consistent à organiser les modalités pratiques de l’enlèvement des caisses auprès de magasins et à remettre à la société Cogit les caisses qu’elle a pu récupérer auprès des magasins, sans nullement la rendre comptable du nombre de caisses ainsi restituées ; qu’en considérant néanmoins qu’il résultait de cette convention, « qui ne nécessite aucune interprétation », que la société Système U avait l’obligation de restituer l’intégralité des caisses louées auprès de la société Cogit par les fournisseurs des magasins coopérateurs de la centrale Système U Sud, la cour d’appel a méconnu l’obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

2°/ que le contrat de prestations conclu le 23 octobre 1998 entre la société Cogit et la société Système U Sud prévoyait, au titre de l’article 3 intitulé « prix à payer par Cogit » une rémunération par cette dernière à hauteur de 0,40 francs HT par caisse reprise à chaque centrale régionale, cette somme étant majorée de 0,001 francs HT par caisse immobilisée moins de 18 jours, outre un forfait correspondant à la manutention liée à la récupération des caisses (art. 5) ; qu’ainsi que le faisait valoir la société Système U dans ses conclusions d’appel, tant le principe de la rémunération que ses modalités était incompatibles avec une obligation de restitution, a fortiori de résultat, pesant sur le prestataire qui non seulement était rémunéré par la société Cogit pour remettre des caisses récupérées, mais encore, était rémunéré en fonction du nombre de caisses remises, à la manière d’un système de consigne ; qu’en s’abstenant de s’expliquer, comme elle y était pourtant invitée, sur l’incompatibilité entre l’existence d’une obligation de restitution de résultat et la rémunération du prétendu débiteur de cette obligation variant en fonction du nombre de caisses restituées, ce qui excluait toute contrainte de nombre de caisses pesant sur le prestataire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard l’article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil ;

3°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que la société Système U faisait valoir que l’obligation de restitution à la société Cogit des caisses mises à la disposition des fournisseurs à titre onéreux pesaient sur ces seuls fournisseurs qui en étaient locataires aux termes d’un contrat-type précisant au demeurant la facturation à laquelle chaque caisse non restituée pouvait donner lieu, le contrat de prestations conclu entre Cogit et Système U précisant au demeurant que Système U recevait les fruits et légumes déjà conditionnés dans la caisses de Cogit ; qu’en considérant néanmoins que l’obligation de restitution des caisses mises à la disposition de tiers pesait sur la société Système U, sans examiner le contrat-type de location liant la société Cogit aux fournisseurs, la cour d’appel a dénaturé, par omission, cette convention, méconnaissant ainsi l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

4°/ que seul le locataire est tenu, à l’égard du propriétaire de la chose louée, d’une obligation de restitution ; qu’ainsi que la société Système U le faisait valoir, les caisses étaient mises à la disposition des fournisseurs par la société Cogit, à titre onéreux, de sorte que l’obligation de restitution des caisses pesait sur les locataires, le contrat-type précisant au demeurant la facturation par caisse manquante à laquelle le défaut de restitution pourrait, le cas échéant, donner lieu ; qu’en considérant néanmoins que l’obligation de restitution des caisses mises à la disposition de tiers en vertu d’une convention distincte pesait sur la société Système U Sud, la cour d’appel a mis à la charge de cette dernière une obligation pesant sur le seul locataire, en violation des articles 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que le préambule du contrat de prestations stipule que la société U « récupère les caisses restituées sur les les points de vente et les met à disposition de COGIT LGC pour lavage, désinfection et tri qualité » et qu’il résulte des points 1.1 à 1.5 que la société U livre son réseau de magasins avec les caisses de la société Cogit, que ceux-ci ont pour instruction de préparer chaque jour les caisses pour pouvoir les restituer à la société U, laquelle les récupère, vides, dans les magasins, pour les stocker dans ses entrepôts, et en charge le véhicule envoyé par la société Cogit pour leur enlèvement ; qu’il retient que l’obligation de restitution de la société U est intégrale puisqu’elle n’est pas limitée par une disposition du contrat, une telle restitution étant inhérente au système convenu pour la bonne exécution du contrat dès lors que les caisses sont réutilisables et qu’elles ne sont pas achetées par les fournisseurs, mais seulement louées, de sorte que leur récupération par la société Cogit est nécessaire pour le maintien dans le circuit d’un nombre suffisant de caisses conformes, et, qu’en outre, le contrat a été exécuté de cette manière pendant les treize années durant lesquelles il a lié la société U ; qu’il retient enfin que l’obligation de la société Système U Sud ne peut être qualifiée de simple obligation de moyens mais bien de résultat, dès lors que le système de rotation des caisses comporte un suivi des stocks injectés dans le réseau, de sorte que leur nombre est connu et ne comporte aucun aléa particulier ; qu’ainsi, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses troisième, sixième et septième branches, ni sur le second moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Coopérative U enseigne aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Cogit LGC la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative U enseigne.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir dit que la société Système U régionale Sud est redevable vis-à-vis de la société Cogit LGC SAS d’une obligation de restitution intégrale des caisses livrées aux magasins de la société Système U régionale Sud, et en conséquence, d’avoir dit que la société Système U régionale Sud est redevable vis-à-vis de la société Cogit LGC SAS de la restitution de 488 999 caisses et de l’avoir condamnée à payer à la société Cogit LGC SAS la somme de 459 493 euros de dommages et intérêts au titre des caisses non restituées, ainsi que la somme de 881 071,20 euros TTC à titre de dommages et intérêts supplémentaires pour le préjudice causé par les gains manqués du fait de la non-restitution de ses caisses ;

Aux motifs, à les supposer adoptés, que « le Tribunal observe que l’intérêt du dispositif logistique consiste pour la Société SYSTEME U CENTRALE REGTONALE SUD SA, en assumant la prestation de reprise des caisses, à permettre à ses magasins, de respecter les règlementations en matière d’hygiène et de réduire leur coût d’approvisionnement en fruits et légumes du fait de l’utilisation par leurs fournisseurs de conditionnements réutilisables et, pour Ia Société COGIT LGC SAS, à livrer le plus grand nombre de fois possible chaque caisse aux fournisseurs de fruits et légumes afin de maximiser les loyers qu’elle perçoit pour chaque caisse ; que le Tribunal relève que les caisses restituées sont après lavage, désinfection et tri, livrées par la Société COGIT LGC SAS aux fournisseurs de fruits et légumes qui approvisionnent les magasins de Ia Société SYSTEME U centrale régionale Sud SA, que s’il manque des caisses restituées, soit les fournisseurs de fruits et légumes n’ont plus de conditionnement réutilisable pour livrer les magasins de la Société SYSTEME U centrale régionale Sud SA et le dispositif s’arrête, soit la Société COGIT LGC SAS doit apporter prématurément de nouvelles caisses dans le circuit au détriment de sa rentabilité et le dispositif finit également par s’arrêter ; que le Tribunal constate que dans la logique de la relation contractuelle, la restitution incomplète des caisses est contraire à l’intérêt des deux cocontractants car conduisant inexorablement à l’anéantissement du dispositif logistique qu’ils mettent en place et que leur volonté commune ne peut être que la restitution de l’intégralité des caisses ; que le Tribunal relève d’ailleurs que le contrat dc prestation dans son article 3 prévoit, pour inciter la Société SYSTEME U centrale régionale Sud SA à restituer rapidement les caisses à la Société COGIT LGC SAS, que celle-ci lui verse une rémunération supplémentaire pour toutes les caisses reprises pour chaque jour d’immobilisation en dessous de 18 jours » et observe au vu des pièces versées au débat que chaque mois la Société COGIT LGC SAS communique à son partenaire la vitesse de rotation du stock de caisses utilisé dans le dispositif logistique et lui demande quand celle-ci baisse, d’intervenir auprès des magasins ; qu’en conséquence de ce qui précède, le Tribunal dira que la Société SYSTEME U centrale régionale Sud SA est redevable vis-à-vis de la Société COGIT LGC SAS d’une obligation de restitution intégrale des caisses livrées aux magasins de la Société SYSTEME U centrale régionale Sud SA » (jugement, p. 7 et 8) ;

Aux motifs propres que « la société Cogit LGC poursuit la restitution intégrale des caisses introduites par elle dans le circuit décrit ci-dessus et mis en place avec Système U Sud et ses Pourvoi n° B 17-27.416 2 fournisseurs ; que toutefois, par de longues considérations agrémentées d’insertions d’extraits de pièces (pages 10 à 36 de ses conclusions) faisant appel aux principes juridiques par lesquels le juge doit interpréter les contrats, Système U Sud conteste devoir contractuellement procéder à une restitution des caisses, ou pour le moins à une restitution intégrale de ces caisses ; que cette société soutient de plus que, si elle était débitrice d’une telle obligation, celle-ci serait une obligation de moyens et non de résultat, et qu’elle s’est montrée particulièrement diligente en mettant en oeuvre une campagne de récupération des caisses auprès de ses magasins en août 2014 ; que de fait le tribunal de commerce a pu relever que les 25 et 26 août 2014, Système U Sud avait procédé à la restitution entre les mains de Cogit LGC de 19 030 caisses ; que pour autant, ce chiffre reste faible au regard des 518 029 caisses initialement réclamées, et le total déclaré manquant est encore de 488 999 caisses ; que cette différence très importante ne saurait provenir exclusivement de la « freinte consubstantielle aux relations commerciales établies » comme tente de le soutenir Système U Sud (page 26 de ses conclusions), la freinte étant entendue comme étant la part d’un produit qui disparait entre I’amont et I’aval d’une opération, particulièrement en raison de la nature même du produit. En l’espèce, Cogit LGC peut avancer sans être démentie que la freinte ne saurait dépasser 1 % des caisses introduites dans le système (p. 19 de ses conclusions) ; qu’iI résulte du contrat de prestations conclu entre les parties en 1998 (pièce n° 3 de Cogit et n° 3 de Système U), en explication préalable en tête de la convention, que « la société Système U reçoit tout ou partie de Fruits et Légumes conditionnés dans des caisses plastiques Cogit LGC ; livre les magasins approvisionnés par ses entrepôts ; récupère les caisses restituées par les points de vente et les met à disposition de Cogit LGC pour lavage, désinfection et tri qualité » ; que les obligations de Système U sont déclinées aux points 1.1 a 1.5 immédiatement suivant cette description générale ; qu’iI en résulte notamment de ces clauses contractuelles : que Système U livre son réseau de magasins avec les caisses Cogit ; que chaque magasin a pour instruction de préparer chaque jour les caisses pour pouvoir les restituer l’entrepôt ; que Système U récupère les caisses auprès des magasins et les stocke, et en charge le véhicule envoyé par Cogit pour l’enlèvement des caisses vides ; qu’ainsi, ces clauses décrivent et prévoient l’obligation de restitution à Cogit LGC par Système U Sud des caisses vides en provenance des magasins du groupe, dans ses entrepôts, et non dans les magasins, obligation qui découle directement du contrat qui fait loi entre les parties et qui ne nécessite aucune interprétation ; qu’au demeurant la restitution opérée en août 2014, quoique très partielle, ne permet pas à Système U Sud de soutenir de bonne foi l’absence d’obligation de restitution, pas davantage que la teneur de leurs échanges lors de l’arrêt des relations commerciales (pièces 5 et 11 de Cogit LGC) ; que rien dans les termes du contrat ne vient limiter l’obligation de restitution, qui est donc bien une obligation de restitution intégrale, contrairement à ce que soutient Système U Sud ; que d’ailleurs, la restitution intégrale des caisses est inhérente au système pour la bonne exécution du contrat, en ce que les caisses sont réutilisables et non pas à usage unique, ce qui n’est pas contesté et qu’elles ne sont pas achetées par leurs utilisateurs, mais seulement louées par ceux-ci (par exemple pièce n° 17 de Cogit contrat avec le société Gaby Cardell). La récupération des caisses par le fournisseur de celles-ci et son intervention sont donc nécessaires pour le maintien dans le circuit du nombre suffisant de caisses conformes, soit après Iavage et désinfection, soit par remplacement si nécessaire par une caisse neuve ; qu’il doit être relevé que le contrat a fonctionné en ces termes de manière satisfaisante pendant 13 années ; que d’ailleurs, une circulaire sous signature de M. G…, directeur logistique produits frais de Système U Sud, datée du 2 février 2012 (pièce n° 10 de Système U), donnait pour consigne aux Associés gérant les magasins de « retourner l’intégralité des bacs et caisses COGIT en votre possession dans un délai de deux mois, afin que nous puissions mettre fin à notre collaboration avec le fournisseur COGIT dans les meilleures conditions » ; que l’obligation de Système U Sud ne saurait être qualifiée de simple obligation de moyens, dès lors que le système de rotation des caisses comporte Pourvoi n° B 17-27.416 3 un suivi des stocks injecté dans le réseau, de sorte que leur nombre est connu et ne comporte aucun aléa particulier » (arrêt, p. 7, § 7 et s.) ;

1°) Alors que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que l’article 1.2 du contrat conclu le 23 octobre 1998 entre la société Cogit LGC et la société Système U centrale régionale Sud met à la charge de cette dernière l’obligation de donner « comme instruction [à chaque magasin] d’emboîter les caisses vides et de les empiler sur palette ceci afin de pouvoir les restituer à l’entrepôt », cependant que l’article 1.3 de cette convention stipule que « la Société SYSTEME U récupère les caisses auprès des magasins et les stocke sur son entrepôt », pour ensuite « charg[er] le véhicule envoyé par COGIT LGC pour l’enlèvement des caisses vides (

) », ce dont il résulte que les seules obligations imposées à société Système U consistent à organiser les modalités pratiques de l’enlèvement des caisses auprès de magasins et à remettre à la société Cogit les caisses qu’elle a pu récupérer auprès des magasins, sans nullement la rendre comptable du nombre de caisses ainsi restituées ; qu’en considérant néanmoins qu’il résultait de cette convention, « qui ne nécessite aucune interprétation », que la société Système U Sud avait l’obligation de restituer l’intégralité des caisses louées auprès de la société Cogit par les fournisseurs des magasins coopérateurs de la centrale Système U Sud, la cour d’appel a méconnu l’obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

2°) Alors que le contrat de prestations conclu le 23 octobre 1998 entre la société Cogit LGC et la société Système U centrale régionale Sud prévoyait, au titre de l’article 3 intitulé « prix à payer par Cogit » une rémunération par cette dernière à hauteur de 0,40 francs HT par caisse reprise à chaque centrale régionale, cette somme étant majorée de 0,001 francs HT par caisse immobilisée moins de 18 jours, outre un forfait correspondant à la manutention liée à la récupération des caisses (art. 5) ; qu’ainsi que le faisait valoir la société Système U Sud dans ses conclusions d’appel, tant le principe de la rémunération que ses modalités était incompatibles avec une obligation de restitution, a fortiori de résultat, pesant sur le prestataire qui non seulement était rémunéré par la société Cogit pour remettre des caisses récupérées, mais encore, était rémunéré en fonction du nombre de caisses remises, à la manière d’un système de consigne ; qu’en s’abstenant de s’expliquer, comme elle y était pourtant invitée, sur l’incompatibilité entre l’existence d’une obligation de restitution de résultat et la rémunération du prétendu débiteur de cette obligation variant en fonction du nombre de caisses restituées, ce qui excluait toute contrainte de nombre de caisses pesant sur le prestataire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard l’article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil ;

3°) Alors que nul ne peut se constituer un titre à lui-même ; qu’en déduisant de la communication unilatérale mensuelle par la société Cogit de la rotation du stock de caisses utilisées dans le circuit à la société Système U l’existence d’une obligation de résultat de restitution des caisses pesant sur cette dernière, la cour d’appel a méconnu la règle selon laquelle nul ne peut se constituer un titre à lui-même, violant ainsi l’article 1315, devenu 1353, alinéa 1er, du code civil ;

4°) Alors que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que la société Système U faisait valoir que l’obligation de restitution à la société Cogit des caisses mises à la disposition des fournisseurs à titre onéreux pesaient sur ces seuls fournisseurs qui en étaient Pourvoi n° B 17-27.416 4 locataires aux termes d’un contrat-type précisant au demeurant la facturation à laquelle chaque caisse non restituée pouvait donner lieu, le contrat de prestations conclu entre Cogit et Système U Sud précisant au demeurant que Système U recevait les fruits et légumes déjà conditionnés dans la caisses de Cogit ; qu’en considérant néanmoins que l’obligation de restitution des caisses mises à la disposition de tiers pesait sur la société Système U Sud, sans examiner le contrat-type de location liant la société Cogit aux fournisseurs, la cour d’appel a dénaturé, par omission, cette convention, méconnaissant ainsi l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

5°) Alors que seul le locataire est tenu, à l’égard du propriétaire de la chose louée, d’une obligation de restitution ; qu’ainsi que la société Système U le faisait valoir, les caisses étaient mises à la disposition des fournisseurs par la société Cogit, à titre onéreux, de sorte que l’obligation de restitution des caisses pesait sur les locataires, le contrat-type précisant au demeurant la facturation par caisse manquante à laquelle le défaut de restitution pourrait, le cas échéant, donner lieu ; qu’en considérant néanmoins que l’obligation de restitution des caisses mises à la disposition de tiers en vertu d’une convention distincte pesait sur la société Système U Sud, la cour d’appel a mis à la charge de cette dernière une obligation pesant sur le seul locataire, en violation des articles 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil ;

6°) Alors, en outre, que ainsi que le faisait valoir la société Système U Sud dans ses conclusions d’appel, les magasins sont des commerçants indépendants associés au sein d’une coopérative qui, comme telle a pour objet d’améliorer par l’effort commun de ses associés les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité commerciale et obéit à des principes coopératifs, de sorte que contrairement aux rapports existants entre une société-mère et ses filiales, la centrale Système U Sud est sans pouvoir sur les coopérateurs ; que dès lors, le nombre de caisses récupérées par la centrale coopérative auprès des coopérateurs dépendait du nombre de caisses spontanément remises par ces derniers, sans qu’elle puisse les contraindre à restituer de façon exhaustive les caisses dans lesquelles étaient emballées les marchandises livrées ; qu’en assimilant néanmoins la société coopérative Système U Sud et les magasins indépendants à un groupe pour rendre débitrice la société coopérative d’une obligation de restitution intégrale, sur laquelle elle n’avait pas la maîtrise, des caisses livrées aux différents coopérateurs, la cour d’appel a violé L. 124-1 du code de commerce ;

7°) Alors que (subsidiaire) seul le locataire est tenu, à l’égard du propriétaire de la chose louée, d’une obligation de restitution de résultat ; qu’à supposer que les obligations imposées à société Système U consistent à organiser les modalités pratiques de l’enlèvement des caisses auprès de magasins et à remettre à la société Cogit les caisses qu’elle avait ainsi pu récupérer auprès des magasins s’analysent en une obligation de restitution des caisses louées aux fournisseurs de magasins, une telle obligation ne pourrait être que de moyens dès lors qu’ainsi que le faisait valoir la société Système U Sud, elle ne disposait d’aucune information ni sur le nombre total de caisses mises à la disposition des fournisseurs, ni sur le nombre de caisses effectivement utilisées pour approvisionner les magasins exerçant sous l’enseigne U et en l’absence de précision contractuelle sur le nombre de caisses à récupérer ; qu’en affirmant néanmoins que la société Système U Sud était tenue de restituer à la société Cogit l’intégralité des caisses que cette dernière avait mis à la disposition des fournisseurs Pourvoi n° B 17-27.416 5 des magasins, sans rechercher si l’absence de toute information à la disposition de la société Système U Sud sur le nombre de caisses Cogit en circulation dans le réseau de coopérateurs exerçant sous l’enseigne U n’excluait pas que la centrale Système U sud fût débitrice d’une obligation de restitution de résultat, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134, devenu 1103 et 1104, et 1147 devenu 1231-1 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir dit que la société Système U régionale Sud est redevable vis-à-vis de la société Cogit LGC SAS d’une obligation de restitution intégrale des caisses livrées aux magasins de la société Système U régionale Sud, et en conséquence, d’avoir dit que la société Système U régionale Sud est redevable vis-à-vis de la société Cogit LGC SAS de la restitution de 488 999 caisses et de l’avoir condamnée à payer à la société Cogit LGC SAS la somme de 459 493 euros de dommages et intérêts au titre des caisses non restituées, ainsi que la somme de 881 071,20 euros TTC à titre de dommages et intérêts supplémentaires pour le préjudice causé par les gains manqués du fait de la non-restitution de ses caisses ;

Aux motifs adoptés que « le tribunal constate que la société Système U centrale régionale Sud SA déclare n’avoir plus de caisse de la société Cogit LGC SAS dans son réseau, qu’elle n’est donc pas en mesure de restituer les caisses manquantes et la condamnera donc à verser à la société Cogit LGC SAS des dommages et intérêts correspondant à la valeur de ses caisses ; que le tribunal constate au vu des pièces du dossier que la société Système U centrale régionale Sud SA ne rapporte pas la preuve que la société Cogit LGC SAS accepte de prendre en charge une partie des caisses manquantes ni qu’elle se fait rembourser par les producteurs les caisses non restituées par la société Système U centrale régionale Sud SA, et que la méthode de valorisation proposée par la société Cogit LGC SAS pour valoriser la valeur résiduelle des caisses non restituées est pertinente dans son principe et dans son résultat, avec une valeur résiduelle moyenne de 0,94 euro TTC par caisse ; qu’en conséquence de ce qui précède, il retiendra l’évaluation proposée par la société Cogit LGC SAS et condamnera la société Système U centrale régionale Sud à payer à la société Cogit LGC SAS la somme de 459.493,60 euros TTC de dommages et intérêts au titre des caisses non restituées » (jugement, p. 12, § 5 et s.) ;

Aux motifs propres que « enfin, Système U Sud conteste le quantum de caisses réclamées par Cogit LGC ; que pour les mêmes raisons d’existence d’un système de suivi des stocks, les producteurs locataires de caisses ont obligation de déclarer toutes les semaines les quantités de caisses envoyées à chaque centrale de grande distribution, et ces déclarations sont enregistrées par Cogit qui peut ainsi savoir en permanence où se trouvent les caisses, soit chez le producteur, soit chez le distributeur. Ce système garantit que seules les caisses adressées par les producteurs à Système U Sud soient portées sur le stock imputé à ce distributeur ; que la société Cogit LGC relève en sus à juste titre Pourvoi n° B 17-27.416 6 qu’elle verse à Système U Sud un forfait de manutention pour, aux termes du contrat (memo pièce 50 forfait manutention page 2) le temps nécessaire « pour compter les caisses, les trier, les empiler » et que Système U Sud ne peut raisonnablement prétendre ignorer son obligation de restitution ou encore le nombre de caisses immobilisées dans son réseau ; que contrairement à ce que fait valoir Système U Sud, qui n’avait d’ailleurs auparavant jamais contesté le nombre des caisses, les réclamations de Cogit LGC ne sont pas incohérentes, et ses tableaux récapitulatifs (pièce n° 16) constituent une base sérieuse pour le calcul du nombre des caisses manquantes, arrêté à 488 999 caisses, total qui n’est pas utilement contesté par Système U Sud ; que la société Cogit LGC demande à titre principal la restitution de ces caisses, sous astreinte ; que toutefois, la société Système U Sud, qui n’offre pas la moindre restitution et qui depuis 2012 n’a restitué que quelque 20 000 caisses en 2014, apparaît dans l’incapacité d’y procéder, de sorte que sa condamnation à une obligation de faire sous astreinte n’est pas opportune ; que la société Cogit LGC demande alors à titre subsidiaire, ce qu’elle est fondée à faire, la compensation en valeur de la perte des caisses, et demande à ce titre la somme de 382 911,34 euros HT (459 493,60 euros TIC) a titre de dommages-intérêts ; que la société Système U Sud oppose qu’il existerait des incohérences quant au nombre de caisses qui resteraient encore en cours de financement ; que cet argument est mal fondé puisque Cogit, par une évaluation sérieuse et loyale (sa pièce n° 14), établit à 265 723 caisses sur celles manquantes le parc de caisses toujours en cours de financement, et se limite à fonder sur ce chiffre son indemnisation ; qu’au surplus, Cogit LGC demande la valeur résiduelle des caisses, justifiée, et non pas la valeur de remplacement ; que le jugement du tribunal de commerce condamnant la société Système U Sud à payer à la société Cogit LGC la somme de 459 493,60 euros TTC sera donc confirmée » (arrêt, p. 9, § 2 et s.) ;

1°) Alors que la société Système U Sud faisait valoir que les fournisseurs étaient les débiteurs du coût de remplacement des caisses manquantes aux termes du contrat les liant à la société Cogit, de sorte qu’il incombait à cette dernière de poursuivre le remboursement des manquants auprès de ses débiteurs ; qu’en mettant néanmoins à la charge de la société Système U Sud ce coût de remplacement motifs pris de ce qu’elle n’établissait pas que les fournisseurs avaient remboursé la société Cogit au titre des caisses manquantes, la cour d’appel s’est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

2°) Alors que dans ses conclusions d’appel, la société Système U Sud faisait valoir que dans les décomptes présentés, depuis la rupture des relations contractuelles, non seulement un nombre croissant de caisses apparaissaient inexplicablement être « en cours de financement », outre qu’aucun départ ne pouvait être fait entre celles qui avaient été utilisées pour approvisionner la sociétés Système U Sud et les autres centrales régionales Système U, ainsi que les magasins du réseau Auchan ; qu’en condamnant néanmoins la société Système U Sud à supporter l’intégralité du coût des caisses manquantes en cours de financement, sans rechercher si ces caisses étaient bien celles qui avaient été mises à la disposition de la société Système U Sud, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil ; Pourvoi n° B 17-27.416 7

3°) Alors que la perspective de réalisation d’un gain ne peut être réparée qu’au titre de la perte d’une chance pourvu qu’elle soit certaine ; qu’après avoir expressément constaté que la non-restitution des caisses avait fait obstacle à leur réutilisation « envisagée » dans le réseau d’un autre distributeur, la cour d’appel, qui a néanmoins indemnisé le gain manqué né de la non-location des caisses manquantes, a ainsi tenu la simple perspective de location au service d’un autre distributeur pour une certitude, violant ainsi l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

4°) Alors, en outre, que après avoir constaté que la société Cogit avait financé des caisses neuves, pour les besoins du distributeur auprès duquel elle aurait envisagé de louer les caisses manquantes (arrêt, p. 10, § 6), ce dont il résultait qu’elle avait donc perçu des loyers en contrepartie de la location des caisses acquises pour remplacer les caisses manquantes ; qu’en indemnisant néanmoins la société Cogit de l’intégralité des loyers qu’elles aurait perçus si elle avait pu louer les caisses manquantes, sans retrancher le montant des loyers perçus en contrepartie des caisses acquises pour honorer les demandes de l’autre distributeur, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 février 2019, 17-27.416, Inédit