Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2019, 17-28.547, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l’annulation de l’autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; il en résulte que, lorsque l’employeur n’a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour ce motif produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.

Le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de l’inexécution par l’employeur de son obligation de procéder à la réintégration du salarié dans son poste ou un poste équivalent est accueillie, a droit, au titre de méconnaissance de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection, dans la limite de trente mois

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

SOC.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 15 mai 2019

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 785 F-P+B sur le second moyen

Pourvoi n° F 17-28.547

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société E-Mazarine, société par actions simplifiée, dont le siège est […],

contre l’arrêt rendu le 23 novembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l’opposant à M. O… M…, domicilié […],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 3 avril 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société E-Mazarine, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. M…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2017), que M. M… a été engagé par la société E. Mazarine (la société) selon contrat à durée indéterminée le 30 juin 2008 en qualité de chef de projet senior ; que, dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de directeur de projet ; qu’il a été élu membre de la délégation unique du personnel le 5 juillet 2011 et désigné membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 6 mars 2012 ; qu’il a signé avec son employeur le 28 novembre 2012 une rupture conventionnelle de son contrat de travail ; que l’inspecteur du travail a autorisé cette rupture le 21 janvier 2013 ; que, sur recours du salarié, le ministre du travail a annulé la décision d’autorisation le 18 juillet 2013 ; que la société a proposé au salarié un poste de chef de projet par lettre du 24 juillet 2013 ; qu’estimant se heurter à un refus de réintégration sur son poste ou un poste équivalent, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 27 septembre 2013, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de prononcer à ses torts la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, de dire qu’elle produit les effets d’un licenciement nul et de la condamner à payer diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle, de dommages-intérêts pour licenciement nul, de rappel de salaire au titre de l’année 2013, outre les congés payés afférents et à titre d’indemnité spéciale au titre de la violation du statut protecteur alors, selon le moyen :

1°/ que l’annulation de l’autorisation de rupture conventionnelle donnée par l’inspecteur du travail n’emporte pas ipso facto celle de la convention de rupture ; qu’en prononçant la résiliation d’un contrat qui avait été rompu par l’effet d’un convention de rupture dont la validité n’avait pas été atteinte par l’annulation de l’autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail et l’article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ que le salarié protégé qui a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail et qui n’a pas exercé sa faculté de rétractation dans les quinze jours de sa signature ne peut pas se prévaloir d’un droit à réintégration dans l’entreprise qui se déduirait de la seule annulation de l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail à la convention de rupture ; qu’en prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, motif pris de ce qu’il aurait manqué à son obligation de réintégrer le salarié, après avoir constaté que ce dernier avait sollicité la rupture conventionnelle, qui avait été conclue et autorisée, mais qu’étant revenu sur ses premières intentions après l’expiration du délai de rétractation de quinze jours, il avait sollicité sa réintégration en conséquence de l’annulation de l’autorisation, la cour d’appel a violé l’article L. 1237-13 du code du travail, ensemble les articles L. 2422-1 du même code et 1134, alinéa 3, du code civil, dans leurs rédactions applicables à la cause ;

Mais attendu que la société faisait valoir dans ses conclusions devant la cour d’appel qu’elle avait parfaitement respecté son obligation de réintégration ;

Qu’elle ne peut proposer devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse qu’elle a développée devant les juges du fond ;

D’où il suit que le moyen n’est pas recevable ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de la violation du statut protecteur alors, selon le moyen, que n’intervient pas en méconnaissance du statut protecteur la rupture du contrat de travail du salarié protégé qui a été autorisée par l’inspecteur du travail ; qu’en condamnant l’employeur à payer au salarié une indemnité pour violation du statut protecteur, lorsqu’il résultait de ses constatations que le contrat de travail avait été rompu après autorisation de l’inspecteur du travail, de sorte que cette rupture n’était pas intervenue en méconnaissance du statut protecteur, la cour d’appel a violé les articles L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail, dans leur version applicable à la cause ;

Mais attendu que le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l’annulation de l’autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu’il en résulte que, lorsque l’employeur n’a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour ce motif produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a prononcé la résiliation du contrat de travail du fait de l’inexécution par l’employeur de son obligation de procéder à la réintégration du salarié dans son poste ou un poste équivalent, en a déduit à bon droit que le salarié pouvait prétendre à une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à la fin de la période de protection dans la limite de trente mois ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société E-Mazarine aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société E-Mazarine à payer à M. M… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour la société E-Mazarine

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. M… aux torts de l’employeur, d’avoir dit qu’elle produirait les effets d’un licenciement nul et d’avoir condamné la société E mazarine à payer différentes sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle, de dommages et intérêts pour licenciement nul, de rappel de salaire au titre de l’année 2013, outre les congés payés afférents, et à titre d’indemnité spéciale au titre de la violation du statut protecteur ;

AUX MOTIFS QUE l’obligation de réintégrer un salarié à son poste ou un poste équivalent impose à l’employeur de restituer au salarié sa qualification et sa rémunération précédentes ; que la SAS E-Mazarine ne répond pas à cette exigence puisqu’elle a proposé à M. M… un poste de chef de projet alors qu’il exerçait des fonctions de directeur de projet au moment de la rupture conventionnelle ; que comme justement observé par M. M…, l’offre de la SAS E Mazarine conduit à une réintégration du salarié, indépendamment du maintien de son salaire ; que la SAS E-Mazarine qui n’a pas qu’un seul compte client et qui, au surplus, n’explique pas en quoi l’organisation du compte Volvo prise après le départ de M. M… permettait davantage l’intégration d’un chef de projet, ne rapporte pas la preuve de son impossibilité de réintégrer M. M… sur un poste équivalent à celui exercé au moment de la rupture conventionnelle ; que la société E-Mazarine a donc manqué à son obligation à l’égard de M. M… de façon suffisamment grave pour interdire la poursuite des relations contractuelles ;

1°/ ALORS QUE l’annulation de l’autorisation de rupture conventionnelle donnée par l’inspecteur du travail n’emporte pas ipso facto celle de la convention de rupture ; qu’en prononçant la résiliation d’un contrat qui avait été rompu par l’effet d’un convention de rupture dont la validité n’avait pas été atteinte par l’annulation de l’autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail et l’article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ ALORS QUE le salarié protégé qui a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail et qui n’a pas exercé sa faculté de rétractation dans les quinze jours de sa signature ne peut pas se prévaloir d’un droit à réintégration dans l’entreprise qui se déduirait de la seule annulation de l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail à la convention de rupture ; qu’en prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, motif pris de ce qu’il aurait manqué à son obligation de réintégrer le salarié, après avoir constaté que ce dernier avait sollicité la rupture conventionnelle, qui avait été conclue et autorisée, mais qu’étant revenu sur ses premières intentions après l’expiration du délai de rétractation de quinze jours, il avait sollicité sa réintégration en conséquence de l’annulation de l’autorisation, la cour d’appel a violé l’article L. 1237-13 du code du travail, ensemble les articles L. 2422-1 du même code et 1134, alinéa 3, du code civil, dans leurs rédactions applicables à la cause ;

3°/ ALORS QUE, subsidiairement, si l’emploi occupé par le salarié protégé n’existe plus ou n’est pas vacant, la réintégration peut avoir lieu dans un emploi équivalent comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l’emploi initial ; qu’en se bornant à relever, pour juger que l’employeur avait manqué à son obligation de réintégration, qu’il avait proposé au salarié, qui exerçait des fonctions de directeur de projet au moment de la rupture, un poste de chef de projet, sans opérer de constatations faisant ressortir en quoi la qualification différait entre les deux postes, lorsqu’il est par ailleurs constant que le niveau de la rémunération était le même, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2422-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné l’employeur à payer à M. M… une indemnité d’un montant de 89 460 euros au titre de la violation du statut protecteur ;

AUX MOTIFS QU’ en vertu de l’article L. 2411-5 du code du travail, le salarié protégé dont la demande de résiliation est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande ; que la protection du salarié étant un droit constitutionnel garanti, l’indemnité allouée sur le fondement de ce texte ne doit pas être diminuée des revenus de remplacement ; que M. M… a été élu au comité d’entreprise le 5 juillet 2011 pour un mandat de quatre ans ; que sa protection a pris fin le 5 janvier 2016, compte tenu du maintien de cette protection durant six mois à compter de l’expiration du mandat ; qu’il est donc bien fondé à réclamer le paiement de ses salaires de novembre 2013 à janvier 2016, soit la somme de 89 640 euros ;

ALORS QUE n’intervient pas en méconnaissance du statut protecteur la rupture du contrat de travail du salarié protégé qui a été autorisée par l’inspecteur du travail ; qu’en condamnant l’employeur à payer au salarié une indemnité pour violation du statut protecteur, lorsqu’il résultait de ses constatations que le contrat de travail avait été rompu après autorisation de l’inspecteur du travail, de sorte que cette rupture n’était pas intervenue en méconnaissance du statut protecteur, la cour d’appel a violé les articles L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail, dans leur version applicable à la cause.

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