Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 mai 2019, 18-14.937, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Soussan Fathi · Gazette du Palais · 1er octobre 2019

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En retenant que le conjoint survivant n'établissait pas, comme il le lui incombait, le caractère rémunératoire des libéralités, la cour d'appel a fait ressortir que le défunt n'avait pu lui remettre les sommes litigieuses, dont elle a relevé le caractère occulte, que dans l'intention de le gratifier. Ayant, d'une part, relevé, par motifs adoptés, que l'épouse survivante s'était abstenue d'indiquer, lors de l'ouverture de la succession, qu'elle avait reçu des sommes d'argent du vivant de son époux, et, d'autre part, estimé que cette dissimulation caractérisait une volonté délibérée de la …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 15 mai 2019, n° 18-14.937
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-14.937
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Nouméa, 20 décembre 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038508002
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C100440
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Texte intégral

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 15 mai 2019

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 440 F-D

Pourvoi n° G 18-14.937

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme N… P…,

2°/ Mme U… M… O… ,

domiciliées toutes deux […]

contre l’arrêt rendu le 21 décembre 2017 par la cour d’appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme R… M… O… , domiciliée […] ,

2°/ à M. J… M… O… , domicilié […] ,

défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 2 avril 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Reynis, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Reynis, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme P… et de Mme U… M… O… , de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme R… M… O… et de M. M… O… , et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nouméa, 21 décembre 2017), que G… M… O… , est décédé le […] laissant pour lui succéder Mme N… P…, sa seconde épouse avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, leur fille, Mme U… M… O… , ainsi que deux enfants nés d’une précédente union, Mme R… M… O… et M. J… M… O… ; que des difficultés se sont élevées lors de la liquidation et du partage ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les trois premières branches du moyen :

Attendu que Mme P… et Mme U… M… O… font grief à l’arrêt de dire que la première s’est rendue coupable de recel successoral sur les donations reçues de son époux, et qu’elle devra restituer à la masse successorale, sans pouvoir y prendre aucune part, la valeur au jour de l’ouverture de la succession de deux immeubles, alors, selon le moyen :

1°/ que la charge de la preuve de l’intention libérale appartenant à celui qui l’allègue, il incombe au demandeur qui sollicite d’un cohéritier le rapport à la succession d’une somme perçue du défunt d’établir que son versement a été réalisé dans une intention libérale ; qu’en l’espèce, les héritiers sollicitaient le rapport à la masse successorale, par la seconde épouse du défunt, de deux immeubles qu’elle aurait acquis au moyen de deniers qui lui avaient été remis par son conjoint ; qu’il leur revenait par conséquent de démontrer que son époux avait agi dans une intention libérale ; qu’en jugeant qu’il appartenait à l’épouse d’apporter la preuve d’une collaboration à l’activité professionnelle de son conjoint excédant une contribution normale aux charges du ménage et justifiant une rémunération tardive mais valablement consentie, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’ancien article 1315 devenu l’article 1353 du code civil, ensemble l’article 894 du même code ;

2°/ qu’il résulte de l’article 843 du code civil que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du donateur dans l’intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ; qu’en jugeant que Mme P… devait rapporter à la succession de son époux la valeur de deux immeubles acquis grâce à des fonds qui lui ont été remis par ce dernier, au motif qu’elle ne rapportait pas la preuve d’une collaboration excédant sa contribution aux charges du ménage et justifiant la remise de ces fonds à titre de rémunération, sans constater expressément l’existence d’une intention libérale du défunt, la cour d’appel a violé l’article 843 du code civil ;

3°/ que les immeubles appartenant à une épouse séparée de biens ne constituent pas des effets de la succession de son mari décédé et ne peuvent faire l’objet d’un recel ; qu’en reprochant à Mme P… d’avoir « dissimulé l’existence des immeubles acquis à l’ouverture de la succession de son époux » et d’avoir « tenté de s’approprier une partie de l’actif successoral », alors qu’il n’est pas contesté que ces immeubles lui appartenaient et que la donation, à la supposer établie, ne portait que sur la valeur de ceux-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 778 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’en retenant que Mme P… n’établissait pas, comme il le lui incombait, le caractère rémunératoire des libéralités, la cour d’appel a fait ressortir que le défunt n’avait pu lui remettre les sommes litigieuses, dont elle a relevé le caractère occulte, que dans l’intention de la gratifier ;

Attendu, en second lieu, qu’ayant, d’une part, relevé, par motifs adoptés, que Mme P… s’était abstenue d’indiquer lors de l’ouverture de la succession qu’elle avait reçu des sommes d’argent du vivant de son époux, d’autre part, estimé que cette dissimulation caractérisait une volonté délibérée de la donataire de se soustraire à la réduction pouvant résulter d’un dépassement de la quotité disponible, la cour d’appel en a souverainement déduit son intention frauduleuse de receler les sommes dont elle avait bénéficié ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme P… et Mme U… M… O… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme R… M… O… et à M. M… O… la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme P… et Mme U… M… O… .

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR dit que Mme P… s’était rendue coupable de recel successoral sur les donations reçues de son époux, ET D’AVOIR jugé qu’elle devra restituer à la masse successorale, sans pouvoir y prendre aucune part, la valeur au jour de l’ouverture de la succession des deux immeubles litigieux,

AUX MOTIFS QU’aux termes des dispositions de l’article 778 du code civil applicable en Nouvelle-Calédonie, remplacé par : Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, art. 1er et modifié par : Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, art. 10-I-4° : « sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession » ; qu’il résulte de ces dispositions que le recel successoral, pour être constitué, nécessite d’une part un élément matériel, qui peut résulter d’une dissimulation et de la soustraction de biens ou de valeurs composant l’actif et d’autre part un élément intentionnel, caractérisé par une fraude commise sciemment par l’héritier dans le but de rompre à son profit l’égalité du partage ; qu’enfin, la charge de la preuve de l’intention frauduleuse incombe à l’héritier qui invoque le recel ; qu’en l’espèce, il apparaît que Mme N… P… a bénéficié d’un virement de la somme de 25.500 F CFP effectué le 2 juillet 2009 depuis le compte bancaire de son époux, M. G… M… O… ainsi qu’en fait foi le relevé de compte bancaire de la banque de Nouvelle-Calédonie ; qu’il est par ailleurs constant que Mme P… a antérieurement perçu en 2007 de la part de son époux, une donation numéraire dont elle reconnaît la réalité sans en préciser le montant, puisqu’elle indique que l’ensemble de ces sommes lui ont permis d’acquérir à titre personnel deux immeubles situés à Nouméa le 14 août 2007 et le 3 juillet 2009 dont l’état sur transcription établit un prix d’acquisition respectif de 34.500.000 F CFP et de 23.000.000 F CFP ; que Mme P… excipe du caractère rémunératoire de la donation pour faire échec au délit civil de recel successoral qui lui est reproché ; qu’en vertu de l’article 894 du code civil de Nouvelle Calédonie, étendu par l’arrêté n° 98 du 17 octobre 1862 – Art 1er « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; que la donation rémunératoire ne peut être valablement opposée par le conjoint donataire qu’à charge pour lui de démontrer qu’il fournit au conjoint donateur une collaboration remarquable sur la durée, excédant la contribution due au titre des charges du mariage et non rémunérée par son bénéficiaire ; qu’en l’espèce, Mme P… fournit en cause d’appel plusieurs attestations dont la grande majorité, rédigée en termes succincts, font état de sa présence à la caisse du minimarché de Magenta exploité par son époux, sans toutefois que ces attestations se rejoignent sur la durée de cette collaboration dans le temps ni sur la nature de cette collaboration ; qu’il apparaît également, et cela n’est pas contesté par Mme P…, que celle-ci a été inscrite au RIDET en son nom propre pour une activité de couturière sous l’enseigne « l’Aiguille en Vogue » dont elle a été radiée le 28 octobre 2010 mais dont l’exercice est nécessairement antérieur à la première acquisition immobilière puisqu’elle a déclaré cette activité au notaire dans le cadre de la première acquisition effectuée en 2007 ; qu’il importe donc de constater que Mme P… ne rapporte pas la preuve de services particuliers et remarquables rendus par elle à son époux tout au long de leur vie commune et de la période d’activité de celui-ci, caractérisant une collaboration professionnelle soutenue et non rémunérée, excédant la contribution aux charges du ménage lui incombant et justifiant une rémunération tardive mais valablement consentie ; qu’il en résulte que Mme P…, en dissimulant l’existence des immeubles acquis à l’ouverture de la succession de son époux a sciemment omis d’en déclarer le montant et tenté de s’approprier une partie de l’actif successoral alors qu’eu égard aux termes du contrat de mariage et des virements de numéraire dont elle était bénéficiaire, elle ne pouvait se méprendre sur la nature et la portée des libéralités qui lui ont été consenties par son époux ; qu’il y a donc lieu d’appliquer les sanctions du recel conformément à ce qui a été jugé ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE la clandestinité constitue le facteur essentiel de l’élément matériel du recel, qu’en l’espèce, les versements de sommes d’argent par M. G… M… O… au profit de Mme N… P… ont été opérés de manière occulte et secrète, que ces sommes ne figuraient pas sur le projet de déclaration fiscale et dans la déclaration de succession ; qu’en outre Mme P… soutient avoir bénéficié de donations rémunératoires en 2007 et en 2009, que cependant G… M… O… n’a pas déclaré ces legs à l’administration fiscale ni payé les droits correspondant, ces circonstances établissant l’intention frauduleuse des époux ; que Mme P… s’est abstenue d’indiquer lors de l’ouverture de la succession qu’elle avait perçu du vivant de son époux des sommes d’argent réemployées sans contrepartie financière, que cette situation n’a été révélée que des suites des recherches effectuées par R… M… O… et J… M… O… auprès du notaire, des établissements bancaires et du fichier immobilier, que cette dissimulation caractérise une volonté délibérée de la donataire de se soustraire à la réduction pouvant résulter d’un dépassement de la quotité disponible, justifiant que soit retenu à l’égard de Mme P… un recel successoral, la sanction de ce recel en application de l’article 778 étant de la rendre redevable de la réduction éventuelle en cas de dépassement de la quotité disponible sans pouvoir y prendre aucune part ;

1°) ALORS QUE la charge de la preuve de l’intention libérale appartenant à celui qui l’allègue, il incombe au demandeur qui sollicite d’un cohéritier le rapport à la succession d’une somme perçue du défunt d’établir que son versement a été réalisé dans une intention libérale ; qu’en l’espèce, les héritiers sollicitaient le rapport à la masse successorale, par la seconde épouse du défunt, de deux immeubles qu’elle aurait acquis au moyen de deniers qui lui avaient été remis par son conjoint ; qu’il leur revenait par conséquent de démontrer que son époux avait agi dans une intention libérale ; qu’en jugeant qu’il appartenait à l’épouse d’apporter la preuve d’une collaboration à l’activité professionnelle de son conjoint excédant une contribution normale aux charges du ménage et justifiant une rémunération tardive mais valablement consentie, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’ancien article 1315 devenu l’article 1353 du code civil, ensemble l’article 894 du même code ;

2°) ALORS QU’il résulte de l’article 843 du code civil que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du donateur dans l’intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ; qu’en jugeant que Mme P… devait rapporter à la succession de son époux la valeur de deux immeubles acquis grâce à des fonds qui lui ont été remis par ce dernier, au motif qu’elle ne rapportait pas la preuve d’une collaboration excédant sa contribution aux charges du ménage et justifiant la remise de ces fonds à titre de rémunération, sans constater expressément l’existence d’une intention libérale du défunt, la cour d’appel a violé l’article 843 du code civil ;

3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, D’UNE PART QUE les immeubles appartenant à une épouse séparée de biens ne constituent pas des effets de la succession de son mari décédé et ne peuvent faire l’objet d’un recel ; qu’en reprochant à Mme P… d’avoir « dissimulé l’existence des immeubles acquis à l’ouverture de la succession de son époux » et d’avoir « tenté de s’approprier une partie de l’actif successoral », alors qu’il n’est pas contesté que ces immeubles lui appartenaient et que la donation, à la supposer établie, ne portait que sur la valeur de ceux-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 778 du code civil ;

4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, D’AUTRE PART QUE la peine du recel suppose que l’intention frauduleuse du receleur soit positivement établie et que les manoeuvres accomplies aient été de nature à tromper les héritiers ; que le seul fait de conserver sans l’indiquer des effets de la succession ne peut suffire à établir leur dissimulation frauduleuse constitutive de recel ; qu’en déduisant l’intention frauduleuse de Mme P… du seul fait qu’elle n’avait pas déclaré spontanément l’existence d’immeubles acquis grâce aux deniers de son époux à l’ouverture de la succession, sans caractériser aucun acte autre que cette prétendue dissimulation de nature à caractériser son intention de rompre à son profit l’égalité du partage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 778 du code civil ;

5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, ENFIN QUE la dissimulation du donateur n’emporte pas présomption de recel à l’égard du successible gratifié par une libéralité déguisée, lequel ne peut être frappé des peines du recel que lorsqu’est apportée la preuve de sa propre intention frauduleuse, élément constitutif de ce délit civil ; que pour déclarer Mme P… coupable de recel successoral, la cour d’appel a déduit l’intention frauduleuse des époux du seul fait que feu M. G… M… O… n’avait pas déclaré à l’administration fiscale, à les supposer établis, les legs faits à son épouse, ni payé les droits correspondant ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 778 du code civil.

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