Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2019, 17-29.000, Inédit

  • Sociétés·
  • Concessionnaire·
  • Contrat de concession·
  • Commande·
  • Sauvegarde·
  • Client·
  • Obligation·
  • Courrier·
  • Livraison·
  • Bonne foi

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 19 juin 2019

Cassation partielle

Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 532 F-D

Pourvoi n° Y 17-29.000

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Steelcase, SA, devenue la société Steelcase, SAS, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 29 novembre 2017 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. F… L… , domicilié […] , en qualité de liquidateur de la SAS Diapason allure aménagement,

2°/ à M. E… X…, domicilié […] ,

3°/ à M. J… R…, domicilié […] ,

4°/ à la société Allure conseil & investissement, société à responsabilité limitée, dont le siège est […],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 7 mai 2019, où étaient présents : Mme Riffault-Silk, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laporte, conseiller rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Laporte, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Steelcase, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. L…, ès qualités et de MM. X… et R…, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Steelcase a conclu avec la société Diapason allure aménagement (la société Diapason) un contrat de concession exclusive de mobiliers de bureaux de sa marque ; que la société Diapason a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ; qu’alléguant l’existence de manoeuvres déloyales commises à son encontre par la société Steelcase, la société Diapason l’a assignée en réparation de son préjudice ; qu’à la suite de la résolution du plan de sauvegarde, la société Diapason a été mise en liquidation judiciaire et M. L…, nommé liquidateur, a repris l’instance ; que MM. X… et R…, en leurs qualités respectives de […] et de […] de la société Diapason, sont intervenus à l’instance pour demander réparation de leurs préjudices personnels ; qu’en cause d’appel, M. L…, ès qualités, s’est, désormais, prévalu des manquements de la société Steelcase à l’exécution de bonne foi du contrat ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième et huitième branches :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur ce moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l’article 1134, alinéas 1er et 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour dire la société Steelcase responsable du préjudice économique subi par la société Diapason pour manquements à ses obligations contractuelles, l’arrêt retient que la société Steelcase n’a voulu accorder aucune facilité de paiement à son cocontractant alors que celui-ci était au bord de l’asphyxie et tentait de redresser son activité dans un contexte économique que les deux parties qualifient de difficile et ajoute qu’elle ne justifie pas de ce que sa propre situation financière ne lui permettait pas d’être davantage conciliante ; qu’il en déduit qu’elle a ainsi manqué à son obligation de bonne foi contractuelle et aux obligations de loyauté et de collaboration qui en découlent ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’exigence de bonne foi n’autorise pas le juge à porter atteinte aux modalités de paiement du prix fixé par les parties, lesquelles constituent la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l’arrêt en ce qu’il déclare la société Steelcase responsable du préjudice économique subi par la société Diapason entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif qui condamne la société Steelcase à payer à MM. X… et R…, chacun, la somme de un euro, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette les demandes de la société Allure conseil & investissement, l’arrêt rendu le 29 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;

Condamne M. L…, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Diapason allure aménagement, et MM. X… et R… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Steelcase la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l’audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf et signé par Mme Orsini, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Riffault-Silk. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Steelcase.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR déclaré la société Steelcase responsable du préjudice économique subi par la société Diapason du fait de ses manquements à ses obligations contractuelles,

AUX MOTIFS QU’ « aux termes de l’article 1134, alinéa 3, devenu 1104, du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu’il résulte de cette obligation générale des devoirs plus particuliers de loyauté et de collaboration entre cocontractants ; que ces devoirs requièrent, notamment, du créancier qu’il s’efforce de faciliter l’exécution par son débiteur de ses obligations ; qu’il doit également faire en sorte de ne pas aggraver les difficultés éventuellement rencontrées par ce dernier ; que par ailleurs, sans être contraint, au regard des textes applicables au fait de l’espèce, à un devoir de renégociation, ces obligations imposent, à tout le moins, au créancier un devoir d’adaptation aux évolutions non prévues du contexte économique ; que l’exigence de bonne foi permet enfin de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, sans toutefois pouvoir porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ; que ces devoirs de loyauté et de collaboration revêtent une intensité particulière dans les contrats de distribution qui se caractérisent à la fois par une forte dépendance économique entre les parties et par la poursuite d’un même but, celui de créer et développer une clientèle commune ; que la bonne coopération des cocontractants favorise ainsi la recherche d’un intérêt commun et assure au contrat la plus grande efficacité possible.

Sur le caractère abusif de la mise en oeuvre par la société Steelcase de ses prérogatives contractuelles:

1. Sur le comportement de la société Steelcase avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde :

Il résulte de l’article 9.1 de l’annexe 9 du contrat de concession exclusive, conclu le 5 octobre 2009 entre les sociétés Steelcase et Diapason et substitué au contrat conclu le 18 décembre 2008 entre les mêmes parties, que les factures émises par le fournisseur étaient payables par le concessionnaire 45 jours à compter de la fin du mois d’émission de la facture ; qu’il résulte également de cette clause que la société Steelcase était autorisée, en cas de non-paiement à l’échéance de toute somme et après avoir informé préalablement le concessionnaire par notification écrite et à défaut de régularisation sous 5 jours ouvrés, à suspendre les livraisons prévues et à refuser toute nouvelle commande ; que par ailleurs, toujours dans l’hypothèse du non-paiement des sommes dues par le concessionnaire, et afin d’honorer les commandes du client d’ores et déjà enregistrées chez Steelcase, le concessionnaire s’engageait à régler son fournisseur préalablement à la livraison de la marchandise ; que l’article 9.2 de l’annexe 9 du même contrat stipulait, en substance, qu’en cas de dépassement non autorisé par le concessionnaire de la limite de crédit de 1.600.000 euros, le concessionnaire autorisait Steelcase à facturer directement le client après avoir recueilli l’accord écrit de celui-ci ; que ces mêmes dispositions prévoyaient également la faculté pour la société Steelcase de modifier unilatéralement cette limite d’encours par simple notification écrite ; que la validité de ces clauses n’est pas remise en cause par la société Diapason ; qu’il est constant qu’à partir du mois d’août 2010, la société Diapason n’a plus respecté les délais de paiement des factures émises par la société Steelcase et que sa dette à l’égard de cette société s’élevait, le 16 septembre 2010, à la somme de 953.308,21 euros ; qu’il n’est pas davantage contesté que la limite de crédit a également été dépassée par la société Diapason et que l’encours de cette société s’élevait, à la même date, à la somme de 1.781.540,19 euros ; qu’il résulte notamment des courriels des 9 et 13 septembre 2010, adressés par la société Diapason à la société Steelcase (annexes 6 et 7; s’agissant de pièces produites par les deux parties, la Cour se référera à la numérotation des annexes de la société Diapason), et du courrier du 16 septembre 2010, adressé par cette dernière société à l’appelante (annexe 8), que des négociations ont été entreprises entre les deux sociétés afin, notamment, de parvenir à un échelonnement de la dette de la société Diapason ; que dans son courrier précité du 16 septembre 2010, la société Steelcase a entendu récapituler les points qui avaient été discutés par les parties lors de deux réunions datées des 13 et 14 septembre, avec un échéancier comprenant un premier paiement de 300.000 euros pour le 17 septembre 2010, une baisse de la ligne de crédit autorisé à 1.000.000 euros, une facturation directe auprès des clients de la société Diapason des projets supérieurs à 100.000 euros ; que la société Diapason n’a pas immédiatement répondu à ce courrier du 16 septembre ni exprimé son accord aux mesures proposées ; que le 20 septembre 2010, elle a versé à la société Steelcase une somme de 200.000 euros ; que par courrier du 27 septembre 2010, la société Steelcase a adressé à la société Diapason un second courrier, aux termes duquel elle indiquait lui avoir notifié, par courrier du 16 septembre 2010, un échéancier qu’elle n’a pas respecté et qu’ « à défaut de régularisation de la totalité des sommes impayées sous 5 jours ouvrés à réception de ladite notification », elle était en droit d’appliquer les sanctions contractuelles prévues par le contrat du 18 septembre 2008, consistant à suspendre les livraisons prévues et à refuser toute nouvelle commande ; que la société Steelcase ajoutait qu’elle était en droit de facturer directement ses clients compte tenu du dépassement de la limite de crédit autorisé, et ce par application de l’annexe 8 article 8.2 du même contrat de concession, correspondant en réalité au contrat caduc du 18 décembre 2008, mais repris dans les mêmes termes par le contrat du 5 octobre 2009 (annexe 10) ; que par un courrier du 1er octobre 2010, la société Steelcase a mis en demeure la société Diapason de régler les impayés pour le 15 octobre 2010, sous peine de mettre en oeuvre des « mesures coercitives » (annexe 14) ; que par un deuxième courrier du 1er octobre 2010, la société Steelcase a demandé à la société Diapason la fourniture pour le 15 octobre 2010 d’une situation comptable à fin septembre 2010 (annexe 15) ; qu’il résulte toutefois du courriel adressé à la société Diapason le 24 septembre 2010, par le dépôt Kuehne Nagel, que la société Steelcase avait, à cette date, donné l’ordre de ne plus préparer les enlèvements pour la société Diapason ni de livrer cette société (annexe n° 9) ; qu’il résulte ainsi de cette chronologie que la société Steelcase n’a pas mis en demeure la société Diapason de respecter ses obligations ni respecté un délai de préavis avant de mettre en oeuvre les sanctions prévues par le contrat de concession ; que le 1er octobre 2010, la société Steelcase a adressé à son distributeur un troisième courrier proposant notamment à la société Diapason, « afin de préserver si possible notre partenariat et de satisfaire les clients », de diminuer progressivement la limite de crédit de 1.600.000 euros à 1.000.000 euros au 15 février 2011, sous réserve que cette société apporte des éléments de nature à la rassurer quant à sa « structuration financière » et du règlement des impayés d’un montant de 753.151,92 euros ; que le fournisseur exprimait également son intention de mettre en place un paiement par le distributeur, préalable à toute livraison pour les commandes en cours et une acceptation des nouvelles commandes sous condition notamment d’un paiement comptant ou d’une facturation directe aux clients de la société Diapason (annexe 13) ; que dans un courrier du 8 octobre 2010, la société Steelcase a réitéré son intention de prendre en compte les commandes en cours passées par la société Diapason, à condition de mettre en place, avec l’accord du client final, une procédure de facturation directe par Steelcase, et ce dans les hypothèses où : la société Diapason ne serait pas à jour de ses paiements, la limite d’encours serait à nouveau dépassée, ou si la société Diapason ne souhaiterait pas payer par avance son fournisseur pour libérer la livraison de la commande concernée ; que la société Steelcase expliquait dans ce courrier que son attitude « a toujours été orientée vers la recherche d’une solution constructive, ce qui n’implique pas que nous renoncions à préserver nos droits » (annexe 16) ; que dans un second courrier du 8 octobre 2010, la société Steelcase a informé la société Diapason de ce qu’elle se réservait le droit de mettre en oeuvre la clause de réserve de propriété prévue par le contrat de concession (annexe 17) ; que par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 13 octobre 2010, la société Diapason a été admise au bénéfice d’une procédure de sauvegarde ; qu’il était relevé dans le jugement du 12 octobre 2011, ayant arrêté le plan de sauvegarde, que les difficultés de la société Diapason, qui ont justifié son placement sous sauvegarde, résultaient principalement de son contentieux avec la société Steelcase ;

2. Sur le comportement de la société Steelcase durant la procédure de sauvegarde :

a) Sur la mise en oeuvre de la clause de réserve de propriété.

Une clause de réserve de propriété était effectivement stipulée par le contrat de concession (pages 4 et 5 du contrat), laquelle pouvait être mise en oeuvre après acquiescement de l’administrateur, ayant lui-même recueilli l’accord du débiteur, conformément à l’article L.624-17 du code de commerce ; que contrairement à ce qu’elle soutient, la société Steelcase n’a pas informé, dans son courrier du 21 octobre 2010, l’administrateur de ce qu’elle « entendait » revendiquer le prix de vente de certains produits non réglés par la société Diapason entre les mains de certains clients au titre de cette clause de réserve de propriété, mais de ce qu’elle l’avait d’ores et déjà fait : « vous trouverez ci-jointe la liste des clients auxquels nous avons adressé la demande en revendication des marchandises ou de paiement du solde du prix non encore versé à Diapason Allure Aménagement à la date du jugement, soit le 13 octobre 2010 » (annexe 22) ; que l’administrateur n’a acquiescé à la mise en oeuvre de la clause de propriété qu’à compter du 7 décembre 2010 (annexe 97) ; qu’il ne peut être reproché à la société Steelcase d’avoir diffusé aux clients de la société Diapason l’information de son admission au bénéfice d’une procédure de sauvegarde, laquelle avait fait l’objet d’une publicité et résulte en outre mécaniquement de l’exercice de ce droit de revendication, sans que cet exercice puisse être en lui-même tenu pour fautif ; qu’il n’est toutefois pas contesté que ces courriers ont été adressés aux 120 clients les plus importants de la société Diapason, dont certains avaient d’ores et déjà réglé les marchandises commandées, à l’instar de la société Ineo GDF Suez (annexe 43) ; que, par ailleurs, outre la mise en oeuvre précipitée et tous azimuts de la clause de réserve de propriété, sans autorisation préalable de l’administrateur, il ressort d’un courrier adressé par cet organe de la procédure collective au conseil de la société Steelcase le 5 novembre 2010, que l’exercice par le concédant de cette revendication, ainsi que sa volonté de mettre en oeuvre une facturation directe auprès des clients de la société Diapason, ont été l’occasion d’un certain nombre d’interventions directes ayant eu pour conséquence l’annulation d’un certain nombre de commandes et laissant craindre à l’administrateur une cessation pure et simple de l’activité (annexe 23) ; que l’existence de ces interventions directes et de ses conséquences est également confirmée par un courrier adressé par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales à l’administrateur judiciaire en date du 12 janvier 2011 (annexe 45) et par un courriel de la société Archimage (annexe 46).

b) Sur les modalités de paiement durant la procédure de sauvegarde.

Aux termes d’un courriel du 3 novembre 2010, l’administrateur judiciaire a exprimé une opinion favorable, dans le cadre de la continuation du contrat de concession, à la demande de la société Steelcase que le règlement des commandes à venir soit assuré, soit par un règlement 48 heures avant la livraison, soit par facturation en direct par le fournisseur dans le cas où ledit règlement ne pourrait être effectué (annexe 30) ; que l’administrateur judiciaire a néanmoins dû exprimer son opposition, dans deux courriers des 5 et 18 novembre 2010, à la volonté de la société Steelcase de maintenir les sanctions contractuelles prévues par l’article 9.1 de l’annexe 9 du contrat, et ce au visa des articles L. 622-7, alinéa 1, et L. 622-13, alinéa 2, du code de commerce, faisant respectivement interdiction au débiteur de payer toute créance antérieure au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, et obligation à son cocontractant d’exécuter ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs à ce même jugement (annexes 23 et 21) ; qu’il ressort en effet du courrier du 4 novembre 2010, adressé par le conseil de la société Steelcase à l’administrateur judiciaire, et du courrier en réponse précité du 18 novembre 2010, que le blocage d’un certain nombre de commandes à l’enregistrement a été maintenu après l’ouverture de la procédure de sauvegarde et qu’une partie des commandes pourtant réglées par la société Diapason n’ont pas été livrées, et ce pour un montant de 153 K€ (annexe 20) ; que dès lors, contrairement à ce qu’elle soutient, la société Steelcase n’a pas tout de suite collaboré avec les organes de la procédure collective ; que le 23 novembre 2010, la société Steelcase a indiqué à la société Diapason qu’elle entendait se conformer à la demande de l’administrateur judiciaire et qu’elle débloquerait à compter de cette date les commandes passées par son distributeur (annexe 29) ; que la société Diapason ne démontre pas que son fournisseur a maintenu après cette date un blocage des livraisons, si ce n’est des retards de livraison intervenus de manière très ponctuelle et indépendante de sa volonté, comme cela résulte des courriels produits par l’appelante, en date des 10, 24 et 27 novembre 2010, ainsi que du 3 janvier 2011 (annexes 28 et 37).

c) Sur la notification des nouveaux objectifs et l’annonce du non renouvellement du contrat de concession à son terme.

Par courrier du 19 avril 2011, la société Steelcase a informé son concessionnaire du maintien pour l’exercice 2012 des objectifs de commandes fixés pour les exercices précédents à la somme de 11.400.000 euros (annexe 88) ; que compte tenu du contexte économique, des difficultés rencontrées par son concessionnaire, et des contraintes que la société Steelcase faisait alors peser sur celui-ci depuis le mois de septembre 2010, de tels objectifs n’étaient pas objectivement réalisables et apparaissent dès lors abusifs ; qu’en revanche, la société Steelcase pouvait parfaitement notifier à son cocontractant son refus de renouvellement du contrat de concession à son terme ; que cette notification, intervenue par un courrier du 25 mai 2011 pour un terme fixé le 28 février 2013, a respecté un préavis raisonnable (annexe 91) ; qu’il ressort en outre des propres déclarations de la société Diapason que ce non-renouvellement n’avait pas pour unique but de l’évincer mais s’inscrivait dans une politique de restructuration du modèle de distribution de la société Steelcase en Ile-de-France qui s’est notamment traduit par le rachat d’un certain nombre de concessions ; que cette décision de non renouvellement n’était donc pas fautive.

3. Le comportement de la société Steelcase à l’issue de la procédure de sauvegarde :

Dans un courrier du 10 novembre 2011, la société Diapason a informé son concédant de la fin de la procédure de sauvegarde par l’adoption d’un plan par jugement du 12 octobre 2011, et lui a demandé de mettre fin au paiement comptant des marchandises et de remettre en place les modalités usuelles de règlement des factures, ainsi que le maintien de la limite d’encours à la somme de 1.600.000 euros (annexe 95) ; que dans un courrier en réponse du 22 novembre 2011, la société Steelcase a indiqué à son concessionnaire le maintien du paiement comptant des marchandises commandées et rappelé le dépassement en cours de la limite de crédit d’un montant de 1.700.000 euros ; qu’elle s’est en outre prévalue de la réduction, notifiée en octobre 2010, de cette limite à la somme de 1.000.000 euros ; que la société Steelcase a demandé à ce titre la communication du bilan complet de la société Diapason et d’une situation intermédiaire à fin octobre 2011, afin d’envisager l’instauration d’une nouvelle limite de crédit dans « un souci commun de faciliter dès que possible la bonne exécution du contrat de concession » (annexe 96) ; qu’il convient de relever au sujet de cet encours de 1.700.000 euros que la société Diapason ne peut pas reprocher à la société Steelcase de ne pas avoir déduit de cet encours la créance que cette société détenait à l’encontre de la société BNP Paribas Factor, en exécution de sa clause de réserve de propriété, compte tenu du fait que cette somme n’a pu être recouvrée par le fournisseur que le 23 mai 2013 ; qu’ainsi, la société Steelcase s’est immédiatement prévalue du maintien d’une partie des sanctions contractuelles mises en place à compter du mois de septembre 2010, compte tenu du dépassement rémanent de la limite d’encours, et ce alors que les engagements pris par la société Diapason durant la période d’observation avaient été respectés et qu’un plan de sauvegarde avait été arrêté ; que la société Steelcase a par ailleurs reproché à la société Diapason, dans un courrier du 4 janvier 2011, d’avoir sollicité l’ouverture de la procédure de sauvegarde en ces termes : « Fondamentalement, la situation actuelle n’est que le résultat naturel de la procédure collective sous laquelle vous avez décidé de vous placer » (annexes 38) ; qu’il résulte de surcroît du jugement du 12 octobre 2011, ayant arrêté le plan de sauvegarde, que la société Steelcase n’avait pas clairement fait connaître sa position au regard de l’adoption de ce plan (annexe 94, page 4), ce qui démontre, à tout le moins, l’absence de volonté de cette société de collaborer au redressement de son distributeur ; que dans un courrier du 2 décembre 2011, la société Diapason a réitéré sa demande de bénéficier des modalités de paiement initialement prévues par le contrat et de bénéficier d’une nouvelle limite de crédit de 800 000 euros (annexe 99) ; que dans son courrier en réponse du 13 décembre 2011, la société Steelcase a indiqué ne pouvoir statuer sur l’octroi d’une limite de crédit sans avoir analysé l’évolution de la « structure financière » de la société Diapason ; que le concédant a également exigé le paiement immédiat de l’ensemble des commandes disponibles sur la plate-forme logistique pour un montant total de 34.265,38 euros (annexe 100) ; que par courrier du 20 décembre 2011, la société Steelcase a rappelé que les commandes de la société Diapason étaient subordonnées au paiement comptant et, dans l’attente de la communication d’états comptables récents, devant lui permettre d’arrêter de nouvelles modalités de règlement de ses factures, elle l’a mise en demeure de lui régler la somme de 252.800,73 euros, correspondant aux commandes complètes disponibles sur la plate-forme (annexe 101) ; que ces modalités de paiement ont, en toute logique, privé la société Diapason de la possibilité de se reconstituer une trésorerie et de conclure des marchés d’une valeur importante ; qu’il résulte en outre du courriel adressé le 4 janvier 2012 à la société Diapason que l’ensemble de ses commandes a été bloqué à compter du 20 décembre 2011, soit une nouvelle fois sans que la société Diapason n’ait été mise en demeure ni que soit respecté un délai de préavis (annexe 103) ; que la société Diapason a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 29 février 2012 ; que ce jugement relève que la société Diapason n’avait plus d’activité depuis le 20 décembre 2011 ; que le commissaire à l’exécution du plan a précisé que le débiteur n’était plus en mesure d’exercer normalement son activité compte tenu de la position adoptée par la société Steelcase, laquelle ne fera qu’aggraver la situation à l’avenir (annexe 92).

4. Synthèse des fautes commises par la société Steelcase :

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, si la mise en oeuvre des sanctions prévues par le contrat de concession était justifiée, dans leur principe, par le non-respect par la société Diapason de son obligation de paiement et le dépassement de sa limite de crédit, la société Steelcase a toutefois également manqué à ses obligations contractuelles, d’une part, en ne respectant pas l’exigence de mise en demeure préalable de son cocontractant d’exécuter ses obligations ni celle d’un délai raisonnable de préavis et, d’autre part, en ne respectant pas ses obligations plus générales de loyauté et de collaboration à l’égard de son concessionnaire ; que contrairement à ce qu’elle soutient, la société Steelcase n’a pas fait preuve de patience à l’égard de son cocontractant et a mis en oeuvre l’ensemble des sanctions prévues par le contrat quasi immédiatement après la survenance des difficultés de la société Diapason ; que la société Steelcase n’a levé une partie de ces sanctions qu’en raison de l’ouverture de la procédure de sauvegarde ; que toutefois, le maintien du paiement comptant a nécessairement handicapé la société Diapason en l’empêchant de reconstituer sa trésorerie et de conclure des marchés d’une certaine importance ; que le maintien de cette modalité exceptionnelle de paiement était ainsi en contradiction avec toute logique de redressement, pourtant seule à même de garantir le paiement des créances de la société Steelcase ; que par ailleurs, la société Steelcase n’a pas hésité à mettre en oeuvre, sans attendre l’accord de l’administrateur, la clause de réserve de propriété prévue par le contrat de concession auprès d’un nombre important de clients dont certains avaient d’ores et déjà réglé leurs commandes, ce qui a entraîné un trouble commercial caractérisé par une atteinte à la réputation professionnelle de la société Diapason et une perte de clientèle ; qu’à l’issue de la procédure de sauvegarde, la société Steelcase a, de nouveau et sans préavis, bloqué les commandes et livraisons de la société Diapason, au seul motif du dépassement de la limite d’encours, alors qu’un tel dépassement avait pu se produire à plusieurs reprises par le passé, sans que la société Steelcase ne réagisse de la sorte ; qu’il est en effet constant que cet encours s’élevait en décembre 2008, au moment de l’acquisition par la société A2R de la société Diapason, alors filiale de la société Steelcase, à la somme de 5.981.000 euros ; que depuis cette date, le montant le plus bas que cet encours ait atteint est celui de 1.031.000 euros en mai 2010 ; que la limite d’encours a été dépassée d’octobre 2009 à janvier 2010 et a pu atteindre durant cette période la somme maximale de 2.303.000 euros ; qu’elle est redescendue à une moyenne de 1.206.000 euros entre février et août 2010, date à laquelle l’encours a atteint la somme de 1.271.000 euros, soit un montant très en dessous de la limite autorisée (annexe 5) ; qu’il résulte de cet historique que sur toute la durée d’activité de la société Diapason depuis son rachat, la limite d’encours a plutôt été respectée par cette société ; que d’une manière plus générale, l’importance des dettes de la société Diapason et de son encours à compter du mois de septembre 2010 doit être rapportée à l’importance des volumes d’activité qui caractérisent ces entreprises dans le secteur concerné ; que l’importance de ces volumes explique également que la société Diapason a pu, en quelques mois seulement et au bénéfice de la procédure de sauvegarde, présenter des perspectives réelles de redressement ; qu’il en résulte également que la réduction, décidée unilatéralement par la société Steelcase, de cette limite de crédit à la somme de 1.000.000 euros n’était pas réaliste au regard de l’activité et des besoins de la société Diapason depuis sa reprise en 2008 ; que contrairement à ce que soutient la société Steelcase, cette réduction a bien été mise en oeuvre, puisqu’elle a de nouveau été opposée à la société Diapason le 22 novembre 2011 et a justifié le maintien des modalités de paiement préjudiciables à cette dernière société après l’adoption de son plan de sauvegarde ; qu’il a également été clairement relevé par les différents organes de la procédure collective que la société Steelcase n’avait rien fait pour faciliter la sauvegarde de son concessionnaire, au point de ne pas se positionner sur les modalités du plan de sauvegarde, et ce alors que, de l’avis de tous, les difficultés de la société Diapason étaient pour l’essentiel le fait de son concédant ; que l’intention régulièrement assénée par la société Steelcase entre septembre 2010 et décembre 2011, de collaborer avec son concessionnaire ne saurait dissimuler une volonté également constante de la part de cette société de n’accorder aucune facilité de paiement à son cocontractant alors que celui-ci était au bord de l’asphyxie et tentait de redresser son activité dans un contexte économique que les deux parties qualifient de difficile ; que la société Steelcase ne justifie pas, par ailleurs, de ce que sa propre situation financière et économique ne lui permettait pas d’être davantage conciliante, alors que seul le redressement de l’activité de son concessionnaire était de nature à permettre le paiement des dettes de ce dernier et la régularisation de son encours à moyen terme ; que la société Diapason soutient que cette attitude de la part de son concédant traduit un plan visant à maintenir sur le fil son activité, le temps de capter sa clientèle pour, à terme, de l’évincer du marché ; que si la preuve d’un tel plan n’est pas rapportée, celle de manquements répétés de la société Steelcase à son obligation de bonne foi contractuelle et aux obligations de loyauté et de collaboration qui en découlent est établie ; que ces manquements ont excédé ce que permet l’exception d’inexécution et ont conduit à une baisse progressive de l’activité de la société Diapason jusqu’à la cessation totale de cette activité en décembre 2011 et à la liquidation judiciaire de cette société.

Sur les cas particuliers de détournement de clientèle :

1. Le marché BNP Assurances :

La société Steelcase soutient avoir participé seule à cet appel d’offres, comme l’y autorisait le contrat de concession conclu avec la société Diapason ; qu’elle avait seulement envisagé de confier à cette dernière société certaines tâches d’exécution, selon des modalités qui restaient à déterminer ; qu’après que la société Steelcase ait été informée de l’acceptation de son offre par BNP Assurances, elle a renoncé à confier à son concessionnaire des tâches d’exécution, aux motifs, d’une part, que seules les équipes commerciales de Steelcase avaient géré ce projet et que la société Diapason avait refusé de participer à une réunion dans un entretien téléphonique du 5 octobre 2010 et, d’autre part, que cette société avait dépassé sa limite d’encours et ne pouvait pas gérer un tel marché ; que la société Steelcase a effectivement fait part de ces motifs à la société Diapason dans un courriel du 7 octobre 2010 (annexe 55) ; qu’il convient d’emblée de relever que le dernier motif énoncé par la société Steelcase entre en contradiction avec la description du rôle marginal qu’elle entendait faire jouer à son concessionnaire dans ce marché conclu avec la société BNP Assurances ; que, par ailleurs, l’annonce de l’obtention de l’appel d’offre a eu lieu le 9 septembre 2010 ; qu’à cette date, il n’était reproché à la société Diapason aucun refus de participer à une quelconque réunion ; que la société Diapason produit ensuite de nombreux courriels échangés entre elle et la société Steelcase, de mars à septembre 2010, qui démontrent une collaboration active entre ces deux sociétés pour remporter l’appel d’offre en question et une participation significative de la société Diapason à ce projet (annexes 51 et 52) ; qu’il ressort en outre du courriel adressé le 6 août 2010 par la société Steelcase à la société Diapason, que cette société devait intervenir comme distributeur à part entière sur ce marché et qu’un accord avait été trouvé pour qu’elle puisse dégager à cette occasion une marge brute de 9,31 % du prix total du marché, lequel était estimé, dans une fourchette haute, à la somme 2.074.329,43 euros (annexe 50) ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Diapason a participé activement à l’obtention du marché BNP Assurances et qu’elle devait jouer un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre de ce contrat ; que la société Diapason a été évincée de ce marché juste après la confirmation de son obtention, et ce en contradiction avec l’accord convenu avec la société Steelcase ; que s’il est vraisemblable que l’exécution de ce marché aurait dans un premier temps aggravé l’encours de la société Diapason, il aurait également pu permettre, de manière certaine, à cette société de rembourser une partie de sa dette ; que ce marché était de nature à contribuer à la relance de l’activité de la société [Diapason] et à lui permettre de redescendre à terme en dessous de la limite d’encours autorisée ; que l’éviction de la société Diapason de ce marché par la société Steelcase caractérise donc un manquement de cette société à son obligation contractuelle de bonne foi.

2. Les commandes de Carrefour :

La société Steelcase soutient qu’elle pouvait, selon les termes du contrat de concession, contracter directement avec ce client dans le cadre de ventes dites passives ; qu’elle a été directement contactée par la société Carrefour, via l’intermédiaire habituel de cette société, la société Aos Studley, afin de se substituer à la société Diapason qui n’était pas en mesure d’exécuter dans les délais exigés, la commande de Carrefour ; que la société Steelcase ajoute qu’elle ne pouvait pas risquer de perdre un client aussi important ; qu’il est constant que la société Carrefour était un client de la société Diapason ; que la société Steelcase démontre avoir été directement sollicité par Aos Studley, aux termes d’un courriel du 16 septembre 2010, compte tenu de l’incapacité de la société Diapason de livrer une commande de 350 sièges dans les délais exigés par la société Carrefour (annexes 59 et 64) ; qu’elle démontre également avoir été autorisée, par application du contrat de concession, à procéder à des ventes passives sur le territoire d’exclusivité de son concessionnaire (page 2 du contrat) ; que la société Diapason ne démontre pas que ces délais de livraison, jugés excessifs par Carrefour, étaient la conséquence du blocage des livraisons opéré par la société Steelcase ; qu’aucun élément ne permet en effet de dater ce blocage antérieurement au 24 septembre 2010 (annexe 9) ; qu’en revanche, l’annulation par Carrefour de sa commande ultérieure de 606 et 807 sièges supplémentaires, passée auprès de la société Diapason et son transfert à la société Steelcase, compte tenu d’une « carence de livraison » de son concessionnaire, selon un courrier du 5 novembre 2010, est imputable au blocage des livraisons par la société Steelcase réalisé en violation des obligations contractuelles de cette société (annexe 64).

3. La commande de L’Oréal :

Si cela avait été initialement envisagé par les parties, L’Oréal n’a toutefois pas été retenue sur la liste des clients attribués exclusivement à la société Diapason (page 24 du contrat) ; qu’en revanche, la société Diapason justifie de ce qu’elle était en relation d’affaires avec cette société, laquelle lui avait passé une commande par un courriel du 5 novembre 2010 (annexe 65), avant de l’annuler et de traiter directement avec la société Steelcase (annexe 102) ; que la société Steelcase ne fait pas la preuve, comme elle le soutient, d’avoir été « passivement » contactée par la société L’Oréal ; qu’en tout état de cause, si l’exclusivité ne s’appliquait pas à ce client, la société Steelcase était néanmoins tenue d’une obligation de loyauté à l’égard de son concessionnaire, lequel avait été admis à cette époque au bénéfice d’une procédure de sauvegarde ; que la société Steelcase a donc manqué à son obligation de loyauté en contractant directement avec la société L’Oréal, pour répondre à une commande initialement adressée à son concessionnaire, alors qu’il n’est pas démontré que ce dernier n’était pas en mesure de l’exécuter.

4. Sur les autres cas particuliers invoqués par la société Diapason :

La société Diapason démontre avoir eu des difficultés pour livrer dans les temps Air France ; qu’en revanche, elle ne démontre pas que ce client se serait retourné directement auprès de Steelcase ; que s’agissant de la commande faite par les Aéroports de Paris, la société Diapason démontre que les livraisons initialement commandées auprès d’elle ont été bloquées par la société Steelcase, comme cela résulte du courriel adressé le 5 octobre 2010 à la société Diapason par le dépôt Kuehne Nagel (annexe 74) ; que la preuve est également rapportée que cette commande a été passée ultérieurement auprès de la société Steelcase, laquelle a confirmé, par un courriel du 3 décembre 2010, savoir qu’il s’agissait initialement d’un client de la société Diapason, mécontent de ne pas avoir pu être livré par cette dernière (annexe 76) ; que ce comportement de la société Steelcase constitue également un manquement à son obligation de loyauté à l’égard de son concessionnaire ; que si la société Steelcase a bien répondu à une commande de l’URSSAF de Seine et Marne, laquelle avait été initialement passée auprès de la société Diapason le 8 septembre 2010, puis annulée, l’appelante ne démontre toutefois pas que cette annulation a été causée par l’attitude de Steelcase à son égard ni que son cocontractant a pris l’initiative de s’adresser directement à ce client (annexes 76, 78 et 79) ; que la société Diapason démontre en revanche avoir perdu la commande de la société Altis à la suite du refus, exprimé le 3 novembre 2011, par la société Steelcase de lancer la production « faute de garantie suffisante » de la part de son concessionnaire ayant préalablement pris la commande (annexes 80 et 81) ; qu’aucune manoeuvre déloyale n’est en revanche établie pour la commande passée par le Crédit foncier de France auprès de Steelcase (annexe 84) ; que la société Diapason ne démontre pas non plus avoir perdu une commande passée par L’Express Roularta du fait de la société Steelcase » ;

ALORS, d’une part, QUE si les conventions doivent être exécutées de bonne foi, cette exigence n’implique ni devoir d’assistance, ni devoir d’adaptation du contrat aux évolutions non prévues du contexte économique, à la charge du concédant et au bénéfice du concessionnaire ; que pour juger que la société Steelcase avait manqué à son devoir de bonne foi à l’égard de la société Diapason et était responsable du préjudice économique subi par celle-ci du fait de ses manquements à ses obligations contractuelles, la cour d’appel a considéré que la société Steelcase aurait dû s’efforcer de faciliter l’exécution, par son débiteur, de ses obligations, et adapter le contrat aux évolutions non prévues du contexte économique ; qu’en inférant ainsi du devoir d’exécuter les conventions de bonne foi un devoir d’assistance et un devoir d’adaptation du contrat aux évolutions non prévues du contexte économique, à la charge du concédant et au bénéfice du concessionnaire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil pris en ses premier et troisième alinéas, dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS, d’autre part, QU’ à supposer même que le concédant soit tenu d’adapter le contrat aux évolutions non prévues du contexte économique, il incombe aux juges du fond de caractériser une situation d’imprévision de nature à donner naissance à un tel devoir d’adaptation ; qu’en se contentant, pour justifier l’existence d’un devoir d’adaptation du contrat pesant en l’espèce sur le concédant, de mettre en exergue l’existence « d’un contexte économique que les deux parties qualifient de difficile » (arrêt attaqué p. 12), sans jamais faire état de circonstances de nature à caractériser une situation d’imprévision, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 alinéa 3 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

ALORS, en outre, QUE manque à son devoir de bonne foi et fait un usage abusif de ses prérogatives contractuelles le contractant qui se prévaut de celles-ci avec brutalité et sans motif légitime ; que tout en jugeant abusive la mise en oeuvre, par le concédant, de ses prérogatives contractuelles, la cour d’appel a rappelé les négociations intervenues entre les parties (arrêt attaqué p. 6), elles-mêmes émaillées de très nombreux échanges ; qu’elle a de surcroît indiqué que le concédant avait maintenu, pour l’exercice 2012, les objectifs de commandes fixés pour les exercices précédents (arrêt attaqué p. 9) et souligné que « la mise en oeuvre des sanctions prévues par le contrat de concession était justifiée, dans leur principe, par le non-respect par la société Diapason de son obligation de paiement et le dépassement de sa limite de crédit » (arrêt attaqué p. 11) ; qu’il résulte de ces circonstances, pointées par la cour d’appel elle-même, que le concédant avait agi sans brutalité aucune et pour des motifs légitimes ; qu’en jugeant néanmoins abusive la mise en oeuvre, par le concédant, de ses prérogatives contractuelles, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1134 alinéa 3 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

ALORS, encore, QUE si l’exigence de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise en revanche pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ; que le prix fixé par les parties, de même que les modalités de son paiement, relèvent de la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties, à laquelle l’exigence de bonne foi ne permet pas de porter atteinte ; qu’en reprochant au concédant d’avoir manqué à la bonne foi en n’accordant aucune « facilité de paiement à son cocontractant » (arrêt attaqué p.12), la cour d’appel a porté atteinte aux droits et obligations légalement convenus entre les parties, et violé l’article 1134 du code civil pris en ses premier et troisième alinéas, dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS, de plus, QU’ après avoir relevé qu’ « il ne peut être reproché à la société Steelcase d’avoir diffusé aux clients de la société Diapason l’information de son admission au bénéfice d’une procédure de sauvegarde, laquelle avait fait l’objet d’une publicité et résulte en outre mécaniquement de l’exercice de ce droit de revendication, sans que cet exercice puisse être en lui-même tenu pour fautif » (arrêt attaqué p.8), la cour d’appel a précisément reproché à la société Steelcase d’avoir adressé un courrier renfermant cette information « aux 120 clients les plus importants de la société Diapason, dont certains avaient d’ores et déjà réglé les marchandises commandées, à l’instar de la société Ineo GDF Suez » (ibidem) ; qu’en jugeant ainsi fautive la démarche de la société Steelcase, après avoir pourtant précisé qu’elle ne pouvait pas lui être reprochée, la cour d’appel s’est contredite et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

ET ALORS QUE celui qui oppose l’exceptio non adimpleti contractus n’est pas tenu à une mise en demeure préalable ; que la cour d’appel a considéré, ainsi que le faisait valoir la société Steelcase dans ses écritures d’appel, que les différentes sanctions mises en oeuvre par celle-ci, et prévues par l’annexe 9 du contrat de concession du 5 octobre 2009, ne constituaient qu’une manifestation de l’exception d’inexécution ; qu’elle a en effet jugé que les différents manquements reprochés à Steelcase « ont excédé ce que permet l’exception d’inexécution » (arrêt attaqué p.13) ; qu’en reprochant néanmoins à la société Steelcase de n’avoir pas mis en demeure la société Diapason de respecter ses obligations ni respecté un délai raisonnable de préavis avant de mettre en oeuvre ces sanctions (arrêt attaqué p. 7 et 11), alors que celui qui oppose l’exception d’inexécution n’est pas tenu à une mise en demeure préalable, la cour d’appel a violé l’article 1146 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

ALORS, en toute hypothèse, QUE les parties à un contrat peuvent valablement y introduire une clause de dispense de mise en demeure ; qu’au cas d’espèce, l’article 9.1 de l’annexe 9 du contrat de concession exclusive conclu entre les parties le 5 octobre 2009 stipulait, ainsi que la cour d’appel l’a elle-même rappelé (arrêt attaqué p.6), que la société Steelcase était autorisée, en cas de non-paiement à l’échéance de toute somme, après avoir informé préalablement le concessionnaire par notification écrite et à défaut de régularisation sous 5 jours ouvrés, à suspendre les livraisons prévues et à refuser toute nouvelle commande ; que l’article 9.2 de cette même annexe prévoyait que Steelcase pourrait « par notification écrite » modifier la limite de l’encours accordé à la société Diapason ; que ces clauses s’analysaient en une dispense de mise en demeure dont la validité n’était, comme l’a relevé la cour d’appel, nullement remise en cause par la société Diapason (ibid.) ; qu’en reprochant néanmoins à la société Steelcase de n’avoir pas mis en demeure la société Diapason de respecter ses obligations ni respecté un délai raisonnable de préavis avant de mettre en oeuvre les sanctions prévues par le contrat de concession (arrêt attaqué p. 7 et 11), la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 alinéa 1er et 1139 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS, enfin, QUE si le concédant est tenu de respecter et de faire respecter l’exclusivité qu’il a octroyée au concessionnaire, le principe suivant lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi n’entrave nullement sa liberté de conclure des contrats avec des clients de son concessionnaire qui ne sont pas visés par l’exclusivité octroyée à celui-ci ; qu’en considérant que si l’exclusivité ne s’appliquait pas à la société L’Oréal, la société Steelcase était néanmoins tenue, en tout état de cause, d’une obligation de loyauté à l’égard de son concessionnaire et avait manqué à cette obligation en contractant directement avec la société L’Oréal, pour répondre à une commande initialement adressée à celle-ci, la cour d’appel a violé l’article 1134 alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble le principe constitutionnellement garanti de la liberté contractuelle.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR donné à l’expert commis pour évaluer le préjudice économique subi par la société Diapason, mission de calculer notamment, au titre du gain manqué, la marge sur coûts variables qui pouvait être escomptée par la société Diapason allure aménagement sur la période du mois de septembre 2010 au 28 février 2013, et ce en prenant en compte l’écart entre, d’une part, l’évolution prévisible de l’activité de la société Diapason de septembre 2010 à 2013, au regard de l’état du marché et de la situation comptable initiale de cette société, et, d’autre part, l’évolution effective de l’activité de cette société de septembre 2010 à décembre 2011, compte tenu du comportement fautif de la société Steelcase,

AUX MOTIFS QUE « La société Diapason évalue son préjudice à la perte de deux ans de marge brute qu’elle fixe à deux fois 22% d’un chiffre annuel moyen de 14.300.000 euros ; que la société Diapason produit au titre de cette évaluation deux attestations de son expert-comptable ; que ce faisant, elle ne met pas en mesure la cour d’évaluer correctement son préjudice ; qu’il conviendra donc d’ordonner, avant dire droit sur ce chef, une mesure d’expertise ; qu’il sera demandé à l’expert, selon les modalités détaillées au dispositif du présent arrêt, de fournir tous les éléments permettant d’évaluer le préjudice économique subi par la société Diapason et de proposer une évaluation permettant d’assurer sa réparation intégrale » ;

ALORS, d’une part, QUE le préjudice hypothétique ne donne pas lieu à réparation ; que la cour d’appel, après avoir rappelé que la société Diapason n’avait plus d’activité depuis le 20 décembre 2011 et avait été placée en liquidation judiciaire le 29 février 2012, a, aux fins d’évaluer le préjudice économique subi par celle-ci du fait des manquements reprochés à la société Steelcase, donné mission à l’expert de calculer notamment, au titre du gain manqué, la marge sur coûts variables qui pouvait être escomptée par la société Diapason sur la période du mois de septembre 2010 au 28 février 2013, et ce en prenant en compte l’écart entre, d’une part, l’évolution prévisible de l’activité de la société Diapason de septembre 2010 à 2013, au regard de l’état du marché et de la situation comptable initiale de cette société, et, d’autre part, l’évolution effective de l’activité de cette société de septembre 2010 à décembre 2011, compte tenu du comportement fautif de la société Steelcase ; qu’en retenant ainsi pour base de calcul du gain manqué par la société Diapason l’hypothèse, totalement incertaine, d’une poursuite de l’activité de cette société au-delà de sa mise en liquidation judiciaire, alors qu’elle pointait par ailleurs le contexte économique difficile à l’origine des difficultés de cette société, la cour d’appel a ordonné la réparation d’un préjudice purement hypothétique, et violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;

ALORS, d’autre part, QUE les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention ; que la cour d’appel a donné pour mission à l’expert d’évaluer notamment, au titre du gain manqué, la marge sur coûts variables qui pouvait être escomptée par la société Diapason sur la période du mois de septembre 2010 au 28 février 2013, et ce en prenant en compte l’écart entre, d’une part, l’évolution prévisible de l’activité de la société Diapason de septembre 2010 à 2013, au regard de l’état du marché et de la situation comptable initiale de cette société, et, d’autre part, l’évolution effective de l’activité de cette société de septembre 2010 à décembre 2011, compte tenu du comportement fautif de la société Steelcase ; qu’en prenant ainsi pour base d’évaluation du préjudice économique prétendument subi par Diapason du fait des manquements de Steelcase la différence entre l’activité prévisible de la société Diapason pour la période s’étendant de septembre 2010 au 28 février 2013 et son activité effective de septembre 2010 à décembre 2011, la cour d’appel a, implicitement mais nécessairement, considéré que la société Steelcase portait l’entière responsabilité de la baisse de l’activité de la société Diapason ayant mené celle-ci à sa mise en liquidation judiciaire ; qu’en statuant ainsi, sans s’interroger sur le point de savoir si, compte tenu notamment du contexte économique difficile dans lequel évoluait la société Diapason, le préjudice subi par celle-ci était bien la suite immédiate et directe des manquements reprochés à la société Steelcase, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1151 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR condamné la société Steelcase à verser à Messieurs E… X… et J… R… la somme de 1 euro chacun à titre de dommages-intérêts,

AUX MOTIFS QUE « Messieurs R… et X… soutiennent avoir dû, compte tenu des difficultés rencontrées par la société Diapason en octobre 2010, faire un apport en compte courant de 140.000 euros et avoir dû baisser leur rémunération de 39 % ; qu’ils prétendent également être dans l’impossibilité d’obtenir le moindre nouveau financement compte tenu de leur cotation Banque de France ; qu’ils demandent à titre d’indemnisation le paiement d’une somme de 1 euro ; que l’existence de ces préjudices est établie, sauf à considérer que leur capacité de financement n’a pas été abolie mais seulement diminuée ; que ces préjudices sont imputables à la société Steelcase, laquelle sera déclarée responsable sur le fondement de l’article 1382 du code civil, du fait du préjudice causé à des tiers par ses manquements à ses obligations contractuelles à l’égard de la société Diapason » ;

ALORS, d’une part, QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu’en affirmant péremptoirement que l’existence des préjudices allégués par Messieurs R… et X… était « établie » (arrêt attaqué p. 16), sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle fondait pareille assertion, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, d’autre part, QU’aux termes de l’article 624 du code de procédure civile, la censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir du chef du dispositif de l’arrêt déclarant la société Steelcase responsable du préjudice économique subi par la société Diapason du fait de ses manquements contractuels, entraînera, par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, celle de ses chefs déclarant la société Steelcase responsable, sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du code civil, du préjudice causé à des tiers, Messieurs R… et X…, par ses prétendus manquements à ses obligations contractuelles à l’égard de la société Diapason ;

ALORS, enfin et en toute hypothèse, QU’un tiers ne peut se prévaloir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, d’un manquement contractuel qui lui aurait causé un préjudice qu’à la condition qu’il établisse que ce manquement constitue, indépendamment de tout point de vue contractuel, une faute délictuelle ou quasi-délictuelle à son égard ; qu’en déclarant en l’espèce la société Steelcase responsable sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du code civil, du fait du préjudice causé à des tiers, Messieurs R… et X…, par ses manquements contractuels à l’égard de la société Diapason, sans avoir au préalable déterminé si ces prétendus manquements étaient constitutifs, indépendamment de tout point de vue contractuel, d’une faute délictuelle ou quasi-délictuelle à l’encontre de Messieurs R… et X…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2019, 17-29.000, Inédit