Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2019, 18-13.887, Publié au bulletin

  • Plan de sauvegarde de l'emploi·
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  • Licenciement collectif·
  • Obligation de sécurité·
  • Compétence judiciaire

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Selon l’article L. 1235-7-1 du code du travail, l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4.

Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

En revanche, une cour d’appel, qui constate être saisie de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en oeuvre d’un projet de restructuration, en déduit exactement que le juge judiciaire est compétent

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

SOC.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 14 novembre 2019

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1562 FS-P+B

Pourvoi n° S 18-13.887

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Chubb France, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la cour d’appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Chubb France, dont le siège est […] ,

2°/ au syndicat CGT Chubb France, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 8 octobre 2019, où étaient présents : M. Cathala, président, Mme Leprieur, conseiller doyen rapporteur, MM. Maron, Pietton, Mme Richard, conseillers, Mmes Depelley, Duvallet, Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller doyen, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Chubb France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du CHSCT de la société Chubb France, l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2018), que la société Chubb France, qui exploite une activité de conception, d’installation et de maintenance de systèmes de sécurité incendie, a présenté au début de l’année 2015 un projet de réorganisation de son activité, intitulé « Convergence », destiné à harmoniser et simplifier les processus de gestion informatique, notamment en développant de nouveaux outils informatiques entre les différentes entités fusionnées au sein de la société ; que ce projet s’accompagnait d’un plan de sauvegarde de l’emploi compte tenu de la suppression prévue de soixante et onze postes de travail ; que le projet « Convergence » a fait l’objet d’une mesure d’expertise, à la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ayant pour objet l’évaluation des impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, à la suite duquel a été émis le 20 avril 2015 par ledit comité un avis défavorable ; qu’un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi a été conclu le 29 mai 2015 et validé par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi le 30 juin 2015 ; que le 1er juillet 2015, le CHSCT réseau a voté le recours à une nouvelle expertise avec notamment pour mission l’identification des risques de facteurs psychosociaux en lien avec le projet ; qu’à compter du 4 juillet 2015, le projet « Convergence » a été mis en place à titre expérimental avant d’être déployé en juillet 2016 sur l’agence de Marseille littoral et étendu en janvier 2017 à l’ensemble de la région Méditerranée ; que plusieurs licenciements économiques étaient intervenus dès novembre 2015 ; que le 16 janvier 2017, l’expert a conclu à l’existence de risques psychosociaux ; que le secrétaire du CHSCT réseau a déclenché le 10 mars 2017 une procédure d’alerte en raison de l’existence d’une cause de danger grave et imminent au sein de la région Méditerranée, puis a saisi le 16 mars 2017 l’inspection du travail ; que le CHSCT a fait assigner en référé la société afin notamment qu’il soit constaté que celle-ci n’avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, qu’il lui soit ordonné, sous astreinte, de suspendre toute mise en oeuvre du projet « Convergence » dans la région pilote Méditerranée et qu’il soit interdit tout déploiement de ce même projet dans d’autres régions ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de déclarer le juge judiciaire compétent et en conséquence de rejeter l’exception d’incompétence au profit du juge administratif, alors, selon le moyen, que l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, commis dans le cadre de l’établissement ou de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi conclu après l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, relève de la compétence du juge administratif ; qu’en l’espèce, le plan de sauvegarde applicable à la société Chubb France avait été conclu dans le cadre d’un accord majoritaire du 29 mai 2015, de sorte que l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité dans l’établissement et la mise en oeuvre de ce plan, s’agissant notamment de la prise en compte des risques psychosociaux induits par le projet de restructuration, échappait à la compétence du juge judiciaire ; que dès lors, en retenant la compétence du juge judiciaire, et en se prononçant sur les demandes de suspension et d’interdiction formées par le CHSCT de la société Chubb France, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret fructidor an III, ensemble les articles L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu que selon l’article L. 1233-57-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, l’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 dès lors qu’elle s’est assurée notamment de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3, de la présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1 ; que selon l’article L. 1235-7-1 du code du travail, l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4 ; que ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le juge judiciaire avait été saisi de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en oeuvre du projet de restructuration, en a exactement déduit que celui-ci était compétent ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Chubb France aux dépens ;

Vu l’article L. 4614-13 du code du travail condamne la société Chubb France à payer la somme de 3 600 euros TTC à la SCP Lyon-Caen et Thiriez et rejette la demande de la société Chubb France au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Chubb France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR déclaré le juge judiciaire compétent pour connaître de la présente action et d’avoir en conséquence rejeté l’exception d’incompétence soutenue par la société Chubb France au profit du juge administratif;

AUX MOTIFS QU'« en vertu de l’article L. 1235-7-1 du code du travail (…) échappent désormais à la juridiction judiciaire les litiges limitativement énumérés par ce texte relatifs à l’accord collectif ou au document unilatéral établi par l’employeur, au contenu du plan, aux décisions de l’administration statuant sur les demandes d’injonction ou à la régularité de la procédure de licenciement collectif; que cet article ne précise cependant pas si la juridiction judiciaire est privée de la possibilité de connaître d’un manquement de l’employeur à son obligation générale de sécurité, commis à l’occasion de l’établissement et de la mise en oeuvre du plan et résultant notamment d’une insuffisante prise en compte des risques psychosociaux induits par le projet de restructuration ; que la compétence résiduelle éventuelle du juge judiciaire doit être examinée au regard des pouvoirs dont dispose l’autorité administrative et de l’objet de la demande; qu’en l’espèce, il est constant que la Direccte du Val d’Oise a, par décision du 30 juin 2015, devenue définitive, validé l’accord collectif majoritaire du 29 mai 2015 portant plan de sauvegarde pour l’emploi signé le 29 mai 2015 entre la société Chubb France et les organisations syndicales majoritaires CFDT, CFE-CGC et FO; que cette décision vise expressément la procédure d’information et consultation des CHSCT siège et réseau (…); que la décision prise par l’autorité administrative implique, conformément aux dispositions de l’article L. 1233-57-2 du code du travail, que celle-ci se soit assurée, avant de valider l’accord, de:« sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 (objet de l’accord) ; la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1; la présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 (contenu du PSE); la mise en oeuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 (obligations de recherche d’un repreneur en cas de projet de fermeture d’établissement)»; que le contrôle de l’autorité administrative est ainsi limité à la vérification du contenu de l’accord au regard des dispositions régissant son objet, du respect des procédures de consultations des institutions représentatives, de l’existence d’un plan de reclassement et des modalités de suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans ce plan et, le cas échéant, de la mise en oeuvre des obligations de recherche d’un repreneur; que par ailleurs, l’article L. 1233-57 du code du travail, qui prévoit que l’administration peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde pour l’emploi, n’autorise pas pour autant celle-ci à procéder à d’autres contrôles que celui prévu par la loi; qu’il n’appartient dès lors pas à l’autorité administrative de contrôler, au titre des dispositions précitées, les conséquences du plan de sauvegarde de l’emploi sur la santé et la sécurité des salariés; qu’il s’ensuit que le juge judiciaire reste en principe compétent pour sanctionner la violation par l’employeur de son obligation de sécurité et de prévention; qu’il convient en conséquence de dire, en l’espèce, le juge judiciaire compétent pour connaître d’une action en référé fondée, au visa de l’article 809, alinéa 1, du code du travail, sur le trouble manifestement illicite qui résulterait d’une violation par l’employeur, la société Chubb France, de J’obligation de sécurité et de prévention et ce nonobstant l’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi; qu’il y a dès lors lieu de rejeter J’exception d’incompétence soutenue par l’intimée au profit du juge administratif» ;

ALORS QUE l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, commis dans le cadre de l’établissement ou de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi conclu après l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, relève de la compétence du juge administratif; qu’en l’espèce, le plan de sauvegarde applicable à la société Chubb France avait été conclu dans le cadre d’un accord majoritaire du 29 mai 2015, de sorte que l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité dans l’établissement et la mise en oeuvre de ce plan, s’agissant notamment de la prise en compte des risques psycho-sociaux induits par le projet de restructuration, échappait à la compétence du juge judiciaire ; que dès lors, en retenant la compétence du juge judiciaire, et en se prononçant sur les demandes de suspension et d’interdiction formées par le CHSCT de la société Chubb France, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret fructidor an III, ensemble les articles L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR fait interdiction à la société Chubb France de procéder au déploiement du projet Convergence dans les autres régions;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l’article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite; que le dommage imminent s’entendu du «dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer» et le trouble manifestement illicite résulte de «toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit»; qu’il s’ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le premier juge a statué et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, d’un préjudice ou la méconnaissance d’un droit sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu’un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l’intervention du juge des référés; que la constatation de l’imminence du dommage suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets; qu’en l’espèce, il résulte des éléments de fait et de preuve versés aux débats que la société Chubb France a initié au cours de l’année 2015 un projet de réorganisation Convergence afin d’harmoniser et simplifier les processus de gestion entre les différentes entités fonctionnant avec des systèmes d’information et des organisations commerciales différentes, notamment en développant de nouveaux outils informatiques (les logiciels Unicom, Unitec et JED); que dès le 4 juillet 2015, le projet a été mis en place à titre expérimental sur trois commerciaux et un technicien avant d’être déployé en juillet 2016 sur l’agence Marseille littoral et étendu en janvier 2017 à l’ensemble de la région Méditerranée; que plusieurs licenciements économiques sont intervenus dès novembre 2015; que le président du tribunal de grande instance de Versailles, statuant en la forme des référés, a retenu, dans son jugement du 21 octobre 2015, l’existence d’un risque grave et actuel, reposant sur des éléments objectifs de nature à compromettre la sécurité ou la santé des salariés, pour débouter la société de sa demande d’annulation de la délibération du 1er juillet 2015 du CHSCT confiant une seconde expertise au cabinet Indigo Ergonomie; que l’expert Indigo Ergonomie a, le 16 janvier 2017, conclu dans son rapport à« une situation alarmante et préoccupante en matière d’atteintes à la santé» des salariés et« la présence de troubles psychologiques» et, quant aux causes psychosociales, que le modèle organisationnel en place chez Chubb est maltraitant voire pathogène en ce qu’il est« déstabilisant par son état de perpétuel changement, notamment par la succession des réorganisations, fusions, associées ou non à des PSE ce qui crée un passif pour certains salariés qui voient leur carrière professionnelle être modifiée au gré de ces changements (modifications de poste, d’agence, etc.); contraignant car extrêmement normalisé et contrôlé par des consignes descendantes. Et, il se traduit sur le terrain par une dichotomie entre les décisionnaires et les exécutants; épuisant pour les salariés qui passent leur temps à courir après des objectifs qui sont difficiles à atteindre et qui augmentent chaque année, après un travail dans l’urgence, sans temps de récupération»; qu’outre l’exercice dans la région Méditerranée du droit de retrait le 14 mars 2017 par dix-huit salariés refusant d’utiliser le logiciel Unicom et l’arrêt pour cause de maladie de sept salariés pour «burn out», confirmé par une contre visite médicale, éléments objectifs de la dégradation de la santé des utilisateurs de ces nouveaux outils informatiques, M. X…, inspecteur du travail, par un courriel du 23 mars 2017, a informé Mme R…, directrice générale de Chubb Sicli Méditerranée, du fait que la procédure de danger grave et imminent n’avait pas été respectée et qu’il existait au sein de l’entreprise des indicateurs de risques psycho-sociaux importants dont il l’invitait à se saisir; que par lettre d’accompagnement du 24 avril 2017, l’inspecteur du travail de Nice, à la suite de la visite des locaux de Sophia Antipolis, a constaté l’existence avérée des risques psycho-sociaux suscités par le projet Convergence et demandé à la direction de les évaluer au sein de l’agence visitée et dans la région Méditerranée, de mettre en oeuvre un plan d’action, de faire une étude d’impact du projet, de prendre les mesures pour permettre aux salariés d’arrêter leur activité et se mettre en sécurité, et préconisait enfin la suspension du projet afin de respecter les termes de J’article L. 4132-5 du code du travail; que par décision notifiée le 27 avril 2017 la Direccte, si elle ne suspendait pas le projet Convergence, a expressément mis en demeure Mme R…, ès qualités: «article 1 – «- d’évaluer les risques au sein de l’agence de Sophia Antipolis, et de la région Méditerranée, liée à la mise en place du projet Convergence ; d’élaborer et mettre en oeuvre un plan d’action prenant en compte les résultats de l’évaluation des risques et le respect des principes généraux de prévention conformément aux dispositions de l’article L. 4121-2 du code du travail, tels que préconisés, notamment, par le rapport L…; de prendre les mesures et de donner les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité compte tenu du danger grave et imminent signalé par la secrétaire du CHSCT en application de l’article L. 4132-5 du code du travail (…)» ; que pour satisfaire à la mise en demeure de la Direccte, la société Chubb, outre le mandat confié au cabinet Leyton pour l’accompagner dans la réalisation d’un audit relatif à l’évaluation des risques liés à la mise en place du projet Convergence au sein de l’agence de Sophia et des deux autres agences de la région Méditerranée et l’aider à mettre en place un plan d’actions tenant compte des résultats de cette évaluation, a: donné de nouvelles instructions aux membres de l’encadrement afin de porter une attention particulière aux salariés susceptibles d’être exposés à une situation de santé grave et imminente et rappelé l’existence et les modalités d’exercice du droit de retrait; mis en place des solutions alternatives en cas de difficulté avec l’utilisation des nouveaux outils avec, à titre d’exemple, pour les commerciaux, en cas de dysfonctionnement de leur outil Unicom, (la possibilité) d’établir des devis sur Excel ; revu le périmètre de déploiement, l’activité «systèmes» restant déployée sur l’ensemble de la Méditerranée, Rhône-Alpes Auvergne et Sud-Ouest mais l’activité « portables » faisant l’objet de réajustements, J’agence Côte-d’Azur revenant temporairement, dans une première étape, à l’utilisation des outils précédents et, en fonction des résultats obtenus et du retour des utilisateurs, il serait décidé, en une deuxième étape, de revenir également, de façon temporaire, à J’utilisation des anciens outils dans les agences de Var immo et de Montpellier courant juillet 2017, les agences de Provence et de Marseille littoral, agences pilotes du projet restant sur l’utilisation des outils Convergence; rappelé aux collaborateurs l’existence de la cellule d’assistance psychologique Care assurée par le cabinet Capital Santé qui permet d’offrir, par un échange téléphonique, une écoute et un soutien psychologique anonyme à tout collaborateur rencontrant des difficultés pour lui-même ou une personne de son entourage (un rapport d’étape d’octobre 2017 établissant que seuls quatre salariés avaient souhaité y recourir depuis le début de l’année 2017); et maintenu le maintien pour les techniciens et les commerciaux de leur rémunération variable pour les deux premiers semestres 2017 avec ajustement à la fin du semestre, système prolongé pour le troisième trimestre de l’année 2017; que la cour relève qu’en dépit de ces mesures de prévention mises en oeuvre par la société Chubb au sein des établissements de la région Méditerranée, l’inspectrice du travail d’Aix-en-Provence, donnant suite à la procédure de danger grave et imminent au sein des établissements de la région Méditerranée, initiée le 20 mars 2017 par le secrétaire du CHSCT réseau, détaille dans sa lettre du 4 septembre 2017, pour chaque poste – assistants, techniciens, commerciaux, animateurs – les dysfonctionnements liés au développement du projet Convergence et retient la persistance de facteurs de risques psycho-sociaux; qu’ainsi, l’inspectrice relève l’intensité du travail, une surcharge de travail aggravée notamment du fait des nouveaux logiciels du projet Convergence, du temps consacré à la remontée des anomalies, de l’appropriation des nouveaux outils, des procédures alourdies, de l’ajout de nouvelles tâches mais aussi de rapports sociaux dégradés, y compris avec les clients mécontents, du sentiment d’une absence de reconnaissance pour la charge générée par le déploiement du projet, notamment sur la rémunération variable et enfin du fait de l’insécurité de la situation du travail, les salariés d’Aix-en-Provence étant contraints de travailler sur un logiciel qui présente des dysfonctionnements sans que cette charge supplémentaire ne soit valorisée par l’entreprise; qu’elle en conclut que les logiciels Unicom, Unitec et ]DE présentent des caractéristiques qui ne satisfont pas aux conditions fixées par l’article R. 4542-5 du code du travail et enfin qu’un désaccord persiste sur les modalités de l’expertise confiée au cabinet Leyton pour évaluer les risques liés au déploiement du projet Convergence et enfin que l’employeur doit veiller à associer à cette évaluation les salariés, via leurs représentants; qu’il résulte de l’ensemble de ces constatations et énonciations qu’est caractérisé le trouble manifestement illicite causé, à la date à laquelle Je premier juge a statué, par le non-respect persistant par la société Chubb de l’obligation qui est la sienne, en sa qualité d’employeur et en application de l’article L. 4121-1 du code du travail, de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés; qu’en ce qui concerne les mesures qui s’avèrent appropriées, à la date du présent arrêt pour mettre un terme à cette situation de risque psycho-sociaux persistants liée au développement du projet Convergence, la cour relève qu’il n’y a pas lieu d’ordonner, en l’état, la suspension des outils informatiques (Unicom, Unitec et JDE) dans la région pilote Méditerranée dès lors qu’il convient d’attendre l’évaluation finale et exhaustive des mesures mises en oeuvre à la suite de la mise en demeure de la Direccte et en cours de développement et d’amélioration par l’employeur dans cette région; qu’il convient en revanche, au regard des éléments persistants de risques psycho-sociaux sus mentionnés et dans l’attente du bilan des sites de la région Méditerranée, de faire interdiction à la société Chubb, afin de prévenir tout dommage imminent sur la santé des salariés, de déployer les outils informatiques (Unicom, Unitec et ]ED) du projet Convergence dans d’autres régions, sans qu’il soit nécessaire toutefois d’assortir cette interdiction d’une mesure d’astreinte»;

1°) ALORS QUE la cour d’appel a elle-même constaté que, s’agissant des mesures «appropriées, à la date du présent arrêt pour mettre un terme à cette situation de risques psycho-sociaux persistants liée au développement du projet Convergence», il n’y avait« pas lieu d’ordonner, en l’état, la suspension des outils informatiques (Unicom, Unitec et JED) dans la région pilote Méditerranée», dans la mesure où il convenait d’attendre l’évaluation des «mesures mises en oeuvre à la suite de la mise en demeure de la Direccte, en cours de développement et d’amélioration par l’employeur dans cette région» (arrêt attaqué, p. 17 § 3); qu’il résultait ainsi des propres constatations de la cour d’appel que la suspension ou l’interdiction de la mise en oeuvre du projet Convergence n’étaient, au jour où elle statuait, pas nécessaires pour éviter les risques psycho-sociaux évoqués par la cour d’appel; que dès lors, en jugeant qu'« au regard des éléments persistants de risques psycho-sociaux sus mentionnés et dans l’attente du bilan des sites de la région Méditerranée, (il convenait) de faire interdiction à la société Chubb, afin de prévenir tout dommage imminent sur la santé des salariés, de déployer les outils informatiques (Unicom, Unitec et JED) du projet Convergence dans d’autres régions» (arrêt attaqué, p. 17 § 4), la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l’article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile;

2°) ALORS. en tout état de cause. QU’en jugeant à la fois, s’agissant des mesures appropriées pour mettre un terme à la situation de risques psychosociaux liée au développement du projet Convergence, que lesdits risques psycho-sociaux ne justifiaient pas d’ordonner la suspension des outils informatiques du projet précité dans la région pilote Méditerranée (arrêt attaqué, p. 17 § 3), et que ces mêmes risques psycho-sociaux exigeaient d’interdire à l’employeur de déployer ces mêmes outils informatiques dans d’autres régions pour prévenir tout dommage imminent sur la santé des salariés (arrêt attaqué, p. 17 § 4), la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs et a violé l’article 455 du code de procédure civile;

3°) ALORS. en toute hypothèse. QUE pour apprécier le bien-fondé des mesures qui lui sont demandées pour prévenir un dommage imminent, la cour d’appel doit tenir compte de l’évolution du litige et apprécier la situation au jour où elle statue; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, la société Chubb France faisait valoir de manière circonstanciée, éléments de preuve à l’appui, qu’outre les mesures qu’elle avait immédiatement mises en oeuvre à la suite de la mise en demeure de la Direccte du 27 avril 2017 (mesures constatées par la cour d’appel elle-même: arrêt attaqué p. 15-16), elle avait encore, à la suite du courrier de l’inspectrice du travail d’Aix-en-Provence du 4 septembre 2017, signalé à l’inspection du travail des mesures dont cette dernière n’avait pas connaissance, et pris de nouvelles actions destinées à remédier aux risques psycho-sociaux que l’inspectrice du travail lui indiquait dans son dernier courrier (conclusions d’appel, p. 46-47 et p. 53 à 55; productions no 4, 5, 6 et 7); que la société Chubb France exposait sur ce point qu’elle avait renforcé l’équipe informatique du logiciel JDE en engageant quatre consultants additionnels, qu’elle avait également recruté trois nouveaux développeurs à compter des 25 septembre et 10 octobre 2017 pour renforcer l’équipe informatique afférente aux outils Unicom et Unitec, et que, s’agissant de l’équipe support, elle avait créé un poste de chef d’équipe support et que deux nouveaux collaborateurs avaient rejoint cette équipe; qu’elle détaillait encore les multiples actions supplémentaires qu’elle avait mises en place, consistant dans des réunions de pilotage hebdomadaire pour les différents logiciels, la création d’un plan de développement et d’amélioration des différents outils, incluant un planning de livraison pour les fonctionnalités manquantes et la correction des « bugs » signalés, la révision depuis le mois de septembre 2017 de certains processus afin de simplifier les outils, ou encore la décision d’investir plus de 100 000 € afin de remplacer les smartphones actuels par une modèle testé sur le terrain, plus performant et doté d’un processeur plus rapide, remis aux utilisateurs dans le courant du mois de novembre 2017; que la société Chubb France soulignait que l’ensemble des actions entreprises avaient d’ores et déjà eu des répercussions très positives sur l’utilisation des nouveaux outils, puisqu’entre janvier et septembre 2017, le ratio de « bugs » par devis créé à l’aide du logiciel Unicom avait diminué de 2 % à 0,6 %, quand le nombre de devis réalisés à l’aide de cet outil avait quant à lui fortement augmenté, passant de 18,1 devis par utilisateur en janvier 2017 à 25,3 devis en septembre 2017 (conclusions d’appel, ibid. ; production n° 6) ; que dès lors, en se bornant à prendre en considération la situation jusqu’au courrier de l’inspectrice du travail du 4 septembre 2017 (arrêt attaqué, p. 16, deux derniers §, et p. 17 § 1), sans rechercher, comme elle y était invitée, si les nouvelles actions et l’amélioration de la situation exposées par la société Chubb France, de nature à diminuer voire à exclure l’existence de risques psycho-sociaux au jour où elle statuait, ne devaient pas conduire la cour d’appel à rejeter la demande du CHSCT visant à voir interdire le déploiement du projet Convergence dans les autres régions que la région Méditerranée, cette mesure n’étant pas appropriée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2019, 18-13.887, Publié au bulletin