Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2019, 18-16.713, Inédit

  • Salarié·
  • Avertissement·
  • Travail·
  • Employeur·
  • Mandat·
  • Fait·
  • Discrimination syndicale·
  • Harcèlement moral·
  • Représentant du personnel·
  • Client

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-16.713
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-16.713
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 20 mars 2018, N° 14/10302
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000039660499
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:SO01704
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

MY1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 11 décembre 2019

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 1704 F-D

Pourvoi n° P 18-16.713

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Interforum, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 21 mars 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l’opposant à M. Y… U…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 14 novembre 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Interforum, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. U…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 21 mars 2018), que M. U…, engagé par la société SA Interforum suivant contrat à durée indéterminée à compter du 4 septembre 1989 en qualité de représentant, exerçait en dernier lieu la même activité ainsi qu’un mandat de représentant du personnel ; que le salarié a fait l’objet d’un avertissement le 21 mai 2012 en raison de propos critiques à l’encontre d’une décision de l’employeur, tenus lors d’une réunion commerciale devant des clients de la société ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale le 20 juillet 2012 en annulation de l’avertissement et en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, discrimination syndicale et occupation de son domicile à des fins professionnelles ;

Attendu que la société fait grief à l’arrêt d’annuler l’avertissement du 21 mai 2012 et de la condamner à payer au salarié une certaine somme à ce titre, alors, selon le moyen :

1° / que les faits fautifs commis par le salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat, et non dans l’exercice de ses fonctions représentatives, peuvent justifier une sanction disciplinaire ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que les faits reprochés à M. U… ont été commis à l’occasion d’une réunion commerciale qui se déroulait entre plusieurs représentants commerciaux de l’entreprise et trois clients et à laquelle M. U… participait en qualité de représentant commercial ; qu’en conséquence, les faits commis au cours de cette réunion ne pouvaient se rattacher à l’exercice des mandats de représentant du personnel de M. U… ; qu’en retenant cependant, pour annuler l’avertissement sanctionnant ces faits, que M. U… s’était exprimé en qualité de représentant du personnel suite à l’avertissement subi par une collègue et contesté par cette dernière et que l’employeur ne démontre pas un abus de prérogative de sa part, la cour d’appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

2° / que ne présente pas un caractère discriminatoire la sanction prise à l’encontre d’un salarié qui a commis un fait fautif ; qu’en l’espèce, il est constant que M. U… était seul intervenu au cours de la réunion commerciale avec des éditeurs pour critiquer une décision de la direction, les autres représentants commerciaux ayant seulement indiqué soutenir son action ; qu’en décidant néanmoins que l’avertissement prononcé à son encontre présentait un caractère discriminatoire, pour avoir été pris à l’encontre d’un salarié exerçant ses mandats, la cour d’appel a violé les articles L. 1333-2 et L. 2141-5 du code du travail ;

Mais attendu que sauf abus, le représentant du personnel ne peut être sanctionné en raison de l’exercice de son mandat pendant son temps de travail ;

Et attendu qu’ayant constaté, dans son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve, que l’avertissement était motivé par des propos tenus par le salarié pendant une réunion commerciale en sa qualité de représentant du personnel pour la défense d’une salariée sanctionnée à la suite d’un différend avec un client et que l’employeur ne démontrait pas un abus du salarié dans l’exercice de son mandat, la cour d’appel a pu en déduire que la sanction se rattachait à l’exercice des fonctions représentatives du salarié et qu’elle était discriminatoire ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par décision spécialement motivée sur les premier et troisième moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Interforum aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. U… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Interforum.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR fixé à 60 euros par mois l’indemnité due par la société Interforum à M. U… au titre de l’occupation de son domicile à des fins personnelles et d’AVOIR condamné la société Interforum à payer à M. U… la somme de 3.400 euros à titre de rappel d’indemnité pour la période de juillet 2007 à juillet 2012 ;

AUX MOTIFS QUE « M. U… se fonde sur les dispositions de l’article L. 1121-1 du code du travail, l’indemnité devant être calculée en fonction de l’importance de la surface privée transformée en bureau professionnel, de la valeur locative correspondante et de la durée de l’occupation et du temps de travail du salarié à son domicile. M. U… indique qu’il ne dispose d’aucun bureau au sein de la société et qu’il a été contraint d’aménager une pièce à cet effet à son domicile, alors qu’il reçoit régulièrement des éléments professionnels qu’il ne peut stocker dans son véhicule et qui ne sont pas dématérialisés. Il ajoute que la société lui a fourni une imprimante qui n’est pas miniaturisée et qu’il n’a eu d’autre choix que de regrouper ces documents et matériels dans une pièce à son domicile. M. U… conteste le montant de 100 € versé à titre d’indemnité d’occupation par son employeur depuis 2011, au motif que le montant alloué ne correspond ni à la surface occupée, constituée d’une pièce spécialement aménagée, ni au temps consacré à l’accomplissement de ces tâches administratives, que les calculs de l’employeur ne reposent sur aucune base sérieuse, puisqu’il y consacre deux jours et demi par mois alors que la société ne lui octroie qu’une seule journée payée dans son salaire. M. U… déclare qu’il est fondé à solliciter le montant correspondant à la moyenne mensuelle brute des douze derniers mois de salaire, sur cinq ans en vertu de la prescription quinquennale de l’action en paiement des salaires. La société Interforum fait valoir qu’elle a décidé de faire application de la jurisprudence pour ses collaborateurs itinérants utilisant leur domicile à des fins professionnelles pour leurs seules tâches administratives, que les discussions avec les représentants du personnel n’ayant pas abouti, elle a fixé l’indemnité à 100€ pour l’année à compter de 2011. La société Interforum expose sa méthode de détermination du montant de l’indemnité d’occupation à partir du temps de travail passé à domicile par les commerciaux sur la base de leurs compte-rendus d’activité, puis par analogie avec le mode de calcul des frais d’atelier et l’article 4 de l’annexe IV de la convention collective, la somme octroyée étant plus favorable. La société Interforum conteste qu’il soit nécessaire au salarié d’aménager une pièce dédiée. Observant que le salarié a lui-même déclaré dans ses tableaux d’activité qu’il consacrait entre 1,41 et 1,67 jour par mois au temps de travail administratif, la société Interforum conclut que le salarié ne démontre pas qu’il consacrerait deux jours et demi par mois auxdites tâches. La société Interforum conteste le quantum de l’indemnité correspondant à deux jours et demi supplémentaires par mois de rémunération, en ce que le salarié est déjà payé pour le travail administratif qu’il effectue, que l’indemnité ne vise qu’à réparer le préjudice lié à l’occupation partielle du domicile privé, qu’elle n’a pas à être calculée par rapport au salaire et au temps de travail administratif. La société Interforum soutient enfin que M. U… sollicite une application rétroactive de la jurisprudence en sollicitant le paiement depuis 2008. Sur le principe de l’octroi d’une indemnité d’occupation : Il ressort du dossier que M. U… exerce les fonctions de représentant, qu’il a donc une activité itinérante en rendez-vous prospects et clients, mais qu’il accomplit également une activité à domicile relative à diverses tâches administratives pour l’exécution desquelles l’employeur ne lui a pas mis de bureau à disposition au sein de l’entreprise. La société Interforum met à la disposition du salarié un véhicule de fonction ainsi que les cartes de paiement associées, un téléphone portable, un ordinateur portable et une imprimante. Elle indique également prendre en charge le coût d’une ligne téléphonique et ADSL. M. U… devant stocker non seulement le matériel informatique mais encore la documentation mise à sa disposition par l’employeur, stockage effectué à son domicile comme il en justifie par la production de photographies, est donc contraint, en l’absence de local professionnel mis à sa disposition par l’employeur, d’occuper son domicile à des fins professionnelles. M. U… est donc bien fondé à solliciter une indemnité à ce titre. Sur le moyen tiré de l’application rétroactive de la jurisprudence : A compter de l’année 2011, la société Interforum a attribué à chaque salarié concerné une indemnité au titre de l’utilisation du domicile à des fins professionnelles d’un montant de 100 € par an. Les parties s’accordent donc d’accord sur l’octroi, dans son principe, d’une indemnité d’occupation du domicile à des fins professionnelles à compter de l’année 2011. La société Interforum fait valoir que les demandes antérieures à 2011 ne peuvent être accueillies au motif que la jurisprudence, qui a mis à la charge des employeurs une indemnité d’occupation date de 2010 et qu’il ne peut y avoir d’application rétroactive de cette jurisprudence. M. U… sollicite l’application de la règle sur cinq années, en vertu des dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrivant par cinq ans conformément à l’article 2224 du code civil. En application des dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail, la prescription quinquennale s’applique aux indemnités d’occupation. Il est constant que la Cour de cassation ne rend pas d’arrêts de règlement lesquels sont en effet prohibés par l’article 5 du code civil. Le fait que l’employeur n’ait décidé d’indemniser le salarié au titre de l’occupation par ce dernier de son domicile à des fins professionnelles qu’à compter de 2011, soit postérieurement à une décision de la Cour de cassation rendue en 2010, est donc sans incidence sur le droit pour le salarié à prétendre à une telle indemnité pour les années précédentes, dans la limite de la prescription applicable, dès lors qu’il remplissait les conditions pour pouvoir prétendre à une telle indemnisation. Il n’est pas contesté que le salarié occupe son domicile à des fins professionnelles depuis une date antérieure à 2010 et au moins depuis 2007. La date de saisine le 20 juillet 2012 du conseil de prud’hommes interrompant la prescription, M. U… est donc fondé à solliciter le paiement d’une indemnité d’occupation depuis le 20 juillet 2007. Sur le quantum de l’indemnité d’occupation : La cour observe que l’indemnité versée au salarié par la société Interforum est fixée de manière forfaitaire par référence aux dispositions de l’article 4 de l’annexe IV de la convention collective en matière de frais d’atelier, lesquelles visent cependant une situation distincte de celle de M. U…. Il y a lieu de fixer forfaitairement le montant de l’indemnité en fonction de l’espace occupé et de la durée d’occupation du logement à des fins professionnelles, susceptible de varier selon les fonctions occupées par les salariés et la sujétion subie. Il n’est pas utile d’évaluer précisément une surface dédiée ni de tenir compte du fait qu’une pièce soit spécialement aménagée par le salarié, la seule notion d’espace dédié à un bureau étant suffisante pour évaluer ce montant. Il n’y a pas lieu de s’attacher au lieu de résidence et à la valeur locative du bien qui dépend du choix du salarié de son lieu d’habitation. Enfin l’indemnité ne doit pas être fixée en fonction du montant du salaire du salarié puisqu’elle vise à indemniser l’occupation du domicile à des fins professionnelles, et que le salaire est la contrepartie du travail effectué par le salarié. La société Interforum produit les tableaux d’activités détaillées faisant apparaître le nombre de jours en moyenne consacré au travail administratif par M. U…, précisant que M. U… a lui-même déclaré ces chiffrages : – en 2012 : 1,5 jours ; – en 2011 : 1,67 jours ; – en 2010 : 1,41 jours. M. U… produit une liste de tâches relatives à l’organisation de la tournée et à la préparation des visites, concluant que deux jours et demi par mois sont nécessaires. Après avoir analysé ces éléments, la cour retient un jour et demi par mois de travail administratif incombant à M. U…. Au vu de ces éléments, la cour dispose des éléments d’appréciation suffisants pour fixer à 60 € par mois le montant de l’indemnité d’occupation due à M. U… au titre de l’occupation de son logement à des fins professionnelles. M. U… ayant demandé paiement d’une somme totale de 18 222,60 € en précisant qu’elle correspondait à une indemnité annuelle de 3 704,52 € réclamée en prenant en compte la date de saisine du conseil de prud’hommes au regard de la prescription quinquennale alors applicable, il s’en déduit que la demande en paiement porte sur la période de juillet 2007 à juillet 2012. Statuant dans cette limite, et après déduction de la somme de 100 € par an versée par l’employeur depuis 2011, soit un montant total versé de 200 € pour les années 2011 et 2012, la société Interforum doit être condamnée à payer à M. U… la somme de 3 400 € à titre d’indemnité d’occupation pour la période de juillet 2007 à juillet 2012. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande » ;

ALORS QUE pour fixer le montant de l’indemnité due au salarié au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles, sans créer de différence de traitement injustifiée, le juge doit tenir compte des dispositions conventionnelles applicables qui déterminent les modalités de fixation de cette indemnité, même si elles concernent une autre catégorie de salariés ; qu’en l’espèce, l’annexe IV de la convention collective de l’édition à laquelle est soumise la société Interforum définit les modalités de fixation des « frais d’atelier » des travailleurs à domicile, ces « frais d’atelier » ayant pour objet d’indemniser les frais et la sujétion liés à l’occupation de leur domicile à des fins professionnelles ; que la société Interforum soutenait qu’elle avait fixé le montant de l’indemnité versée aux représentants commerciaux en s’inspirant de ces dispositions conventionnelles, qu’elle avait adaptées à la situation des commerciaux itinérants qui n’accomplissent qu’une part de leur travail administratif à leur domicile à hauteur d’une journée par mois en moyenne ; qu’en refusant de tenir compte de ce mode objectif et conventionnel d’évaluation de l’indemnité d’occupation du domicile personnel du salarié, au motif inopérant que ces dispositions conventionnelles visent une situation distincte de celle de M. U…, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1135 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR annulé l’avertissement du 21 mai 2012 et d’AVOIR condamné la société Interforum à payer à M. U… la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l’avertissement injustifié ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l’avertissement du 21 mai 2012. Cet avertissement a été prononcé aux motifs suivants : « … nous faisons suite à votre entretien du mercredi 2 mai 2012 … Nous ne comprenons pas et ne pouvons accepter votre comportement le matin du 2 mai 2012 en réunion commerciale. En effet, lors de ces réunions de travail avec les éditeurs qui sont nos clients, vous avez pris la parole devant 3 d’entre eux successivement pour critiquer – au nom de l’équipe- une décision prise par la Direction à l’encontre d’une salariée de l’entreprise en proclamant que, de ce fait, l’équipe serait dans une attitude d’écoute passive et sans participation. Le propos que vous avez tenu ont choqué les éditeurs intervenants qui ont contacté la Direction de l’entreprise pour s’en émouvoir en leur qualité de clients. Il s’agit là d’une attitude peu responsable qui tend à démontrer un mélange des genres entre l’exercice de votre emploi de représentant et l’exercice de vos mandats d’élu… Lors de l’entretien précité du 2 mai dernier, vous avez vous-même sollicité un entretien à la DRH sur le dossier. Encore une fois, un tel comportement est inadmissible car il revient à mettre en cause votre hiérarchie et, ainsi, l’image et l’activité économique de l’équipe et de l’entreprise devant ses clients au risque de mettre en péril la qualité des relations avec ces derniers … » M. U… indique qu’une salariée, Mme H…, a fait l’objet d’une sanction de l’employeur suite à un différend avec un client, et qu’il a été désigné en qualité de représentant du personnel, pour faire part de la position des collègues de la salariée aux éditeurs lors de réunions commerciales. Il conclut qu’il a donc été sanctionné de façon discriminatoire puisque c’est dans le cadre de l’exercice de sa mission de représentant du personnel qu’il a fait l’objet d’un avertissement. Il ajoute que M. U… a fait l’objet d’intimidation et n’a pas porté l’affaire en justice par crainte de représailles. Il sollicite la confirmation du jugement qui a annulé cet avertissement et son infirmation sur le quantum alloué en réparation de son préjudice, en faisant valoir qu’il a dû affronter les conséquences directes de son activité syndicale de la part de ses supérieurs hiérarchiques, telles que brimades et réflexions désobligeantes et qu’il s’est vu refuser des sollicitations y compris salariales, ainsi que le non versement régulier de primes. La société Interforum fait valoir que la procédure n’est pas irrégulière en ce qu’il n’y avait pas d’obligation de convoquer le salarié à un entretien préalable, mais que celui-ci s’est quand même tenu, permettant au salarié d’échanger. L’employeur précise que l’avertissement notifié à la salariée, objet de critiques, n’a pas été contesté par cette dernière et était justifié. Enfin, l’employeur expose que les faits se sont déroulés dans le cadre d’une réunion commerciale en présence de représentants commerciaux et de clients, qu’il n’y avait pas de mouvement social collectif contrairement aux allégations du salarié, que le salarié s’est comporté de façon fautive lors de la réunion à laquelle il participait au titre de son activité professionnelle et non de son mandat représentatif, critiquant une décision de la direction. Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail applicable à l’espèce, aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de ses activités syndicales. Le représentant du personnel bénéficie d’une protection en vertu de son mandat, et ne peut être sanctionné en cas de simple irrégularité commise dans le cadre de l’exercice normal des activités représentatives ou syndicales ; Il peut être sanctionné en cas d’abus de prérogative de sa part. L’employeur doit, dans ce cas, prouver non seulement la faute, mais également l’existence d’un abus suffisamment important pour justifier une sanction disciplinaire. En l’espèce, la procédure n’est pas irrégulière en ce que le salarié a bénéficié d’un entretien préalable à l’avertissement, ce qui n’était pas obligatoire, et ce qui lui a permis de s’exprimer. Le fait pour le salarié d’avoir pris la parole pour défendre une salariée sanctionnée par un avertissement, lors d’une réunion commerciale est établi dans le dossier. Il ressort également de l’avertissement notifié à M. U… le 20 avril 2012 relatif à des critiques à l’encontre de sa hiérarchie et de son courrier du 5 juin 2012, que cette dernière a contesté auprès de son employeur le bien fondé de cet avertissement qui faisait suite à un différend avec la Fnac, client important et qui avait donné lieu à un courrier collectif adressé aux responsables de la Fnac. Si cette prise de parole ne s’inscrivait pas dans le cadre de la réunion commerciale qui se déroulait entre plusieurs représentants commerciaux et avec trois clients, il se déduit toutefois des pièces versées au dossier que M. U… s’est exprimé en qualité de représentant du personnel suite à l’avertissement subi par une collègue et contesté par cette dernière, et que l’employeur n’étaye pas en quoi cette prise de parole aurait dégénéré en abus, ne versant aucune pièce sur ce point, telle que plainte de client, attestation, compte-rendu de réunion, perte de contrat. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu’il a annulé l’avertissement litigieux et en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 2 000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de cet avertissement injustifié, l’intéressé ne justifiant pas avoir subi le préjudice financier invoqué, dès lors qu’il ne démontre pas avoir été privé d’éléments de salaire ou de certaines primes du fait de l’avertissement prononcé » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 21 mai 2012 que M. U… demande au Conseil d’annuler l’avertissement qui lui a été notifié par lettre du 21 mai 2012 ; Que la S.A. INTERFORUM demande au Conseil de débouter M. U… de l’intégralité de ses demandes ; que la S.A. INTERFORUM a adressé à M. U… une lettre d’avertissement datée du 21 mai 2012 et rédigée ainsi : « Nous faisons suite à notre entretien du mercredi 2 mai 2012 avec F… M… — Directeur Circuit, Q… D… Directeur du Développement des RH et L… E… — DG Diffusion et Marketing. Comme nous vous l’avons expliqué, lors du dudit entretien, nous ne comprenons pas et ne pouvons accepter votre comportement le matin du 2 mai 2012 en réunion commerciale. En effet, lors de ces réunions de travail avec les éditeurs qui sont nos clients, vous avez pris la parole devant 3 d’entre eux successivement pour critiquer — au nom de l’équipe — une décision prise par la Direction à l’encontre d’une salariée de l’entreprise en proclamant que, de ce fait, l’équipe serait dans une attitude d’écoute passive et sans participation. Les propos que vous avez tenus ont choqué les Editeurs intervenants qui ont contacté la Direction de l’entreprise pour s’en émouvoir en leur qualité de clients. Il s’agit là d’une attitude peu responsable qui tend à démontrer un mélange des genres entre l’exercice de votre emploi de Représentant et l’exercice de vos mandats d’élu. Comme cela vous a été expliqué, la direction est tout à fait prête à vous recevoir au titre de vos mandats pour expliquer la décision prise à l’encontre d’une salariée. En revanche, vous ne pouvez adopter décrite précédemment devant des tiers de l’entreprise, de surcroît, des clients. Lors de l’entretien précité du 2 mai dernier, vous avez-vous-même sollicité un entretien à la DRH sur le dossier. Encore une fois, un tel comportement est inadmissible car il revient à mettre en cause votre hiérarchie et, ainsi, l’image et l’activité économique de l’équipe et de l’entreprise devant ses clients au risque de mettre en péril la qualité des relations avec ces derniers. Ces faits graves nous conduisent à vous notifier, par la présente, un avertissement qui sera versé à votre dossier individuel. Nous comptons vivement sur vous pour en revenir à un mode normal de relations de travail dans le respect de votre hiérarchie et des règles en vigueur dans l’entreprise sans que cela n’interfère et ne vienne contredire vos mandats d’élu. Dans cette attente, veuillez croire, Monsieur, en l’assurance de nos salutations distinguées. Q… D… Directeur du Développement des RH » ; que M. U… a contesté cet avertissement et en a demandé le retrait par lettre du 5 juin 2012 ; Que, n’en ayant pas obtenu le retrait, M. U… a saisi le Conseil de prud’hommes de CRÉTEIL le 9 juillet 2012; qu’au moment des faits, M. U… était délégué du personnel titulaire, membre élu et secrétaire du Comité d’Établissement de PARYSEINE IVRY ; Que depuis décembre 2012, il est élu au CHSCT et secrétaire adjoint du CHSCT; que M. U… : – ne conteste pas les faits rapportés dans sa lettre d’avertissement mais les atténue ; – déclare ne pas avoir manqué à ses obligations professionnelles ; -ajoute qu’il s’est exprimé au cours de cette réunion en qualité de représentant du personnel et à la demande de ses collègues en soutien solidaire à une autre collègue injustement sanctionnée ; – présente au. Conseil les attestations de plusieurs collègues M. K…, Mme S…, Mme G…, M. I…, M. X…, Mme A…, M J…) déclarant que M. U… avait agi dans le cadre de son mandat à leur demande ; que la S.A. INTERFORUM déclare que l’avertissement adressé à M. U… est justifié; que le Conseil constate que ; – M. U… s’est exprimé dans le cadre d’un « mouvement social » au cours duquel il était mandaté par ses collègues ; – seul M. U… a fait l’objet d’un avertissement, ses autres collègues ne recevant qu’une lettre de rappel à l’ordre ; que le Conseil estime que l’avertissement du 21 mai 2012: – à l’encontre de M. U… dans le cadre de son mandat de salarié protégé, est injustifié ; – constitue une discrimination syndicale à l’encontre d’un élu du personnel exerçant activement son mandat ; En conséquence, le Conseil ordonne l’annulation de l’avertissement du 21 mai 2012. – Sur la demande de dommages et intérêts pour avertissement infondé Vu l’article 1382 du Code civil ; que M. U… demande le paiement de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice suite à son avertissement injustifié ; Que la S.A. INTERFORUM demande au Conseil de débouter M. U… de l’intégralité de ses demandes ; que le Conseil a estimé que l’avertissement du 21 mai 2012 : – à l’encontre de M. U… dans le cadre de son mandat de salarié protégé, était injustifié ; – constituait une discrimination syndicale à l’encontre de cet élu du personnel exerçant activement son mandat ; que M. U… ne présente au Conseil aucun élément permettant d’évaluer le préjudice qu’il a subi suite à son avertissement injustifié ; que le Conseil estime que cet avertissement lui a nécessairement causé un préjudice qu’il convient de le réparer ; En conséquence, il est partiellement fait droit à cette demande à hauteur de 2 000,00 euros » ;

1. ALORS QUE les faits fautifs commis par le salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat, et non dans l’exercice de ses fonctions représentatives, peuvent justifier une sanction disciplinaire ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que les faits reprochés à M. U… ont été commis à l’occasion d’une réunion commerciale qui se déroulait entre plusieurs représentants commerciaux de l’entreprise et trois clients et à laquelle M. U… participait en qualité de représentant commercial ; qu’en conséquence, les faits commis au cours de cette réunion ne pouvaient se rattacher à l’exercice des mandats de représentant du personnel de M. U… ; qu’en retenant cependant, pour annuler l’avertissement sanctionnant ces faits, que M. U… s’était exprimé en qualité de représentant du personnel suite à l’avertissement subi par une collègue et contesté par cette dernière et que l’employeur ne démontre pas un abus de prérogative de sa part, la cour d’appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

2. ALORS QUE ne présente pas un caractère discriminatoire la sanction prise à l’encontre d’un salarié qui a commis un fait fautif ; qu’en l’espèce, il est constant que M. U… était seul intervenu au cours de la réunion commerciale avec des éditeurs pour critiquer une décision de la direction, les autres représentants commerciaux ayant seulement indiqué soutenir son action ; qu’en décidant néanmoins que l’avertissement prononcé à son encontre présentait un caractère discriminatoire, pour avoir été pris à l’encontre d’un salarié exerçant ses mandats, la cour d’appel a violé les articles L. 1333-2 et L. 2141-5 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Interforum à payer à M. U… la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l’article L. 1152-1 applicable du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 applicables du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales. L’article L. 1134-1 dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En l’espèce, M. U… fait valoir qu’il a subi : – des objectifs inadaptés en raison de l’absence de prise en compte tant de ses mandats que de ses arrêts maladie ; – des pressions quotidiennes résultant de sa charge de travail imposée, de courriels adressés pendant ses arrêts de travail et ses congés, de l’absence de prise en compte des difficultés rencontrées dans l’exercice de ses missions ; – une absence d’évolution professionnelle ; – l’absence de versement de commissions ; – l’intensification d’actes de harcèlement moral depuis novembre 2013 : conflit relatif à la visite à la librairie O…, mise en place d’une nouvelle procédure sans information préalable du salarié, remise en cause des congés payés du salarié ; – une discrimination syndicale ; – une dégradation de son état de santé. Sur les objectifs inadaptés : M. U… soutient que les objectifs qui lui ont été assignés étaient inadaptés notamment en ce qu’ils ne tenaient pas compte de ses mandats au sein des instances représentatives du personnel ce qui a conduit à le placer en infériorité vis à vis de l’équipe et de ses arrêts maladie, notamment de 19 jours en octobre 2013. Le salarié produit plusieurs courriels dans lesquels il demande une diminution de ses objectifs en terme de chiffre d’affaires en raison de son activité au sein des instances représentatives du personnel, l’employeur ne répondant pas à ses demandes d’aménagement au regard du nombre de jours effectivement travaillés, et comparant ses performances dans plusieurs courriels au reste de l’équipe de façon défavorable à plusieurs reprises, alors que sur la période concernée le salarié était pris plusieurs journées notamment pour des réunions du CHSCT. Cependant le courriel de Mme D…, directeur des ressources humaines, du 20 mai 2016, permet d’établir que le secteur du salarié a été revu à la baisse depuis 2010 et qu’à compter de l’année 2014 un aménagement a été convenu avec le salarié en cas d’impact de ses mandats d’élu sur le résultat de ses opérations commerciales. Le salarié justifie qu’en octobre 2013, il lui a été rapporté que son nombre de visite était en très forte baisse consécutivement à son arrêt maladie ; toutefois il ne peut en être déduit que ses objectifs étaient inadaptés. Ce fait doit donc être écarté, n’étant pas matériellement établi. Sur les pressions quotidiennes : Le salarié invoque une charge de travail accrue et des demandes pressantes et incessantes visant à le faire « craquer » psychologiquement. Il justifie de demandes de mise à jour de son plan de tournée par courriels du 7 juin 2013 pour le mois de juin, du 28 juin 2013 pour le mois de juillet, du 17 juillet 2013, du 15 janvier 2014, et expose qu’il n’a pas le temps de faire ce travail administratif additionnel, qui ne fait pas partie de ses missions, alors qu’en qualité de cadre il est autonome dans l’organisation de son temps de travail. Le salarié fait également état de courriels qui lui ont été adressés pendant ses arrêts de travail et ses congés et produit plusieurs courriels : – en décembre 2013 alors qu’il se trouve en congés puis en RTT ; – le 1er octobre 2013 sur ses résultats en septembre 2013, alors qu’il fait l’objet d’un arrêt de travail depuis le 12 septembre 2013 ; – le 8 novembre 2013 lui demandant de régulariser des « FAJ », alors qu’il se trouve en arrêt de travail à compter de cette date. Le salarié justifie qu’il a alerté son employeur à plusieurs reprises sur les difficultés rencontrées, notamment en matière informatique avec un logiciel qui présente des dysfonctionnements (courriels du 14 novembre 2011 et du 24 octobre 2013), et avec son ordinateur, en dépit d’une 'hotline’ informatique, ainsi que de l’absence de réponse à des demandes d’information (courriel du 10 septembre 2013 relatif à la disponibilité de la revue Crimes et châtiment, du 2 décembre 2013 relatif au suivi d’un article sur un livre de V… B…). Ce fait doit donc être considéré comme matériellement établi. Sur l’absence d’évolution professionnelle : Le salarié déplore qu’il occupe toujours le même poste depuis son embauche en dépit de bonnes évaluations et d’excellents résultats. Il relève qu’à compter de 2008, les entretiens annuels d’évaluation sont tenus oralement et ne donnent plus lieu à compte rendu, et qu’il n’a pas bénéficié de formation malgré ses demandes, notamment d’une formation en anglais commercial de 2003 à 2005, enfin qu’il n’a pas obtenu de mutation en interne malgré ses demandes. Il ressort du dossier qu’en effet le salarié n’a pas connu d’évolution fonctionnelle au sein de l’entreprise depuis son embauche, alors qu’il a demandé une évolution au sein du service export (comme indiqué dans son compte-rendu d’entretien individuel de l’année 2003), ainsi que dans l’équipe Poche, qu’il n’a pas non plus reçu de formation malgré des demandes répétées pour une formation en anglais (figurant par exemple dans ses comptes-rendus d’entretien individuel de 2003 et 2005). Il est également établi qu’aucun compte-rendu écrit de ses entretiens annuels d’évaluation ne lui a été remis à compter de 2008. Ce fait est donc matériellement établi. Sur l’absence de versement de commissions : Le salarié reproche à son employeur de l’avoir privé de commissions en raison de l’annulation, deux années consécutives en 2011 et en 2012, de la parution du livre de M. R… qui l’a privé de chiffre d’affaires, l’employeur refusant d’ajuster ses objectifs en retirant ce livre. Toutefois, ce fait qui relève de l’aléa de l’édition n’est pas suffisant pour établir que le salarié a été privé du versement de commissions, alors que son marché est nécessairement touché par divers aléas. Sur l’intensification des actes de harcèlement moral depuis novembre 2013 : Le salarié fait état d’un conflit relatif à la librairie O…, premier client de son secteur, qui n’a pas été suivi en son absence pendant son arrêt maladie en dépit de ses consignes, une commande de novembre 2013 pour janvier 2014 n’ayant pas été prise en compte. Cependant, il ne peut être tenu rigueur à l’employeur d’un suivi moins rigoureux en l’absence du salarié, l’employeur justifiant toutefois avoir mis en oeuvre des moyens pour pallier l’absence du salarié. Le salarié déplore ne pas avoir été informé et consulté sur la mise en place d’une procédure de bordereau de retour, dont il a constaté l’existence à travers deux documents de septembre 2013. Cependant, il n’est pas justifié que cette procédure interne nécessitait la consultation et l’information du salarié, celle-ci n’étant pas d’une importance significative et étant du domaine du pouvoir de gestion de l’employeur. Le salarié mentionne une demande de congés qui a fait l’objet d’un refus par son supérieur hiérarchique en janvier 2014 pour la période du 14 au 18 avril 2014 afin de participer à un congrès international, avant d’être acceptée à titre exceptionnel après intervention de Mme D…. Il en résulte que ce congé a finalement été autorisé, ce fait n’est donc pas établi. Ces éléments de fait ne sont donc pas établis. Sur la discrimination syndicale : Le salarié fait état de l’avertissement injustifié qui lui a été notifié. Il ajoute qu’il a fait l’objet de remarques et de réflexions insidieuses depuis son élection. Il conclut que les conditions de travail ainsi que les relations avec ses supérieurs hiérarchiques se sont dégradées, entraînant une très forte pression, que cette discrimination est connue de l’inspection du travail qui a déjà rappelé à l’ordre la société sur le fonctionnement des institutions ainsi que sur le cas d’autres salariés. Le salarié justifie avoir alerté l’inspection du travail le 2 décembre 2012 sur les conditions d’exercice de ses fonctions. Toutefois l’intervention de l’inspection du travail du 20 août 2014 n’est pas en lien direct avec la situation de discrimination alléguée même s’il est fait mention de l’obligation pour l’employeur de respecter les dispositions relatives au fonctionnement du CHSCT, et du rappel de règles de fonctionnement des instances représentatives du personnel. Au vu des développements qui précèdent, il est établi que le salarié a fait l’objet d’un avertissement discriminatoire en raison de son activité syndicale, le salarié n’étayant toutefois pas les autres allégations par des éléments objectifs le concernant directement. Sur la dégradation de l’état de santé du salarié : Le salarié justifie d’une dégradation de son état de santé par la production de certificats médicaux établis par : – le Dr N…, psychologue du travail, le 29 octobre 2013 : « … sur le plan clinique, les signes décrits semblent évoquer un état de stress chronique (difficulté de concentration et de mémorisation)… En conclusion, il semble que l’état de stress chronique décrit par le salarié est en lien avec le vécu au travail… L’ensemble de ces éléments semblent générer une souffrance au travail » ; – le Dr C…, médecin du travail dans son avis d’inaptitude du 6 novembre 2013 : « je pense que le contexte professionnel actuel n’est pas propice à sa reprise. Il se sent en désaccord avec l’organisation de l’entreprise ce qui le met en grandes difficultés ». Ces éléments matériellement établis, pris dans leur ensemble, en ce inclus les éléments relatifs à l’état de santé du salarié, permettent de présumer l’existence d’une discrimination syndicale et d’un harcèlement moral. L’employeur se contente de répliquer en termes généraux que le salarié ne subit pas de surcharge de travail, qu’il se comporte comme un électron libre dans la gestion de son activité commerciale, qu’il doit rendre compte à son supérieur hiérarchique et établir des plans de tournées, que ce dernier a agi dans le cadre de son pouvoir de gestion et de direction. L’employeur réfute les problèmes informatiques invoqués en faisant valoir que le service informatique les résout dès qu’ils sont signalés. En outre, l’employeur fait valoir que les courriels adressés durant les arrêts de travail et les congés le sont en des termes ni agressifs, ni méprisants, sont informatifs et n’ont rien d’abusif. L’employeur répond quant à l’absence de prise en considération des difficultés rencontrées par le salarié, que celui-ci fait preuve de mauvaise foi et qu’il ne démontre pas qu’il se soit trouvé dans une situation délicate vis à vis d’un client, ni qu’il n’ait eu de retour. Cependant, ces éléments n’établissent pas que la pression accrue et avérée au travail subie par le salarié est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement et toute discrimination, dès lors que la pression exercée en particulier par le supérieur hiérarchique sur le salarié excède la norme acceptable sur ce marché pour ce type de poste, alors que les conditions de travail sont difficiles et que le salarié a un statut de cadre avec une autonomie et une expérience avérée. L’employeur fait valoir également que le salarié s’abstient de toute comparaison avec des collègues, qu’il n’a pas été possible de faire droit à sa demande de mutation en interne, le poste à l’export ayant fait l’objet d’un recrutement. L’employeur précise que l’anglais ne fait pas partie des formations dispensées aux représentants, que celui-ci a bénéficié d’autres formations. L’employeur ajoute que le salarié a bénéficié d’entretiens postérieurement à 2008, mais qu’en 2008 et 2009 les entretiens n’ont pas donné lieu à la formalisation d’un écrit comme pour d’autres salariés. Ces éléments sont insuffisants pour démontrer que l’absence d’évolution professionnelle du salarié, qui a été embauché il y a de nombreuses années, est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement et toute discrimination, l’employeur n’expliquant pas le refus d’une mutation dans l’équipe Poche et reconnaissant l’absence d’écrit pour deux entretiens d’évaluation en 2008 et en 2009. L’employeur conteste toute discrimination syndicale, alors que le salarié n’a jamais évoqué une telle situation avant 2014, que le courrier adressé à l’inspection du travail est rédigé par le salarié lui-même et ne peut être retenu comme preuve des faits allégués, que l’inspection du travail ne s’est pas déplacée dans les lieux et n’a pas adressé de courrier à l’employeur sur sa situation. L’employeur conclut que l’avertissement est justifié au vu des faits reprochés au salarié. Cependant, au vu des développements qui précèdent, l’avertissement prononcé à l’encontre de M. U… est discriminatoire. Il se déduit de ces éléments que le salarié a subi des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale, en raison de pressions constantes dans son travail, d’une absence d’évolution professionnelle en dépit de ses demandes et de la notification d’un avertissement discriminatoire, ayant conduit à une détérioration de son état de santé. En conséquence, il y a lieu d’allouer au salarié des dommages et intérêts réparant l’atteinte à la dignité et à la santé du salarié résultant du harcèlement moral dont il a fait l’objet ainsi qu’au titre de la discrimination syndicale qu’il a subie, résultant de la privation d’une partie de l’évolution professionnelle de l’intéressé, que la cour évalue à 20 000 €. La décision entreprise sera donc infirmée sur ce point » ;

1. ALORS QUE pour juger que M. U… a été victime d’un harcèlement moral et d’une discrimination, la cour d’appel a retenu que l’avertissement prononcé à l’encontre de M U… était injustifié et discriminatoire ; que la cassation qui ne manquera pas d’intervenir, sur le premier moyen de cassation, entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef de l’arrêt ayant condamné la société Interforum à payer à M. U… la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral, en application de l’article 625 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE ni les manifestations de l’exercice normal du pouvoir de direction de l’employeur ou du supérieur hiérarchique, ni de simples difficultés matérielles rencontrées par un salarié dans l’usage du matériel informatique pour l’exercice de ses fonctions ne peuvent, à elles seules, laisser présumer un harcèlement moral ou une discrimination ; qu’en se bornant à relever que M. U… justifie de « demandes de mise à jour de son plan de tournée » par son supérieur hiérarchique, de « courriers adressés pendant ses arrêts de travail » et de « difficultés rencontrées, notamment en matière informatique » ou dans la communication de certaines informations, sans faire ressortir en quoi ces demandes, courriers ou difficultés présentaient un caractère anormal au regard de l’exercice normal du pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence d’une « pression accrue et avérée au travail » et en particulier une « pression exercée par le supérieur hiérarchique (

) excéd[ant] la norme acceptable », a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1154-1, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE le juge doit examiner l’ensemble des éléments produits par l’employeur pour apprécier si les faits qui lui sont reprochés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et à tout harcèlement moral ; qu’en l’espèce, pour contester les prétendues « pressions quotidiennes » exercées à l’encontre de M. U…, la société Interforum justifiait qu’en sa qualité de commercial itinérant, fût-il cadre autonome, M. U… était tenu d’établir un plan de tournée pouvant être contrôlé par le directeur des ventes et que les relances de ce dernier étaient justifiées par la réticence de M. U… à renseigner ses plans de tournée dans son agenda informatique, comme les autres représentants ; que, s’agissant des courriers électroniques adressés pendant des arrêts de travail ou congés du salarié, la société Interforum expliquait également que le courrier du 16 décembre 2013, auquel M. U… avait répondu trois jours plus tard, lui avait été adressé avant son départ en congé, que le courrier du 1er octobre 2013 constituait un simple courrier d’information auquel M. U… n’était pas tenu de répondre et que le courrier du 8 novembre 2013 s’expliquait par le fait que le supérieur de M. U… n’avait pas été informé de son arrêt maladie ; que, s’agissant des difficultés rencontrées par le salarié avec le matériel informatique, la société Interforum justifiait, par la production du listing des interventions du service informatique, que ce dernier avait résolu rapidement chacune des difficultés rencontrées par M. U… lorsqu’il les a signalées ; qu’en affirmant cependant que l’employeur se contentait de répliquer en termes généraux aux allégations du salarié, pour refuser de se prononcer sur ces différents éléments de justification, étayés des preuves nécessaires, la cour d’appel a violé les articles L. 1134-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4. ALORS QUE sauf disposition conventionnelle contraire, l’employeur n’est pas tenu d’assurer la progression de carrière d’un salarié par des changements d’emploi ; qu’en conséquence, la seule absence d’évolution professionnelle du salarié ne peut suffire à laisser présumer une discrimination, pas plus que le rejet d’une demande de mutation antérieure à l’exercice de fonctions syndicales ou le refus d’une formation étrangère aux fonctions exercées par le salarié ; qu’en l’espèce, la société Interforum justifiait que M. U… avait bénéficié de diverses formations au cours de sa carrière, qu’aucune formation d’anglais n’est dispensée aux représentants commerciaux qui ne font pas usage de langues étrangères dans l’exercice de leurs fonctions et qu’elle a chaque année reçu M. U… en entretien d’évaluation ; qu’elle soulignait également que M. U… n’établissait pas que d’autres représentants commerciaux auraient bénéficié d’une évolution professionnelle et que sa demande de mutation était bien antérieure au début de son engagement syndical, datant de 2008 ; qu’en considérant néanmoins que le fait que M. U… n’ait pas connu d’évolution professionnelle en dépit de deux demandes de mutation antérieures au début de ses activités syndicales, ni bénéficié de la formation d’anglais demandée, et que les entretiens annuels d’évaluation de 2008 et 2009 (en réalité 2009 et 2010) n’aient pas été formalisés par écrit suffisaient à retenir l’existence d’une « privation d’évolution professionnelle » présentant un caractère discriminatoire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2019, 18-16.713, Inédit