Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 2019, 18-18.864, Publié au bulletin

  • Convention collective prévoyant une période de protection·
  • Absence du salarié pour maladie ou accident·
  • Période de protection conventionnelle·
  • Conventions et accords collectifs·
  • Suspension du contrat de travail·
  • Contrat de travail, rupture·
  • Statut collectif du travail·
  • Cause réelle et sérieuse·
  • Applications diverses·
  • Conventions diverses

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Selon l'article 29, alinéa 2, de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981, les absences justifiées par la maladie ou l'accident dans un délai maximum d'un an n'entraînent pas une rupture du contrat de travail. Il en résulte qu'un employeur ne peut licencier un salarié en raison de la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise occasionnée par son absence prolongée et la nécessité de procéder à son remplacement définitif lorsque, à la date du prononcé du licenciement, l'absence pour maladie n'excède pas un an
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Sur la décision

Texte intégral

SOC.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 18 décembre 2019

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 1721 FS-P+B sur le premier moyen

Pourvoi n° B 18-18.864

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme N… F…, domiciliée […],

contre l’arrêt rendu le 26 avril 2018 par la cour d’appel d’Orléans (chambre sociale), dans le litige l’opposant à M. C… L…, domicilié […],

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 19 novembre 2019, où étaient présents : M. Cathala, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Silhol, Mme Valéry, conseillers référendaires, M. Liffran, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme F…, de la SCP Richard, avocat de M. L…, l’avis de M. Liffran, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme F…, engagée par M. L… le 15 décembre 2008 en qualité de secrétaire standardiste, a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 février 2014 ; qu’elle a été licenciée le 10 mars 2014 au motif que son absence prolongée perturbait le fonctionnement du cabinet médical et nécessitait son remplacement ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article 29 de la convention collective du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981 ;

Attendu, selon le deuxième alinéa de ce texte, que les absences justifiées par la maladie ou l’accident dans un délai maximum d’un an n’entraînent pas une rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé et débouter la salariée de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la salariée invoque la clause de garantie d’emploi prévue par l’article 29 de la convention collective susvisée, que si, contrairement à ce que soutient l’employeur, cet article prévoit clairement qu’un salarié en arrêt maladie ne peut être licencié qu’au terme d’une année d’absence, c’est avec pertinence qu’il met en avant que ce moyen est inopérant dès lors que le licenciement a été notifié à la salariée non pas à raison de son arrêt maladie mais seulement au motif de la perturbation qu’entraînait son absence prolongée nécessitant son remplacement définitif ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur ne pouvait se prévaloir des conséquences de l’absence pour maladie de la salariée qui, à la date où le licenciement a été prononcé, n’excédait pas un an, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme F… de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et de congés payés afférents, l’arrêt rendu le 26 avril 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ;

Condamne M. L… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. L… à payer à Mme F… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme F….

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Madame F…, salariée, de sa contestation de la légitimité de son licenciement et de toutes ses demandes indemnitaires subséquentes ;

Aux motifs que : l’article L.1232-1 du code du travail dispose que le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que la cause est réelle si elle présente un caractère d’objectivité ce qui exclut les préjugés et les convenances personnelles ; que la cause sérieuse est celle qui, revêtant une certaine gravité, rend impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du travail et rend nécessaire le licenciement ; que la réalité et le sérieux du motif de licenciement s’apprécient au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur ; que, s’il résulte de l’article L.1332-1 du code du travail, posant le principe de non-discrimination, que le licenciement d’un salarié en raison de son état de santé est interdit, il demeure cependant que le licenciement est possible s’il est motivé par une situation objective tenant au fait que le fonctionnement de l’entreprise est perturbé par l’absence prolongée du salarié ; qu’un licenciement pour désorganisation de l’entreprise en raison d’une absence prolongée n’a pas de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est prononcé à un moment où le salarié a repris le travail ; que la lettre de licenciement du 10 mars 2014 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « Madame, Suite à l’entretien que nous avons eu le jeudi 06 mars 2014 à 18h00, déplacé deux fois suite à vos demandes, je vous informe que je suis dans l’obligation de procéder à votre licenciement. Ce licenciement pour motif personnel est lié à vos absences répétées depuis le 10 février 2014 qui mettent en péril mon activité et qui m’obligent à pourvoir à votre remplacement comme le prévoit l’article L.122-45 du code du travail et les jurisprudences de la Cour de cassation. Comme le prévoit le code du travail : Vous bénéficierez d’une prime de licenciement égal à un mois de salaire. Vous bénéficierez de vos congés payés. En ce qui concerne votre préavis de deux mois : étant en arrêt maladie depuis le 08 février 2014, vous êtes dans l’incapacité technique de réaliser ce préavis, ce qui est prévu par la loi, qui dans ce cas particulier d’incapacité technique par arrêt maladie, ne donne pas droit à une indemnité compensatrice. Votre licenciement sera effectif à compter du 08 avril 2014. A cette date, vous recevrez votre solde de tout compte, avec prime de licenciement, congés payés, votre certificat et de travail et l’attestation Pôle Emploi. J’ai préféré opter pour ce licenciement pour motif personnel plutôt que pour faute lourde. Faute lourde : – vous m’avez discrédité auprès de plusieurs patients, disant que j’étais difficile, jamais content, caractériel et que vous attendiez que je vous licencie (témoins), – vous avez raconté à plusieurs personnes tout ce qui se passait au sein de mon entreprise (témoins), – non-réponse à de nombreux appels téléphoniques, ligne toujours occupée du fait de vos discutions très longues avec des patients et vos nombreux appels personnels (témoins), – vous vous faisiez appeler par des patients pour discuter avec eux, donner votre avis sur leur état et leur traitement, ce que j’avais soupçonné et je vous avais interdit de faire, car ce n’était pas dans vos prérogatives et que cela pouvait être dangereux au niveau de la responsabilité. Vous ne pouvez sous couvert d’être ma secrétaire, exercer un travail de conseillère, de psychothérapeute et me mettre ainsi dans une responsabilité inacceptable, – propos irrespectueux à mon égard suite à ma demande d’un travail de secrétariat simple, – la liste est encore longue. Eu égard à nos années de travail ensemble, et malgré votre arrêt de travail impromptu et brutal, dont vous m’avez fait part par SMS, je ne veux pas vous priver de vos droits ni entamer de poursuites à votre égard pour diffamation, d’où ce licenciement pour motif personnel » ; qu’il en résulte clairement que Monsieur L… a renoncé à se placer sur un terrain disciplinaire pour licencier Madame F…, si bien qu’il importe peu d’établir si celle-ci a commis ou non les faits qui auraient pu être susceptibles de caractériser une faute lourde ou même une faute simple ; qu’il a seulement pris pour motif de licenciement la perturbation dans le fonctionnement de son cabinet médical qu’entraînait l’absence prolongée pour maladie de Madame F… ; qu’il ne peut être contesté que l’entreprise de l’appelant est très petite puisqu’elle ne comprend, en dehors de lui-même, qu’un poste de secrétaire réceptionniste ; que madame F… n’allègue pas qu’elle avait informé son employeur de la durée prévisible de ses absences, et Monsieur L…, dont l’emploi du temps de médecin généraliste est très chargé selon les pièces produites, doit assurer lui-même le temps de formation nécessaire pour rendre opérationnelle une secrétaire ce qui excluait le recours à un contrat à durée déterminée ou au contrat d’intérim, d’autant plus difficile à mettre en oeuvre que Monsieur L… exerce dans une très petite commune ; que l’embauche de Madame I… en contrat à durée indéterminée est intervenue le 25 février 2014, soit deux semaines et demie après le début de l’arrêt de travail de Madame F… et alors qu’il n’est pas contesté que celle-ci avait, avant son arrêt, prévenu Monsieur L… qu’elle devait subir une intervention chirurgicale le 14 mars suivant et serait ensuite absente ; que, compte tenu de ces éléments, la nécessité de remplacer définitivement Madame F…

était caractérisée au jour du licenciement ; que l’intimée évoque encore la clause de garantie d’emploi prévue par l’article 29 de la convention collective applicable en ces termes : « les absences justifiées par la maladie, l’accident dans un délai maximum d’un an n’entraînent pas une rupture du contrat de travail » ; que si, contrairement à ce que soutient l’appelant, cette clause prévoit clairement qu’un salarié en arrêt maladie ne peut être licencié qu’au terme d’une année d’absence, c’est avec pertinence qu’il met en avant que ce moyen est inopérant dès lors que le licenciement a été notifié à Madame F… non pas à raison de son arrêt maladie mais seulement au motif que la perturbation qu’entraînait son absence prolongée nécessitant son remplacement définitif ; que le licenciement est donc fondé contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges : que la décision querellée doit donc être infirmée et Madame F… déboutée de toutes ses demandes indemnitaires (arrêt attaqué, pp. 8-9),

Alors qu’aux termes de l’article 29 de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981, « les absences justifiées par la maladie, l’accident dans un délai maximum d’un an n’entraînent pas une rupture du contrat de travail » ; que, pour dire justifié le licenciement contesté et débouter Madame F… de ses demandes indemnitaires de ce chef, l’arrêt attaqué a retenu que la disposition conventionnelle précitée était sans application en l’espèce, dès lors que le licenciement avait été notifié non pas en raison de l’arrêt maladie de la salariée mais seulement au motif que la perturbation qu’entraînait son absence prolongée nécessitait son remplacement définitif ; qu’en statuant ainsi, cependant que les absences justifiées par la maladie n’étant pas, aux termes de la convention collective, une cause de rupture du contrat de travail lorsqu’elles n’excédaient pas une année, le licenciement de Madame F… notifié au terme seulement d’un mois d’absence de la salariée pour cause de maladie était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Madame F…, salariée, de sa demande en paiement d’un rappel de salaire sur l’indemnité de congés payés ;

Aux motifs que, Madame F… prétend par ailleurs que la somme de 437,25 euros lui est due au titre de 7,5 jours de congés payés qu’elle aurait acquis ; que, cependant, l’examen de ses bulletins de salaire démontre qu’elle a pris 6 jours de congés payés en janvier 2013, 6 jours en avril 2013, 6 jours en juin 2013, 22,5 jours en septembre 2013, et qu’en janvier 2014, il lui restait seulement acquis 2,5 jours de congés ; que l’attestation de fin de contrat montrant que la somme de 205,81 euros lui a été versée par l’employeur à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, c’est de manière injustifiée que les premiers juges lui ont accordé la somme de 437,25 euros à titre de rappel de salaire sur l’indemnité de congés payés ; que l’intimée doit être déboutée de cette demande et le jugement attaqué infirmé sur ce point (arrêt attaqué, p. 9),

Alors que lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé ; que, pour débouter Madame F… de sa demande en paiement d’un solde d’indemnité compensatrice de congés payés, l’arrêt attaqué a retenu qu’il résultait de l’examen de ses bulletins de salaire qu’il restait acquis à la salariée 2,5 jours de congés en janvier 2014, qui ont été justement compensés par l’octroi, par l’employeur, d’une indemnité de 205,81 euros ; qu’en statuant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée (conclusions d’appel, p. 13 – pièces n°7.1 et 7.2), s’il ne résultait pas des mentions du dernier bulletin de paie de Madame F… au titre du mois de mars 2014 l’existence, en faveur de celle-ci, d’un solde de congés payés de 7,5 jours non intégralement compensé par l’indemnité versée pour solde de tout compte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.3141-26 et R.3243-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.

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