Cour de cassation, Chambre sociale, 8 janvier 2020, 18-12.677 18-14.132, Inédit

  • Papeterie·
  • Salarié·
  • Sociétés·
  • Fournisseur·
  • Employeur·
  • Travail·
  • Attestation·
  • Fichier·
  • Heures supplémentaires·
  • Licenciement

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.editions-tissot.fr
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-12.677
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-12.677 18-14.132
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Nancy, 18 janvier 2018
Textes appliqués :
Article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application.

Article 1015 du même code.

Article 1153, alinéa 3, du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Dispositif : Cassation partielle sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041482092
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:SO00016
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

SOC.

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 8 janvier 2020

Cassation partielle sans renvoi

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 16 F-D

Pourvois n° B 18-12.677

G 18-14.132 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Statuant sur le pourvoi n° B 18-12.677 formé par la société Papeteries de Clairefontaine, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre un arrêt rendu le 19 janvier 2018 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale 2), dans le litige l’opposant à M. PG… Q…, domicilié […] ,

défendeur à la cassation ;

II – Statuant sur le pourvoi n° G 18-14.132 formé par M. PG… Q…,

contre le même arrêt rendu rendu entre les mêmes parties ;

La demanderesse au pourvoi n° B 18-12.677 invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi n° G 18-14.132 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 26 novembre 2019, où étaient présents : Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Papeteries de Clairefontaine, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Q…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° B 18-12.677 et G 18-14.132 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Q…, engagé le 14 septembre 1981 par la société Les Papeteries de Clairefontaine en qualité de responsable adjoint de la finition, a occupé la fonction de directeur du service finition à partir de 1994 ; qu’il a été licencié pour faute grave le 15 mai 2012 ;

Sur le moyen unique du pourvoi de l’employeur et le premier moyen du pourvoi du salarié :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen du pourvoi du salarié :

Vu l’article 1153, alinéa 3, du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu qu’après avoir condamné l’employeur à payer certaines sommes au titre d’un rappel de salaire et de congés payés afférents, l’arrêt fixe le point de départ des intérêts au taux légal à compter du jour de l’arrêt ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les intérêts des sommes couraient de plein droit à compter de la notification de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que les sommes de 268 554,51 euros et 26 855,45 euros allouées au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés afférents porteront intérêt au taux légal à compter du jour de l’arrêt, l’arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Dit que les sommes de 268 554,51 euros et 26 855,45 euros allouées au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés afférents porteront intérêt au taux légal à compter de la notification à l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges ;

Condamne la société Papeteries de Clairefontaine aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Q… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° B 18-12.677 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Papeteries de Clairefontaine

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société PAPETERIES DE CLAIREFONTAINE à verser à Monsieur Q… les sommes de 268.554,51 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 26.855,45 € au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « sur les heures supplémentaires ; L’article L:3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l 'appui de sa demande, le juge forme sa conviction". Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties. En l’espèce, M. PG… Q… sollicite un rappel de salaire à hauteur de 268 554,51 € au titres des heures supplémentaires qu’il soutient avoir effectuées au-delà de sa durée mensuelle de travail fixée à 158,71 heures. Au soutien de sa demande, il verse aux débats un décompte quotidien des heures supplémentaires qu’il soutient avoir exécutées et les attestations de deux salariées, Mesdames O… W… et L… F… qui attestent de sa présence de 7h à 12h15 et de 13h45 à 19h, du lundi au vendredi, et parfois les samedis matins. Ces éléments sont suffisamment précis pour que l’employeur puisse les discuter avec les siens de sorte que le salarié étaye sa demande en paiement d’heures supplémentaires. Dès lors que le salarié étaye sa demande en paiement d’heures supplémentaires, l’employeur doit fournir à la cour les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier, tels des fiches de pointage, des relevés d’heures, etc, étant précisé qu’il doit, dans tous les cas, pouvoir produire les justificatifs énoncés aux articles D. 3171-1 à D. 3171-17 du code du travail. En défense, la société papeteries de Clairefontaine soutient qu’en sa qualité de directeur du service finition, M. PG… Q… était un cadre dirigeant, de sorte que ses demandes en rappels de salaire sont infondées. Aux termes de l’article L. 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants sont exclus de la réglementation de la durée du travail. Sont ainsi concernés les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou leur établissement ;

ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise. Il appartient au juge d’examiner la fonction réellement occupée par le salarié au regard de chacun des trois critères précités afin de vérifier si le salarié participait à la direction de l’entreprise. En l’espèce, la société Papeteries de Clairefontaine soutient que le salarié gérait l’ensemble des 172 salariés placés sous son autorité directe, lesquels représentent une masse salariale de 7 669 070 €, qu’il organisait son temps de travail comme il le souhaitait, bénéficiait de la deuxième rémunération la plus importante au sein de la société et avait délégation pour engager financièrement et sans limite la société. S’agissant de la gestion du personnel, l’employeur verse aux débats l’attestation de M. G… E…, le directeur des ressources humaines qui certifie l’évolution des effectifs pour le service Finition et celle de Mme J… I… qui certifie les coûts salariaux du département Finition. Ces attestations ne permettent pas d’apprécier dans quelles conditions M. PG… Q… exerçait une prétendue autorité sur ces salariés, elles n’indiquent pas s’il recrutait ces salariés ou s’il exerçait directement un pouvoir disciplinaire sur eux. Pour ce qui est de la délégation de pouvoirs, l’employeur verse l’attestation de Mme J… I… concernant le chiffre d’affaires réalisé avec la société Vosges Embal. Cette attestation ne permet pas de confirmer que M. PG… Q… possédait une délégation lui permettant d’engager la société, elle confirme seulement l’importance des relations commerciales entre les deux sociétés. M. PG… Q… nie d’ailleurs avoir disposé d’une délégation de pouvoirs, assurant avoir fait valider les commandes par la direction. La cour constate que la société Papeteries de Clairefontaine ne produit aucune délégation annexée au contrat de travail du salarié, ni aucun autre document qui prouverait l’étendue de ses pouvoirs. L’employeur verse également les attestations de Messieurs LX… , VQ… et S… pour justifier des fonctions du salarié qui selon les déclarations de ces salariés, « centralisait toutes les fonctions« , »se considérait comme le patron de l’entreprise". Ces seules attestations ne sauraient suffire à décrire avec précision les missions confiées au salarié et encore moins démontrer en quoi il participait à la direction de l’entreprise. Au sujet de l’autonomie dans le travail, l’employeur soutient que le salarié gérait de façon autonome son emploi du temps et verse plusieurs attestations de salariés qui déclarent avoir vu M. PG… Q… s’absenter de son poste de travail certains vendredis après-midis, ou l’avoir vu quitter son poste de travail en milieu d’après-midi ; Ces quelques témoignages ne sauraient suffire à justifier de la liberté laissée aux salariés dans l’organisation de son travail. Par ailleurs, le salarié produit ses bulletins de salaires, lesquels font mention d’heures supplémentaires exonérées de cotisations sociales et rappellent qu’une telle rémunération est incompatible avec le statut de cadre dirigeant. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. PG… Q…, directeur du service financier, disposait d’une grande liberté dans l’organisation de son travail et occupait un poste à un haut niveau de responsabilité, toutefois, l’employeur ne verse aucun élément concret permettant de caractériser la teneur de ses missions, ni, a fortiori, d’apprécier s’il participait effectivement à la direction de l’entreprise ; À défaut de rapporter la preuve de ce que M. PG… Q… était un cadre dirigeant, il convient de lui appliquer la réglementation relative à la durée du travail: le produisant des éléments suffisant à étayer sa demande en heures supplémentaires, et l’employeur ne versant aucun élément permettant d’apprécier la réalité des heures effectuées par le salarié, il convient de faire droit à la demande de M. PG… Q… en rappel de salaires au titre des heures supplémentaires qu’il a effectuées. Infirmant le jugement déféré, la société Papeterie Clairefontaine sera condamnée à verser à M. PG… Q… la somme de 268 554,51 € brut, outre 26 855,45 € au titre des congés payés afférents » ;

1. ALORS QUE selon l’article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome, et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que si les trois critères fixés par l’article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l’entreprise, il n’en résulte pas que la participation à la direction de l’entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ; que, pour considérer que Monsieur Q… n’avait pas la qualité de cadre dirigeant, la cour d’appel a retenu que si, en sa qualité de « directeur du service [finition], [il] disposait d’une grande liberté dans l’organisation de son travail et occupait un poste à un haut niveau de responsabilité, l’employeur ne verse aucun élément concret permettant de caractériser la teneur de ses missions, ni, a fortiori, d’apprécier s’il participait effectivement à la direction de l’entreprise » ; qu’en statuant ainsi, déniant la qualité de cadre dirigeant à Monsieur Q… dont elle a constaté qu’il « disposait d’une grande liberté dans l’organisation de son travail et occupait un poste à un haut niveau de responsabilité » au seul motif qu’elle n’aurait pas été à même d’apprécier s’il participait à la direction de l’entreprise, la cour d’appel, à qui il appartenait d’examiner la situation du salarié au regard des trois critères légaux, a violé l’article L. 3111-2 du code du travail ;

2. ALORS QU’il n’est pas nécessaire, pour qu’un salarié possède la qualité de cadre dirigeant au sens de l’article L. 3111-2 du code du travail, ni qu’il soit investi de fonctions de recrutement et disciplinaires, ni qu’il soit titulaire d’une délégation de pouvoirs ; qu’en retenant que l’employeur ne justifiait pas de ce que Monsieur Q…, dont elle a constaté qu’il « disposait d’une grande liberté dans l’organisation de son travail et occupait un poste à un haut niveau de responsabilité », disposait de telles fonctions et d’une telle délégation, la cour d’appel a violé l’article L. 3111-2 du code du travail ;

3. ALORS QUE pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d’un salarié, il appartient aux juges d’examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l’article L. 3111-2 du code du travail ; qu’il en résulte que les juges ne peuvent se fonder sur les mentions figurant dans les fiches de paie pour exclure la qualité de cadre dirigeant ; qu’à supposer qu’en retenant que « par ailleurs, le salarié produit des bulletins de salaire, lesquels font mention d’heures supplémentaires exonérées de cotisations sociales et rappel[e] qu’une telle rémunération est incompatible avec le statut de cadre dirigeant », la cour d’appel ait entendu considérer que de telles mentions auraient été exclusives de la qualité de cadre dirigeant, elle aurait violé l’article L. 3111-2 du code du travail ;

4. ALORS QUE les juges ne peuvent se contredire dans leurs motifs ; qu’en retenant, tout à la fois, que les attestations versées aux débats n’auraient pas suffi à justifier de la « liberté du salarié dans l’organisation de son travail », et qu’il résultait de l’ensemble des éléments versés aux débats que Monsieur Q… « disposait d’une grande liberté dans l’organisation de son travail », la cour d’appel s’est contredite et a ainsi méconnu l’article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU’il appartient au salarié qui réclame le paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires d’étayer sa demande par des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en présentant ses propres éléments ; que, pour faire droit à la demande du salarié et condamner l’exposante à lui verser les sommes de 268.554,51 €

ainsi que 26.855,45 € au titre des congés payés afférents, la cour d’appel, après avoir écarté la qualité de cadre dirigeant, a retenu qu’il versait aux débats des éléments permettant d’étayer sa demande, à savoir « un décompte quotidien des heures supplémentaires qu’il soutient avoir exécutées et les attestations de deux salariées, Mesdames W… et F… qui attestent de sa présence de 7h à 12h15, et de 13h45 à 19h, du lundi au vendredi, et parfois les samedis matins » ; qu’en statuant ainsi, quand un « décompte quotidien » des heures supplémentaires n’est pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, ce d’autant que lesdits décomptes ne coïncidaient pas avec les horaires, fixes, déclarés par les deux salariées dans leurs attestations visées par la cour d’appel, cette dernière a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

6. ET ALORS QUE seules les heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l’accord au moins implicite de l’employeur ouvrent droit à paiement ; qu’en l’espèce, dans ses motifs consacrés à la rupture du contrat de travail et singulièrement aux « intérêts privés » du salarié, la cour d’appel a constaté que Monsieur Q… était en possession, sur son lieu de travail, de « très nombreux documents comptables [de la société VOSGES EMBAL] » – à savoir des « tableaux de bord assortis de commentaires, des comptes rendus de différentes réunions sur la gestion de la société VOSGES EMBAL, des données comptables et financières telles que les comptes annuels pour l’exercice 2002 ou une simulation de taxe professionnelle, des contrats commerciaux, des procès-verbaux des délibérations d’assemblée générale, des tableaux comparatifs de chiffre d’affaires et plusieurs documents présentant les résultats de l’entreprise sous forme de diagrammes », et que « rien n’explique que le directeur du service finition de la société PAPETERIES DE CLAIREFONTANE possède ces documents » ; qu’il résultait nécessairement de ces constatations que Monsieur Q… se consacrait à d’autres tâches qu’à ses fonctions au sein de la société PAPETERIES DE CLAIREFONTAINE, en sorte que les heures supplémentaires réclamées ne pouvaient correspondre à une demande de l’employeur non plus que résulter de la charge de travail du salarié ; qu’en faisant néanmoins droit à sa demande, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses constatations et a violé l’article L. 3122-21 du code du travail.

Moyens produits au pourvoi n° G 18-14.132 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Q…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement est fondé sur une faute grave, et d’AVOIR débouté le salarié de ses demandes à titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre les congés payés afférents, d’indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

AUX MOTIFS propres QUE la lettre de licenciement, fixant les limites du litige, doit énoncer le ou les motifs du licenciement, lesquels doivent être précis, objectifs, vérifiables et, en matière de faute, situés dans le temps ; en l’espèce, la lettre de licenciement du 15 mai 2012 est motivée comme suit : « Nous vous informons que nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement aux motifs suivants : Vous êtes depuis 30 ans Directeur du service Finition des Papeteries de Clairefontaine, et à ce titre responsable des achats des matières de conditionnement qui sont utilisées. Nous avions une totale confiance en vous. Vous avez abusé de votre statut pour nuire aux intérêts de votre employeur, et tromper notre confiance. Vos pratiques déloyales et contraires aux intérêts des Papeteries de Clairefontaine sont inacceptables. En effet, et alors que nous envisagions de mettre en place une procédure de contrôle des prix, vous avez tout fait pour que cette procédure n’aboutisse pas. Vous avez tout d’abord multiplié les prétextes pour ne pas créer le fichier informatique avec le descriptif détaillé des produits que nous vous demandions depuis le 3 janvier 2012. Face à votre carence, nous avons dû créer nous même la structure de ce document. Ce n’est que le 8 mars 2012 que nous avons obtenu un fichier ; il était inexploitable. Le 12 mars 2012, vous nous présentez une commande d’achat sans respecter la procédure mise en place, à savoir sans renseigner les caractéristiques produits dans le fichier. Vous n’avez donc pas respecté nos directives. Le 11 avril 2012, nous vous demandons de nous adresser les appels d’offre reçus de 4 fournisseurs pour 2011 et 2012. Ce même jour, vous nous répondez que les deux fournisseurs qui constituent l’essentiel des approvisionnements de cartonnages (Dssmith et Mosb Urger) passent par la société Vosges Embal qui les représente. Nous avons été tout à fait stupéfaits de cette annonce car ces sociétés n’ont pas besoin d’intermédiaire pour vendre à Clairefontaine et vous n’en aviez jamais parlé à votre Direction. Or, il s’avère que Vosges Embal est dirigée par votre frère, P… Q… et que vous êtes un ancien actionnaire de cette société. Une seconde société, la SCI Vosges Embal est gérée par votre épouse V… Q…. Par ailleurs, il nous a été rapporté que vous refusiez de recevoir les fournisseurs de cartonnages qui ne passeraient pas par Vosges Embal pour revendre à Clairefontaine, rendant cet intermédiaire obligatoire. De ce fait, vous achetez ces cartonnages à Vosges Embal pour refacturer à Clairefontaine à des prix en moyenne supérieurs de 30 % aux prix du marché, avant négociation. Nous nous apercevons aujourd’hui que cette pratique déloyale dure depuis de nombreuses années. Le préjudice pour Clairefontaine se chiffre en plusieurs centaines de milliers d’euros sur la seule année 2011. Trompant notre confiance, vous avez délibérément favorisé une société familiale, dans laquelle vous aviez un intérêt direct ou indirect au détriment de votre employeur. Les achats de votre service chez Vosges Embal représentant d’ailleurs près de 80 % du chiffre d’affaires de cette société. Ces faits sont qualifiables de faute lourde car vous avez agi en toute connaissance de cause et depuis des années. Par ailleurs, votre qualité de Cadre supérieur vous oblige à montrer l’exemple et à être irréprochable. Toutefois, et malgré votre déloyauté évidente, nous considérons que votre ancienneté constitue une circonstance atténuante, et avons pris la décision de vous licencier pour faute grave » ; que M. PG… Q… a donc été licencié pour faute grave ; l’employeur, en visant la faute grave et en ayant mis à pied à titre conservatoire M. PG… Q… à compter du 25 avril 2012, s’est placé sur le terrain disciplinaire et doit justifier d’une faute imputable au salarié ; la faute grave est définie comme la faute qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis ; il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d’en apporter la preuve ; il convient, en conséquence, de déterminer si la société Papeteries de Clairefontaine reproche une faute justifiant le licenciement, et si cette faute est assez grave pour justifier la mise à pied à titre conservatoire dont M. PG… Q… a fait l’objet et pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis ; l’employeur reproche au salarié d’avoir abusé de son statut et trompé sa confiance « pour nuire aux intérêts » de l’entreprise, et invoque des pratiques déloyales, à savoir l’obstruction à la mise en place d’une nouvelle procédure de contrôle des prix et le favoritisme accordé à un fournisseur, la société Vosges Embal ; le salarié conteste la réalité de ces griefs et soulève leur imprécision ; que sur l’obstruction à la mise en place de la procédure de contrôle des prix : que l’employeur reproche au salarié d’avoir empêché la mise en place d’une nouvelle procédure de contrôle des prix, en ayant multiplié les « prétextes » pour ne pas créer le fichier informatique demandé depuis le 3 janvier 2012, lui reprochant ainsi de ne pas avoir respecté ses directives ; le salarié conteste ce grief et relève l’imprécision du motif rédigé dans la lettre qui ne précise ni les prétextes invoqués, ni les directives non respectées, ni la date des griefs ; sur la prescription : M. PG… Q… soutient que ces faits ne sont pas datés et qu’ils étaient prescrits ; aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ; en l’espèce, il apparaît que l’employeur reproche au salarié de ne pas avoir respecté ses directives au cours de la période s’étendant de janvier au 8 mars 2012, ainsi que le 12 mars 2012, alors qu’il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 25 avril 2012 ; les faits n’étaient donc pas prescrits ; sur la matérialité des faits : l’employeur reproche au salarié d’avoir « multiplié les prétextes pour ne pas créer le fichier informatique », d’avoir transmis un fichier, seulement le 8 mars 2012 qu’il qualifie d’ « inexploitable » et d’avoir présenté une commande d’achat sans respecter la procédure mise en place le 12 mars 2014 ; il ressort des pièces versées aux débats que par mail du 21 décembre 2011, M. T… D… informait M. PG… Q… qu’il souhaitait valider toutes les commandes d’achat de la finition ; contrairement à ce que soutient l’employeur dans ses écritures, la lecture de ce courriel ne révèle aucune demande particulière relative à la production d’un tableau ; la première directive apparaît dans un courriel du 2 janvier 2012, par lequel M. D… demande au salarié un tableau récapitulatif contenant les renseignements suivants : « Référence, Désignation, Dimensions, Caractéristiques impression, quantité commandée en moyenne par commande, Quantité commandée par an » ; cette demande n’était assortie d’aucun délai ; en revanche, par mail du 5 janvier 2012, M. D… précise à M. PG… Q… que ce fichier est « urgent » ; puis, par courriel du 20 février 2012, M. D… demande à M. PG… Q… un fichier « article des consommables de la finition » pour certains groupes de marchandises et précise la structure du fichier, sans assortir sa demande d’un délai ; par courriel du 2 mars 2017, M. D… a demandé à M. PG… Q… quand il pourrait avoir le fichier ; M. Q… a répondu que le fichier n’était pas terminé et le 3 mars 2012, le fichier incomplet a tout de même été transmis sur demande de M. D… ; le 8 mars 2012 à 17h01, M. D… a exprimé le souhait de mettre en place un fichier centralisateur et de connaître les personnes à qui il fallait autoriser l’accès à ce fichier ; à 17h08, M. PG… Q… répondait à ce courriel en indiquant le nom des deux salariées chargées de cette mission ; par courriel du 12 mars 2012, M. D… indiquait à M. PG… Q… « une commande d’achat m’a été transmise pour signature. Cependant, rien n’a été renseigné sur le fichier Excel commun. Merci de faire le nécessaire pour que puisse la valider » ; il ressort de l’ensemble de ces éléments que M. PG… Q… a transmis un fichier à M. T… D… le 8 mars 2012, alors que, dès le 5 janvier 2012, la demande avait été qualifiée d’urgente et que ce fichier s’est avéré, selon les exigences de l’employeur, inexploitable, qu’en outre, le 12 mars 2012, le salarié n’a pas respecté la nouvelle procédure pour une commande ; il convient donc de retenir le non-respect des directives de l’employeur, quant à la réalisation d’un tableur et au respect d’une nouvelle procédure de commande, comme réel ; que sur la pratique anticoncurrentielle au profit de la société Vosges Embal : l’employeur explique que la réticence du salarié à ne pas renseigner les fichiers relatifs à la gestion des commandes l’a conduit à se renseigner sur les prix facturés et à les comparer aux prix du marché ; il soutient avoir ainsi découvert que M. PG… Q… aurait favorisé la société Vosges Embal dans le choix des fournisseurs, qu’il aurait refusé de recevoir les fournisseurs qui ne passeraient pas par Vosges Embal, cet intermédiaire facturant les produits 30 % plus cher que le prix du marché ; il affirme que ces pratiques auraient été accomplies au détriment de la société Papeterie de Clairefontaine et dans l’intérêt direct ou indirect du salarié, dans la mesure où il avait été actionnaire de cette société, gérée par son frère ; le salarié soulève l’absence de précision de la lettre de licenciement et soutient que l’employeur se sert de la procédure pour tenter de justifier les griefs imprécis de la lettre de licenciement ; cet argument n’est pas pertinent, la lecture de la lettre de licenciement se révélant suffisamment claire et précise pour permettre au salarié de connaître les motifs du grief énoncé et à la cour de les vérifier ; le salarié objecte par ailleurs que ce grief ne serait pas établi ; il convient dès lors d’étudier la matérialité de ce grief, étant rappelé que le seul fait d’avoir été actionnaire d’un fournisseur de la société employeur ne constitue pas une faute, et qu’il appartient à l’employeur d’établir la réalité de faits de concurrence déloyale imputés au salarié ; que sur l’absence de mise en concurrence des fournisseurs : l’employeur soutient qu’en recherchant les raisons pour lesquelles les offres plus intéressantes d’autres fournisseurs n’avaient pas été retenues, il s’est aperçu que le salarié n’avait en réalité jamais mis en concurrence les fournisseurs ; à l’appui de ses allégations, il verse les déclarations de plusieurs autres fournisseurs : – M. H… C…, gérant de la société Halpack a déclaré dans une attestation non datée : « pendant l’année 2007, j’ai pris contact avec M. PG… Q… afin de venir présenter la société […] […]. Ma demande a essuyé une réponse négative en me confirmant : j’ai déjà des fournisseurs et je ne souhaite pas en changer » ; – Mme K… M…, responsable commerciale de la société ASF a contacté par mail du 24 mai 2012 Mme B… U… en ces termes : « par le passé j’ai fait 2 à 3 tentatives pour rentrer en tant que fournisseur de palettes chez Clairefontaine mais en vain. […] Dans toute la profession ça se savait que l’acheteur avait son fournisseur attitré et c‘était peine perdue » ; – M. Y… A…, directeur commercial au sein de groupe […], a déclaré dans une attestation du 27 septembre 2012 : « nous travaillons régulièrement avec différents établissements du groupe Clairefontaine à savoir CFR, Zack-Division enveloppes, Etival-Division cahiers Etival. Mais au cours des 20 dernières années nous n’avons jamais pu établir un courant d’affaires avec le service Ramettes dirigé par Monsieur Q… » ; – M. Y… X…, attaché commercial, dans une attestation non datée, déclare « pour faire suite à notre entretien de jeudi dernier, je vous confirme avoir tenté à plusieurs reprises ces dernières années, en tant que commercial de la sté Cobalco, de prendre RDV avec Mr Q… afin de lui proposer des produits d’emballage que nous livrions déjà dans d’autres services de la papeterie Clairefontaine, et que à chaque fois, j’ai eu une fin de non recevoir » ; M. PG… Q… conteste la valeur de ces attestations, soutenant que les produits fournis par ces fournisseurs ne concerneraient pas les caisses carton et n’auraient donc pas été en concurrence avec Vosges Embal ; il ne produit aucune pièce qui le justifie ; que la société Clairefontaine produit également l’attestation de M. GC… PY…, le nouveau responsable du service finition qui atteste, le 14 septembre 2012, avoir reçu, le 6 juillet 2012, M. CI…, salarié de la société Corex, et déclare qu’au cours de cet entretien, M. CI… lui a demandé « Est-ce que je peux acheter les cartons qui conditionnent les tubes où je veux » précisant que M. Q… « lui imposait d’acheter les cartons chez Vosges Embal pour qu’il puisse être fournisseur de tubes au service finition chez Clairefontaine » ; ces propos sont confirmés par Mme II… UD…, responsable des achats, dans une attestation du 13 septembre 2012 ; le salarié conteste ces deux attestations et produit les comptes-rendus des réunions du 15 novembre 2011 et du 8 mars 2012 à l’appui de ses dires ; toutefois, la lecture de ces comptes-rendus ne permet pas de remettre en cause les déclarations relatant la réunion s’étant tenue le 6 juillet 2012, ils font seulement état d’une négociation des prix proposés par la société corex, la société Papeteries de Clairefontaine menaçant de rompre les relations au profit d’un autre fournisseur ;

QUE la société Papeteries de Clairefontaine soutient également que M. PG… Q… aurait exigé que Vosges Embal soit l’intermédiaire de certains fournisseurs alors que ces derniers n’auraient pas eu besoin d’un intermédiaire ; au soutien de ses affirmations, elle verse l’attestation de deux salariés et de deux fournisseurs : – Mme VU… FJ…, directrice du département Enveloppes au sein de la société Papeteries Clairefontaine qui déclare, dans une attestation non datée, que son service « commande en direct » aux sociétés DS Smith Packaging Velin et France ; – Mme OW… NV… qui a déclaré, le 13 septembre 2012, avoir assisté aux réunions avec les fournisseurs de cartons, elle précise que « la discussion des prix comme des problèmes techniques intervenant directement entre J-J Q… et le fabricant, Mr P… Q… n’intervenant pas » ; – M. PJ… PN…, chef de secteur au sein de la société DS Packaging France, a écrit le 28 mai 2012 à M. T… D… en ces termes : « Dans une démarche de prospection, j’ai tenté en 2008, d’approcher à plusieurs reprises le Service Finition des Papeteries de Clairefontaine afin de présenter notre savoir-faire dans l’emballage en carton ondulé et faire des propositions commerciales. Le directeur du Service Finition des Papeteries Clairefontaine n’a pas souhaité me rencontrer. Dans une autre démarche de prospection, j’ai contacté naturellement la société Vosges Embal, en sa qualité de transformateur-revendeur de carton ondulé. Vosges Embal s’est avéré être un négociant incontournable pour les papeteries de Clairefontaine. Nous avons été consultés par Vosges Embal pour fournir des emballages destinés à Papeterie de Clairefontaine. Notre outil industriel performant et notre offre nous ont ainsi permis d’être référencés. Accompagné du gérant de Vosges Embal, j’ai alors rencontré le Directeur du Service Finition des Papeteries de Clairefontaine le 27 octobre 2008 […] DSS Kaysersberg a alors été retenu comme fournisseur par les Papeteries de Clairefontaine, avec toutefois comme instruction, pour ce qui est des fournitures d’emballages destinées au Service Finitions des Papeteries de Clairefontaine de passer par Vosges Embal » ; M. PJ… PN… cite, à cet effet, un mail du 30 octobre 2008 qui n’est pas versé aux débats ; – M. HR… UX…, chef d’entreprise, déclare dans une attestation non datée « avoir été un fournisseur des Papeteries de Clairefontaine de 1982 à 1988 avec la sté TBCM […]. En septembre 1988, Mr PG… Q… me demande de passer la facturation de mes fournitures par Vosges Embal à Rambervillers sous prétexte qu’il était actionnaire avec son frère P… de cette société et que Clairefontaine lui avait donné son accord. J’ai refusé sur le champ. Résultat Mr Q… ne m‘a plus passé aucunes commandes » ;

QUE la société Papeteries de Clairefontaine qualifie ces faits de manquements graves à l’obligation de loyauté du salarié, soutenant que M. PG… Q… avait un intérêt à favoriser la société Vosges Embal ; M. PG… Q… rappelle que la société Vosges Embal se positionnait comme négoce et devenait l’intermédiaire du service finition et qu’il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le service Finition n’ait pas traité directement avec la société DS Smith Packaging ; il se défend en rappelant qu’il n’était titulaire d’aucune délégation de pouvoirs de sorte que les commandes et les factures étaient visées et régularisées par la direction générale et que la société était dotée d’un contrôle de gestion et d’un commissariat aux comptes ; il entend également rappeler que toutes les réunions avec les fournisseurs ont donné lieu à des comptes rendus, dont il verse des copies aux débats, insistant sur la transparence avec laquelle il menait les négociations, et verse les attestations d’anciens fournisseurs pour en témoigner : – M. CR… VO… a attesté, le 25 juillet 2012, avoir été en contact avec M. PG… Q… entre 1981 et 1991, pour la société […] , devenue la société Signode, – M. GC… SP…, a attesté, le 10 septembre 2012, avoir été en contact avec M. PG… Q… de juin 1985 à février 2001, sans préciser pour quelle société il travaillait, – M. JF… EP…, directeur d’usine dans une imprimerie ayant appartenu au cours des années à différents groupes internationaux, a attesté, le 23 mai 2012, avoir été en contact avec M. PG… Q… de 1990 à 2006, – M. WH… ND… a attesté, le 7 mai 2012 avoir été en contact avec M. PG… Q… entre juin 2003 et octobre 2008, pour le groupe ITW-Signode pour le marché des Arts graphiques et Papeterie ; la société Papeteries de Clairefontaine remet en cause l’attestation de M. JF… EP…, soutenant qu’il n’a pas été directeur d’usine jusqu’en 2006 et verse l’attestation de Mme TQ… YW…, qui certifie le 20 février 2013 que M. JF… EP… était salarié de son entreprise et n’a jamais eu le rôle de commercial, n’ayant qu’un rôle technique, sans pouvoir de négociation ; dans une seconde attestation, du même jour elle confirme avoir mené les négociations avec M. Q… et décrit des « relations commerciales qui n’ont jamais été saines », « des rapports qui ont toujours été très durs » ; la société Papeteries de Clairefontaine conteste les attestations concernant le groupe Signode, rappelant que les produits fournis par cette société ne sont pas comparables à ceux fournis par la société Vosges Embal et produit l’attestation de M. VL… GV…, qui a déclaré le 11 février 2013, que seulement deux commandes avaient été passées à la société Signode en 1997 et 2005, soutenant que ce fournisseur n’a donc été qu’occasionnel ; la cour constate toutefois que cette attestation ne cite pas expressément des commandes émises par la société Clairefontaine, de sorte, qu’elle ne saurait apporter une précision aux débats ; s’agissant des commandes auprès de la société Detasacs, l’employeur rappelle que cette société fournit des macules, un produit que ne fourni pas Vosges Embal ; la cour constate toutefois qu’aucune des attestations ne mentionne la société Detasacs ; il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur verse des attestations concordantes et circonstanciées de certains fournisseurs qui affirment n’avoir pu entrer en négociations avec M. PG… Q…, sans que les éléments et attestations produites en réplique ne suffisent à les contredire ; dans ces conditions, il apparaît que M. PG… Q… a privilégié les relations commerciales avec la société Vosges Embal au détriment d’autres fournisseurs ; que sur les intérêts privés du salarié : l’employeur soutient que les pratiques du salarié ont été guidées par des intérêts directs ou indirects au regard des liens qu’il entretient avec le gérant de la société Vosges Embal qui est son frère et de sa place d’ancien associé de cette société ; le salarié rappelle que le fait qu’il ait pu être un ancien actionnaire de la société Vosges Embal est un élément non contemporain de la date de la rupture, et que le fait que la société soit gérée par un membre de sa famille relève de sa vie privée ; produisant les extraits Kbis du registre du commerce et des sociétés, l’employeur rappelle que la société Vosges Embal a été créée en 1988 par M. P… Q…, le frère du salarié, ce dernier ayant par ailleurs été un des actionnaires principaux pendant une quinzaine d’années et que l’immobilier de cette société appartient à la SCI Vosges Embal qui est dirigée par la femme de M. PG… Q… ; il produit également les documents retrouvés dans le bureau de M. PG… Q… qui attestent, selon elle, qu’il était le gérant de fait de la société Vosges Embal ; sont ainsi versés aux débats des tableaux de bords assortis de commentaires, des comptes rendus de différentes réunions sur la gestion de la société Vosges Embal, des données comptables et financières, telle que les comptes annuels pour l’exercice 2002 ou une simulation de taxe professionnelle, des contrats commerciaux, des procès-verbaux des délibérations d’assemblée générale, des tableaux comparatifs de chiffre d’affaires et plusieurs documents présentant les résultats de l’entreprise sous forme de diagrammes ; la société Papeteries de Clairefontaine verse aux débats les attestations de salariés, Mme SM… HC…, Mme B… U… qui déclarent avoir trouvé des cartes de visite de la société Vosges Embal au nom de M. PG… Q… ; elle soutient que l’implication de M. PG… Q… dans le développement de la société Vosges Embal s’est traduit par l’augmentation continuelle de la part du chiffre d’affaires de la société Vosges Embal dans son activité chez Clairefontaine et verse un tableau comparant cette évolution qui fait état d’un chiffres d’affaires de 84 % obtenus auprès de la société Clairefontaine ; elle affirme que cette croissance provient de la décision délibérée de M. PG… Q… de profiter de son statut chez Clairefontaine pour développer l’activité de l’entreprise familiale et verse aux débats l’attestation de M. NC… YC…, retraité de la société Papeterie de Clairefontaine, qui a déclaré, le 30 janvier 2013 : « à partir de 1988, création de Vosges Embal, cette société est devenue notre fournisseur, et jusqu’à mon départ à la retraite, le service finition de Clairefontaine commandait de plus en plus chez Vosges Embal. J’avais été choqué que J-J Q… préférait souvent s’approvisionner chez Vosges Embal (qui ne gérait que les petites séries) en passant 2 petites commandes à délai très rapprochés plutôt que de commander chez un autre fournisseur une plus grande série, a prix forcément plus avantageux » ; elle cite à nouveau le mail de M. PJ… PN…, chef de secteur chez DS Smith Packaging qui précise que « les réunions techniques et/ou commerciales ont principalement lieu au sein des Papeteries Clairefontaine, en présence et sous l’autorité du Directeur du Service Finition. Le gérant de Vosges Embal était généralement présent ou en copie des échanges de mail » ; l’employeur précise que, dans le même temps, le salarié créait une ambiance particulièrement difficile au sein de son service, en méprisant la plupart de ses collaborateurs et verse pour en justifier une vingtaine d’attestations de salariés ; toutefois, dans la mesure où l’employeur n’a pas reproché son comportement vis-à-vis des salariés dans la lettre de licenciement, la cour n’a pas à apprécier ce grief ; seule l’attestation de M. NC… YC… est utile aux débats ; cet ancien salarié a déclaré, le 17 janvier 2013, qu’avant l’arrivée de M. PG… Q… en 1982, il s’occupait des achats, et que progressivement il a été « mis sur la touche », M. PG… Q… étant le seul à négocier les prix ; il précise : « toutes les offres lui parvenaient directement, et je n’en avais plus connaissance » ;

en défense, M. PG… Q… produit l’attestation de l’expert-comptable chargé de la comptabilité de la société Vosges Embal qui atteste que celui-ci ne participait pas à la gestion de la société et que la rentabilité de la société est médiocre, souvent déficitaire, de sorte qu’elle n’a jamais pu verser de dividende à ses associés ; le salarié verse également les comptes de résultat de la société Vosges Embal pour justifier de la situation déficitaire de la société en 2011, année au cours de laquelle l’employeur lui reproche d’avoir favorisé la société Vosges Embal pour son intérêt ; enfin, il produit les attestations de deux salariés de la société Vosges Embal, Mme HK… HS… et M. ES… PO… qui attestent que M. PG… Q… n’intervenait pas dans la direction ni dans la gestion de la société ; bien que l’ensemble de ces éléments ne permettent pas d’établir un intérêt financier de la part de M. PG… Q… dans le choix de favoriser les relations commerciales avec la société Vosges Embal, il apparaît que ce dernier entretenait des liens très proches avec cette société dans la mesure où il détenait de nombreux documents comptables et financiers qui auraient dû être confidentiels ; le salarié ne s’explique pas sur la possession de ces documents ; la cour retiendra donc l’existence de relations privilégiées entre le service Finition dirigé par M. PG… Q… et la société Vosges Embal, se caractérisant par l’importance du chiffre d’affaires de cette société réalisée grâce à la société Papeteries de Clairefontaine ; cette préférence apparaît en lien avec les rapports privés qu’entretenaient M. PG… Q… avec la société Vosges Embal, en témoigne les très nombreux documents comptables en sa possession alors que rien n’explique que le directeur du service Finition de la société Papeteries de Clairefontaine possède ces documents ; et bien que chacun ait droit au respect de sa vie privée, un licenciement disciplinaire peut être fondé sur des agissements tirés de la vie personnelle du salarié lorsque le comportement du salarié constitue un manquement à son obligation de loyauté ; compte tenu des responsabilités et de l’autonomie qu’impliquaient ses fonctions de directeur du service Finition, le salarié a manqué à son obligation de loyauté en privilégiant un fournisseur sans donner corps à un appel d’offres concurrentiel ; le second grief est donc établi ; au regard de tout ce qui précède, si dans le cadre de ses fonctions, M. PG… Q… pouvait travailler avec divers partenaires extérieurs, il n’en demeure pas moins qu’il a adopté à l’égard de la société Vosges Embal une attitude spécialement bienveillante, laquelle ressort des documents concernant cette entreprise retrouvés dans son bureau et de l’évolution du chiffre d’affaires réalisé avec cette entreprise en constante augmentation ; même s’il n’est pas prouvé que M. PG… Q… ait joué de rôle actif dans la gestion de la société Vosges Embal, et qu’il n’a perçu ni rémunération ni dividende, il est établi qu’il a de manière effective, par des actes concrets, alors qu’il en était, pendant un certain temps, actionnaire, entretenu avec celle-ci, durant l’exécution de son contrat de travail, des liens d’affaires privilégiés dans un intérêt personnel ; un tel comportement dans ses diverses manifestations, alors même que M. PG… Q… était investi d’importantes responsabilités au sein de la société Papeteries de Clairefontaine, et peu important que celle-ci ait ou non subi de préjudice financier chiffré, traduit une grave méconnaissance de l’obligation de loyauté qui s’impose à tout salarié, en particulier de ce niveau hiérarchique, dont l’employeur est en droit d’attendre la plus grande neutralité dans ses relations de travail avec des tiers ; il constitue en conséquence une violation des obligations contractuelles d’une importance telle qu’elle justifiait le licenciement et qu’elle empêchait le maintien des relations contractuelles pendant la période limitée du préavis et autorisait l’employeur à mettre à pied le salarié au cours de la procédure de licenciement.

AUX MOTIFS éventuellement partiellement adoptés QUE la lettre de licenciement pour faute grave adressée à Monsieur Q… par son employeur le 15 mai 2013 fixe les termes du litige ; que cette lettre lui fait grief d’avoir abusé de son statut pour nuire aux intérêts de la Société et tromper sa confiance en obstruant la mise en place de la procédure de contrôle des prix et en favorisant les relations commerciales avec la Société Vosges Embal, Société familiale, au préjudice de la requise ; qu’en droit, l’article L. 1222-1 du Code du Travail stipule que : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi » et qu’aux termes de l’article 1 134 du Code civil : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que la faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’en l’espèce les documents versés aux débats (dont plus de 70 attestations) font apparaître que les manquements reprochés à Monsieur Q… sont établis, et notamment la démarche de Monsieur Q… consistant à privilégier une activité de sous-traitance, qui était dirigée par des proches, au détriment des intérêts de son entreprise ; que cette activité familiale se rattachant à la vie professionnelle du salarié caractérise un manquement à son obligation de loyauté ; que ce comportement rendait impossible son maintien dans l’entreprise pendant son préavis et constituait une faute grave.

1° ALORS QU’il incombe au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la véritable cause du licenciement n’était pas économique, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, (dans leur rédaction applicable au litige).

2° ALORS QUE le délai de prescription des faits fautifs est de deux mois ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les faits tirés des relations avec la société Vosges Embal étaient prescrits, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L1332-4, L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, (dans leur rédaction applicable au litige).

3° ALORS QUE lorsque le licenciement est fondé sur plusieurs motifs, les juges doivent rechercher s’ils justifient le licenciement ; qu’en s’abstenant de préciser en quoi le grief tiré du non-respect de directives était de nature à justifier un licenciement pour faute grave, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1232-1, L1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, (dans leur rédaction applicable au litige).

4° ALORS QUE le licenciement pour faute grave suppose la preuve d’une faute et d’une mauvaise volonté délibérée du salarié ; qu’en disant le licenciement fondé sur une faute grave, quand le non-respect de directives constitue tout au plus des négligences mais ne caractérise ni une faute, ni a fortiori une faute grave, en l’absence de démonstration d’une mauvaise volonté délibérée du salarié, la cour d’appel a violé les articles L 1232-1, L1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, (dans leur rédaction applicable au litige).

5° ALORS QUE l’employeur ne peut licencier un salarié en lui reprochant subitement un comportement qu’il a toléré pendant longtemps ; qu’en l’espèce le salarié a soutenu qu’il travaillait en toute transparence et que l’employeur, qui était informé des relations avec la société Vosges Embal, n’avait jamais fait la moindre observation ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les faits reprochés n’étaient pas connus de l’employeur qui les avait tolérés, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1232-1, L1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, (dans leur rédaction applicable au litige).

6° ALORS, encore, QU’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que la cour d’appel a retenu, d’une part, que les éléments produits ne permettaient pas d’établir un intérêt financier pour le salarié dans le choix d’entretenir des liens avec la société Vosges Embal et qu’il n’était pas prouvé qu’il ait perçu rémunération ou dividende de celleci et, d’autre part, que le salarié avait privilégié une entreprise dirigée par des proches dont il possédait des documents qui auraient dû être confidentiels et dont il avait été pendant un certain temps actionnaire ; qu’en se déterminant par des motifs tirés de la vie personnelle du salarié, sans caractériser en quoi le salarié aurait manqué à son obligation de loyauté, la cour d’appel a violé les articles L 1232-1, L1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).

7° ALORS QUE dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur, pour caractériser la faute grave, faisait état du préjudice financier ; que la cour d’appel a retenu qu’il importait peu que l’employeur ait ou non subi de préjudice financier chiffré ; qu’en statuant comme elle l’a fait, quand la preuve de la faute grave reprochée au salarié n’était pas établie, la cour d’appel a violé les articles L 1232-1, L1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, (dans leur rédaction applicable au litige).

8° ALORS QUE les juges ne peuvent statuer par affirmation mais doivent viser et analyser les pièces sur lesquelles ils se fondent ; qu’en affirmant que le salarié avait agi détriment des intérêts de son entreprise, sans analyser les pièces sur lesquelles elle se fondait, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que les sommes dues au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt.

SANS MOTIFS

ALORS QUE les intérêts des sommes dues à titre d’heures supplémentaires et des congés payés afférents courent de plein droit à compter de la sommation de payer ; que la demande en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents a été formulée dès l’engagement de la procédure devant le conseil de prud’hommes le 3 septembre 2012 ; qu’en fixant le point de départ des intérêts au jour de l’arrêt, quand ils étaient dus de plein droit du jour de la sommation de payer, la cour d’appel a violé l’article 1153 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016).

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre sociale, 8 janvier 2020, 18-12.677 18-14.132, Inédit