Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 mars 2020, 19-12.015, Inédit

  • Précaire·
  • Réserves foncières·
  • Baux commerciaux·
  • Ville·
  • Sociétés·
  • Commune·
  • Volonté·
  • Statut·
  • Code de commerce·
  • Durée

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

SW Avocats · 30 novembre 2020

Une commune a acquis un local commercial au sein d'une Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) et au titre de la constitution de sa réserve foncière. Elle a par la suite conclu une convention d'occupation précaire avec une personne physique pour une première durée de vingt-trois mois. Le locataire ayant constitué une société, deux conventions d'occupation précaire de vingt-trois mois ont alors été conclues successivement entre la commune et ladite société. La locataire a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire puis d'un plan de redressement avec désignation d'un commissaire à …

 

Charles-édouard Brault · Gazette du Palais · 30 juin 2020
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 26 mars 2020, n° 19-12.015
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-12.015
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Caen, 28 novembre 2018
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041795485
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C300262
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mars 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 262 F-D

Pourvoi n° C 19-12.015

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2020

1°/ la société […] , société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] ,

2°/ la société H… T…, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement judiciaire de la société […] ,

ont formé le pourvoi n° C 19-12.015 contre l’arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d’appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la commune de Deauville, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l’Hôtel de ville, […], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société […] et de la société H… T…, ès qualités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la commune de Deauville, après débats en l’audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 29 novembre 2018), en 1987, la commune de Deauville (la commune) a acquis, au sein d’une zone d’aménagement concertée et au titre de la constitution d’une réserve foncière, un local commercial qu’elle a mis à disposition de M. U… pour une durée de vingt-trois mois à compter du 1er juillet 2005 au 31 mai 2007.

2. Le 30 novembre 2007, la commune et la société […] , constituée par M. U…, ont conclu une convention d’occupation précaire pour une durée de vingt-trois mois s’étendant du 1er décembre 2007 au 31 octobre 2009.

3. Le 20 octobre 2010, les parties ont signé une nouvelle convention d’occupation précaire pour une durée courant du 1er novembre 2009 au 30 septembre 2011.

4. La société […] a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 8 décembre 2010, puis d’un plan de redressement le 25 juillet 2012, la société B. T… ayant été désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

5. Une ordonnance de référé du 25 juillet 2013, confirmée en appel, a ordonné l’expulsion de la société […] , qui a quitté les lieux le 7 octobre 2013.

6. Le 26 mars 2014, la société […] et le commissaire à l’exécution du plan ont assigné la commune en reconnaissance de l’existence d’un bail commercial.
Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société […] et la société T…, en qualité de commissaire à l’exécution du plan, font grief à l’arrêt de rejeter leur demande, alors :

« 1°/ que la convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que la convention établie le 30 novembre 2007, par laquelle la commune de Deauville avait mis à la disposition de la société […] le local commercial litigieux, était conclue pour une durée de vingt-trois mois à compter du 1er décembre 2007, soit en deçà de la limite imposée avant le 1er septembre 2014 par l’article L. 145-5 du code de commerce relatif à la conclusion du bail dérogatoire, lequel ne peut être renouvelé sauf à voir l’occupant acquérir la propriété commerciale, que cette convention ne comportait aucun motif de précarité, et qu’elle était affectée d’un terme certain qui n’apparaissait de fait pas lié à un événement correspondant au motif de précarité invoqué par la commune ; qu’en retenant que cette convention était une convention d’occupation précaire exclusive du statut des baux commerciaux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l’article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 18 juin 2014, et l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

2°/ que la convention d’occupation précaire se caractérise par l’existence, au moment de la signature de la convention, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une telle convention ; qu’en l’espèce, pour qualifier la convention signée le 30 novembre 2007 par la commune de Deauville et la société […] de convention d’occupation précaire exclusive du statut des baux commerciaux, la cour d’appel a retenu qu’elle portait sur un local se trouvant dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté de la presqu’île de la Touques créée par une délibération du conseil municipal le 20 juin 2002 et ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique le 18 janvier 2009, que les dispositions de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme n’autorisait la personne publique qui s’était rendue acquéreur d’une réserve foncière à accorder que des concessions temporaires sur l’immeuble acquis pour la constitution des réserves foncières et en vue de son utilisation définitive, ce qui était le cas en l’espèce, et que dès lors que l’occupation avait été consentie en raison de l’aménagement de la presqu’île de la Touque, cette circonstance constituait un événement extérieur à la volonté des parties puisque impliquant des travaux d’aménagement dont la ville était certes l’instigatrice mais qui étaient tributaires de l’intervention d’entreprises tierces ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser, au moment de la signature de la convention, des circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d’occupation précaire, la cour d’appel a violé l’article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 18 juin 2014 et l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

8. Ayant retenu que les dispositions de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme autorisent la collectivité territoriale qui s’est rendue acquéreur d’un immeuble en vue de la constitution d’une réserve foncière et de son utilisation définitive à ne consentir que des concessions temporaires sur cet immeuble et relevé que les conventions des 30 novembre 2007 et 22 décembre 2010 portaient sur un local situé dans le périmètre d’une zone d’aménagement concerté créée par délibération du conseil municipal du 20 juin 2002 et ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique du 18 janvier 2009, de sorte que la durée d’occupation ne pouvait résulter de la seule volonté des parties mais de circonstances particulières liées, pour des motifs d’intérêt général, à la nécessité de constitution d’une réserve foncière, la cour d’appel en a exactement déduit que les conventions constituaient des conventions d’occupation précaire, exclusives du statut des baux commerciaux.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société […] et la société T…, ès qualités, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société […] et de la société T…, ès qualités, et les condamne à payer à la commune de Deauville la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société […] et la société H… T…, ès qualités.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté la société […] et la société T… ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société […] , de leur demande tendant à ce qu’il soit dit que la société […] bénéficiait d’un bail commercial sur le local appartenant à la commune de Deauville ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties ; que la qualification de convention d’occupation précaire donnée par les parties dans les conventions établies les 30 novembre 2007 et 22 décembre 2010 n’est pas de nature à lier le juge, qui doit restituer à la convention sa qualification juridique sans s’arrêter à la dénomination que les parties lui ont donnée ; qu’il convient de donc rechercher la commune intention des parties ; qu’aux termes de la convention établie le 30 novembre 2007, la ville de Deauville a « donné à M U…, gérant de l’Eurl […] qui accepte – le droit d’occuper temporairement le local commercial sis à […] » ce, pour une durée de 23 mois à compter du 1er décembre 2007 ; que l’absence de mention de la première convention des motifs de précarité est insuffisante à écarter la qualification de convention d’occupation précaire, ce d’autant moins que la seconde convention signée le 22 décembre 2010 comporte notamment les mentions suivantes : « Cet immeuble se situe dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté de la presqu’île de la Touques créée par délibération du 20 juin 2002 en vue de réaliser un quartier à vocation mixte d’habitat et d’activités » ; « M. U… ayant la qualité d’occupant à titre précaire ne pourra en aucun cas revendiquer le statut des baux commerciaux tel qu’il résulte du statut des articles L. 145-1 du code de commerce et des articles 23-1 et suivants du décret du 30 septembre 1953 ou des textes subséquents » ; que si la renonciation expresse de M. U… à revendiquer le statut des baux commerciaux n’est pas de nature à faire obstacle à l’action en requalification, elle donne cependant un indice de la commune intention des parties ; que la conclusion de deux conventions successives d’occupation précaire entre les mêmes parties ne saurait entraîner la requalification de cette convention en bail commercial dès lors que la situation de précarité perdure ; qu’en effet, la précarité est caractérisée par le caractère provisoire du droit de l’occupant, peu important la durée de l’occupation ; qu’il en va de même de la circonstance que l’Eurl […] s’est maintenue dans les lieux postérieurement à l’échéance de la dernière convention d’occupation précaire alors que la ville de Deauville l’a mise en demeure à plusieurs reprises de régulariser une nouvelle convention explicitant de façon précise et non équivoque la précarité de la mise à disposition ; qu’enfin, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la précarité n’est nullement exclusive de la stipulation d’un terme ; que la précarité résulte également en l’espèce de la modicité de la contrepartie contractuellement prévue à hauteur de 450 euros ; que ces éléments démontrent que la précarité du droit de la société […] à occuper les lieux procède bien de l’intention des parties ; que si la précarité doit procéder de l’intention des parties, cette intention ne suffit pas et la preuve de l’existence, au moment de la signature de la convention, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d’occupation précaire doit être rapportée ; que l’existence de circonstances extérieures, légitimes et objectives justifiant le recours à la précarité est caractérisée en l’espèce ; qu’en effet, les conventions établies les 30 novembre 2007 et 22 décembre 2010 portent sur un local dont il est justifié par le plan parcellaire versé aux débats qu’il se trouve dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté de la presqu’île de la Touques créée par délibération du conseil municipal le 20 juin 2002 et ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique le 18 janvier 2009 ; qu’en outre, les dispositions de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme n’autorise la personne publique qui s’est rendue acquéreur d’une réserve foncière à n’accorder que des concessions temporaires sur l’immeuble acquis pour la constitution de réserves foncières et en vue de son utilisation définitive, ce qui est le cas en l’espèce ; que dès lors que l’occupation a été consentie en raison de l’aménagement de la presqu’île de la Touques, cette circonstance constitue bien un élément incertain quant à son terme et extérieur à la volonté des parties puisqu’impliquant des travaux d’aménagement dont la ville est certes l’instigatrice mais qui sont tributaires de l’intervention d’entreprises tierces et constituent dès lors des éléments extrinsèques à la volonté des parties ; qu’il est ainsi justifié de l’existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties tenant aux opérations d’urbanisme et constituant un motif légitime de précarité ; qu’il s’en déduit que les conventions de mise à disposition sont des conventions d’occupation précaire exclusives du statut des baux commerciaux ; qu’il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement qui ont débouté la société […] de sa demande de requalification de la convention en bail commercial ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’en vertu de l’article L. 145-2 du code de commerce, le statut des baux commerciaux s’applique aux baux des locaux ou immeubles appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics dans le cas où ces locaux ou immeubles satisfont aux dispositions de l’article L. 145-1 du code de commerce, soit l’hypothèse où un fonds de commerce y est exploité ; que si les conventions en cause portent la dénomination de convention d’occupation précaire et, s’agissant de la seconde, fait expressément exclusion de l’application du statut des baux commerciaux, ces seuls éléments ne peuvent permettre d’écarter une éventuelle requalification, la précarité ne pouvant être admise qu’en présence d’éléments non seulement intrinsèques, tenant notamment à la durée ou au prix, mais également et surtout extrinsèques à l’acte dès lors que la précarité doit reposer sur un motif d’intérêt légitime de nature à justifier l’exclusion de l’application du statut des baux commerciaux ; qu’il ressort des éléments produits que seules deux conventions ont été signées entre la ville de Deauville et la société […] ; que sur ce point, il doit être précisé que la période de maintien dans les lieux précédant la seconde convention a été rétroactivement couverte ; qu’il n’est en revanche pas établi, au regard notamment de la contestation portée en défense sur ce point et les éléments retenus dans le cadre de la procédure d’expulsion initiée par la ville de Deauville (arrêt de la cour d’appel de Caen du 26 juin 2014), que la troisième convention proposée à la signature l’ait effectivement été avant le début de cette procédure ; que ces conventions ont été signées moyennant le versement mensuel de 425 euros puis de 450 euros pour la seconde convention, ce qui révèle en soi la modicité de ce qui est qualifié d’indemnité et ne correspond d’ailleurs pas à un loyer qui serait affecté d’une clause d’échelle mobile ; que par ailleurs, il existe effectivement un terme apporté à ces deux convention, fixé à l’issue d’une période d’occupation de 23 mois, soit en deçà de la limite imposée avant le 1er septembre 2014 par l’article L. 145-5 du code de commerce relatif à la conclusion d’un bail dérogatoire, lequel ne peut en sus et par principe être renouvelé sauf à voir l’occupant acquérir la propriété commerciale ; que cependant ce terme certain, et qui n’apparaît de fait pas lié en l’espèce à un événement correspondant au motif de précarité invoqué en défense, n’est pas exclusif de la reconnaissance d’une convention d’occupation précaire dès lors qu’il peut tendre à permettre une exploitation sans contrevenir, de par sa durée limitée, au projet invoqué par la ville de Deauville ; que l’existence de la convention d’occupation précaire doit en tout état de cause être recherchée au-delà des seuls éléments apposés dans l’acte par les parties comme devant nécessairement reposer sur une cause objective de précarité soit une cause tenant non à l’intérêt personnel du propriétaire mais à la situation des lieux dans la mesure où celle-ci aurait rendu inapplicable la législation protectrice des locataires ; que la ville de Deauville justifie de l’existence d’une zone d’aménagement concerté dite de la presqu’île de la Touques, initiée par délibération du conseil municipal du 12 mars 1999 et approuvée par délibération en date du 20 juin 2002, cette création faisant suite à plusieurs décisions ayant conduit à l’usage du droit de préemption pour la constitution d’une réserve foncière préalable ; que sur ce point, il est à noter que la ville de Deauville justifie de l’acquisition en 1987 des lots n° 9 et […] (pièce 35) qu’elle indique correspondre au local commercial en cause, sans être contredite sur ce point par un élément quelconque, et de l’inclusion de ce local dans la zone d’aménagement concerté (plans versés), les pièces versées étant effectivement celles relatives à la zone d’aménagement concerté en cause et ces éléments apparaissant suffisamment probants sans qu’il n’y ait lieu d’exiger des éléments complémentaires (contrôle de légalité ou nécessité actuelle de récupérer un local en vue de l’aménagement notamment) ; qu’or, en vertu de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme, applicable au cas de constitution d’une réserve foncière, la personne publique ne peut consentir sur les immeubles inclus dans la réserve que des concessions temporaires qui ne confèrent au preneur aucun droit au renouvellement ; que la ville de Deauville ne pouvait dès lors donner à bail autrement que dans le cadre d’une convention précaire, ce en considération de l’intérêt général ainsi préservé par les dispositions susvisées, étant au surplus précisé que les développements relatifs au local voisin Pantashop n’ont aucune incidence quant à la détermination au cas d’espèce de ce qui pouvait être légalement consenti par la ville de Deauville ; que ce motif de précarité n’apparaît certes pas dans la première convention signée avec la société […] , la seconde ne faisant d’ailleurs que référence à l’inclusion du local dans la zone d’aménagement concerté, ce qui ouvre sans nul doute la voie à des difficultés de qualification ; que l’absence de mention à ce titre ne peut toutefois ipso facto exclure que la commune intention des parties, liée, pour la collectivité publique, à cette volonté d’aménagement et à ce classement qui limitait sa capacité contractuelle et, pour la société […] , à ce qu’elle ne pouvait ignorer cette situation au regard tant des conditions consenties et de son acceptation de la seconde convention qui faisait référence à cette zone, a en réalité été celle de conclure des conventions d’occupation précaire dont l’existence est justifiée par le motif d’intérêt général ainsi exposé ; qu’il doit en outre être noté que la ville de Deauville n’avait aucunement à justifier d’une reprise en vue de son utilisation définitive dès lors que la convention était simplement parvenue à son terme ; qu’en conséquence, les demandeurs seront déboutés de leur demande tendant à ce qu’il soit dit que la société […] bénéficie d’un bail commercial ainsi que l’intégralité de leurs demandes subséquentes ;

1°) ALORS QUE la convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que la convention établie le 30 novembre 2007, par laquelle la commune de Deauville avait mis à la disposition de la société […] le local commercial litigieux, était conclue pour une durée de vingt-trois mois à compter du 1er décembre 2007, soit en deçà de la limite imposée avant le 1er septembre 2014 par l’article L. 145-5 du code de commerce relatif à la conclusion du bail dérogatoire, lequel ne peut être renouvelé sauf à voir l’occupant acquérir la propriété commerciale, que cette convention ne comportait aucun motif de précarité, et qu’elle était affectée d’un terme certain qui n’apparaissait de fait pas lié à un événement correspondant au motif de précarité invoqué par la commune ; qu’en retenant que cette convention était une convention d’occupation précaire exclusive du statut des baux commerciaux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l’article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE la convention d’occupation précaire se caractérise par l’existence, au moment de la signature de la convention, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une telle convention ; qu’en l’espèce, pour qualifier la convention signée le 30 novembre 2007 par la commune de Deauville et la société […] de convention d’occupation précaire exclusive du statut des baux commerciaux, la cour d’appel a retenu qu’elle portait sur un local se trouvant dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté de la presqu’île de la Touques créée par une délibération du conseil municipal le 20 juin 2002 et ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique le 18 janvier 2009, que les dispositions de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme n’autorisait la personne publique qui s’était rendue acquéreur d’une réserve foncière à accorder que des concessions temporaires sur l’immeuble acquis pour la constitution des réserves foncières et en vue de son utilisation définitive, ce qui était le cas en l’espèce, et que dès lors que l’occupation avait été consentie en raison de l’aménagement de la presqu’île de la Touque, cette circonstance constituait un événement extérieur à la volonté des parties puisque impliquant des travaux d’aménagement dont la ville était certes l’instigatrice mais qui étaient tributaires de l’intervention d’entreprises tierces ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser, au moment de la signature de la convention, des circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d’occupation précaire, la cour d’appel a violé l’article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre civile 3, 26 mars 2020, 19-12.015, Inédit