Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 mars 2020, 17-20.505, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Rejet

M. GUÉRIN, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 209 F-D

Pourvoi n° Q 17-20.505

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 MARS 2020

La société Duty Free Associates, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° Q 17-20.505 contre l’arrêt rendu le 24 avril 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l’opposant :

1°/ au directeur régional des douanes et droits indirects de Paris Est,

2°/ au receveur régional des douanes de Paris Est,

domiciliés tous deux […],

3°/ à l’administration des douanes et droits indirects, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Duty Free Associates, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des douanes et droits indirects, représenté par le directeur régional des douanes et droits indirects de Paris Est et le receveur régional des douanes de Paris Est, après débats en l’audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 avril 2017), la société Duty Free Associates (la société DFA) a été victime, dans la nuit du 19 au 20 mars 2011, d’un vol avec armes au cours duquel des marchandises détenues sous les régimes de l’entrepôt douanier et de suspension de droits d’accises ont été dérobées.

2. Le 23 mars 2011, la société DFA a demandé à l’administration des douanes à être déchargée du paiement des droits dus en cas de vente de ces marchandises. Cette demande a été rejetée et l’administration des douanes, après avoir émis un avis de mise en recouvrement (AMR) qui a été annulé, a émis deux AMR, l’un, le 11 juin 2013, portant sur des marchandises acquises auprès de fournisseurs établis dans des pays tiers à l’Union européenne et le second, le 10 juillet 2013, correspondant aux marchandises acquises auprès de fournisseurs de l’Union européenne.

3. La société DFA a assigné l’administration des douanes aux fins de l’annulation des AMR de ces droits.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société DFA fait grief à l’arrêt de refuser d’annuler les AMR des 11 juin et 10 juillet 2013 alors :

« 1°/ qu’en vertu du principe des droits de la défense et des articles L. 80 M du livre des procédures fiscales et 67 A du code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’administration ne peut rejeter une demande de décharge de droits d’accise sans avoir au préalable informé le redevable de la décision envisagée et de ses motifs ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, au motif que la décision de rejet exprimée par l’administration dans sa lettre du 6 novembre 2012 n’était qu’une réponse à la demande de décharge, sans porter atteinte aux droits de la société redevable puisque celle-ci conservait la possibilité de se défendre au stade de la procédure contradictoire lors de la mise en recouvrement, la cour d’appel a violé le principe et les textes susvisés ;

2°/ qu’en vertu du principe des droits de la défense et de l’article L. 80 M du livre des procédures fiscales, l’administration ne peut rejeter une demande de décharge de droits d’accise sans avoir au préalable informé le redevable de la décision envisagée et de ses motifs ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, aux motifs que l’adoption de la décision de rejet exprimée par l’administration dans sa lettre du 6 novembre 2012 avait été précédée d’un échange avec le redevable, sans rechercher si elle avait au préalable informé le redevable du sens de la décision envisagée et de ses motifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe et du texte susvisé ;

3°/ qu’en vertu de l’article 67 A du code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’administration ne peut rejeter une demande de décharge de droits d’accise sans avoir au préalable envoyé ou remis à la personne concernée un document par lequel elle lui fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont elle dispose de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification ou de la remise de ce document ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, sans rechercher si l’adoption par l’administration de la décision rejetant la demande de décharge exprimée dans sa lettre du 6 novembre 2012 avait été précédée de l’envoi ou de la remise d’un tel document, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

4°/ qu’en vertu du principe des droits de la défense et des articles L. 80 M du livre des procédures fiscales et 67 A du code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, le redevable doit avoir été mis en mesure de faire valoir utilement ses observations avant l’adoption d’une décision qui affecte ses intérêts de manière sensible ; que cette obligation n’est pas respectée si l’administration a en réalité arrêté sa décision avant de mettre en oeuvre une procédure respectant en apparence les droits de la défense ; que la cour d’appel a rejeté la demande d’annulation de l’avis de mise en recouvrement du 10 juillet 2013, au motif que le redevable avait pu faire valoir ses observations en réponse à l’avis préalable de taxation du 11 juin 2013 ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’administration, dont le redevable faisait valoir qu’elle lui avait adressé un premier avis de mise en recouvrement du 2 mai 2013 portant sur les mêmes marchandises et au montant quasi identique, n’avait pas en réalité déjà arrêté sa décision à cette date, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe et des textes susvisés ;

5°/ qu’en vertu de l’article 67 A du code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, le redevable doit disposer d’un délai d’au moins trente jours pour répondre à un avis préalable de taxation ; que ce délai ne court qu’à compter du lendemain de la date de notification ou de remise de l’avis et interdit à l’administration d’adopter une décision pendant les trente jours du délai de réponse ; qu’en rejetant la demande d’annulation de l’avis de mise en recouvrement du 10 juillet 2013, au motif qu’il a été émis trente jours après l’avis préalable de taxation du 11 juin 2013, ce dont il résultait que seuls vingt-huit jours séparaient l’émission des deux avis, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

5. Ayant relevé que la société DFA avait, par lettre du 23 mars 2011, demandé la décharge des droits dus sur le fondement de la force majeure puis qu’un entretien téléphonique avec l’administration des douanes avait eu lieu le 14 septembre 2011, qui s’était poursuivi par l’envoi d’une lettre par ladite société le 18 octobre 2011, la cour d’appel a pu retenir que la décision de rejet du 6 novembre 2011 s’analysait comme une réponse à la demande de décharge formulée par la société DFA et en déduire qu’elle avait été prise dans le respect des dispositions des articles 67 A à 67 D du code des douanes et L. 80 M du livre des procédures fiscales.

6. Ayant également relevé que l’administration des douanes avait annulé deux avis préalables de taxation pour les remplacer par l’avis préalable de taxation du 11 juin 2013 invitant la société DFA à formuler des observations, ce qu’elle fit le 24 juin 2013, soit plusieurs jours avant l’envoi de l’avis définitif de taxation du 5 juillet 2013 et l’émission de l’AMR du 10 juillet 2013, la cour d’appel, qui en a déduit que l’allégation selon laquelle le titre exécutoire avait été émis antérieurement aux avis préalables de taxation, interdisant à la société DFA de faire valoir ses observations, n’était pas démontrée, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche, a légalement justifié sa décision.

7. Le moyen, pour partie inopérant, n’est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société DFA fait le même grief à l’arrêt alors « qu’en vertu de l’article 302 K du code général des impôts, les pertes, constatées dans les conditions prévues en régime intérieur, de produits circulant en suspension de droits vers un entrepositaire agréé ou un destinataire enregistré, ne sont pas soumises à l’impôt, s’il est justifié auprès de l’administration qu’elles résultent d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure ; qu’en vertu de l’ancien article 1148 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, la force majeure exonère le redevable légal des droits éludés de toute poursuite en paiement desdits droits ; que le vol est susceptible de constituer un cas de force majeure, s’il en réunit les conditions ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, au motif que la notion de perte devait être interprétée comme rendant inutilisable le produit soumis à accise, le vol ne rendant le produit inutilisable que pour le dépositaire et non pour l’auteur du vol, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir énoncé que la notion de perte, au sens de l’article 302 K du code général des impôts, devait être interprétée comme rendant le produit soumis aux droits d’accises inutilisable, l’arrêt retient exactement que tel n’est pas le cas du vol, qui ne rend le produit inutilisable que pour le dépositaire et non pour l’auteur du vol, et en déduit qu’en l’absence de perte, il n’est pas nécessaire d’examiner la seconde condition posée par ce texte, relative à la force majeure.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La société DFA fait le même grief à l’arrêt alors :

« 1°/ qu’en vertu de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l’administration ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente de celle qu’elle a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause ; qu’une interprétation formelle de la loi fiscale par l’administration est susceptible d’être invoquée sur ce fondement, quand bien même elle figurerait dans un document concernant au premier chef un autre produit concerné par le même impôt ; qu’en refusant le bénéfice de cette disposition au redevable, au motif que la circulaire invoquée porterait sur l’application de la loi fiscale aux alcools et non aux tabacs manufacturés, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que le redevable faisait valoir que l’interprétation de la loi fiscale contenue dans la décision administrative publiée dans le Bulletin officiel des douanes n° 6555 du 2 juillet 2002 intitulée « Inventaires – régime des admissions en décharge des pertes et des déchets résultant des opérations de production, de transformation et de stockage des alcools et des boissons alcooliques » était opposable à l’administration et devait en l’espèce conduire à une remise pour cas de force majeure ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Relevant que l’interprétation du texte fiscal par l’administration, invoquée par la société DFA à l’appui de sa demande de décharge, ne traitait que des produits alcooliques et non des tabacs manufacturés, l’arrêt en déduit exactement que, pour ces derniers produits, la demande de la société DFA ne pouvait être accordée sur un tel fondement.

13. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Duty Free Associates aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Duty Free Associates et la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects, au directeur régional des douanes et droits indirects de Paris Est et au receveur régional des douanes de Paris Est la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Duty Free Associates

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir refusé d’annuler les avis de mise en recouvrement des 11 juin et 10 juillet 2013 ;

AUX MOTIFS QU'« Aux termes de l’article 67 A du code des douanes, sous réserve des dispositions de l’article 67 B toute décision prise en application du code des douanes communautaire lorsqu’elle est défavorable ou lorsqu’elle notifie une dette douanière, est précédée de l’envoi ou remise à la personne concernée d’un document par lequel l’administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci la référence des documents et informations sur lesquels elle est fondée ainsi que la possibilité dont dispose l’intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification.

Aux termes de l’article L80M du livre des procédures fiscales, en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l’administration.

Ceci exposé, la société DFA nie la portée des échanges entretenus avec l’administration. Or, il ressort des pièces produites que, par courrier du 23 mars 2011, la société DFA a sollicité une admission à décharge fondée sur la force majeure, qu’un entretien téléphonique a eu lieu le 14 septembre 2011, puisque que par courrier du 18 octobre 2011, la société DFA a poursuivi son argumentation.

La décision de rejet, qui mentionne l’existence du droit d’être entendu à compter de la notification des montants, constitue un échange au sens des textes précités.

Avant de notifier les avis de recouvrement, la société a disposé d’une procédure orale ou écrite pour faire valoir ses observations, en application des articles L80M précité et 67 A du code des douanes.

La décision de rejet exprimée par l’administration des douanes le 6 novembre 2012 n’était qu’une réponse à la demande de décharge, sans porter atteinte aux droits de la société DFA puisqu’elle conservait la possibilité de se défendre au stade de la procédure contradictoire lors de la mise en recouvrement. Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu’ils ont déclaré régulière la procédure suivie à l’encontre de la société DFA au regard des dispositions des articles L80M du code des procédures fiscales et 67 A à 67 D du code des douanes nationales » (arrêt attaqué, p. 5 avant-avant-dernier § à p. 6 § 3) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « par courrier du 23 mars 2011 la société DUTY FREE ASSOCIATES a adressé aux douanes une demande d’admission à décharge en invoquant d’initiative l’existence d’un cas de force majeure ;

qu’un entretien téléphonique a ensuite lieu le 14 septembre 2011 ainsi qu’il résulte des termes du courrier adressé postérieurement le 18 octobre 2011 par DFA ; que la teneur de cet échange verbal est inconnue ;

que par courrier du 18 octobre 2011, la société DUTY FREE ASSOCIATES a par l’intermédiaire de son conseil, rappelé à l’administration (Direction régionale des Douanes et Droits indirects de PARIS EST -Torcy- et Direction régionale des Douanes de Paris Est-Montreuil-) la demande de décharge formée le 23 mars et sollicité de nouveau la décharge des droits et taxes pour les marchandises volées en invoquant de nouveau le cas de force majeure ainsi que les dispositions des articles 302K et 203Q du Code général des impôts, 206 du Code des douanes communautaires ainsi que la doctrine administrative des douanes françaises (BOD) ;

que le 6 novembre 2012, l’administration a adressé à la société DUTY FREE ASSOCIATES un courrier désigné comme « Note » aux termes de l’avis préalable de taxation du 11 juin 2013 ; qu’aux termes de ce courrier, les douanes opposent un refus à la demande de décharge présentée ;

Attendu donc que dans le cadre de la demande de décharge initiée par DFA dans les suites immédiates du vol, un échange a effectivement eu lieu entre les parties [

]

il résulte donc de ces éléments de chronologie que la décision de l’administration était prise dès le mois de novembre 2012, ainsi que le soutient la société DUTY FREE ASSOCIATES [

]

le courrier de refus adressé le 6 novembre 2012 qui constitue au sens de l’administration elle-même une simple note et non une décision motivée, soit un titre exécutoire, lequel fait défaut en l’espèce, ne saurait en revanche être annulé » (jugement, p. 5 avant-avant-dernier § à p. 6 § 2, p. 7 § 2 et avant-dernier §) ;

1°) ALORS QU’en vertu du principe des droits de la défense et des articles L. 80 M du Livre des procédures fiscales et 67 A du Code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’administration ne peut rejeter une demande de décharge de droits d’accise sans avoir au préalable informé le redevable de la décision envisagée et de ses motifs ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, au motif que la décision de rejet exprimée par l’administration dans sa lettre du 6 novembre 2012 n’était qu’une réponse à la demande de décharge, sans porter atteinte aux droits de la société redevable puisque celle-ci conservait la possibilité de se défendre au stade de la procédure contradictoire lors de la mise en recouvrement, la cour d’appel a violé le principe et les textes susvisés ;

2°) ALORS QU’en vertu du principe des droits de la défense et de l’article L. 80 M du Livre des procédures fiscales, l’administration ne peut rejeter une demande de décharge de droits d’accise sans avoir au préalable informé le redevable de la décision envisagée et de ses motifs ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, aux motifs que l’adoption de la décision de rejet exprimée par l’administration dans sa lettre du 6 novembre 2012 avait été précédée d’un échange avec le redevable, sans rechercher si elle avait au préalable informé le redevable du sens de la décision envisagée et de ses motifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe et du texte susvisé ;

3°) ALORS QU’en vertu de l’article 67 A du Code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’administration ne peut rejeter une demande de décharge de droits d’accise sans avoir au préalable envoyé ou remis à la personne concernée un document par lequel elle lui fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont elle dispose de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification ou de la remise de ce document ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, sans rechercher si l’adoption par l’administration de la décision rejetant la demande de décharge exprimée dans sa lettre du 6 novembre 2012 avait été précédée de l’envoi ou de la remise d’un tel document, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

ET AUX MOTIFS QUE « S’agissant des marchandises communautaires, l’administration des douanes a émis un avis préalable de taxation le 11 juin 2013, pour un montant de 1 681 225 euros.

Cet avis indique qu’il annule et remplace les avis préalables de taxation n° 444/13 et 857/13. L’administration invite la société DFA à formuler ses observations en application de l’article L80 M du livre des procédures fiscales et précise son droit d’être entendu.

Le 24 juin 2013, la société DFA a fait valoir ses observations. Un avis définitif a été émis le 5 juillet 2013 et l’avis de mise en recouvrement, le 10 juillet 2013.

Au vu de ces éléments, l’allégation selon laquelle le titre exécutoire a été émis antérieurement aux avis préalables de taxation, interdisant la société DFA de faire valoir ses observations, n’est pas démontrée puisque l’avis de mis en recouvrement du 10 juillet 2013, a été émis trente jours après l’émission de l’avis préalable de taxation le 11 juin 2013 » (arrêt attaqué, p. 7 § 2 à 5) ;

4°) ALORS QU’en vertu du principe des droits de la défense et des articles L. 80 M du Livre des procédures fiscales et 67 A du Code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, le redevable doit avoir été mis en mesure de faire valoir utilement ses observations avant l’adoption d’une décision qui affecte ses intérêts de manière sensible ; que cette obligation n’est pas respectée si l’administration a en réalité arrêté sa décision avant de mettre en oeuvre une procédure respectant en apparence les droits de la défense ; que la cour d’appel a rejeté la demande d’annulation de l’avis de mise en recouvrement du 10 juillet 2013, au motif que le redevable avait pu faire valoir ses observations en réponse à l’avis préalable de taxation du 11 juin 2013 ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’administration, dont le redevable faisait valoir qu’elle lui avait adressé un premier avis de mise en recouvrement du 2 mai 2013 portant sur les mêmes marchandises et au montant quasi-identique, n’avait pas en réalité déjà arrêté sa décision à cette date, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe et des textes susvisés ;

5°) ALORS QU’en vertu de l’article 67 A du Code des douanes, dans sa rédaction applicable à l’espèce, le redevable doit disposer d’un délai d’au moins trente jours pour répondre à un avis préalable de taxation ; que ce délai ne court qu’à compter du lendemain de la date de notification ou de remise de l’avis et interdit à l’administration d’adopter une décision pendant les trente jours du délai de réponse ; qu’en rejetant la demande d’annulation de l’avis de mise en recouvrement du 10 juillet 2013, au motif qu’il a été émis trente jours après l’avis préalable de taxation du 11 juin 2013, ce dont il résultait que seuls vingt-huit jours séparaient l’émission des deux avis, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir refusé d’annuler les avis de mise en recouvrement des 11 juin et 10 juillet 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l’article 302 K transposé en droit interne, la notion de perte doit être interprétée comme rendant inutilisable le produit soumis à accise, or le vol ne rend le produit inutilisable que pour le dépositaire et non pour l’auteur du vol.

En l’espèce, la condition posée par l’article 302 K, à savoir l’existence d’une perte, n’est pas remplie.

Dans ces conditions, l’examen de la seconde condition relative à la force majeure n’est pas nécessaire. Le vol de marchandises commis dans la nuit du 19 au 20 mars 2011 ne peut pas être considéré comme un cas de force majeure » (arrêt attaqué, p. 9 § 1 à 3).

ALORS QU’en vertu de l’article 302 K du code général des impôts, les pertes, constatées dans les conditions prévues en régime intérieur, de produits circulant en suspension de droits vers un entrepositaire agréé ou un destinataire enregistré, ne sont pas soumises à l’impôt, s’il est justifié auprès de l’administration qu’elles résultent d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure ; qu’en vertu de l’ancien article 1148 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, la force majeure exonère le redevable légal des droits éludés de toute poursuite en paiement desdits droits ; que le vol est susceptible de constituer un cas de force majeure, s’il en réunit les conditions ; qu’en rejetant les demandes d’annulation des avis de mise en recouvrement litigieux, au motif que la notion de perte devait être interprétée comme rendant inutilisable le produit soumis à accise, le vol ne rendant le produit inutilisable que pour le dépositaire et non pour l’auteur du vol, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir refusé d’annuler les avis de mise en recouvrement des 11 juin et 10 juillet 2013 ;

AUX MOTIFS QUE « « Selon l’administration des douanes l’article L80 A du livre des procédures fiscales ne peut s’appliquer en l’espèce dès lors que la société DFA a fait une demande de décharge relative aux tabacs manufacturés.

La société DFA invoque l’article L 80 A alinéa 2 du livre des procédures fiscales pour soutenir que la direction des douanes ne peut rejeter une demande de remise sur la base d’une interprétation différente du même texte fiscal concernant des circonstances similaires.

Il ressort des termes du courrier de l’administration des douanes en date du 18 décembre 2013, que celle-ci énonçait :

« la circulaire en question ne s’appliquant pas aux tabacs manufacturés, je rejette la demande en décharge et votre contestation d’AMR en tant qu’elles ont trait à la somme de 89 926 euros due au titre du droit de consommation sur les tabacs » .

S’agissant de la demande portant sur les produits alcooliques, eu égard aux termes du BOD 6960 du 31 décembre 2012, il est donné acte aux appelants ce qu’ils acceptent de faire droit à la demande de la société DFA concernant l’admission en décharge des produits alcooliques dérobés soit la somme de 1 010 euros (15 euros + 9 euros + 16 euros + 772 euros + 198 euros – chiffres indiqués sur l’AMR 778 13 CI 177).

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il ne sera pas fait droit à la demande de décharge des droits et taxes sollicitée par la société DFA, hormis la demande portant sur les produits alcooliques » (arrêt attaqué, p. 9 § 5 à 9) ;

1°) ALORS QU’en vertu de l’article L 80 A du Livre des procédures fiscales, l’administration ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente de celle qu’elle a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause ; qu’une interprétation formelle de la loi fiscale par l’administration est susceptible d’être invoquée sur ce fondement, quand bien même elle figurerait dans un document concernant au premier chef un autre produit concerné par le même impôt ; qu’en refusant le bénéfice de cette disposition au redevable, au motif que la circulaire invoquée porterait sur l’application de la loi fiscale aux alcools et non aux tabacs manufacturés, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que le redevable faisait valoir que l’interprétation de la loi fiscale contenue dans la décision administrative publiée dans le Bulletin officiel des douanes n° 6555 du 2 juillet 2002 intitulée « Inventaires – régime des admissions en décharge des pertes et des déchets résultant des opérations de production, de transformation et de stockage des alcools et des boissons alcooliques » était opposable à l’administration et devait en l’espèce conduire à une remise pour cas de force majeure ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.

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