Cour de cassation, Chambre civile 1, 1 juillet 2020, 19-12.855, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La partie qui exerce la faculté de rétractation stipulée au contrat y renonce en poursuivant l’exécution de celui-ci et en effectuant des actes d’exécution incompatibles avec cette rétractation

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 1er juill. 2020, n° 19-12.855, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-12.855
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Riom, 20 novembre 2018
Textes appliqués :
Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Dispositif : Cassation sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042113182
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C100400
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 400 F-P+B

Pourvoi n° R 19-12.855

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2020

La société Solar clim system, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° R 19-12.855 contre l’arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d’appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant à M. N… O…, domicilié […] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Solar clim system, et l’avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l’audience publique du 19 mai 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Riom, 21 novembre 2018), le 12 février 2014, au cours d’une foire exposition, M. O… (l’acquéreur) a commandé à la société Solar clim system (la société) l’installation d’un dispositif de chauffage avec pompe à chaleur et la réalisation de travaux d’isolation de combles, au prix de 16 970 euros. Le même jour, l’acquéreur a adressé à la société le bon d’annulation qui figurait au bas des conditions générales de vente. Après une visite technique des lieux le 16 février 2014, la société a réalisé, le 21 juin 2014, les travaux d’isolation des combles, réceptionnés sans réserve, et, le 18 septembre suivant, livré la pompe à chaleur. Cette dernière n’a pu être mise en place en l’absence d’exécution, par l’acquéreur, de la dalle de béton nécessaire à son installation.

2. Arguant de l’annulation du contrat, l’acquéreur a assigné la société en restitution de l’acompte versé et indemnisation. Cette dernière a sollicité le paiement de sommes dues en exécution du contrat.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur la première branche du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l’arrêt de constater l’anéantissement du contrat, de la condamner à payer à l’acquéreur la somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2014, en restitution de l’acompte versé, et de rejeter sa demande en paiement, alors « que la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l’exécution du contrat et en effectuant des actes d’exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation ; qu’en refusant d’admettre, après avoir constaté que l’acquéreur avait exercé son droit de rétractation tel que prévu au contrat, que celui-ci ait pu y renoncer en accomplissant des actes incompatibles avec cette rétractation, à savoir en acceptant la livraison de la pompe à chaleur ainsi qu’en acceptant sans réserve les travaux d’isolation des combles, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. En application de ce texte, la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l’exécution du contrat et en effectuant des actes d’exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation.

6. Pour condamner la société à restituer à l’acquéreur l’acompte versé et rejeter sa demande en paiement de sommes en exécution du contrat, l’arrêt retient que ce contrat a été anéanti par l’exercice régulier, par l’acquéreur, de son droit de rétractation.

7. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’acquéreur, qui avait reçu la livraison de la pompe à chaleur et accepté sans réserve les travaux d’isolation des combles, avait poursuivi l’exécution du contrat, renonçant ainsi aux effets de sa rétractation, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. M. O… sera condamné à payer à la société Solar clim system les sommes de 14 036,36 euros en exécution du contrat et de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Condamne M. O… à payer à la société Solar clim system les sommes de 14 036,36 euros en exécution du contrat et de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne M. O… aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Solar clim system ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Solar clim system.

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir, d’une part, constaté l’anéantissement du contrat conclu entre les parties sous la forme du bon de commande signé par M. O… le 12 février 2014 et condamné la Sarl Solar Clim System à payer à M. O… une somme de 1 000 € en restitution de l’acompte versé, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2014 date de la mise en demeure, et, d’autre part, rejeté la demande de la société Solar Clim System tendant à la condamnation de M. O… à lui verser la somme de 14 036,36 € en règlement du prix du matériel et des travaux et au paiement de dommages et intérêts,

AUX MOTIFS QUE les contrats conclus dans les foires et salons, tel celui en cause, ne sont pas soumis aux règles du démarchage à domicile, alors contenues dans les anciens articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation ; il s’ensuit que la faculté de rétractation, prévue à l’article L. 121-25 ancien du même code, n’est pas applicable, par l’effet de la loi, à de tels contrats.

Cependant, les parties demeurent libres de soumettre, aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, des opérations de commercialisation d’un bien ou d’un service qui n’en relèvent pas de plein droit, à la condition que leur volonté sur ce point soit exprimée sans équivoque (en ce sens Cass. Civ. 1re – 7 décembre 2004, pourvoi nº 02-19570).

Le bon de commande que X
a signé le 12 février 2014 comporte, en bas de l’une des pages pré-imprimées de ce bon que produit X
, une partie séparée par des pointillés, intitulée « Annulation de commande », et contenant les mentions suivantes : « (Conformément aux articles L. 125-25 et suivants du code de la consommation). Compléter et signer ce formulaire. L’envoyer par lettre recommandée avec avis de réception à l’adresse suivante : Solar Clim System ; […] […] / L’expédier au plus tard le septième jour à compter de la date de la commande. / Je soussigné M. […] déclare annuler la commande ci-dessus en date du : […] ». L’article 9 des conditions générales du contrat, figurant sur la même page du bon de commande, juste au-dessus du formulaire d'« Annulation de commande », article intitulé « Résiliation du contrat de vente – annulation de commande », contient la mention suivante :

« Il est rappelé : – qu’une vente sur foire n’ouvre droit à aucun délai de rétractation au profit de l’acquéreur, sauf si une opération de crédit est adossée à ladite vente et que le vendeur en est informé au jour de la commande ;

— qu’en cas de démarchage à domicile, un délai de rétractation de 7 jours est accordé à l’acheteur ;

— que toute vente déclarée, au jour de la commande au vendeur, comme étant financée au moyen d’un crédit à la consommation, ouvre droit au profit de l’acheteur un délai normal de rétractation qui est de 7 jours à compter de l’acceptation ».

Par la stipulation contenue dans le premier alinéa de l’article cité, la Sarl Solar a explicitement laissé apparaître qu’une vente sur foire ouvrait droit a contrario à rétractation, lorsque l’opération convenue devait être financée par un crédit, et que le vendeur ou prestataire en était informé au jour de la commande.

Cette stipulation, bien que présentée comme un simple rappel de dispositions légales en vigueur, allait pourtant au-delà de la faculté de rétractation prévue à l’ancien article L. 311-36 du code de la consommation, faculté qui ne peut s’exercer qu’à compter de l’acceptation du crédit, et qui était rappelée distinctement dans le dernier alinéa cité : le premier alinéa ne peut avoir de sens et de portée que si la société prestataire a entendu étendre le droit à rétractation de l’acquéreur à tous les cas prévus par cette même clause, en lui accordant ce droit dès la conclusion du contrat principal.

Il en résulte, sans équivoque, que la Sarl Solar a entendu faire bénéficier M. O… d’un droit de rétractation de sept jours, si un crédit était adossé à l’opération principale, et si cette société en était informée le même jour ; or, ces deux conditions se sont trouvées réunies, puisque M. O… a coché, sur la première page de l’acte contractuel, une case « Financement », avec un versement à la commande de 1 670 €, de sorte que la société prestataire a été informée, le jour même de la commande, de l’existence d’une demande de crédit affecté.

Et il apparaît que M. O… a régulièrement exercé son droit, en renseignant le formulaire de rétractation, en le datant et en le signant, puis en l’envoyant par lettre recommandée à la Sarl Solar, qui a signé l’avis de réception le 14 février 2014, donc avant l’expiration du délai de sept jours, qui a couru à compter de la commande, faute d’indication contraire de la clause du contrat sur ce point.

La Sarl Solar d’ailleurs, dans les échanges de lettres qu’elle a eus avec l’avocat de M. O… en novembre et en décembre 2014, n’a nullement contesté le droit pour M. O… de faire usage de son droit de rétractation : elle s’est limitée à faire état d’un repentir de l’intéressé dans l’exercice de ce droit, et des difficultés survenues par la suite, attitude qui confirme que cette société avait entendu faire bénéficier son co-contractant d’une faculté conventionnelle de rétractation, et qu’il avait régulièrement exercé cette faculté.

L’exercice régulier du droit de rétractation a eu pour effet d’anéantir le contrat, qui ne pouvait reprendre vie par l’effet d’un repentir de M. O…, fût-il intervenu avant l’expiration du délai de rétractation (en ce sens Cass. Civ. 3e, 13 février 2008, Bull. 2008, III, nº 29).

C’est donc par erreur que le tribunal a refusé de faire droit à la demande de restitution de l’acompte présentée par M. O… et a condamné celui-ci à payer à la Sarl Solar le solde du prix convenu, outre une somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera réformé, il conviendra de constater l’anéantissement du contrat conclu entre les parties, et de faire droit à la demande de restitution de l’acompte formée par l’appelant, sans qu’il soit utile d’examiner les autres moyens d’annulation ou de résolution qu’il présente. La demande de dommages et intérêts présentée par M. O… sera en revanche rejetée, faute pour celui-ci de rapporter la preuve des préjudices qu’il dit avoir subis, par le fait des manquements de la société adverse.

Les demandes de cette société, en paiement du solde du prix des travaux, et de dommages et intérêts au motif de retards et de difficultés dans la poursuite des opérations, seront elles-mêmes rejetées,

1° ALORS QUE la partie qui, faisant usage de la faculté contractuellement stipulée, a exercé son droit de rétractation, peut y renoncer en poursuivant l’exécution du contrat et en effectuant des actes d’exécution incompatibles avec cette faculté de rétractation ; qu’en refusant d’admettre, après avoir constaté que M. O… avait exercé son droit de rétractation tel que prévu au contrat, que celui-ci ait pu y renoncer en accomplissant des actes incompatibles avec cette rétractation, à savoir en acceptant la livraison de la pompe à chaleur ainsi qu’en acceptant sans réserve les travaux d’isolation des combles, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

2° ALORS QUE l’invocation de l’exercice d’une faculté de rétractation caractérise un abus de droit justifiant qu’elle soit privée d’effet ; que dans ses écritures d’appel, la société Solar Clim System faisait valoir que l’attitude de M. O… était empreinte de mauvaise foi, dans la mesure où il s’était subitement prévalu de l’exercice d’un droit de rétractation après avoir réceptionné sans réserve les travaux d’isolation accomplis à son domicile et pris livraison de la pompe à chaleur (conclusions d’appel de l’exposante, p. 22/23 et p. 27/28); qu’en considérant que M. O… pouvait invoquer l’anéantissement du contrat plusieurs mois après avoir reçu livraison du matériel et réceptionné sans réserve les travaux, sans rechercher si son comportement n’était pas empreint d’une mauvaise foi caractérisant un abus du droit de se prévaloir d’une faculté de rétractation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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