Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 juillet 2020, 19-12.143, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

COMM.

CF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 7 juillet 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 392 F-D

Pourvoi n° S 19-12.143

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 JUILLET 2020

La société ABC Food, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° S 19-12.143 contre l’arrêt rendu le 12 décembre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Speed Rabbit pizza, société anonyme, dont le siège est […] ,

2°/ à la société Domino’s pizza France, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

3°/ à la société French pizza Inc, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

défenderesses à la cassation.

La société Domino’s pizza France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société ABC Food, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Domino’s pizza France, après débats en l’audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2018), la société Speed Rabbit pizza (la société SRP) et la société Domino’s pizza France (la société DPF), toutes deux spécialisées dans la vente de pizzas livrées et à emporter, exercent leurs activités à travers un réseau de franchises.

2.La société ABC Food exploite un point de vente à Puteaux en qualité de franchisée sous l’enseigne de la société SRP tandis que la société French pizza tient deux autres points de vente à La Garenne Colombes et à Puteaux en qualité de franchisée de la société DPF.

3. Reprochant aux sociétés DPF et French pizza des actes de concurrence déloyale consistant en l’octroi de délais de paiement excessifs et de prêts contraires au monopole bancaire, la société ABC Food les a assignées en cessation de ces pratiques et en paiement de dommages-intérêts. La société SRP est intervenue volontairement à l’instance, au soutien des prétentions de la société ABC Food, et les sociétés DPF et French pizza ont formé une demande reconventionnelle pour procédure abusive.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deuxième, quatrième, septième et huitième branches

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

5. La société ABC Food fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts pour acte de concurrence déloyale alors « qu’en ne vérifiant pas si les extraits de comptes annuels de la société French pizza produits par la société ABC Food ne permettaient pas de vérifier la vraisemblance du tableau démontrant que la société French pizza avait dépassé les délais légaux de paiement de son franchiseur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil :

6. Selon ce texte, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

7. Pour écarter l’existence d’un acte de concurrence déloyale résultant du dépassement par la société French pizza des délais légaux de paiement de son franchiseur, l’arrêt retient que le tableau produit par la société ABC Food, récapitulant chaque année le ratio dette fournisseur- chiffre d’affaires supérieur à 6 %, n’est étayé par aucune pièce comptable.

8. En se déterminant ainsi, sans examiner les extraits de comptes annuels de la société French pizza, versés aux débats au titre des année 2001 à 2004, afin de vérifier la vraisemblance de la méthode de calcul invoquée par la société ABC Food pour démontrer que la société French pizza avait bénéficié, de la part de la société DPF, de délais de paiement illicites ayant pour effet de l’avantager déloyalement au détriment des franchisés de la société SRP, et ainsi de porter atteinte à l’attractivité et à la rentabilité et du réseau concurrent exploité par la société SRP, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le bien-fondé de l’action, objet du pourvoi principal, entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l’arrêt relatif à la procédure abusive, objet du pourvoi incident, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, ni sur le pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne les sociétés Domino’s pizza France et French pizza aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Domino’s pizza France et la condamne à payer à la société ABC Food la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société ABC Food

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société ABC FOOD de l’ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « la société ABC Food prétend que les sociétés French Pizza et DPF auraient violé la législation relative aux délais de paiement de 2001 à 2005, mais elle utilise successivement, pour démontrer ses assertions, plusieurs méthodes ; que la première consiste à calculer, pour l’entreprise suspectée, un ratio dette fournisseur/chiffre d’affaires, qui permettrait d’en déduire le respect ou le nonrespect de la législation sur les délais de paiement ; que la société ABC Food estime que dans le secteur de la vente de pizza livrée et à emporter, un ratio dette fournisseur/ chiffre d’affaires supérieur à 6% démontre que la société concernée a dépassé le délai légal de paiement (pièce 15.2 de ABC Food) ; qu’or, il résulte d’un tableau libre versé aux débats émanant de la société ABC Food (pièce 32 de ABC Food) que ce taux aurait été dépassé de 2001 à 2005 par la société French Pizza, le taux n’étant, en revanche, pas atteint de 2006 à 2008 ; que la méthode de calcul est explicitée par le commissaire aux comptes de la société ABC Food ; qu’en revanche, le tableau récapitulant chaque année ce ratio calculé pour la société French Pizza n’est étayé par aucune pièce comptable de cette société, de sorte que la cour ne peut en vérifier la vraisemblance ; que de plus fort, les appelantes s’appuient, dans un rapport Sorgem (pièce 7.9) versé à l’appui de leur demande, sur une autre méthode, exprimée en jours, en utilisant la base de données F…, constituée à partir des informations financières publiées par chaque société auprès des greffes des tribunaux de commerce ; qu’en application de cette seconde méthode, la société French Pizza ne s’est jamais affranchie de la réglementation en matière de délais de paiement depuis 2008, les données n’étant pas disponibles pour les années antérieures ; qu’en revanche, selon cette méthode, la société ABC Food elle-même n’aurait jamais respecté ces délais depuis 2003, première année du tableau (pièce 10 de DPF) ; qu’en définitive, la cour estime que cette pratique n’est pas établie ; que sur l’exercice illégal de la profession de banquier (

) l’article L. 511-5 du code monétaire et financier « interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel » et « à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement » ; que l’interdiction posée par cet article comporte des exceptions ; que c’est ainsi que l’article L. 511-7,1, 3 du même code permet à une entreprise de : « procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres » ; qu’or, en l’espèce, la société ADCO, devenue Domino’s Pizza France, détenait 100 % du capital de French Pizza au moment où elle lui a consenti cet apport ; qu’il en résulte que cet avantage échappe à l’interdiction susvisée ; qu’à supposer que le maintien de cet avantage par la société Domino’s Pizza France, sous forme de compte courant d’associé quand la société Domino’s Pizza France a vendu ses parts dans la société French Pizza à la société BFC soit une pratique distincte de la première, elle ne constitue pas davantage l’exercice illégal de la profession de banquier ; qu’en effet, selon l’article L. 511-5, « Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement » ; qu’or, les pièces 64 à 66 de la société ABC Food ne sauraient établir le caractère habituel de cette pratique ; que la faute n’est donc pas démontrée ; que sur l’absence de publication des documents comptables par les franchisés, si la société ABC Food prétend que la société Domino’s Pizza France, comme beaucoup de ses franchisés, ne publie pas ses comptes, méconnaissant les articles L. 232-21 et suivants du code de commerce, les sociétés intimées répliquent à juste raison qu’aucun lien de causalité n’est établi entre le défaut de publication des comptes et une éventuelle distorsion de concurrence ; que le lien allégué par la société ABC Food réside dans la circonstance que la non publication des comptes participerait à la dissimulation des autres fautes civiles imputées à la société Domino’s Pizza France ; qu’outre que la preuve de l’existence de ces fautes n’est pas établie, le lien du défaut de publication avec un préjudice subi par la société ABC Food est trop indirect pour que cette faute soit retenue au titre d’une éventuelle pratique de concurrence déloyale ; qu’en définitive, le bien-fondé d’une action en concurrence déloyale est subordonné à l’existence d’un fait fautif générateur d’un préjudice ; que peut ainsi constituer une faute la méconnaissance, par un commerçant, de la réglementation qui lui est applicable car, en se dispensant des contraintes imposées par les textes, il s’octroie un avantage par rapport à ses concurrents ; qu’or, les sociétés SRP et ABC Food ne rapportent pas la preuve que, sur la zone de chalandise de la société ABC Food, dans laquelle il existe une concurrence entre celle-ci et la société French Pizza, la société French Pizza aurait effectivement bénéficié de délais de paiement ou d’octroi de prêts illicites ; que sur le lien de causalité, (

) les sociétés SRP et ABC Food ne rapportent pas la preuve que, sur la zone de chalandise de la société ABC Food, sur laquelle il existe une concurrence avec la société French Pizza : – la société French Pizza aurait profité de ces prétendus avantages illicites pour pratiquer une politique commerciale et tarifaire agressive sur le marché local au détriment de la société ABC Food ; – ce qui aurait conduit à l’éviction effective ou potentielle de la société ABC Food, ou l’aurait placée en difficulté ; que si les sociétés appelantes prétendent que les aides diverses de la société DPF auraient permis à la société French Pizza de fausser la concurrence, et de pratiquer des prix agressifs, elles ne rapportent pas non plus la démonstration d’une corrélation entre ces avantages, au demeurant non établis, et la politique commerciale et promotionnelle de la société franchisée, la façon dont les pratiques illégales supposées influaient sur les prix de la société French Pizza n’étant pas analysée ; qu’au surplus, étant supposée fixer librement ses prix, il n’est pas démontré que celle-ci ait rétrocédé aux consommateurs les avantages reçus du franchiseur en pratiquant des prix agressivement bas ; qu’en définitive, la cour constate l’absence de démonstration d’un lien entre les pratiques prétendument anormales de la société Domino’s Pizza France et la mise en oeuvre, par la société French Pizza, d’une politique commerciale et tarifaire agressive ; que la seule circonstance que la société ABC Food n’ait pas eu un chiffre d’affaires comparable à ceux du secteur ne peut suffire à établir un quelconque lien de causalité car il faut prendre en compte la concurrence exercée dans la zone pertinente par d’autres points de vente que ceux du réseau Domino’s ; qu’aucun lien de causalité entre les prétendues fautes et le préjudice invoqué n’est établi, les difficultés alléguées pouvant s’expliquer par des motifs autres que les pratiques de concurrence déloyale ; qu’au total, il y a donc lieu de conclure que les pratiques de concurrence déloyale alléguées à l’encontre des sociétés Domino’s Pizza France et French Pizza ne sont pas établies » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement entrepris, « les délais de paiement abusifs reprochés et qui auraient permis à la défenderesse d’obtenir un avantage concurrentiel illicite ne concernent ni FRENCH PIZZA, ni la zone de chalandise définies ci-dessus ; que les exemples cités ou les faits allégués se rapportent à des personnes ou des sociétés qui ne sont pas parties à l’instance ou sont antérieurs à l’intervention de FRENCH PIZZA dans la zone de chalandise définie ci-dessus ; que le tribunal les écartera ; que pour étayer son raisonnement, ABC FOOD se fonde sur une pièce 32 non versée aux débats ; qu’elle reconnaît dans ses écritures que la pièce 26 est erronée ; qu’il s’agit au surplus d’analyses produites par elle-même pour les besoins de sa démonstrations ; qu’elle échoue à prouver, par un bon de commande, une facture et une date de règlement, les délais de paiement abusifs qu’elle reproche à FRENCH PIZZA dans la zone de chalandise définie ci-dessus à partir du 9 mai 2003 : que FRENCH PIZZA et DPF démontrent que les paiements entre les deux entreprises sont réglés à 15 jours avec escompte depuis 2008 ; que le prêt consenti en 1998 par ADCO (devenue DOMINO’S PIZZA France) à FRENCH PIZZA, sa filiale à 100% à cette date, l’a été dans le cadre de l’article L. 511-7 I du code monétaire et financier et est relaté en tant que tel dans le « tableau des filiales et participations » annexé aux comptes de la société ADCO pour l’exercice 1999 ; que la créance de TELEPIZZA sur FRENCH PIZZA prétendument jamais recouvrée a fait l’objet d’un protocole transactionnel entre les parties dont justifient les défenderesses ; que le tribunal déboutera en conséquence ABC FOOD de l’ensemble de ses demandes » ;

ALORS en premier lieu QUE pour établir les fautes des sociétés FRENCH PIZZA et DOMINO’S PIZZA FRANCE, la société ABC FOOD rappelait que leurs agissements s’inscrivaient dans une politique systématique de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE d’élimination de la concurrence, imposant à ses franchisés d’investir dans leurs fonds de commerce de telle sorte qu’ils puissent établir « une barrière à l’entrée impossible à franchir pour les autres » (conclusions, p.14, citant le compte-rendu de la conférence donnée par Grant BOURKE, l’un des dirigeants de la maison mère de DOMINO’S PIZZA FRANCE, aux franchisés de cette dernière, en novembre 2005), qu’une « telle stratégie est coûteuse, voire ruineuse, pour les franchisés. Sa bonne application nécessite alors un soutien financier de leur franchiseur » (conclusions, p.14), lequel soutien passe par « l’octroi de délais de paiement anormalement longs » (ibid.), des « apports en comptes courants d’associés » et « l’octroi de prêts (plus ou moins maquillés). Ainsi, parfois, les dettes fournisseurs accumulées sont converties en prêt à intérêts » (ibid.), et que « si les hypothèses précitées se révèlent insuffisantes, DPF recourra en rachat du fonds de commerce, accompagné d’un abandon de créance substantiel, puis à sa mise en exploitation par la filiale DPF dédiée à cet effet, c’est-à-dire la société HVM PIZZA, le temps de pouvoir revendre ou à défaut de le mettre en location gérance auprès d’un autre franchisé (Pièce 6.12) » (ibid. p.15), afin d’éviter les dépôts de bilan des franchisés et de conserver la clientèle détournée de la concurrence, ainsi que la presse économique l’a relaté, tel le Financial Review dans un article du 14 août 2018 énonçant « Don Mej, PDG de Domino’s Pizza insiste sur le fait que le franchiseur de restauration rapide reste une entreprise à forte croissance capable de réaliser cinq années de croissance à deux chiffres de ses ventes et de ses bénéfices en ouvrant de nouveaux magasins et en volant ses concurrents » (Pièce d’appel n°71, citée page 15 des conclusions d’ABC FOOD) ou que le confirmaient des courriels adressés aux franchisés de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE énonçant « cette semaine, nous allons envoyer des plans de marketing ciblés agressifs visant à voler autant de clients Pizza Hut et Eagle Boys que nous pouvons, nous vous soutiendrons pour cela par DPE et par moi » (Pièce d’appel n°72, citée page 15 des conclusions d’ABC FOOD) ; qu’en refusant d’examiner si la politique nationale de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE imposée à ses franchisés, et par conséquent à la société FRENCH PIZZA, et destinée, par des procédés illicites, à détourner les clientèles des entreprises concurrentes, n’établissait, avec les autres éléments de preuve produits, les actes de concurrence déloyale reprochés aux sociétés FRENCH PIZZA et DOMINO’S PIZZA FRANCE, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en deuxième lieu QU’en jugeant que « les pièces 85-1 et 85-2 d’Agora ne sont pas relatives à cette société » (arrêt, p.10), sans vérifier, comme il lui était demandé, si ces pièces, qui étaient constituées de procès-verbaux de la DGCCRF d’île de France établis « dans le cadre d’une enquête nationale, relative au respect des délais de paiement dans le secteur de la restauration livrée » et pour les besoins d’une enquête sur « le contrôle des délais de paiement pratiqués » par des franchisés de la société DOMINO’S PIZZA FRANC et constatant que « l’intégralité des factures sont réglées au-delà du délai réglementé de 30 jours après la fin de décade de livraison » (pièce 85/2), n’étaient pas à même d’établir une politique nationale de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE imposée à ses franchisés, et par conséquent à la société FRENCH PIZZA, et destinée, par des procédés illicites, à détourner les clientèles des entreprises concurrente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS en troisième lieu QUE pour établir la violation des règles relatives aux délais de paiement accordés à ses franchisés, dont la société FRENCH PIZZA, par la société DOMINO’S PIZZA FRANCE, la société ABC FOOD produisait notamment, outre le rapport SORGEM visé par l’arrêt, en pièce n°50, le procèsverbal de déclaration et de prise de document de la D.D.C.C.R.F. du Haut-Rhin du 17 novembre 2009, accompagné du témoignage du gérant de deux sociétés franchisées de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE daté du même jour, expliquant « l’origine des retards de paiement » par « de fortes pressions du Franchiseur pour que j’ouvre des boutiques » (témoignage cité, p.1), et confirmant que « le dépassement des délais de paiement légaux et contractuels a été accepté par mon Franchiseur et ce de longue date » (ibid.), que « cette politique de faveur à l’ouverture de nouveaux magasins continue aujourd’hui selon le même dispositif. Ainsi, une partie du retard de paiement actuel résulte de cette opération mais aussi de Dijon où j’ai repris deux boutiques d’un Franchisé en faillite » (ibid. p.2), qu’il n’a « pas d’autres alternatives que de me conformer aux recommandations de mon Franchiseur afin de rester sur le marché » (ibid.), que « mon Franchiseur définit une stratégie d’augmentation de la notoriété et du volume de vente de DOMINO’S PIZZA en France au travers d’une politique promotionnelle du Groupe, me contraignant fréquemment à pratiquer des prix très compétitifs, voire même inférieurs à mes coûts, repoussant d’autant dans le temps ma capacité à apurer mon passif » (ibid.), que « mon Franchiseur me contraint même à mettre en place des promotions qui m’apparaissent comme illégales » (ibid. p.3), que ces éléments provoquent un « avantage concurrentiel sur les autres Franchises dont la clientèle ne peut résister à de tels appels » (ibid.) et que « devant l’aggravation de ma dette à son égard, à l’instar des autres Franchisés, mon Franchiseur ne reste pas inactif et sans soutien », sans quoi il se trouverait « aujourd’hui dans l’incapacité de maintenir mon activité » ; qu’en jugeant que les agissements illicites des sociétés DOMINO’S PIZZA FRANCE et FRENCH PIZZA ne seraient pas établis, sans procéder à la moindre analyse, même sommaire, de la pièce précitée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QU’en jugeant que « la société ABC FOOD prétend que les sociétés FRENCH PIZZA et DPF auraient violé la législation relative aux délais de paiement de 2001 à 2005. Mais elle utilise successivement, pour démontrer ses assertions, plusieurs méthodes » (arrêt, p.13), sans expliquer en quoi le recours à plusieurs méthodes distinctes contredirait leur valeur probante, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en cinquième lieu QU’au soutien du tableau démontrant que la société FRENCH PIZZA avait dépassé les délais légaux de paiement de son franchiseur, la société ABC FOOD produisait, en pièces 60 à 63, des extraits des comptes annuels de la société FRENCH PIZZA de 2001 à 2004, formellement visés sur la liste des pièces versées aux débats, page 41 de ses conclusions ; qu’en jugeant que « la méthode de calcul est explicitée par le commissaire aux comptes de la société ABC Food. En revanche, le tableau récapitulant chaque année ce ratio calculé pour la société French Pizza n’est étayé par aucune pièce comptable de cette société, de sorte que la cour ne peut en vérifier la vraisemblance » (arrêt, p.13§5), la cour d’appel a méconnu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause et a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

ALORS en sixième lieu QUE, subsidiairement à la cinquième branche, en ne vérifiant pas si les extraits de comptes annuels de la société FRENCH PIZZA produits par la société ABC FOOD ne permettaient pas de vérifier la vraisemblance du tableau démontrant que la société FRENCH PIZZA avait dépassé les délais légaux de paiement de son franchiseur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

ALORS en septième lieu QUE pour établir l’exercice illégal de la profession de banquier par la société DOMINO’S PIZZA FRANCE, la société ABC FOOD expliquait, page 26 de ses conclusions d’appel, que « de nombreux franchisés ont bénéficié de tels financement de la part de DPF. (Pièces n°64, n°65 et n°66) », caractérisant ainsi l’habitude de ce financement desdits franchisés par la société DOMINO’S PIZZA FRANCE ; que la pièce n°64 était un extrait du bilan 2002 de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE où figuraient le montant des prêts et avances consentis et non encore remboursés à différentes filiales, la pièce n°65 était un « tableau établissant le caractère de prêteur d’habitude de DPF » et la pièce n°66 était un extrait de conclusions de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE, « déposées par la société DPF à une audience du 9 février 2012 », où il était écrit, concernant le litige alors en cause, que dans les comptes de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE pour l’exercice clos au 31 décembre 2010, « si le montant susvisé de 2.044.575 euros correspondant aux « prêts » accordés par la société Domino’s à des franchisés comprend effectivement le montant du prêt accordé à la société Sert aux termes du protocole du 31 juillet 2008 pour une somme de 676.414,11 euros, ce poste ne comprend en aucun cas les prêts accordés par la société Domino’s à ses filiales qui font l’objet d’un poste comptable spécifique, « créances rattachées à des participations », pour un montant de 1.892.139 euros » ; qu’en jugeant que « selon l’article L. 511-5, « Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement ». Or, les pièces 64 à 66 de la société ABC Food ne sauraient établir le caractère habituel de cette pratique. La faute n’est donc pas démontrée » (ibid. pp. 14-15), sans procéder à la moindre analyse, même sommaire, des pièces citées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en huitième lieu QUE pour établir les fautes commises à son encontre, la société ABC FOOD invoquait, pages 21 et 22 de ses conclusions d’appel, la violation par la société DOMINO’S PIZZA FRANCE et ses franchisés de la législation relative au traitement de l’insolvabilité des entreprises ; qu’en n’accordant aucun motif à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS neuvième lieu QU’un préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyal, générateur d’un trouble commercial ; qu’en jugeant qu'« aucun lien de causalité entre les prétendues fautes et le préjudice invoqué n’est établi, les difficultés alléguées pouvant s’expliquer par des motifs autres que les pratiques de concurrence déloyale» (arrêt, p.16), la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Domino’s pizza France

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les sociétés DPF et FRENCH PIZZA de leur demande pour procédure abusive ;

Aux motifs propres que « le droit d’agir en justice, droit fondamental, ne dégénère en abus de droit que lorsque l’action en justice, manifestement vouée à l’échec, est intentée dans l’intention de nuire.

Or, le nombre de pièces versées au dossier, les incidents ayant émaillé le déroulement de la procédure et le rôle centralisateur de la société Speed Rabbit Pizza ne traduisent pas en soi un acharnement procédural particulier devant la justice. Le caractère exorbitant de la demande de dommages et intérêts ne lie pas les juridictions et ne saurait donc en soi faire grief. En outre, les sociétés Domino’s Pizza France et French Pizza, qui allèguent une désorganisation du réseau et une image ternie dans la presse ainsi qu’auprès des clients et investisseurs, n’en rapportent aucun commencement de preuves.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Speed Rabbit Pizza et la société ABC Food in solidum à payer les somme de 85 000 et 50 000 euros pour procédure abusive » ;

Alors que toute faute dans l’exercice des voies de droit est susceptible d’engager la responsabilité de son auteur ; qu’en jugeant que le droit d’agir en justice ne dégénère en abus de droit que lorsque l’action en justice est intentée dans l’intention de nuire, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l’article 1240 du même code.

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