Cour de cassation, Chambre sociale, 9 septembre 2020, 18-20.489, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 9 sept. 2020, n° 18-20.489
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-20.489
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 30 mai 2018
Textes appliqués :
Article 455 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042348950
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:SO00627
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 627 F-D

Pourvoi n° T 18-20.489

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

M. B… C…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° T 18-20.489 contre l’arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant à la société Accor, société anonyme, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. C…, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Accor, après débats en l’audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 31 mai 2018), M. C… a été engagé le 16 mars 2009 par la société Accor en qualité de directeur site management. Il a été nommé cadre dirigeant par avenant du 1er juillet 2011.

2. M. C… a été licencié pour faute grave le 30 avril 2014.

3. Il a saisi la juridiction prud’homale de demandes en contestation de la rupture de son contrat de travail et en paiement de rappels de salaire.
Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième, cinquième et huitième branches, et le troisième moyen, ci-après annexés

4.En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce que son licenciement soit déclaré nul ou à titre subsidiaire dépourvu de cause réelle et sérieuse et à ce que soit rejetés les éléments de preuve, illicites, communiqués par la société et, en conséquence, de le débouter de ses demandes en paiement de diverses sommes, alors :

« 1° / que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail; que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché; que la circonstance que l’émetteur d’une correspondance la rendre accessible à un nombre restreint de personnes agréées par lui ne fait pas perdre sa nature de correspondance privée, de sorte que l’employeur ne saurait licitement en prendre connaissance ni les utiliser contre le salarié; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que, « comme le rappelle la société Accor, celle-ci est entrée régulièrement en possession des messages litigieux, ceux-ci ayant été transférés avec l’accord de M. C…, dans la boîte électronique de son assistante, Mme W…, puis, consultés dans celle-ci et imprimés à partir de cette boîte, en présence d’un huissier de justice – étant rappelé que le matériel informatique utilisé par les deux salariés était mis à leur disposition par l’employeur » et que « ces messages ne peuvent être qualifiés de privés alors que l’un de leurs auteurs, M. C…, a laissé à un tiers – fût-ce son assistante – toute liberté pour les détenir et les consulter ; qu’en outre, la société Accor n’a pas cherché à s’emparer de cette correspondance et en a pris connaissance seulement par l’intermédiaire de Mme W… qui lui en a révélé l’existence »; qu’en statuant par de tels motifs inopérants, tandis que la seule circonstance, à la supposer avérée, que M. C… ait donné accès uniquement à son assistante aux messages privés litigieux ne leur faisait pas perdre leur caractère de conversation de nature privée, interdisant à l’employeur de s’en saisir pour sanctionner le salarié, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article 9 du code civil et l’article L. 1121-1 du code du travail ;

2°/ que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail ; que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que la circonstance que l’émetteur d’une correspondance la rendre accessible à un nombre restreint de personnes agréées par lui ne il fait pas perdre sa nature de correspondance privée, de sorte que l’employeur ne saurait licitement en prendre connaissance ni les utiliser contre le salarié; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que, « comme le rappelle la société Accor, celle-ci est entrée régulièrement en possession des messages litigieux, ceux-ci ayant été transférés avec l’accord de M. C…, dans la boîte électronique de son assistante, Mme W…, puis, consultés dans celle-ci et imprimés à partir de cette boîte, en présence d’un huissier de justice – étant rappelé que le matériel informatique utilisé par les deux salariés était mis à leur disposition par l’employeur » et que « ces messages ne peuvent être qualifiés de privés alors que l’un de leurs auteurs, M. C…, a laissé à un tiers – fût-ce son assistante – toute liberté pour les détenir et les consulter ; qu’en outre, la société Accor n’a pas cherché à s’emparer de cette correspondance et en a pris connaissance seulement par l’intermédiaire de Mme W… qui lui en a révélé l’existence » ; qu’en statuant par de tels motifs inopérants, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé en quoi la surveillance et l’utilisation des messages issus de la messagerie instantanée de l’intéressé, à les supposer même légitimes dans leur principe, ne portaient pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie personnelle au regard du but poursuivi par l’employeur, a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article 9 du code civil et l’article L. 1121-1 du code du travail ;

3°/ que, subsidiairement, l’employeur, qui se prévaut d’un élément de preuve, doit justifier, lorsque cela est contesté, qu’il est entré en possession de celui-ci de manière licite; que M. C… faisait valoir dans ses conclusions remises et soutenues à l’audience que, s’il avait donné son accord pour que sa secrétaire, Mme W…, puisse accéder à sa boîte mail pour gérer, au besoin, son agenda, il ne l’avait en revanche pas autorisée à accéder au contenu de ses correspondances échangées via la messagerie instantanée de l’entreprise « Lynk », l’employeur ne l’ayant, à tout le moins, pas informé que l’autorisation donnée à la secrétaire d’accéder à sa boîte mail impliquerait également la retransmission de ses conversations instantanées à cette dernière ; que, pour dire que l’employeur était entré en possession des échanges litigieux de manière licite, la cour d’appel a retenu que Mme W… avait accès à la messagerie de M. C… et qu’il n’était pas justifié de la disparition de cette prérogative, aucun élément de preuve n’établissant que l’autorisation donnée à celle-ci d’accéder à la messagerie du salarié aurait été limitée aux seuls messages « mails » de ce dernier ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il était entré en possession de manière licite des éléments de preuve dont il se prévalait au soutien du licenciement pour faute grave, la cour d’appel a violé l’article 1315 devenu 1353 du code civil ;

4°/ que si les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels, l’employeur ne peut les utiliser pour sanctionner le salarié s’il s’avère que ces courriels relèvent de la vie privée du salarié ; qu’à ce titre, la seule circonstance que l’intéressé ait autorisé un nombre restreint de personnes à prendre connaissance desdits messages ne suffit pas à leur faire perdre leur nature de conversation privée ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a estimé qu’à partir du moment où l’employeur aurait eu licitement le droit de disposer des messages litigieux, cela suffisait en soi à justifier qu’il puisse fonder sur eux le licenciement pour faute grave ; qu’en se déterminant de la sorte, tandis que la circonstance, à la supposer même avérée, que l’employeur ait pu licitement appréhender les messages litigieux du fait de leur transfert sur la boîte de l’assistante de M. C…, ne suffisait pas à leur faire perdre leur nature de conversation privée, ni donc à permettre à l’employeur de les utiliser contre le salarié pour le sanctionner, la cour d’appel, qui n’a nullement caractérisé en quoi les messages litigieux n’auraient pas constitué une conversation de nature privée insusceptible de fonder une sanction contre le salarié, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

5°/ qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que, pour retenir la faute grave, la cour d’appel a énoncé qu'« il apparaît à la lecture des échanges litigieux que ces propos, témoignant d’une conversation régulière et fournit, de M. C… avec sa collègue, Mme I…, sont exprimés sur un ton grossier et méprisant envers ses collègues, supérieurs ou subordonnés, critiqués à titre personnel et en dehors de toute considération de travail » et « qu’ils traduisent aussi un désaccord avec la stratégie de l’entreprise et montre finalement, de M. C…, l’image contrefaite d’un supérieur irrespectueux, cynique et hypocrite, détaché de l’intérêt de son personnel et de l’entreprise », qualifiant ainsi le comportement de l’exposant d'« irrespectueux et déloyal, incompatible avec la confiance et le sentiment d’exemplarité qu’un cadre dirigeant doit pouvoir inspirer à son employeur » ; qu’en statuant ainsi, sans expliquer concrètement en quoi les échanges entre M. C… et Mme I… étaient constitutifs de la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. D’abord, la cour d’appel a constaté que les messages électroniques litigieux, échangés à l’aide de l’outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour les besoins de son travail, provenaient d’une boîte à lettre électronique professionnelle et a fait ressortir qu’ils n’avaient pas été identifiés comme personnels, ce dont il résultait que l’employeur pouvait en prendre connaissance.

7. Ensuite, la cour d’appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que les messages échangés avec une collègue, automatiquement transférés à l’assistante du salarié avec l’accord de ce dernier, comportaient d’une part des propos insultants et dégradants envers des supérieurs et subordonnés, et d’autre part de nombreuses critiques sur l’organisation, la stratégie et les méthodes de l’entreprise. Ayant retenu que ces messages, qui étaient en rapport avec l’activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privé, elle a ainsi fait ressortir qu’ils pouvaient être invoqués au soutien d’une procédure disciplinaire contre le salarié dont elle a relevé le comportement déloyal.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé qu’il ne pouvait recevoir la qualification de cadre dirigeant et se trouvait donc soumis à l’horaire légal de 35 heures et, en conséquence, de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de remise sous astreinte d’une attestation Pôle Emploi et de bulletins de salaire rectifiés, alors « que sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que si les trois critères fixés par l’article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l’entreprise, il n’en résulte pas que la participation à la direction de l’entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ; que, pour débouter M. C… de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, la cour d’appel a retenu, par motifs propres, que « les conclusions et les pièces de la société Accor démontrent que la situation de l’appelant était conforme aux conditions d’indépendance d’emploi du temps, d’autonomie et de rémunération, prescrites par l’article L. 3111-2 du code du travail » et adopté les motifs des premiers juges selon lesquels « le conseil, à la lecture des pièces versées aux débats, valide la qualité de cadre dirigeant de M. C… » ; qu’en statuant ainsi, par voie d’affirmation péremptoire, sans viser ou analyser, même sommairement, les éléments lui permettant de caractériser l’indépendance du salarié dans l’organisation de son emploi du temps, sa capacité à prendre des décisions de manière largement autonome et le fait que sa rémunération se situait effectivement parmi les plus élevés de l’entreprise ou de l’établissement dont il relevait, et donc de conclure à la qualité de cadre dirigeant de l’exposant, la cour d’appel n’a pas motivé sa décision conformément aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé à peine de nullité.

11. Pour juger que le salarié n’avait pas la qualité de cadre dirigeant, l’arrêt retient que les conclusions et les pièces de la société démontrent que la situation de l’intéressé était conforme aux conditions d’indépendance dans l’emploi du temps, d’autonomie et de rémunération prescrites par l’article L. 3111-2 du code du travail, que l’ensemble de ces trois conditions conduisait bien le salarié à participer à la direction de l’entreprise puisque celui-ci était membre des comités de direction de la société, qu’ainsi sa liberté d’action et de décision personnelle n’était pas limitée à la seule structure qu’il dirigeait mais dépassait cette limite pour s’étendre à l’entreprise toute entière.

12. En statuant ainsi, par voie de simples affirmations, sans analyser les fonctions réellement occupées par le salarié au regard des chacun des trois critères fixés par l’article L. 3111-2 du code du travail, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation n’emporte pas cassation du chef du dispositif par lequel le salarié a été débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, que les critiques du premier moyen ne sont pas susceptibles d’atteindre.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. C… de ses demandes tendant à voir dire qu’il n’avait pas la qualité de cadre dirigeant, en paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, ainsi que de remise sous astreinte d’une attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes, l’arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Accor aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Accor et la condamne à payer à M. C… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. C….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. B… C… de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé qu’il ne pouvait recevoir la qualification de cadre dirigeant et se trouvaient donc soumis à l’horaire légal de 35 heures et, en conséquence, de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de remise sous astreinte d’une attestation Pôle Emploi et de bulletins de salaire rectifiés ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le statut de cadre dirigeant : M. C… a été engagé comme directeur site management, cadre autonome, le 16 mars 2009 ; qu’il est devenu cadre dirigeant au terme d’un avenant en date du 1er juillet 2011 ; que M. C… soutient qui ne remplissait pas la condition « ajoutée par la Cour de cassation aux trois critères légaux » qui définissent la notion de « cadre dirigeant », selon l’article L. 3111-2 du code du travail ; qu’il importe en effet que le cadre dirigeant participe à la direction de l’entreprise, ce qui, d’après lui, n’était pas son cas ; que les conclusions et les pièces de la société Accor démontrent que la situation de l’appelant était conforme aux conditions d’indépendance dans l’emploi du temps, d’autonomie et de rémunération, prescrites par l’article L. 3111-2 du code du travail ; que l’ensemble de ces trois conditions conduisait bien, en l’espèce, M. C… à participer à la direction de l’entreprise puisque celui-ci était membre, ce n’est pas contesté, des comités de direction de la société Accor ; qu’ainsi, sa liberté d’action et de décision personnelle n’était pas limitée à la seule structure qu’il dirigeait – comme le confirme M. U… dans une attestation – mais dépassait cette limite pour s’étendre à l’entreprise tout entière ; qu’il n’y a pas lieu dans ces conditions, de procéder à la requalification requise par M. C… ; que la décision déférée ayant rejeté cette demande sera confirmée ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la qualification de cadre dirigeant : le conseil, à la lecture des pièces versées aux débats, valide la qualité de cadre dirigeant de M. C… ; que, dès lors, il n’était pas soumis à l’horaire légal de 35 heures hebdomadaires ;

1°) ALORS QUE sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que si les trois critères fixés par l’article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l’entreprise, il n’en résulte pas que la participation à la direction de l’entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ; que, pour débouter M. C… de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, la cour d’appel a retenu, par motifs propres, que « les conclusions et les pièces de la société Accor démontrent que la situation de l’appelant était conforme aux conditions d’indépendance d’emploi du temps, d’autonomie et de rémunération, prescrites par l’article L. 3111-2 du code du travail » et adopté les motifs des premiers juges selon lesquels « le conseil, à la lecture des pièces versées aux débats, valide la qualité de cadre dirigeant de M. C… » ; qu’en statuant ainsi, par voie d’affirmation péremptoire, sans viser ou analyser, même sommairement, les éléments lui permettant de caractériser l’indépendance du salarié dans l’organisation de son emploi du temps, sa capacité à prendre des décisions de manière largement autonome et le fait que sa rémunération se situait effectivement parmi les plus élevés de l’entreprise ou de l’établissement dont il relevait, et donc de conclure à la qualité de cadre dirigeant de l’exposant, la cour d’appel n’a pas motivé sa décision conformément aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ET ALORS QUE la réunion des critères cumulatifs énoncés à l’article L. 3111-2 du code du travail implique que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise ; qu’en se bornant dès lors à affirmer, pour dire que M. C… avait la qualité de cadre-dirigeant, que « celui-ci était membre (
) des comités de direction de la société Accor », de sorte que « sa liberté d’action et de décision personnelle n’était pas limitée à la seule structure qu’il dirigeait – comme le confirme M. U… dans une attestation – mais dépassait cette limite pour s’étendre à l’entreprise tout entière », la cour d’appel n’a pas caractérisé en quoi sa présence aux comités de direction était active et en quoi il concourait effectivement à élaborer la stratégie de l’entreprise et sa politique, et, in fine, en quoi il aurait concrètement participé à la direction de l’entreprise, privant sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. B… C… de sa demande tendant à ce que son licenciement soit déclaré nul ou à titre subsidiaire dépourvu de cause réelle et sérieuse et à ce que soit rejeté les éléments de preuve, illicites, communiqués par la société Accor et, en conséquence, de l’AVOIR débouté de ses demandes d’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, de rappel de salaire correspondant la période de la mise à pied conservatoire, de dommages et intérêts pour privation de l’avantage en nature durant le préavis, de dommagesintérêts pour privation des stocks options et actions de performance, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de dommages-intérêts pour conditions vexatoires du licenciement, ainsi que de sa demande de remise sous astreinte d’une attestation Pôle Emploi et de bulletins de salaire rectifiés ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le licenciement : sur la nullité du licenciement : M. C… fait valoir tout d’abord que son licenciement est nul car il a porté atteinte à l’exercice, par lui, des libertés fondamentales liées au secret de la vie privée, au secret des correspondances et au droit d’expression ; que le triptyque de cette argumentation repose sur un même fondement, celui en vertu duquel les échanges épistolaires entre M. C… et sa collègue, Mme I…, ainsi que leur communication – par l’assistante de M. C…, Mme W… – à la société Accor revêtiraient un caractère strictement privé ; que l’appelant en conclut qu’en invoquant ces échanges pour justifier son licenciement, la société Accor a porté atteinte à la vie privée, au secret des correspondances et à la liberté d’expression que traduisaient ces échanges ; que la faute grave reprochée résultant, ainsi, de preuves illicites, celles-ci sont irrecevables et le licenciement prononcé, nul ;
que, comme le rappelle la société Accor celle-ci est entrée régulièrement en possession des messages litigieux, ceux-ci ayant été transférés avec l’accord de M. C…, dans la boîte électronique de son assistante, Mme W…, puis, consultés dans celle-ci et imprimés à partir de cette boite, en présence d’un huissier de justice -étant rappelé que le matériel informatique utilisé par les deux salariés était mis à leur disposition par l’employeur ; qu’il résulte des énonciations qui précèdent que ces messages ne peuvent être qualifiés de privés alors que l’un de leur auteur, M. C…, a laissé à un tiers – fût-ce son assistante – toute liberté pour les détenir et les consulter ; qu’en outre, la société Accor n’a pas cherché à s’emparer de cette correspondance et en a pris connaissance seulement par l’intermédiaire de Mme W… qui lui en a révélé l’existence ; qu’ainsi, la société Accor ne peut se voir reprocher d’avoir accédé aux échanges litigieux en violation de quelques droit ou liberté que ce soit, comme le lui impute M. C… ; que la nullité du licenciement invoquée sur ce fondement n’a dès lors pas lieu d’être prononcée ; que le licenciement n’est pas davantage nul en raison du deuxième moyen soulevé par M. C…, relatif au libellé de sa convocation à l’entretien préalable au licenciement ; qu’en effet, l’article 7 de la convention de l’OIT – dont se prévaut M. C… – dispose qu'« un licenciement ne peut intervenir avant que le salarié n’ait la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur » ; que si l’article L. 1232-2 du code du travail énonce, seulement, il est vrai, que la convocation à l’entretien préalable doit préciser « l’objet de la convocation » – et non, les motifs qui font envisager le licenciement – les droits de la défense sont, néanmoins, respectés dès lors qu’en vertu de l’article L. 1232-4, le salarié, au cours de cet entretien, a le droit d’être assisté et peut se défendre contre les griefs que formule l’employeur ; que la demande tendant à la nullité du licenciement de M. C… a dès lors été valablement écartée par les premiers juges ; que, sur la cause réelle et sérieuse du licenciement : M. C… soutient que les faits reprochés sont prescrits et en tout état de cause non établis ; que s’agissant de la prescription M. C… expose que la société Accor a eu connaissance des faits à l’origine de son licenciement plus de deux mois avant sa convocation préalable du 11 avril 2014 ; que l’engagement des poursuites était donc tardif ; qu’il produit l’attestation d’un collègue, déclarant que M. U…, le supérieur de M. C…, aurait déclaré, lors d’une réunion de travail, qu’il était au courant « depuis plusieurs semaines » des échanges électroniques de M. C… et de sa collègue ; que cette affirmation, reprise d’ailleurs, dans une attestation du même M. U… n’apparaît nullement en contradiction – comme le prétend l’appelant – avec les termes de la lettre de licenciement selon laquelle la société aurait été informée des faits litigieux le 9 avril 2014 ; qu’en effet, M. U… admet avoir d’abord attendu de vérifier la poursuite des échanges que lui avait révélés son assistante, puis décidé de saisir le service des relations humaines, aux fins de licenciement des intéressés qui ne cessaient pas leur activité répréhensible ; que la période entre « mars » et début avril apparaît ainsi correspondre au temps d’attente que se laissait M. U… afin d’être complètement informé du comportement des deux salariés ; que, dans ces conditions, la date du 9 avril, où la société Accor déclare avoir eu connaissance des faits ne revêt aucun caractère frauduleux ; que, de plus, au prétexte du délai écoulé, M. C… ne saurait faire état d’une tolérance quelconque de la société envers son comportement alors que l’attente de M. U… avait un motif précis et justifié, comme il vient d’être rappelé ; qu’enfin, s’il est vrai que Mme W… était informée, depuis dix-huit mois, de l’échange épistolaire de M. C… avec sa collègue, cette circonstance ne signifie pas pour autant que la société, elle-même, était informée des agissements de M. C… puisqu’en aucun cas Mme W…, subordonnée de M. U…, ne pouvait représenter la direction ; que, sur les griefs reprochés, selon M. C…, son ancien employeur, s’est procuré de manière illicite les moyens de preuve (les messages litigieux reproduits dans le constat d’huissier) fondant le licenciement ; que ces éléments ne peuvent qu’être rejetés et, dès lors, son licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse ; que c’est à tort, comme dit précédemment, que M. C… croit pouvoir invoquer la violation de droits, inexistante en l’espèce ; que la société Accor ne s’est pas immiscée dans la correspondance des deux salariés et s’est vu remettre celle-ci par un tiers qui y avait, elle-même, accès, sans qu’il soit justifié de la disparition de cette prérogative ; que les éléments d’information et de preuve recueillis par l’employeur dans les conditions qui précèdent, ne saurait procéder d’une pratique illicite et sont donc opposables à l’appelant ; qu’au fond, M. C… soutient que la plupart des propos retenus contre lui ont été émis sur un réseau de communication immédiate interne à l’entreprise (Lynk) et qu’il ignorait que ces messages étaient « basculés » sur sa boîte électronique à laquelle avait accès sa secrétaire ; que, de plus, le constat du huissier n’a relaté que des conversations à compter du mois d’août 2013 ; qu’il en déduit que Mme W… n’étant pas autorisée à accéder à la messagerie Lynk, les messages Lynk retranscrits par l’huissier étaient inaccessibles et que ceux, antérieurs à août 2013, n’ont aucune force probante ; que comme dit précédemment aucun élément de preuve n’établit que l’autorisation donnée à Mme W… d’accéder à la messagerie aurait été limitée aux seuls messages « mails » de l’appelant ; que, de même, rien ne permet d’affirmer que les messages antérieurs au constat d’huissier ne seraient pas authentiques ; qu’ainsi, M. C… ne peut sérieusement contester être l’auteur des propos retranscrits dans la lettre de licenciement ; qu’il apparaît à la lecture des échanges litigieux, que ces propos, témoignant d’une conversation régulière et fournie, de M. C… avec sa collègue, Mme I…, sont exprimés sur un ton grossier et méprisant envers ses collègues, supérieurs ou subordonnés, critiqués à titre personnel et en dehors de toute considération de travail ; qu’ils traduisent aussi un désaccord avec la stratégie de l’entreprise et montre finalement, de M. C…, l’image contrefaite d’un supérieur irrespectueux, cynique et hypocrite, détaché de l’intérêt de son personnel et de l’entreprise ; que la fréquence et l’importance de tels échanges personnels, y compris pendant les réunions de travail, apparaissaient en définitive constitutives d’un comportement irrespectueux et déloyal, incompatible avec la confiance et le sentiment d’exemplarité qu’un cadre dirigeant doit pouvoir inspirer à son employeur ; que le licenciement pour faute grave de M. C… est donc justifie ; que le jugement ayant débouté M. C… de sa contestation sera confirmé ; qu’il résulte des énonciations qui précèdent que les demandes formées par M. C… au titre des « stocks options » et de l’irrégularité alléguée de la procédure de licenciement ne sont pas fondées ; qu’en effet, s’agissant des « stocks options », l’appelant laisse sans réponse l’objection de la société Accor selon laquelle le licenciement pour faute grave fait obstacle à la réalisation des stocks options, par application des dispositions des règlements des plans d’option de souscriptions d’actions des 27 mars 2012 et 15 avril 2013 ; que les premiers juges doivent être approuvés d’avoir rejeté cette prétention de M. C… ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur la demande de nullité du licenciement : l’entreprise n’a pas violé les libertés fondamentales du salariée relatives au respect de la vie privée, au secret des correspondances et à la liberté d’expression ; que l’employeur a respecté toutes les libertés fondamentales du salarié, le conseil déboute le demandeur de sa demande de nullité du licenciement ; que, sur la demande de dire et juger le licenciement sans cause et sérieuse : à l’appui de la mesure de privation du préavis, prise à l’encontre de M. C…, l’employeur invoque la faute grave ; la faute grave ou lourde visée aux articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail résultent d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié et qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis ; que l’administration de la preuve est l’oeuvre commune de chacune des parties, et qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve que les faits invoqués rendaient impossible la présence du salarié dans l’entreprise pendant la période du préavis ; qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur ; que la lettre de licenciement, en date du 30 avril 2014, qui fixe les limites du litige, contient les griefs suivants : licenciement pour faute grave, manquement aux obligations contractuelles, utilisation de la messagerie d’entreprise à des fins personnelles, comportement inadmissible, non-respect de la charte informatique, gravité des faits reprochés, statut de cadre dirigeant, l’assistante de direction a finalement alerté la hiérarchie sur vos agissements, vous critiquez, dénigrez et insultez tout le monde dans l’entreprise, propos vulgaires, discriminatoires, antisyndicaux, insultants, dégradants et infâmes, manque de loyauté et comportement intolérable, utilisation abusive des outils informatiques d’Accor, attitude contraire à la charte informatique d’entreprise, irrespect du règlement intérieur, violation flagrante de vos obligations contractuelles, votre maintien dans l’entreprise est impossible ; que le dénigrement de la hiérarchie constitue un abus de liberté d’expression du salarié ; que le conseil constate la quantité importante d’échanges électroniques, insultants, dégradants, pendant le temps de travail et en continu ; que le salarié n’a pas respecté le règlement intérieur de la société ; que le salarié n’a pas respecté la charte informatique de la société ; que le salarié n’a pas respecté l’éthique de management de l’entreprise ; que le conseil constate les critiques, dénigrements et insultes de la hiérarchie, des collègues et des équipes ; que le conseil constate les nombreuses critiques de l’organisation de l’entreprise, de la stratégie et des méthodes ; que, dès lors, le conseil prononce la validité du licenciement pour faute grave ; que, sur l’exécution déloyale du contrat travail : la société respectait l’ensemble de ses obligations contractuelles, le demandeur et débouté de sa demande ; que, sur les conditions vexatoires du licenciement : le conseil n’a constaté aucun manquement de la part de la société Accor, le conseil déboute le demandeur de ce chef de demande ; que, sur la privation de l’avantage en nature pendant le préavis : le conseil confirme le licenciement pour faute grave, il n’est pas fait droit cette demande ; que, sur la privation des stocks options et actions de performance : le demandeur ne rapporte pas la preuve de son préjudice, il est débouté de sa demande ;

1°) ALORS QUE le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail ; que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que la circonstance que l’émetteur d’une correspondance la rendre accessible à un nombre restreint de personnes agréées par lui ne li fait pas perdre sa nature de correspondance privée, de sorte que l’employeur ne saurait licitement en prendre connaissance ni les utiliser contre le salarié ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que, « comme le rappelle la société Accor, celle-ci est entrée régulièrement en possession des messages litigieux, ceux-ci ayant été transférés avec l’accord de M. C…, dans la boîte électronique de son assistante, Mme W…, puis, consultés dans celle-ci et imprimés à partir de cette boîte, en présence d’un huissier de justice – étant rappelé que le matériel informatique utilisé par les deux salariés était mis à leur disposition par l’employeur » et que « ces messages ne peuvent être qualifiés de privés alors que l’un de leurs auteurs, M. C…, a laissé à un tiers – fût-ce son assistante – toute liberté pour les détenir et les consulter ; qu’en outre, la société Accor n’a pas cherché à s’emparer de cette correspondance et en a pris connaissance seulement par l’intermédiaire de Mme W… qui lui en a révélé l’existence » ; qu’en statuant par de tels motifs inopérants, tandis que la seule circonstance, à la supposer avérée, que M. C… ait donné accès uniquement à son assistante aux messages privés litigieux ne leur faisait pas perdre leur caractère de conversation de nature privée, interdisant à l’employeur de s’en saisir pour sanctionner le salarié, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article 9 du code civil et l’article L. 1121-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail ; que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que la circonstance que l’émetteur d’une correspondance la rendre accessible à un nombre restreint de personnes agréées par lui ne li fait pas perdre sa nature de correspondance privée, de sorte que l’employeur ne saurait licitement en prendre connaissance ni les utiliser contre le salarié ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que, « comme le rappelle la société Accor, celle-ci est entrée régulièrement en possession des messages litigieux, ceux-ci ayant été transférés avec l’accord de M. C…, dans la boîte électronique de son assistante, Mme W…, puis, consultés dans celle-ci et imprimés à partir de cette boîte, en présence d’un huissier de justice – étant rappelé que le matériel informatique utilisé par les deux salariés était mis à leur disposition par l’employeur » et que « ces messages ne peuvent être qualifiés de privés alors que l’un de leurs auteurs, M. C…, a laissé à un tiers – fût-ce son assistante – toute liberté pour les détenir et les consulter ; qu’en outre, la société Accor n’a pas cherché à s’emparer de cette correspondance et en a pris connaissance seulement par l’intermédiaire de Mme W… qui lui en a révélé l’existence » ; qu’en statuant par de tels motifs inopérants, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé en quoi la surveillance et l’utilisation des messages issus de la messagerie instantanée de l’intéressé, à les supposer même légitimes dans leur principe, ne portaient pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie personnelle au regard du but poursuivi par l’employeur, a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article 9 du code civil et l’article L. 1121-1 du code du travail ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE l’employeur, qui se prévaut d’un élément de preuve, doit justifier, lorsque cela est contesté, qu’il est entré en possession de celui-ci de manière licite ; que M. C… faisait valoir dans ses conclusions remises et soutenues à l’audience que, s’il avait donné son accord pour que sa secrétaire, Mme W…, puisse accéder à sa boîte mail pour gérer, au besoin, son agenda, il ne l’avait en revanche pas autorisée à accéder au contenu de ses correspondances échangées via la messagerie instantanée de l’entreprise « Lynk », l’employeur ne l’ayant, à tout le moins, pas informé que l’autorisation donnée à la secrétaire d’accéder à sa boîte mail impliquerait également la retransmission de ses conversations instantanées à cette dernière (p. 22 et suiv.) ; que, pour dire que l’employeur était entré en possession des échanges litigieux de manière licite, la cour d’appel a retenu que Mme W… avait accès à la messagerie de M. C… et qu’il n’était pas justifié de la disparition de cette prérogative, aucun élément de preuve n’établissant que l’autorisation donnée à celle-ci d’accéder à la messagerie du salarié aurait été limitée aux seuls messages « mails » de ce dernier ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’il appartenait à l’employeur de démontrer qu’il était entré en possession de manière licite des éléments de preuve dont il se prévalait au soutien du licenciement pour faute grave, la cour d’appel a violé l’article 1315 devenu 1353 du code civil ;

4°) ALORS, subsidiairement, QUE M. C… soutenait encore que l’accès de Mme W… à sa messagerie professionnelle n’était justifié que par la nécessité que pouvait avoir celle-ci, en tant que secrétaire personnelle, d’accéder à son agenda ; qu’il en déduisait que, dès l’instant qu’elle avait cessé de l’assister et était devenue l’assistante personnelle de M. U… (directeur du département e-commerce), son autorisation d’accès à sa boîte mail était caduque, dans la mesure où elle n’était plus justifiée par la tâche à accomplir ni par le but recherché par l’employeur (cf. conclusions d’appel p. 22 § 2 et suiv.) ; qu’en s’abstenant dès lors de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions du salarié, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de civile ;

5°) ALORS, en tout état de cause, QUE, si les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels, le règlement intérieur peut toutefois contenir des dispositions restreignant le pouvoir de consultation de l’employeur, en le soumettant à d’autres conditions ; qu’en l’espèce, M. C…, d’une part, rappelait que le règlement intérieur – et la charte informatique à laquelle il renvoyait – limitait l’accès de l’employeur aux courriels émis par le salarié, et ce, qu’ils soient personnels ou professionnels, en l’obligeant à se soumettre à une procédure spécifique, d’autre part, observait que l’employeur s’en était délibérément affranchi (cf. conclusions d’appel page 20 et suivantes) ; qu’en s’abstenant dès lors de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si l’employeur avait respecté la procédure spéciale prévue par le règlement intérieur et la charte informatique de l’entreprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble l’article 9 du code civil et l’article L. 1321-1 du code du travail ;

6°) ALORS, en tout état de cause, QUE, si les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels, l’employeur ne peut les utiliser pour sanctionner le salarié s’il s’avère que ces courriels relèvent de la vie privée du salarié ; qu’à ce titre, la seule circonstance que l’intéressé ait autorisé un nombre restreint de personnes à prendre connaissance desdits messages ne suffit pas à leur faire perdre leur nature de conversation privée ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a estimé qu’à partir du moment où l’employeur aurait eu licitement le droit de disposer des messages litigieux, cela suffisait en soi à justifier qu’il puisse fonder sur eux le licenciement pour faute grave ; qu’en se déterminant de la sorte, tandis que la circonstance, à la supposer même avérée, que l’employeur ait pu licitement appréhender les messages litigieux du fait de leur transfert sur la boîte de l’assistante de M. C…, ne suffisait pas à leur faire perdre leur nature de conversation privée, ni donc à permettre à l’employeur de les utiliser contre le salarié pour le sanctionner, la cour d’appel, qui n’a nullement caractérisé en quoi les messages litigieux n’auraient pas constitué une conversation de nature privée insusceptible de fonder une sanction contre le salarié, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

7°) ALORS, en outre, QU’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que, pour retenir la faute grave, la cour d’appel a énoncé qu'« il apparaît à la lecture des échanges litigieux que ces propos, témoignant d’une conversation régulière et fournit, de M. C… avec sa collègue, Mme I…, sont exprimés sur un ton grossier et méprisant envers ses collègues, supérieurs ou subordonnés, critiqués à titre personnel et en dehors de toute considération de travail » et « qu’ils traduisent aussi un désaccord avec la stratégie de l’entreprise et montre finalement, de M. C…, l’image contrefaite d’un supérieur irrespectueux, cynique et hypocrite, détaché de l’intérêt de son personnel et de l’entreprise », qualifiant ainsi le comportement de l’exposant d'« irrespectueux et déloyal, incompatible avec la confiance et le sentiment d’exemplarité qu’un cadre dirigeant doit pouvoir inspirer à son employeur » ;
qu’en statuant ainsi, sans expliquer concrètement en quoi les échanges entre M. C… et Mme I… étaient constitutifs de la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

8°) ET ALORS, plus-subsidiairement encore, QUE, sauf propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, d’une liberté d’expression qui ne peut justifier son licenciement disciplinaire ; qu’en se déterminant comme elle a fait, sans rappeler précisément les termes imputés à faute à M. C…, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’existence, par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, d’un abus dans l’exercice de la liberté d’expression dont jouit tout salarié, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. C… de sa demande d’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, en ce qui concerne l’irrégularité invoquée par l’appelant, celle-ci tient à l’absence d’indication, dans sa lettre de licenciement, des actions de bilan de compétences et de formation dont il disposait ; que cependant, l’effectivité de telles mesures aurait supposé que M. C… accomplît un préavis, durant lequel ces mesures auraient pu être mises en oeuvre ; que tel ne fut pas le cas, puisque licencié pour faute grave, M. C… est sorti des effectifs de l’entreprise dès son licenciement et ne pouvait dès lors bénéficier des actions litigieuses ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur l’irrégularité de la procédure de licenciement : le conseil constate la régularité de la procédure de licenciement, le conseil déboute le salarié de cette demande ;

ALORS QUE l’employeur doit, dans la lettre de licenciement, sauf faute lourde, informer le salarié de la possibilité qu’il a de demander, jusqu’à l’expiration du préavis, que celui-ci soit ou non exécuté, ou pendant une période égale à celle du préavis qui aurait été applicable, à bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation ; qu’il s’ensuit que le salarié, dont le licenciement est prononcé pour faute grave, doit être informé de cette possibilité, nonobstant l’absence d’exécution du préavis ; que, pour débouter M. C… de sa demande au titre de l’absence d’information dans la lettre de licenciement de la possibilité de bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation, la cour d’appel a retenu que « l’effectivité de telles mesures aurait supposé que M. C… accomplît un préavis, durant lequel ces mesures auraient pu être mises en oeuvre », mais que « tel ne fut pas le cas, puisque licencié pour faute grave, M. C… est sorti des effectifs de l’entreprise dès son licenciement et ne pouvait dès lors bénéficier des actions litigieuses » ; qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants, cependant que la lettre de licenciement ne précisait pas la possibilité qui était la sienne à ce titre, ce dont il résultait que le salarié avait été privé de la possibilité d’exercer son droit individuel à la formation par le fait de l’employeur, ce qui lui ouvrait le droit à une indemnisation de ce chef, la cour d’appel a violé l’article L. 6323-17 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, et l’article L. 6323-19 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 9 septembre 2020, 18-20.489, Inédit