Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 octobre 2020, 18-23.965, Inédit

  • Concurrence déloyale·
  • Intérêt à agir·
  • Action en contrefaçon·
  • Propriété·
  • Société unipersonnelle·
  • Intérêt·
  • Intérêt légitime·
  • Dépôt de marque·
  • Enregistrement·
  • Contrefaçon de marques

Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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Dreyfus · 22 février 2021

Il est fréquent que des marques déposées auprès de l'INPI le soient par des personnes physiques agissant pour le compte d'une société en cours de formation. Le fondateur de la société en cours de formation est le titulaire régulier de la marque déposée jusqu'à ce que la société en question reprenne ses engagements. Le fondateur peut donc agir en contrefaçon pour la défense de la marque dans l'intervalle. Que se passe-t-il lorsque la société qui devait être créée et donc être titulaire de la marque, n'est finalement jamais formée ? La Cour de Cassation s'est exprimée sur ce point dans …

 

Dreyfus · 22 février 2021

Il est fréquent que des marques déposées auprès de l'INPI le soient par des personnes physiques agissant pour le compte d'une société en cours de formation. Le fondateur de la société en cours de formation est le titulaire régulier de la marque déposée jusqu'à ce que la société en question reprenne ses engagements. Le fondateur peut donc agir en contrefaçon pour la défense de la marque dans l'intervalle. Que se passe-t-il lorsque la société qui devait être créée et donc être titulaire de la marque, n'est finalement jamais formée ? La Cour de Cassation s'est exprimée sur ce point dans …

 

François Herpe · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er décembre 2020
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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-23.965
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-23.965
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Fort-de-France, 10 septembre 2018
Textes appliqués :
Article 31 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042464492
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CO00522
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

JT

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 522 F-D

Pourvoi n° W 18-23.965

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 OCTOBRE 2020

Mme R… T…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° W 18-23.965 contre l’arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d’appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Serenade des Saveurs, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme T…, et l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 11 septembre 2018), Mme T…, agissant pour le compte de la société Dousè Péyi en cours de formation, a déposé, le 25 avril 2011, auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (l’INPI), la marque « Dousè Péyi » qui a été enregistrée sous le numéro 11 3 826 106 pour désigner des produits et services des classes 21, 24, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 41, 43.

2. La société Sérénade des saveurs ayant déposé, le 5 janvier 2012 à l’INPI, la marque « Doucè Peyi » qui a été enregistrée sous le numéro 12 3 886 496 pour désigner des produits et services des classes 29, 31, 32 et 43, Mme T… l’a assignée en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

3. La société Sérénade des saveurs a soulevé une fin de non-recevoir, tirée du défaut d’intérêt à agir de Mme T….

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme T… fait grief à l’arrêt de la déclarer irrecevable en son action en contrefaçon et en concurrence déloyale, alors « que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu’en déclarant l’action de Mme T… irrecevable cependant que le dépôt de marque « Dousé Peyi » a été établi personnellement par Mme T… en qualité de signataire « déposant » dès le 25 avril 2011, ce dont il résultait qu’elle disposait d’un intérêt personnel à agir à l’encontre de la société Sérénade des saveurs qui s’est déloyalement appropriée cette marque en procédant à son dépôt sous une dénomination identique le 5 janvier 2012, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 31 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ce texte que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

6. Pour déclarer Mme T… irrecevable en son action, l’arrêt retient que la marque « Dousè Péyi » a été déposée par Mme T…, agissant pour le compte de la société Dousè Péyi en cours de formation, que, cependant, cette société n’a pas été constituée, Mme T… ayant en définitive choisi d’exercer son activité de pâtisserie à titre individuel, et que, par conséquent, Mme T… ne peut revendiquer la propriété de la marque « Dousè Péyi » à titre personnel sans avoir fait modifier la mention au registre national des marques.

7. En statuant ainsi, alors que la société Dousè Péyi n’ayant pas été constituée et n’ayant pas repris les engagements souscrits par Mme T…, celle-ci n’avait jamais cessé d’être propriétaire de la marque qu’elle avait déposée, ce qui lui conférait un intérêt à agir en contrefaçon de ladite marque et pour actes de concurrence déloyale connexes, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Fort-de-France ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France autrement composée ;

Condamne la société Sérénade des saveurs aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sérénade des saveurs à payer à Mme T… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme T…

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré irrecevable l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale de Mme T… et de l’AVOIR en conséquence condamnée à payer à l’EARL Serenade des Saveurs la somme de 3.000 euros au titre de 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l’article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, l’action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Et, en verte de l’article L.714-7, toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques. L’article R.714-2 prévoit quant à lui que figurent notamment sur ce répertoire l’identification du demandeur et les références du dépôt, ainsi que les actes ultérieurs en affectant l’existence ou la portée, les actes modifiant la propriété de la marque ou la jouissance des droits qui lui sont attachés, les changements de nom et de forme juridique. En l’occurrence, la marque Dousè Péyi a été déposée par Mme R… T… agissant pour le compte de la société Dousè Péyi en cours de formation. Celle-ci n’a cependant pas été constituée, Mme R… T… ayant en définitive choisi d’exercer son activité de pâtisserie à titre individuel. Mine R… T… ne peut revendiquer la propriété de cette marque à titre personnel sans en avoir fait la modification au Registre national des marques préalablement à l’engagement de toute action réservée au titulaire de celle-ci. Elle ne peut se prévaloir aujourd’hui de la transmission universelle du patrimoine à l’associé unique d’une société unipersonnelle, qui n’a au demeurant jamais été créée, pour asseoir’ le changement de titulaire de la marque qu’elle aurait d’abord dû faire mentionner, sur justificatif, au Répertoire dédié à cet effet et porter ainsi à la connaissance des tiers. A défaut, ce changement leur est inopposable. En conséquence, les premiers juges ont à bon droit, par application de l’article 31 du code de procédure civile, déclaré irrecevable faute d’intérêt à agir l’action en contrefaçon initiée par Mme R… T… ainsi que l’action en concurrence déloyale qui lui était associée. Le jugement déféré sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions. L’intimée présente, en cause d’appel et à titre reconventionnel, une demande de dommages-intérêts "en réparation du préjudice matériel et moral qu’elle a subi du fait de ce mauvais procès Celle-ci est recevable en vertu de l’article 567 du code de procédure civile. Il est cependant incontestable que la marque Dousè Péyi a été déposée avant celle (Doucé Peyi) dont l’EARL Sérénade des Saveurs a fait usage. Même si elle a négligé d’en faire la régularisation, Mme R… T… pouvait se croire investie des droits afférents à cette marque, si bien que leur revendication auprès de P EARL Sérénade des Saveurs, par de simples correspondances et par l’exercice d’une action en justice, est exclusive de toute mauvaise foi, de procédés anormaux et d’abus de procédure. En l’absence de faute de Mme R… T…, la demande de T EARL Sérénade des Saveurs sera donc rejetée. Partie succombante, Mme R… T… supportera la charge des dépens d’appel et sera condamnée à payer à l’intimée la somme de 3 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles » ;

ET AUX MOTIFS REPUTÉS ADOPTÉS QU'« En l’espèce, s’il ressort des éléments du dossier, notamment du récépissé de demande d’enregistrement et de l’avis de publication de la demande d’enregistrement de la marque « Dousè Péyi », du 25 avril 2011, versés aux débats, que ladite marque a fait l’objet d’un dépôt auprès de l’Institut National de Propriété Industrielle pour les classes 21, 24, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 41 et 43, il apparaît également que ce dépôt a été réalisé par Mme R… T… pour le compte de la société DousèPéyi, en cours de formation, et non en qualité de personne physique. Or, il résulte de la fiche produite par la défenderesse que cette entreprise a cessé son activité le 1er novembre 2014, de sorte que, lors de la délivrance de l’acte introductif d’instance, le 18 novembre 2014, l’entreprise individuelle susvisée n’avait plus la personnalité juridique. Ainsi, outre le fait qu’elle ne répond pas au moyen ainsi soulevé par la défenderesse, il convient de constater que l’entreprise de Mme R… T… n’avait plus d’activité commerciale, ni de personnalité juridique, de sorte que la demanderesse ne dispose d’un intérêt à agir ni au titre de la contrefaçon ni à celui de la concurrence déloyale. En conséquence, il y a lieu de déclarer l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale irrecevable ».

1°) ALORS, d’une part, QUE l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu’en déclarant l’action de Mme T… irrecevable cependant que le dépôt de marque DouséPeyi a été établi personnellement par Mme R… T… en qualité de signataire « déposant » dès le 25 avril 2011, ce dont il résultait qu’elle disposait d’un intérêt personnel à agir à l’encontre de l’EARL Sérénade des saveurs qui s’est déloyalement appropriée cette marque en procédant à son dépôt sous une dénomination identique le 5 janvier 2012, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, de deuxième part, QUE l’action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque sans que son intérêt à agir ne soit subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de son action ; que si toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques, cette circonstance ne suffit pas à priver le créateur d’une marque de tout intérêt à agir en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale dès lors qu’il rapporte en avoir été le premier titulaire ; que l’associé unique, personne physique, agissant pour le compte d’une société unipersonnelle en formation, qui crée sa propre marque peut se prévaloir d’un droit propre à revendiquer la titularité de celle-ci en exerçant des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale à l’encontre d’une autre société utilisatrice ; qu’en jugeant que Mme R… T… n’avait pas d’intérêt à agir en contrefaçon et en concurrence déloyale aux motifs inopérants que ses droits sur la marque querellée n’existaient pas faute d’enregistrement de la société en formation au nom de laquelle elle a été créée, de sorte que Mme T… ne pouvait ni « revendiquer la propriété de cette marque à titre personnel » ni « se prévaloir de la transmission universelle de son patrimoine à l’associé unique d’une société unipersonnelle », la cour d’appel a apprécié le bien-fondé de la demande et non la recevabilité de l’action, violant ainsi les articles L. 716-5 et L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l’article 31 du code de procédure civile.

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