Cour de cassation, Chambre commerciale, 4 novembre 2020, 18-15.834, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 4 nov. 2020, n° 18-15.834
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-15.834
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 27 février 2018
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042524992
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CO00625
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 4 novembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 625 F-D

Pourvoi n° G 18-15.834

Aide juridictionnelle totale en défense

au profit de M. P… E….

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 9 octobre 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2020

1°/ M. H… B…, domicilié […] ,

2°/ U… Y…, veuve B…, anciennement domiciliée […] , décédée le […],

3°/ Mme I… J…, domiciliée […] , agissant en qualité de curateur de U… Y…, veuve B…,

ont formé le pourvoi n° G 18-15.834 contre l’arrêt rendu le 28 février 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant :

1°/ à M. L… E…, domicilié […] ,

2°/ à M. P… E…, domicilié […] ,

3°/ à M. M… E…, domicilié […] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. B…, de U… Y…, veuve B…, et de Mme J…, ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. L… E…, M. P… E… et de M. M… E…, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d’instance

1. Il est donné acte à M. B… de sa reprise d’instance, en sa qualité de seul héritier de U… B…, sa mère, décédée le […].

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 février 2018), par acte du 29 mai 2010, U… B… et son fils, M. B…, (les consorts B…) ont conclu avec la société La Boulangerie du marché un bail commercial portant sur un local dont ils étaient propriétaires. A la suite de nombreux différents les ayant opposés à cette société, relatifs, notamment, au non-paiement des loyers et à la résiliation du bail, les consorts B… ont assigné en responsabilité M. L… E…, en qualité de gérant de droit de la société La Boulangerie du marché, et son père, M. P… E…, en qualité de gérant de fait. En cause d’appel, ils ont appelé en intervention forcée M. M… E…. Mme J… est intervenue volontairement à l’instance, en sa qualité de curatrice de U… B….

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, le troisième moyen, pris en sa seconde branche, et le quatrième moyen, ci-après annexés

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les consorts B… font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable l’assignation en intervention forcée de M. M… E…, alors :

« 1°/ qu’il incombe à celui qui invoque une fin de non-recevoir de faire la preuve de son bien-fondé ; qu’en faisant droit à la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’évolution du litige au motif que les appelants ne justifiaient pas d’une évolution du litige leur permettant d’appeler M. M… E… en intervention forcée, la cour d’appel a violé les articles 122 et 555 du code de procédure civile, ensemble l’article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°/ que revêt la qualité de gérant de fait celui qui accomplit en toute indépendance des actes positifs relevant de la compétence exclusive du dirigeant de droit ; qu’en l’espèce, les consorts B… faisaient valoir que la reconnaissance de dette souscrite par la société La Boulangerie du marché à l’égard de la société Grand moulin de Paris et communiquée en cause d’appel laissait apparaître que M. M… E…, associé de la société La Boulangerie du marché, était intervenu au prêt et à la reconnaissance de dette en tant que représentant de cette société, au même titre que son frère gérant statutaire ; qu’en opposant que les consorts B… avaient connaissance de l’existence de M. M… E… dès la communication le 30 janvier 2009 de l’acte de cession du droit au bail et de la lettre l’accompagnant, sans expliquer en quoi ce dernier document, qui ne faisait aucune mention de la société La Boulangerie du marché, permettait de savoir que M. M… E… en aurait été le représentant et d’établir ainsi son immixtion dans le fonctionnement de cette société, alors que la SARL unipersonnelle La Boulangerie du marché n’a été immatriculée que le 4 novembre 2009, et que c’est uniquement à partir de cette date qu’il est apparu que le gérant désigné était M. L… E…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 555 du code de procédure civile ;

3°/ que revêt la qualité de gérant de fait celui qui accomplit en toute indépendance des actes positifs relevant de la compétence exclusive du dirigeant de droit ; qu’en l’espèce, les consorts B… faisaient valoir que la reconnaissance de dette souscrite par la société La Boulangerie du marché à l’égard de la société Grand moulin de Paris et communiquée en cause d’appel laissait apparaître que M. M… E…, associé de la société La Boulangerie du marché, était intervenu au prêt et à la reconnaissance de dette en tant que représentant de cette société, au même titre que son frère gérant statutaire ; qu’en opposant que les consorts B… avaient connaissance de l’existence de M. M… E… dès la communication le 30 janvier 2009 de l’acte de cession du droit au bail et de la lettre l’accompagnant, cependant que cet acte de cession mentionnait M. L… E… pour seul représentant de la société La Boulangerie du marché, à l’exclusion de toute mention de M. M… E…, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article 555 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir énoncé que, selon les articles 554 et 555 du code de procédure civile, les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour d’appel, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause, et que l’évolution du litige suppose l’existence d’un élément nouveau, révélé par le jugement ou survenu postérieurement par celui-ci et impliquant cette mise en cause, l’arrêt retient que les consorts B… ne justifient pas avoir eu connaissance, après le jugement rendu le 19 avril 2016, de la reconnaissance de dette qu’ils invoquent et selon laquelle une certaine somme aurait été prêtée le 20 janvier 2011 à la société La Boulangerie du marché représentée par ses deux associés, MM. L… et M… E…. En l’état de ces seuls motifs, la cour d’appel a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que faute pour les consorts B… de démontrer une évolution du litige, l’assignation en intervention forcée de M. M… E… était irrecevable.

6. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches qui critiquent des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. Les consorts B… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts formées contre M. P… E…, alors :

« 2°/ qu’est gérant de fait celui qui exerce une activité positive de gestion ou de direction en toute indépendance ; que le mandat donné à un tiers par le gérant pour représenter la société en justice et dans ses relations avec les tiers n’exclut pas de qualifier le mandataire de gérant de fait dès lors que ce mandat revêt un caractère général ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que M. P… E… s’est impliqué à de nombreuses reprises dans la défense des intérêts de la société La Boulangerie du marché à l’encontre des consorts B… ; qu’en excluant cependant toute gestion de fait de sa part pour cette raison que cette immixtion procédait à chaque fois d’un mandat confié par son fils gérant statutaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil ;

3°/ que le mandat confié à l’effet de représenter une partie en justice ne comprend pas, en l’absence de stipulation en ce sens, celui de s’exprimer en son nom en dehors du cadre du procès ; qu’en l’espèce, les juges ont constaté que M. P… E… était l’auteur de plusieurs courriels des 2 décembre 2012, 15 septembre 2014, 8 octobre 2014 et 10 juillet 2015, tous adressés au nom de la société La Boulangerie du marché, et que M. L… E…, gérant statutaire s’exprimant par la voix de son conseil, avait dénoncé par note en délibéré du 16 septembre 2013 cette immixtion de son père dans la gestion de la société ; qu’en justifiant néanmoins cette immixtion de M. P… E… dans la gestion de la société par le seul fait que celui-ci disposait d’un mandat l’autorisant à défendre en justice les intérêts de cette dernière et que ses courriels avaient trait aux procédures en cours, la cour d’appel a violé l’article 1989 du code civil, ensemble l’article 1382 devenu 1240 du même code ;

4°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu’en l’espèce, il résulte d’une note en délibéré du 16 septembre 2013 établie par l’avocat de la société La Boulangerie du marché, désigné en cours de procédure par son gérant en exercice M. L… E…, que ce dernier avait été « en opposition avec son père qui s’est approprié la défense de ses intérêts, sans lui en rendre compte et en l’écartant de fait de ses développements » ; qu’en retenant, en dépit de la lettre claire et précise de ce document, dont l’authenticité n’était pas contestée, que celui-ci n’était pas suffisant pour établir que M. P… E… aurait agi à l’insu de son fils, les juges ont dénaturé la note en délibéré du 16 septembre 2013. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, sous le couvert d’un grief non fondé de dénaturation, le moyen, pris en sa quatrième branche, ne vise qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine, par la cour d’appel, de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis.

9. En deuxième lieu, il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions des consorts B… que ceux-ci aient soutenu devant la cour d’appel que l’envoi des courriels des 2 décembre 2012, 15 septembre 2014, 8 octobre 2014 et 10 juillet 2015 dépassaient les mandats accordés par M. L… E… à M. P… E…, en violation de l’article 1989 du code civil. Le moyen, pris en sa troisième branche, est donc nouveau et mélangé de fait et de droit.

10. En dernier lieu, après avoir constaté que M. P… E… s’était impliqué dans la défense des intérêts de la société La Boulangerie du marché et avait représenté cette société dans plusieurs procédures judiciaires sans représentation obligatoire, l’arrêt relève qu’à chaque fois, il disposait à cet effet d’un mandat établi par son fils en tant que gérant de droit, ce qui est mentionné par les décisions de justice rendues au cours de ces procédures. En l’état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que M. P… E… n’avait pas agi en toute indépendance, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

11. Par conséquent, le moyen, pour partie irrecevable, n’est pas fondé pour le surplus.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Les consorts B… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts formées contre MM. L… et P… E…, alors « que la cassation s’étend à l’ensemble des chefs qui se rattachent par un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire à la disposition ou aux motifs censurés ; qu’en l’espèce, pour écarter toute responsabilité de M. L… E… en raison de l’abandon de la gestion de la société à son père, les juges ont retenu qu’il résultait de leurs précédents motifs que ce dernier était intervenu dans le seul cadre du mandat qui lui avait été confié pour représenter la société dans les procédures judiciaires la concernant ; que dès lors que les motifs par lesquels l’arrêt a rejeté toute gestion de fait de M. P… E… ont vocation à être censurés, la cassation à intervenir sur le deuxième moyen doit entraîner l’annulation, par voie de conséquence nécessaire, du chef ayant rejeté les demandes de dommages-intérêts formées contre M. P… E…, conformément à l’article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

13. Le rejet du deuxième moyen rend le moyen sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. B… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. B… et Mme J…, en sa qualité de curatrice de Mme B…, et condamne M. B… à payer à la SCP Piwnica et Molinié la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. B…, U… Y…, veuve B… et Mme J…, ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable l’assignation en intervention forcée de M. M… E… ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l’irrecevabilité de l’assignation en intervention forcée de M. M… E… :

Les intimés font valoir que M. M… E… n’était pas partie en première instance ; que l’évolution du litige n’implique pas sa mise en cause en appel dès lors que les appelants n’ont pu se méprendre sur l’identité distincte de M. M… E… et de celle de son père M. P… E… en prétendant qu’ils ont cru qu’il s’agissait d’une même personne ; que la reconnaissance de dette dont ils se prévalent est une pièce qu’ils ont communiqué en première instance.

Les consorts B… exposent avoir découvert postérieurement à la décision du tribunal de commerce qu’une 3e personne s’était immiscée dans la gestion de la boulangerie, M. M… E…, dont ils ont réalisé, au vu de la reconnaissance de dette dans laquelle il apparaît comme un des deux associés, qu’il n’était pas le « vieux Monsieur » qui s’était présenté à eux aux audiences mais son fils beaucoup plus jeune.

Aux termes des articles 554 et 555 du code de procédure civile, les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause.

L’évolution du litige implique l’existence d’un élément nouveau, révélé par le jugement ou survenu postérieurement à celui-ci et impliquant la mise en cause.

Il résulte d’une reconnaissance de dette non datée versée aux débats par les consorts B… en pièce 117 que la société GRAND MOULIN DE PARIS a prêté la somme de 13 874,13 euros à la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, SARL, représenté par ses deux associés M. L… E…, né le […] et M. M… E… né le […] . Il ressort des termes de l’assignation en paiement introduite par la société GRAND MOULIN DE PARIS, reprise dans une ordonnance de référé du 9 janvier 2013, que ce prêt a été accordé le 20 janvier 2011.

Cette reconnaissance de dette est également versée aux débats par les appelants en pièce 2 bis sous l’intitulé, dans le bordereau de pièces, de « cession de droit au bail » et annexée à la cession également versée aux débats, ce qui ne suffit pas pour établir qu’il s’agit d’une pièce qui avait déjà été versée en première instance, faute de production du bordereau de communication de pièces de 1re instance.

Toutefois les appelants ne justifient pas de la date à laquelle ils ont eu connaissance de cette pièce, de sorte qu’ils n’établissent pas qu’ils en auraient eu connaissance après le jugement rendu le 19 avril 2016, d’autant que la pièce est ancienne et que de multiples procédures opposent ou ont opposé les consorts B… et la société LA BOULANGERIE DU MARCHE.

En outre, les appelants avaient connaissance de l’existence de M. M… E… bien avant le jugement entrepris puisqu’il est expressément mentionné dans le courrier de Me O… adressé à Mme B… le 30 janvier 2009 par lequel elle lui transmettait un acte intitulé « cession de droit au bail ».

Par conséquent, faute pour les appelants de démontrer l’existence d’un élément nouveau, l’assignation en intervention forcée de M. M… E… sera déclarée irrecevable. Il s’ensuit que les demandes formées par les appelants à son encontre ne peuvent pas être accueillies » (arrêt, p. 5-6) ;

1° ALORS QU’ il incombe à celui qui invoque une fin de non-recevoir de faire la preuve de son bien-fondé ; qu’en faisant droit à la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’évolution du litige au motif que les appelants ne justifiaient pas d’une évolution du litige leur permettant d’appeler M. M… E… en intervention forcée, la cour d’appel a violé les articles 122 et 555 du code de procédure civile, ensemble l’article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2° ALORS QUE revêt la qualité de gérant de fait celui qui accomplit en toute indépendance des actes positifs relevant de la compétence exclusive du dirigeant de droit ; qu’en l’espèce, les consorts B… faisaient valoir que la reconnaissance de dette souscrite par la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ à l’égard de la société GRAND MOULIN DE PARIS et communiquée en cause d’appel laissait apparaître que M. M… E…, associé de la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ, était intervenu au prêt et à la reconnaissance de dette en tant que représentant de cette société, au même titre que son frère gérant statutaire ; qu’en opposant que les consorts B… avaient connaissance de l’existence de M. M… E… dès la communication le 30 janvier 2009 de l’acte de cession du droit au bail et de la lettre l’accompagnant, sans expliquer en quoi ce dernier document, qui ne faisait aucune mention de la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ, permettait de savoir que M. M… E… en aurait été le représentant et d’établir ainsi son immixtion dans le fonctionnement de cette société, alors que la SARL unipersonnelle la BOULANGERIE DU MARCHE n’a été immatriculée que le 4 novembre 2009, et que c’est uniquement à partir de cette date qu’il est apparu que le gérant désigné était M. L… E…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 555 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE revêt la qualité de gérant de fait celui qui accomplit en toute indépendance des actes positifs relevant de la compétence exclusive du dirigeant de droit ; qu’en l’espèce, les consorts B… faisaient valoir que la reconnaissance de dette souscrite par la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ à l’égard de la société GRAND MOULIN DE PARIS et communiquée en cause d’appel laissait apparaître que M. M… E…, associé de la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ, était intervenu au prêt et à la reconnaissance de dette en tant que représentant de cette société, au même titre que son frère gérant statutaire ; qu’en opposant que les consorts B… avaient connaissance de l’existence de M. M… E… dès la communication le 30 janvier 2009 de l’acte de cession du droit au bail et de la lettre l’accompagnant, cependant que cet acte de cession mentionnait M. L… E… pour seul représentant de la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ, à l’exclusion de toute mention de M. M… E…, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article 555 du code de procédure civile.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les consorts B… de leurs demandes de dommages-intérêts à l’encontre de M. P… E… ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la gestion de fait de M. P… M… :

Les consorts B… exposent que M. P… E…, père de M. L… E… gérant de droit de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE s’est comporté en gérant de fait en s’immisçant dans la gestion de ladite société ; que M. L… E… a d’ailleurs reconnu avoir été dépossédé de la gestion de sa société par son père tel que cela ressort d’un courrier de son Conseil ; que M. P… E… a agi en justice contre eux, en rédigeant les assignations ou requêtes et en représentant la société dans les instances judiciaires.

Les intimés contestent la gestion de fait aux motifs que les actes de M. P… E… ont reçu l’aval de son fils qui lui a donné mandat pour représenter la société LA BOULANGERIE DU MARCHE dans les procédures ; que les attestations produites ne sont pas suffisantes pour établir que c’est M. P… E… qui était le véritable gérant de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE.

Est considéré comme dirigeant de fait, la personne, physique ou morale qui exerce, directement ou par personne interposée, une activité positive et indépendante d’administration générale d’une personne morale, sous le couvert ou à la place de ses représentants légaux.

L’attestation du M. F…, qui précise être le gendre des appelants, selon laquelle la boulangerie était tenue par M. E…, décrit comme un homme âgé d’une soixantaine d’années, n’est pas suffisante pour établir que M. P… E… gérait quotidiennement le commerce de boulangerie en lieu et place de son fils d’autant que la seconde attestation produite, émanant de M. R… est trop imprécise pour venir la corroborer.

Il ressort des pièces produites par les appelants que M. P… E… a représenté la société LA BOULANGERIE DU MARCHE dans certaines procédures sans représentation obligatoire : ainsi en est-il des décisions rendues par le juge de l’exécution de Créteil des 26 avril 2013, 25 juin 2013, 13 mai 2014, du juge des référés de Créteil du 10 juin 2014 et du 17 octobre 2014, et du tribunal de commerce du 15 octobre 2014.

Il est également l’auteur du courriel de 10 juillet 2015 qu’il signe « M E… père agissant par pouvoir », du 2 décembre 2012 à Me K…, conseil des bailleurs où il lui fait, entre autre, grief de son comportement irrespectueux et si M. L… E… prétend être l’auteur de tous les courriels, celui qui écrit se présente comme le « vieux qui était à l’audience », ce qui ne peut être M. L… E… eu égard à son âge, ainsi que celui du 15 septembre 2014 où il invite M. B… à prendre attache avec son fils et celui du 8 octobre 2014 où son nom apparaît, ces mails ayant trait aux procédures en cours.

Par courrier du 16 septembre 2013 adressé au juge de l’exécution, le conseil de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE précise que son client L… E… l’a saisi « malgré sa révérence paternelle, en opposition avec son père qui s’est approprié la défense de ses intérêts sans lui rendre compte et en l’écartant des développements ».

Il apparaît au vu de ces éléments que M. P… E… s’est impliqué dans la défense des intérêts de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE. Mais P… E… disposait à chaque fois d’un mandat établi par son fils en tant que gérant l’autorisant à défendre en justice les intérêts de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, ce qui est mentionné dans les décisions de justice précitées ; que le courrier du 16 septembre 2013 n’est pas suffisant pour établir qu’il aurait agi à l’insu de L… E….

Dans ces conditions, il n’est pas rapporté la preuve par les appelants d’une gestion de fait de M. P… E… de sorte qu’ils seront déboutés de leur demande de condamnation à l’égard de celui-ci. » (arrêt, p. 6-7) ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU’ « Attendu que les consorts B… invoquent une liste de faits qu’ils qualifient de fautes commises par les défendeurs incompatibles avec la gestion normale d’une société, mais qu’ ils ne démontrent pas en quoi ces fautes sont d’une exceptionnelle gravité —caractéristique requise pour la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 223-22 du Code de commerce.

Attendu en outre que pour engager la responsabilité du dirigeant social à l’égard des tiers, le dirigeant doit avoir commis intentionnellement une faute d’une particulière gravité avec l’exercice normal de ses fonctions de dirigeant – donc séparable des fonctions de dirigeant.

Attendu que les consorts B… font également valoir dans leurs conclusions en réplique du 17 décembre 2015 que toutes les fautes commises 3 ans avant leur assignation du 13 février 2015 jusqu’à aujourd’hui sont recevables et que le rappel des faits antérieurs est là pour permettre au Tribunal de céans d’apprécier le contexte dans lequel ces fautes ont été commises.

Mais attendu que les dispositions de l’article L223-23 du Code de commerce précise que l’action en responsabilité prévue aux articles L223-19 et L223-22 du même code se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable ; le Tribunal constatera que certains griefs invoqués par les consorts B… remontent à 2009 et se trouvent à présent prescrits.

Attendu que parmi les griefs invoqués figurent les multiples procédures judiciaires engagées contre les consorts B… ; mais attendu que l’ensemble des procédures diligentées par les consorts E… s’inscrive dans la stricte défense des intérêts de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, laquelle a effectué un important investissement dans le local des consorts B… en créant un fonds de boulangerie.

Attendu que ces procédures engagées par les consorts E… l’ont été pour défendre légitimement leurs droits et obtenir leur réintégration dans le local, le tribunal dira qu’il n’y a là aucun usage abusif.

Attendu qu’il n’est pas démontré ni établi que les consorts E… n’aient engagé ces procédures dans l’unique but de faire pression financièrement et moralement sur les consorts B…, afin de les contraindre à leur céder leur local.

Attendu que dans ces conditions, les agissements des consorts E… ne peuvent constituer des fautes détachables de l’activité normale d’un gérant, dont ce dernier doit répondre.

Attendu qu’il n’est pas établi non plus que M. L… E… se soit comporté en gérant de fait de LA BOULANGERIE DU MARCHE ni même qu’il ait aggravé la situation des bailleurs par ses agissements, en se rendant complice de ceux du gérant, M. P… E….

Attendu qu’en l’espèce, les conditions cumulatives pour engager la responsabilité du gérant ne sont pas réunies, à savoir :

Il n’est pas établi ici que le gérant ait commis une faute détachable de ses fonctions normales de gérant – c’est-à-dire incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions, ni même dans la limite de ses fonctions, faute qui lui soit imputable personnellement de manière intentionnelle, ni que cette faute soit d’une gravité exceptionnelle ;

Il s’ensuit que la faute de gestion commise pour le compte de la société, à l’occasion ou dans l’exercice des fonctions et non séparable de celles-ci, ne laissent à ceux qui entendent s’en prévaloir qu’une action contre la société, sauf pour celle-ci à se retourner contre son gérant ;

Attendu en effet que seules les fautes commises pour des mobiles personnels (recherche de son propre intérêt, vengeance,

) ou d’une gravité exceptionnelle excluant l’exercice normal des fonctions sont susceptibles d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant ;

Le Tribunal ne pourra que constater que les griefs invoqués contre les consorts E… ne relèvent pas de la catégorie des fautes séparables, susceptibles d’avoir engagé leur responsabilité personnelle ;

Attendu enfin qu’il n’est pas non plus démontré comme l’affirment les consorts B… que M. S… E…, gérant de LA BOULANGERIE DU MARCHE, ait confié à son père la gestion de l’activité de LA BOULANGERIE DU MARCHE et lui ait confié le suivi des procédures judiciaires, en lui donnant tout pouvoir pour initier les procédures au nom de LA BOULANGERIE DU MARCHE ;

Attendu qu’il n’est pas non plus démontré l’état de cessation des paiements de LA BOULANGERIE DU MARCHE-qui a été rejeté par deux fois par le Tribunal de commerce de CRETEIL, lequel avait été saisi à ce titre par les consorts B… ;

Attendu que ce même Tribunal n’a pas relevé d’état de cessation de paiements ;

Attendu qu’au vu de ce qui précède et après avoir constaté que la qualité de gérant de fait de M. L… E… n’est pas justifiée et que la responsabilité des dirigeants sociaux n’est pas établie, le Tribunal déboutera les consorts B… de leurs demandes de condamnation à l’égard des consorts E… ;

En conséquence, le Tribunal déboutera les consorts B… de leur demande de condamnation in solidum des consorts E… à des dommages et intérêts, tant au titre de préjudice financier que matériel ou moral. » ;

1° ALORS QU’ est gérant de fait celui qui exerce une activité positive de gestion ou de direction en toute indépendance ; que le gérant de fait est personnellement responsable à l’égard des tiers des fautes intentionnelles d’une particulière gravité incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales ; qu’à cet égard, la présence d’un gérant de droit n’exclut pas l’existence d’une gestion de fait de la part d’un cogérant ; qu’en retenant en l’espèce qu’il n’était pas établi que M. P… E… gérait quotidiennement la boulangerie en lieu et place du gérant statutaire, quand cette circonstance n’excluait pas qu’il ait participé à la gestion de ce commerce conjointement avec le gérant de droit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil ;

2° ALORS QU’ est gérant de fait celui qui exerce une activité positive de gestion ou de direction en toute indépendance ; que le mandat donné à un tiers par le gérant pour représenter la société en justice et dans ses relations avec les tiers n’exclut pas de qualifier le mandataire de gérant de fait dès lors que ce mandat revêt un caractère général ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que M. P… E… s’est impliqué à de nombreuses reprises dans la défenses des intérêts de la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ à l’encontre des consorts B… ; qu’en excluant cependant toute gestion de fait de sa part pour cette raison que cette immixtion procédait à chaque fois d’un mandat confié par son fils gérant statutaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil ;

3° ALORS QUE le mandat confié à l’effet de représenter une partie en justice ne comprend pas, en l’absence de stipulation en ce sens, celui de s’exprimer en son nom en dehors du cadre du procès ; qu’en l’espèce, les juges ont constaté que M. P… E… était l’auteur de plusieurs courriels des 2 décembre 2012, 15 septembre 2014, 8 octobre 2014 et 10 juillet 2015, tous adressés au nom de la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ, et que M. L… E…, gérant statutaire s’exprimant par la voix de son conseil, avait dénoncé par note en délibéré du 16 septembre 2013 cette immixtion de son père dans la gestion de la société ; qu’en justifiant néanmoins cette immixtion de M. P… E… dans la gestion de la société par le seul fait que celui-ci disposait d’un mandat l’autorisant à défendre en justice les intérêts de cette dernière et que ses courriels avaient trait aux procédures en cours, la cour d’appel a violé l’article 1989 du code civil, ensemble l’article 1382 devenu 1240 du même code ;

4° ALORS QUE les juges sont tenus de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu’en l’espèce, il résulte d’une note en délibéré du 16 septembre 2013 établie par l’avocat de la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ, désigné en cours de procédure par son gérant en exercice M. L… E…, que ce dernier avait été « en opposition avec son père qui s’est approprié la défense de ses intérêts, sans lui en rendre compte et en l’écartant de fait de ses développements » ; qu’en retenant, en dépit de la lettre claire et précise de ce document, dont l’authenticité n’était pas contestée, que celui-ci n’était pas suffisant pour établir que M. P… E… aurait agi à l’insu de son fils, les juges ont dénaturé la note en délibéré du 16 septembre 2013.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les consorts B… de leurs demandes de dommages-intérêts à l’encontre de MM. L… et P… E… ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le grief tiré du fait que M. L… E… à laisser son père gérer le commerce sans contrôler son travail et de suivre les procédures, sur la multiplicité des procédures et l’intention de nuire :

Les appelants se prévalent de ce que les multiples procédures initiées par le gérant l’ont été par vengeance envers les bailleurs, afin de les contraindre à exposer des frais d’avocat et de tenter de leur extorquer des fonds et que M. L… E… a été défaillant en laissant son père qui n’avait aucune compétence en la matière gérer la société et défendre ses intérêts.

Au regard des développements qui précédent, la preuve n’est pas rapportée de l’intervention de M. P… E… dans la gestion du commerce et il n’est intervenu dans les procédures judiciaires au nom de la société que suite aux mandats que lui ont été confiés par M. L… E… à cet effet.

M. L… E… a donné mandat à son père pour représenter la société LA BOULANGERIE DU MARCHE principalement devant le juge de l’exécution postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 octobre 2012 ayant ordonné l’expulsion de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, pour demander la réintégration dans les locaux, ou pour disposer de délai supplémentaire pour procéder aux opérations de démontage et d’enlèvement de matériel, ou encore l’annulation d’un commandement de saisie-vente. Certes ces demandes ont été rejetées, mais il n’est pas établi qu’elles n’auraient pas été faites dans l’intérêt de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE. Et si la société LA BOULANGERIE DU MARCHE a été déboutée de l’appel de la décision du juge de l’exécution du 13 mai 2014 par arrêt en date du 16 mars 2017, M. B… a été débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Pour ce qui relève de la procédure en ouverture de redressement judiciaire devant le tribunal de commerce, celle-ci a été initiée par les bailleurs qui ont interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny qui a considéré que la preuve de l’état de cessation de paiement n’était pas rapportée et les a déboutés, jugement confirmé par la cour d’appel de Paris le 21 mai 2015.

Si c’est la société LA BOULANGERIE DU MARCHE qui a assigné devant le juge des référés les bailleurs aux fins de consignation des loyers, le juge des référés a fait droit à la demande reconventionnelle de ceux-ci d’acquisition de clause résolutoire et expulsion par ordonnance du 6 février 2012 et il ne saurait être fait grief à la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, ou en tout cas à son gérant, d’en avoir interjeté appel. D’ailleurs l’expulsion est intervenue le 11 octobre 2012.

Enfin le fait que la société LA BOULANGERIE DU MARCHE ait assigné le Il octobre 2012 les bailleurs devant le tribunal de grand instance de Créteil en annulation du commandement de payer du 14 décembre 2011 visant la clause résolutoire et subsidiairement de suspension de la clause résolutoire est un choix procédural qui ne peut constituer une faute détachable de la gestion de la société alors qu’une décision de référé n’a pas autorité de la chose jugée et que la cour d’appel le 2 octobre 2012 a relevé que les causes du commandement étaient apurées mais qu’il n’avait pas été sollicité devant elle de suspension des effets de la clause résolutoire. Il semble que cette procédure soit toujours en cours.

Les courriels produits par les consorts B… émanant essentiellement de M. P… E… comme précédemment évoqués portant sur les procédures judiciaires sont indéniablement maladroits. Et si les mails du 14 septembre 2014 et de 18 octobre 2014 de M. P… E… sont comminatoires et déplacés en ce que celui-ci essaie de faire croire aux bailleurs qu’ils vont perdre le litige en cours, être condamnés à payer« toute leur vie » le montant des indemnisations et propose de racheter les murs pour un euro symbolique ou encore les accuse de tentative d’escroqueries, ils n’émanent pas de M. L… E… et ils ne sont pas en tout état de cause pas constitutifs d’actes de chantage ou d’extorsion de fonds.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, les appelants échouent à démontrer que les procédures ont été initiées aux fins d’extorsion de fond, de chantage ou de vengeance et le seul grief qui pourrait être fait à M. L… E… est d’avoir confié à son père le soin de représenter en justice la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, ce qui a conduit, non pas à des procédures abusives, mais à des mails déplacés de sa part. Toutefois, cela ne constitue pas une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales dès lors que l’intention de nuire alléguée par les bailleurs de M. L… E… n’est pas démontrée.

Les consorts B… ont également évoqué le fait que M. L… E… n’aurait pas renouvelé l’inscription de cessation provisoire d’activité au registre du commerce et des sociétés au 1er janvier 2016 et qu’elle aurait perdu sa qualité à agir en justice lors des procédures pendantes pour l’année 2016. A supposer que la société LA BOULANGERIE DU MARCHE ait perdu sa qualité à agir, il incombait aux consorts B… de s’en prévaloir dans les procédures judiciaires et en tout état de cause au vu de l’extrait Kbis au 20 juillet 2017, il n’apparaît pas que la société LA BOULANGERIE DU MARCHE serait radiée ou aurait été radiée en 2016 de sorte que ce grief n’est pas établi. » (arrêt, p. 9-10) ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU’ « Attendu que les consorts B… invoquent une liste de faits qu’ils qualifient de fautes commises par les défendeurs incompatibles avec la gestion normale d’une société, mais qu’ ils ne démontrent pas en quoi ces fautes sont d’une exceptionnelle gravité –caractéristique requise pour la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 223-22 du Code de commerce.

Attendu en outre que pour engager la responsabilité du dirigeant social à l’égard des tiers, le dirigeant doit avoir commis intentionnellement une faute d’une particulière gravité avec l’exercice normal de ses fonctions de dirigeant – donc séparable des fonctions de dirigeant.

Attendu que les consorts B… font également valoir dans leurs conclusions en réplique du 17 décembre 2015 que toutes les fautes commises 3 ans avant leur assignation du 13 février 2015 jusqu’à aujourd’hui sont recevables et que le rappel des faits antérieurs est là pour permettre au Tribunal de céans d’apprécier le contexte dans lequel ces fautes ont été commises.

Mais attendu que les dispositions de l’article L223-23 du Code de commerce précise que l’action en responsabilité prévue aux articles L223-19 et L223-22 du même code se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable ; le Tribunal constatera que certains griefs invoqués par les consorts B… remontent à 2009 et se trouvent à présent prescrits.

Attendu que parmi les griefs invoqués figurent les multiples procédures judiciaires engagées contre les consorts B… ; mais attendu que l’ensemble des procédures diligentées par les consorts E… s’inscrive dans la stricte défense des intérêts de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, laquelle a effectué un important investissement dans le local des consorts B… en créant un fonds de boulangerie.

Attendu que ces procédures engagées par les consorts E… l’ont été pour défendre légitimement leurs droits et obtenir leur réintégration dans le local, le tribunal dira qu’il n’y a là aucun usage abusif.

Attendu qu’il n’est pas démontré ni établi que les consorts E… n’aient engagé ces procédures dans l’unique but de faire pression financièrement et moralement sur les consorts B…, afin de les contraindre à leur céder leur local.

Attendu que dans ces conditions, les agissements des consorts E… ne peuvent constituer des fautes détachables de l’activité normale d’un gérant, dont ce dernier doit répondre.

Attendu qu’il n’est pas établi non plus que M. L… E… se soit comporté en gérant de fait de LA BOULANGERIE DU MARCHE ni même qu’il ait aggravé la situation des bailleurs par ses agissements, en se rendant complice de ceux du gérant, M. P… E….

Attendu qu’en l’espèce, les conditions cumulatives pour engager la responsabilité du gérant ne sont pas réunies, à savoir :

Il n’est pas établi ici que le gérant ait commis une faute détachable de ses fonctions normales de gérant – c’est-à-dire incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions, ni même dans la limite de ses fonctions, faute qui lui soit imputable personnellement de manière intentionnelle, ni que cette faute soit d’une gravité exceptionnelle ;

Il s’ensuit que la faute de gestion commise pour le compte de la société, à l’occasion ou dans l’exercice des fonctions et non séparable de celles-ci, ne laissent à ceux qui entendent s’en prévaloir qu’une action contre la société, sauf pour celle-ci à se retourner contre son gérant ;

Attendu en effet que seules les fautes commises pour des mobiles personnels (recherche de son propre intérêt, vengeance,

) ou d’une gravité exceptionnelle excluant l’exercice normal des fonctions sont susceptibles d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant ;

Le Tribunal ne pourra que constater que les griefs invoqués contre les consorts E… ne relèvent pas de la catégorie des fautes séparables, susceptibles d’avoir engagé leur responsabilité personnelle ;

Attendu enfin qu’il n’est pas non plus démontré comme l’affirment les consorts B… que M. L… E…, gérant de LA BOULANGERIE DU MARCHE, ait confié à son père la gestion de l’activité de LA BOULANGERIE DU MARCHE et lui ait confié le suivi des procédures judiciaires, en lui donnant tout pouvoir pour initier les procédures au nom de LA BOULANGERIE DU MARCHE ;

Attendu qu’il n’est pas non plus démontré l’état de cessation des paiements de LA BOULANGERIE DU MARCHE-qui a été rejeté par deux fois par le Tribunal de commerce de CRETEIL, lequel avait été saisi à ce titre par les consorts B… ;

Attendu que ce même Tribunal n’a pas relevé d’état de cessation de paiements ;

Attendu qu’au vu de ce qui précède et après avoir constaté que la qualité de gérant de fait de M. L… E… n’est pas justifiée et que la responsabilité des dirigeants sociaux n’est pas établie, le Tribunal déboutera les consorts B… de leurs demandes de condamnation à l’égard des consorts E… ;

En conséquence, le Tribunal déboutera les consorts B… de leur demande de condamnation in solidum des consorts E… à des dommages et intérêts, tant au titre de préjudice financier que matériel ou moral. » ;

1° ALORS QUE la cassation s’étend à l’ensemble des chefs qui se rattachent par un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire à la disposition ou aux motifs censurés ; qu’en l’espèce, pour écarter toute responsabilité de M. L… E… en raison de l’abandon la gestion de la société à son père, les juges ont retenu qu’il résultait de leurs précédents motifs que ce dernier était intervenu dans le seul cadre du mandat qui lui avait été confié pour représenter la société dans les procédures judiciaires la concernant ; que dès lors que les motifs par lesquels l’arrêt a rejeté toute gestion de fait de M. P… E… ont vocation à être censurés, la cassation à intervenir sur le deuxième moyen doit entraîner l’annulation, par voie de conséquence nécessaire, du chef ayant rejeté les demandes de dommages-intérêts formées contre M. P… E…, conformément à l’article 624 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE le gérant est responsable des fautes commises dans sa gestion ; qu’à l’égard des tiers, il est responsable de toute faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales, sans qu’il y soit nécessaire de constater en outre une intention de nuire de sa part ; qu’à ce titre, le fait pour un gérant de déléguer de façon générale ses pouvoirs à un tiers pour représenter la société dans toute procédure judiciaire la concernant est susceptible de constituer une faute de gestion ; qu’en se fondant en l’espèce sur la circonstance que l’intention de nuire de M. L… E… n’était pas démontrée pour écarter toute faute de gestion de sa part à raison des pouvoirs délégués à son père pour représenter la société LA BOULANGERIE DU MARCHÉ en justice, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l’article L. 223-22 du code de commerce.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les consorts B… de leurs demandes de dommages-intérêts à l’encontre de MM. L… et P… E… ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Il est également invoqué le fait que M. L… E… n’aurait pas fait diligences pour récupérer son matériel suite à l’expulsion de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE des locaux. Il ressort des termes de l’arrêt du 16 mars 2017 rendu sur appel de la décision du juge de l’exécution qui avait débouté la société LA BOULANGERIE DU MARCHE de sa demande de délai supplémentaire pour enlever le matériel, que l’échec de l’opération d’enlèvement du matériel le 18 octobre 2014 ne pouvait être imputé à M. B… ; qu’il n’était pas justifié de démarches du représentant de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE après cette date et avant cette date (soit dans le délai d’un mois imparti par un jugement en date du 1er octobre 2013 à compter de la signification de la décision) en vue de l’enlèvement du matériel, de sorte que la cour d’appel a confirmé l’ordonnance et a déclaré abandonnés les biens.

Pour autant ce manque de diligences pour enlever le matériel laissé sur place ne saurait caractériser une faute intentionnelle de M. L… E… d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions.

Enfin, les consorts B… évoquent des fautes dont ils considèrent eux-mêmes qu’elles sont prescrites par application de l’article L. 223-23 du code de commerce à la date de leur assignation de sorte que la cour n’est pas tenue d’y répondre et les intimés dans le dispositif évoquent également des « moyens » prescrits sans autre précision. » (arrêt, p. 11) ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU’ « Attendu que les consorts B… invoquent une liste de faits qu’ils qualifient de fautes commises par les défendeurs incompatibles avec la gestion normale d’une société, mais qu’ ils ne démontrent pas en quoi ces fautes sont d’une exceptionnelle gravité –caractéristique requise pour la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 223-22 du Code de commerce.

Attendu en outre que pour engager la responsabilité du dirigeant social à l’égard des tiers, le dirigeant doit avoir commis intentionnellement une faute d’une particulière gravité avec l’exercice normal de ses fonctions de dirigeant – donc séparable des fonctions de dirigeant.

Attendu que les consorts B… font également valoir dans leurs conclusions en réplique du 17 décembre 2015 que toutes les fautes commises 3 ans avant leur assignation du 13 février 2015 jusqu’à aujourd’hui sont recevables et que le rappel des faits antérieurs est là pour permettre au Tribunal de céans d’apprécier le contexte dans lequel ces fautes ont été commises.

Mais attendu que les dispositions de l’article L223-23 du Code de commerce précise que l’action en responsabilité prévue aux articles L223-19 et L223-22 du même code se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable ; le Tribunal constatera que certains griefs invoqués par les consorts B… remontent à 2009 et se trouvent à présent prescrits.

Attendu que parmi les griefs invoqués figurent les multiples procédures judiciaires engagées contre les consorts B… ; mais attendu que l’ensemble des procédures diligentées par les consorts E… s’inscrive dans la stricte défense des intérêts de la société LA BOULANGERIE DU MARCHE, laquelle a effectué un important investissement dans le local des consorts B… en créant un fonds de boulangerie.

Attendu que ces procédures engagées par les consorts E… l’ont été pour défendre légitimement leurs droits et obtenir leur réintégration dans le local, le tribunal dira qu’il n’y a là aucun usage abusif.

Attendu qu’il n’est pas démontré ni établi que les consorts E… n’aient engagé ces procédures dans l’unique but de faire pression financièrement et moralement sur les consorts B…, afin de les contraindre à leur céder leur local.

Attendu que dans ces conditions, les agissements des consorts E… ne peuvent constituer des fautes détachables de l’activité normale d’un gérant, dont ce dernier doit répondre.

Attendu qu’il n’est pas établi non plus que M. L… E… se soit comporté en gérant de fait de LA BOULANGERIE DU MARCHE ni même qu’il ait aggravé la situation des bailleurs par ses agissements, en se rendant complice de ceux du gérant, M. P… E….

Attendu qu’en l’espèce, les conditions cumulatives pour engager la responsabilité du gérant ne sont pas réunies, à savoir :

Il n’est pas établi ici que le gérant ait commis une faute détachable de ses fonctions normales de gérant – c’est-à-dire incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions, ni même dans la limite de ses fonctions, faute qui lui soit imputable personnellement de manière intentionnelle, ni que cette faute soit d’une gravité exceptionnelle ;

Il s’ensuit que la faute de gestion commise pour le compte de la société, à l’occasion ou dans l’exercice des fonctions et non séparable de celles-ci, ne laissent à ceux qui entendent s’en prévaloir qu’une action contre la société, sauf pour celle-ci à se retourner contre son gérant ;

Attendu en effet que seules les fautes commises pour des mobiles personnels (recherche de son propre intérêt, vengeance,

) ou d’une gravité exceptionnelle excluant l’exercice normal des fonctions sont susceptibles d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant ;

Le Tribunal ne pourra que constater que les griefs invoqués contre les consorts E… ne relèvent pas de la catégorie des fautes séparables, susceptibles d’avoir engagé leur responsabilité personnelle ;

Attendu enfin qu’il n’est pas non plus démontré comme l’affirment les consorts B… que M. L… E…, gérant de LA BOULANGERIE DU MARCHE, ait confié à son père la gestion de l’activité de LA BOULANGERIE DU MARCHE et lui ait confié le suivi des procédures judiciaires, en lui donnant tout pouvoir pour initier les procédures au nom de LA BOULANGERIE DU MARCHE ;

Attendu qu’il n’est pas non plus démontré l’état de cessation des paiements de LA BOULANGERIE DU MARCHE-qui a été rejeté par deux fois par le Tribunal de commerce de CRETEIL, lequel avait été saisi à ce titre par les consorts B… ;

Attendu que ce même Tribunal n’a pas relevé d’état de cessation de paiements ;

Attendu qu’au vu de ce qui précède et après avoir constaté que la qualité de gérant de fait de M. L… E… n’est pas justifiée et que la responsabilité des dirigeants sociaux n’est pas établie, le Tribunal déboutera les consorts B… de leurs demandes de condamnation à l’égard des consorts E… ;

En conséquence, le Tribunal déboutera les consorts B… de leur demande de condamnation in solidum des consorts E… à des dommages et intérêts, tant au titre de préjudice financier que matériel ou moral. » ;

1° ALORS QUE le juge qui décide que la demande qui lui est soumise est irrecevable excède ses pouvoirs en rejetant ensuite cette même demande comme mal fondée ; qu’en rejetant au fond les demandes des consorts B… tendant à obtenir la réparation du préjudice né de certaines fautes commises par MM. L… et P… E… au motif que ces fautes étaient prescrites par application de l’article L. 223-23 du code de commerce, la cour d’appel a commis un excès de pouvoir, en violation de l’article L. 223-23 du code de commerce ;

2° ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut être relevée d’office ; qu’il en résulte que, dès lors qu’il n’est pas demandé aux juges de constater l’irrecevabilité de demandes atteintes par la prescription, ceux-ci sont tenus de se prononcer sur le bien-fondé de ces demandes ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que les consorts E…, qui sollicitait la confirmation d’un jugement ayant rejeté comme mal fondées les demandes dont ils faisaient l’objet, ont seulement évoqué dans le dispositif de leurs conclusions une prescription des moyens soulevés par les consorts B…, sans autre précision, de sorte qu’il s’en inférait qu’aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription n’était soulevée par les intimés ; qu’en décidant sur cette base qu’il y avait lieu de rejeter ces demandes sans avoir à les examiner, la cour d’appel a commis un déni de justice, en violation de l’article 4 du code civil.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 4 novembre 2020, 18-15.834, Inédit