Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 septembre 2021, 21-12.128, Inédit
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | Cass. 1re civ., 14 sept. 2021, n° 21-12.128 |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 21-12.128 |
Importance : | Inédit |
Décision précédente : | Cour d'appel d'Orléans, 7 décembre 2020 |
Dispositif : | QPC autres |
Date de dernière mise à jour : | 20 avril 2022 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000044105868 |
Identifiant européen : | ECLI:FR:CCASS:2021:C100648 |
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Sur les parties
- Président : M. Chauvin (président)
- Cabinet(s) :
Texte intégral
CIV. 1
COUR DE CASSATION CF
[…]
Audience publique du 14 septembre 2021 NON-LIEU A RENVOI M. CHAUVIN, président Arrêt no 648 F-D Pourvoi no S 21-12.128
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2021
Par mémoire spécial présenté le 15 juin 2021, Mme Z Y, domiciliée […], 41220 La Ferté-Saint-Cyr, a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi no S 21-12.128 qu’elle a formé contre l’arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d’appel d’Orléans (chambre de la famille), dans une instance l’opposant à M. A X, domicilié […], 41220 La Ferté-Saint-Cyr.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme Y, et l’avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l’audience publique de ce jour où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Un arrêt du 8 décembre 2020 a prononcé le divorce aux torts partagés de M. X et de Mme Y et fixé à une certaine somme en capital le montant de la prestation compensatoire due par celle-ci.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
2. A l’occasion du pourvoi qu’elle a formé contre l’arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d’appel d’Orléans, Mme Y a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« 1o/ L’article 270 du code civil en ce qu’il prévoit l’octroi, par l’un des époux et de manière générale, d’une prestation destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, et ce, sans limite de temps quant à la période pour laquelle cette compensation sera opérée et en n’encadrant pas suffisamment les conditions d’octroi et de refus de cette prestation et en ne l’assortissant ainsi d’aucune garantie suffisante, méconnaît-il le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
2o/ L’article 270 du code civil en ce qu’il prévoit l’octroi, par l’un des époux et de manière générale, d’une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives méconnaît-il la liberté de mettre fin aux liens du mariage garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? ».
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité
3. La disposition contestée est applicable au litige.
4. Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
5. Cependant, d’une part, les questions posées, ne portant pas sur l’interprétation de dispositions constitutionnelles dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
6. D’autre part, elles ne présentent pas un caractère sérieux.
7. L’article 270 du code civil, seul visé, régit, en ses deuxième et troisième alinéas, la décision judiciaire d’allouer ou non une prestation compensatoire. En ce qu’il tend à la reconnaissance éventuelle d’un droit de créance, il n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789, faute de privation du droit de propriété au sens de cette disposition, mais reste soumis aux exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789, selon lequel les limites apportées à l’exercice du droit de propriété doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi (Cons. const., 12 novembre 2010, décision no 2010-60 QPC, § 3).
8. Les limites apportées à la liberté de mettre fin aux liens du mariage, découlant des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, et justifiées par l’intérêt général doivent également être proportionnées à l’objectif poursuivi (Cons. const., 29 juillet 2016, no 2016-557 QPC, § 5).
9. Or, d’abord, les dispositions critiquées ont pour finalité d’assurer la protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable, objectif dont la valeur a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2011-151 QPC du 13 juillet 2011 (§ 6).
10. Ensuite, s’il résulte du deuxième alinéa de l’article 270 du code civil que l’octroi de la prestation compensatoire, en son principe, dépend du constat de la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, laquelle s’apprécie au moment du divorce et selon l’évolution des ressources, charges et patrimoines des époux dans un avenir prévisible, la prestation est, après un débat contradictoire sur son principe et son montant, décidée par le juge qui en fixe le montant au regard des critères de l’article 271 du même code et peut, aux termes du troisième alinéa de l’article 270, refuser de l’accorder si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. Dès lors, compte tenu des conditions et garanties procédurales encadrant l’octroi de la prestation compensatoire, l’atteinte portée à l’exercice du droit de propriété et à la liberté de mettre fin aux liens du mariage par les dispositions contestées apparaît proportionnée à l’objectif poursuivi.
11. En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer les questions posées au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt et un.
Textes cités dans la décision