Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 2021, 19-14.313, Publié au bulletin

  • Utilisation délibérée du compte à des fins illégales·
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  • Droit au compte·
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  • Résiliation

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Il résulte de l’article L. 312-1-IV-1° du code monétaire et financier que l’établissement de crédit peut résilier unilatéralement la convention de compte assorti des services bancaires de base, ouvert en application du droit au compte, lorsque le client a délibérement utilisé son compte pour des opérations que l’organisme a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales, auquel cas il est dispensé de lui accorder un préavis. Constitue une utilisation délibérée du compte, au sens de ce texte, le fait, pour son titulaire, d’en communiquer les coordonnées à un cocontractant afin qu’il effectue un paiement par virement sur ce compte

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 30 juin 2021, n° 19-14.313, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-14313
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Grenoble, 5 décembre 2018, N° 18/02616
Textes appliqués :
Article L. 312-1-IV-1° du code monétaire et financier
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043759760
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00623
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 623 FS-B

Pourvoi n° A 19-14.313

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 JUIN 2021

La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en son établissement secondaire à [Localité 1], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 19-14.313 contre l’arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d’appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l’opposant à la société Knappe Composite, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société BNP Paribas, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Knappe Composite, et l’avis de Mme Henry, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s’ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l’audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mme Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 6 décembre 2018), la société Knappe Composite (la société Knappe), spécialisée dans la fabrication de dispositifs utilisés dans l’industrie pétrochimique, ayant pour partenaire commercial la société iranienne Teheran [R] Industry Co, a saisi la Banque de France au titre du droit à l’ouverture de compte prévu par l’article L. 312-1 du code monétaire et financier à la suite du refus de la société BNP-Paribas, agence de [Localité 1] (la banque), d’entrer en relation avec elle. Celle-ci, désignée par la Banque de France, lui a ouvert un compte de dépôt le 15 mai 2017.

2. Par lettre recommandée du 14 février 2018, la banque a notifié à la société Knappe sa décision de clôturer son compte, sans préavis, en indiquant que le motif de la rupture était un « fonctionnement atypique de votre compte (article L. 312-1-IV-1° du code monétaire et financier) ».

3. Une ordonnance de référé, confirmée en appel, ayant dit que la clôture du compte de la société Knappe constituait un trouble manifestement illicite et ordonné le maintien du compte, la banque a assigné la société Knappe afin de voir constater la validité de la résiliation du compte.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l’arrêt de constater qu’elle n’a pas régulièrement notifié, ni dans la forme, ni au fond, la résiliation du compte de dépôt ouvert dans ses livres au nom de la société Knappe Composite, dans le cadre du droit au compte défini à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, alors « que constitue une utilisation du compte le fait, pour son titulaire, d’en communiquer les coordonnées à un cocontractant afin qu’il effectue un paiement par virement sur ce compte ; qu’au cas présent, la société Knappe a transmis son relevé d’identité bancaire de la BNP-Paribas à sa contrepartie iranienne, laquelle l’a communiqué aux intermédiaires composant le circuit financier mis en place pour contourner les sanctions financières décidées par la Communauté internationale ; qu’en retenant qu’il n’y aurait eu là qu’une tentative d’utilisation illicite du compte, cependant qu’il s’agissait d’une tentative consommée, assimilable à tout le moins à un commencement d’utilisation illicite, de nature à faire naître un soupçon, la cour d’appel a violé les articles L. 312-1-IV et L. 561-8 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause, lus à la lumière des articles 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 et de la directive 2015/849 du 20 mai 2015. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 312-1-IV-1° du code monétaire et financier :

5. Il résulte de ce texte que l’établissement de crédit peut résilier unilatéralement la convention de compte assorti des services bancaires de base, ouvert en application du droit au compte, lorsque le client a délibérément utilisé son compte pour des opérations que l’organisme a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales, auquel cas il est dispensé de lui accorder un préavis. Constitue une utilisation délibérée du compte, au sens de ce texte, le fait, pour son titulaire, d’en communiquer les coordonnées à un cocontractant afin qu’il effectue un paiement par virement sur ce compte.

6. Pour écarter les conclusions de la banque qui soutenait qu’en communiquant son relevé d’identité bancaire à son cocontractant iranien pour que celui-ci lui fasse parvenir un virement par l’intermédiaire d’une société chinoise, dont elle s’était refusée à préciser le rôle dans l’opération, en paiement de tubes à dispositif d’osmose inverse livrés dans le cadre d’un projet « Bushehr », du nom d’une ville du golfe persique également donné à la centrale nucléaire située dans les environs de celle-ci, la société Knappe avait délibérément utilisé son compte pour une opération qu’elle-même avait des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales, et juger que la résiliation du compte par la banque pour ce motif était irrégulière, l’arrêt retient que le virement annoncé le 21 décembre 2017, qui constitue l’opération atypique invoquée par la banque, n’est parvenu à cette dernière que le 2 mars 2018, soit postérieurement à la décision de clôture du compte, de sorte qu’il ne peut être soutenu qu’à la date de cette décision, la société Knappe avait déjà délibérément utilisé son compte de dépôt pour des opérations que la banque avait des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales.

7. En se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure, en l’état des circonstances invoquées par la banque, l’utilisation délibérée du compte pour des opérations que celle-ci avait des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne la société Knappe Composite aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Knappe Composite ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et d’avoir ainsi « consat(é) que la BNP Paribas n’a pas régulièrement notifié, ni dans la forme, ni au fond, la résiliation du compte de dépôt ouvert dans ses livres au nom de la société Knappe Composite, dans le cadre du droit au compte défini à l’article L. 321-1 du code monétaire et financier », et d’avoir en conséquence « ordonn(é) le maintien du compte de dépôt ouvert au nom de la société Knappe Composite auprès de la BNP Paribas, au moins pour une durée de cinq ans, sous réserve du fonctionnement dudit compte conformément à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier » et « ordonn(é) le fonctionnement dudit compte conformément à la décision de la Banque de France et aux dispositions des articles D. 312-5 ainsi que L. 133-10 et suivants du code monétaire et financier, sous astreinte de 5.000? par manquement et par jour à compter du prononcé du présent jugement » ;

Aux motifs propres que « par lettre recommandée avec avis de réception en date du 14 février 2018 intitulée clôture de compte sans préavis, la BNP Paribas a informé la société Knappe Composite de sa décision de clôturer le compte n° [Compte bancaire 1] ; que ce courrier de clôture mentionne « motif de la décision de rupture : fonctionnement atypique de votre compte (article L. 312-1 IV 1 du code monétaire et financier) » et précise que la Banque de France est avisée ce même jour de cette décision ; que la société Knappe Composite a contesté cette décision et a saisi le 6 mars 2018 le juge des référés du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère qui par ordonnance en date du 13 mars 2018, confirmée par arrêt de ce siège en date du 19 juillet 2018, a ordonné le maintien par la BNP Paribas du compte de dépôt n° [Compte bancaire 1] et son fonctionnement conformément à la décision notifiée par la Banque de France à la BNP Paribas au titre du droit au compte ; que par exploit du 11 avril 2018, la BNP Paribas a alors donné assignation à la SAS Knappe Composite à comparaître à bref délai devant le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère afin de voir constater la rupture du compte n° [Compte bancaire 1] qu’elle a prononcée le 14 février 2018 et constater la validité des motifs qu’elle a donnés à l’occasion de cette rupture ; que l’article L. 131-1 (sic) IV du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur entre le 23 juin 2017 et le 1er avril 2018, dispose : « L’établissement de crédit ne peut résilier unilatéralement la convention de compte de dépôt assorti des services bancaires de base, ouvert en application du III, que si l’une au moins des conditions suivantes est remplie : 1° Le client a délibérément utilisé son compte de dépôt pour des opérations que l’organisme a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales ; 2° Le client a fourni des informations inexactes ; 3° Le client ne répond plus aux conditions de domicile ou de résidence définies au I ; 4° Le client a ultérieurement ouvert un deuxième compte de dépôt en France qui lui permet d’utiliser les services bancaires de base ; 5° Le client a fait preuve d’incivilités répétées envers le personnel de l’établissement de crédit ; 6° L’établissement est dans l’une des situations prévues à l’article L. 561-8. Toute décision de résiliation à l’initiative de l’établissement de crédit fait l’objet d’une notification écrite motivée et adressée gratuitement au client. La décision de résiliation ne fait pas l’objet d’une motivation lorsque la notification est de nature à contrevenir aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public. La décision de résiliation à l’initiative de l’établissement est adressée, pour information, à la Banque de France. Un délai minimum de deux mois de préavis est octroyé au titulaire du compte, sauf dans les cas mentionnés au 1° et 2°. L’établissement informe le client, au moment de la notification, de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés à la résiliation de la convention de compte de dépôt » ; qu’en l’espèce, et alors qu’il n’est pas discuté que le compte n° [Compte bancaire 1] est le compte dont la société Knappe Composite avait obtenu l’ouverture dans ses livres par une ordonnance en date du 12 mai 2017 du juge des référés du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère dans le cadre de la mise en oeuvre de son droit et que le courrier du 14 février 2018 vise expressément l’article L. 312-1 du code monétaire et financier qui prévoit les conditions de la rupture dans le cadre du droit au compte, la BNP Paribas ne peut utilement invoquer l’existence d’une convention de compte qui procurerait des avantages supérieurs à ceux d’une convention de base ; que sont donc inopérants les moyens tirés par l’appelante de l’article 4 de la CEDH (sic) et de l’article 1210 du code civil permettant à la banque de rompre la convention de compte en présence d’un soupçon, même si ce dernier n’est pas constitué, et de dénoncer à tout moment un contrat à durée indéterminée ; qu’il incombe en effet au banquier, dans le cadre de la résiliation d’un compte ouvert dans le cadre des dispositions du droit au compte, de justifier du respect des conditions de forme et de fond prévues par l’article L. 312-1 du code monétaire et financier ; qu’en l’absence de clôture régulière du compte, celle-ci est réputée n’être jamais intervenue de sorte que le titulaire du compte, qui conteste les conditions de clôture, ne demande pas au juge de maintenir les effets d’un contrat résilié ; que si, dans sa décision du 30 mai 2018, le tribunal a considéré que la BNP Paribas n’était pas en mesure d’établir qu’elle avait avisé en temps voulu la Banque de France de sa décision de procéder à la clôture du compte de dépôt de la SAS Knappe Composite, la BNP Paribas justifie finalement en cause d’appel et par la production le 17 octobre 2018 de sa pièce 55, qui est un mail en date du 31 juillet 2018 de la Banque de France, que celle-ci a bien reçu le 16 février 2018 le courrier de la banque annonçant la clôture du compte n° 30004 02827 de la société Knappe Composite ; qu’ainsi, l’appelante établit que cette première exigence posée par l’article L. 131-1-1V (sic) du code monétaire et financier a été respectée ; mais que force est de constater que, dans son courrier du 14 février 2018, la BNP Paribas ne vise pas la fourniture par le client de renseignements inexacts ; que la banque mentionne « motif de la décision de rupture fonctionnement atypique de votre compte (art. L. 312-1 IV 1 du code monétaire et financier) » ; que dans son assignation du 11 avril 2011 (sic), elle demande au tribunal de constater la validité des motifs qu’elle a donnés à l’occasion de cette rupture ; qu’il ne résulte donc ni de la lettre de rupture, ni de l’assignation l’existence d’un cas de dispense de motivation ; que la société BNP Paribas a ensuite invoqué une telle dispense dans le cadre de l’instance en raison d’un soupçon d’utilisation du compte dans des conditions opaques et à des fins illégales pour contourner des sanctions financières internationales, la notification d’une déclaration de soupçon étant proscrite, et une telle notification étant dans ce cas, selon l’appelante, à elle seule de nature à contrevenir aux objectifs de maintien de l’ordre public ou de sécurité nationale ; que, selon les déclarations d’audience consignées par les premiers juges, la banque craint de réaliser les opérations financières avec l’Iran en contradiction avec sa politique interne qui proscrit les opérations financières en lien avec ce pays ; que, selon les documents produits, la société Knappe Composite a annoncé, le 21 décembre 2017, l’arrivée sur son compte d’un virement d’un montant de 320.431,70 euros en provenance d’une société chinoise et de son client iranien [R] pour la fourniture selon factures du 10 novembre 2017, de tubes à dispositif d’osmose inverse, dont il n’est pas établi qu’il pourrait s’agir de biens à double usage, pour un projet Bushehr, ce message étant accompagné d’une déclaration faite à la Direction générale du Trésor ; que la BNP Paribas a interrogé sa cliente sur le nom et les références « de l’entreprise chinoise qui fera le règlement », les 23 et 26 janvier 2018, puis le 1er février 2018 ; qu’elle a procédé à la clôture du compte le 14 février 2018 ; qu’au moment de la clôture du compte, le 14 février 2018, les opérations de vérification étaient encore en cours et au titre de ce virement seulement, alors que, comme l’intimée l’a fait observer, selon les lignes directrices en vigueur au 15 février 2018 conjointes de l’ACPR et de TRACFIN, qui n’ont au demeurant pas de caractère normatif, quand des vérifications sont engagées ou que des opérations nécessitent un examen renforcé de la banque, tenue à obligation d’examen renforcé, ne rompt pas la relation d’affaires tant que l’analyse approfondie n’a pas été achevée ; que l’interdiction de révéler une déclaration de soupçon n’est pas à elle seule suffisante pour dispenser la banque de motiver sa décision de clôturer un compte ouvert au titre du droit au compte ; que la mention « fonctionnement atypique » ne permet pas au titulaire de connaître de manière suffisamment précise les reproches faits par la banque et le motif de la décision de clôture ; qu’au demeurant, en l’espèce, le virement de la somme de 320.431,70 euros, qui constitue l’opération atypique invoquée dans l’instance par la BNP Paribas, car celle-ci avait précédemment écrit le 13 novembre 2017 que les activités de sa cliente ne précisaient pour l’instant les risques exposés et lui permettaient de réduire l’intensité de certaines vérifications et d’envisager un allègement de certaines formalités dans le respect de ses obligations légales, et caractérise selon elle le fonctionnement anormal du compte, n’est parvenu à la banque que le 2 mars 2018, soit postérieurement à la décision de clôture du compte de sorte qu’à la date de la clôture, il ne peut être soutenu que le client avait déjà délibérément utilisé son compte de dépôt pour des opérations que l’organisme avait des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales ; qu’en effet, les questions posées par la banque concernant la société chinoise et force est de constater que ce virement était finalement susceptible d’émaner d’une autre entité ; que c’est donc à bon droit que le tribunal a constaté que la notification de la résiliation du compte n’était pas régulière et en conséquence ordonné le maintien de ce compte ; qu’en conséquence, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris » (arrêt p. 10 à 12) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « Sur la clôture du compte : La BNP Paribas vise l’article 1210 du code civil, prohibant les engagements perpétuels et permettant à chaque co-contractant de mettre fin à la relation contractuelle, dans les conditions prévues pour les contrats à durée indéterminée ; qu’en l’espèce, le compte n’a pas été ouvert d’un commun accord entre les parties mais dans le cadre du droit au compte défini à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier ; que cet article définit les conditions dans lesquelles la clôture du compte peut intervenir dans les termes suivants : « V (sic) L’établissement de crédit ne peut résilier unilatéralement la convention de compte de dépôt assorti des services bancaires de base, ouvert en application du III, que si l’une au moins des conditions suivantes est remplie : 1° Le client a délibérément utilisé son compte de dépôt pour des opérations que l’organisme a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales ; [?] Toute résiliation à l’initiative de l’établissement de crédit fait l’objet d’un courrier sur papier, envoyé gratuitement au client. La décision de résiliation est motivée sauf lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public. La décision de résiliation à l’initiative de l’établissement est adressée, pour information, à la Banque de France. Un délai minimum de deux mois de préavis est octroyé au titulaire du compte, sauf dans les cas mentionnés au 1° et au 2°. L’établissement informe le client, dans son courrier de résiliation, de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés à la résiliation de la convention de compte de dépôt » ; qu’en application de ces dispositions, pour justifier de son bon droit à poursuivre la clôture du compte de la société Knappe Composite, sauf à établir l’existence de circonstances de nature à porter atteinte à la sécurité nationale ou au maintien de l’ordre public, la BNP Paribas se devait de motiver sa décision ; que la BNP Paribas reconnaît à la barre du tribunal que la motivation principale repose sur le refus de toute transaction avec l’Iran en raison de restrictions internes, non prévues dans les conditions énumérées à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier ; qu’aux termes de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, la banque peut procéder à la résiliation unilatérale de la convention de compte, quand le client utilise délibérément son compte de dépôt à des fins illégales ; qu’en justifiant sa décision de procéder à la rupture du compte en raison du « fonctionnement atypique du compte », la BNP Paribas n’établit pas l’existence de faits illégaux et ne rapporte pas la preuve des soupçons allégués ; que l’interdiction faite aux banques par les articles L. 561-15 et suivants du code monétaire et financier de révéler l’existence d’une déclaration de soupçon à Tracfin ne dispense pas la BNP Paribas de justifier sa décision en faisant état des circonstances et des irrégularités qu’elle a pu relever et qu’elle estime constituer des opérations illégales, et ce sans nécessairement faire état d’une déclaration de soupçon à Tracfin ; que le Ministère public, saisi à l’initiative de la BNP Paribas, a fait savoir par la voix de Monsieur le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Valence, qu’aucune irrégularité ou infraction à la réglementation en vigueur ne lui avait été confirmée par les services de l’Etat, comme l’indiquera du reste le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, dans son ordonnance du 27 mars 2018 ; que par ailleurs, la société Knappe Composite justifie de la nature des produits concernés par les transactions avec l’Iran ainsi que l’avis de la Direction générale du Trésor en date du 19 décembre 2017, établissant que lesdites transactions ne sont pas contraires aux dispositions européennes et nationales en vigueur (Maître [H] Pièce n° 12) ; avis au demeurant superflu, comme le rappelle la Direction générale du Trésor dans un mail du 2 mars 2018 (Hogan Lovells Pièce n° 30) ; qu’enfin, la BNP Paribas n’est pas en mesure d’établir que conformément à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, elle ait avisé en temps voulu la Banque de France de sa décision de procéder à la clôture du compte de dépôt de la société Knappe Composite ; que compte-tenu de ces observations, le tribunal juge irrégulière dans la forme et au fond la notification de résiliation du compte de dépôt ouvert au nom de la société Knappe Composite dans le cadre du droit au compte défini à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier ; qu’en conséquence, le tribunal ordonne le maintien du compte de dépôt ouvert au nom de la société Knappe Composite auprès de la BNP Paribas tant que le fonctionnement dudit compte reste conforme à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier ; que le tribunal ordonne également le fonctionnement dudit compte conformément à la décision de la Banque de France dans la limite des services de base définis à l’article D. 312-5 du code monétaire et financier et aux dispositions des articles L. 133-10 et suivants du code monétaire et financier, sous astreinte de 5.000 euros par manquement et par jour à compter du prononcé du présent jugement ; le tribunal entend se réserver le cas échéant la liquidation de l’astreinte » (jugement p. 4 à 6) ;

1° Alors que la notification de la résiliation d’un compte en cas d’utilisation pour des opérations dont la banque a des raisons de soupçonner qu’elles poursuivent des fins illégales, peut intervenir sans délai, une fois les soupçons établis, après examen renforcé, pour les services de contrôle interne de la banque ; que la banque n’a pas à justifier devant le juge de la rupture de la relation d’affaires des vérifications opérées conformément aux exigences du régulateur ; qu’au cas présent, la cour d’appel a retenu, à l’appui de sa décision de maintenir la relation d’affaires au bénéfice de la société Knappe Composite, que « quand », en présence de soupçons, « des vérifications sont engagées ou que des opérations nécessitent un examen renforcé, la banque, tenue à l’obligation d’examen renforcé, ne rompt pas la relation d’affaires tant que l’analyse approfondie n’a pas été achevée », reprochant à la banque exposante d’avoir rompu la relation prétendument alors que les vérifications étaient en cours (arrêt p. 13) ; qu’en considérant ainsi que l’éventuel défaut d’accomplissement intégral des mesures de vigilance ? y compris l’examen renforcé ? pourrait bénéficier au client, quand le mécanisme de résiliation prévu par la loi en pareille hypothèse n’est pas d’intérêt privé, mais destiné à protéger des objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public, la cour d’appel, a violé les articles L. 312-1, L. 561-2, L. 561-32 et L. 561-36 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause, lus à la lumière de l’article 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 et de la directive 2015/849 du 20 mai 2015 ;

2° Alors en tout état de cause que l’établissement teneur de compte peut légitimement soupçonner la poursuite de fins illicites devant donner lieu à déclaration de soupçons auprès de l’autorité compétente lorsque, informé par son client de la réalisation d’une opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé (c’est-à-dire atypique), son examen renforcé n’a pas permis de lever ses soupçons , au demeurant, sur un client présentant des risques élevés de par ses activités ; qu’au cas présent, la BNP Paribas avait souligné dans ses conclusions d’appel (p. 7 à 9, et p. 24 à 27) que le virement annoncé par la société Knappe Composite apparaissait d’emblée comme particulièrement complexe (en provenance d’une juridiction à haut risque, transitant notamment par de nombreux intermédiaires autres que ceux déclarés au Trésor) et inhabituelle (atypique) de par son montant (bien supérieur aux mouvements habituels du compte du client), et qu’en dépit de ses multiples relances, la société Knappe Composite n’avait pas contribué à l’éclairer sur le circuit financier en cause, l’invitant même, par provocation, à saisir Tracfin ; qu’en considérant qu’en dépit de ces circonstances, la banque aurait dû procéder à un examen renforcé, la cour d’appel, qui n’a pas tenu compte de la circonstance que cet examen était en réalité achevé, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 312-1, L. 561-2, L. 561-15, L. 561-15-1 et L. 561-16 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause, lus à la lumière de l’article 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 et de la directive 2015/849 du 20 mai 2015 ;

3° Alors que la décision de résiliation d’un compte ouvert dans le cadre du droit au compte n’a pas à être motivée lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public ; que tel est le cas quand la résiliation est décidée au visa du 1° de l’article L. 312-1-IV du code monétaire et financier, autrement dit lorsque le client a délibérément utilisé son compte pour des opérations dont l’organisme a des raisons de soupçonner qu’elles poursuivent des fins illégales ; qu’au cas présent, la cour d’appel a considéré que ce cas de rupture, pourtant expressément visé par la lettre de résiliation du 14 février 2018, ne dispenserait pas la banque de motivation ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, lu à la lumière de l’article 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 ;

4° Alors qu’est couvert par le secret, non seulement le formulaire de « déclaration de soupçon » proprement dit, mais encore tout ce qu’il contient et, également, tout ce qui fonde en substance le soupçon nourrit par l’établissement ; qu’ainsi, la banque qui, parce qu’elle nourrit un soupçon d’opération financière illégale, rompt la relation ouverte avec son client, est tenue au secret non seulement en ce qu’elle a rempli et communiqué un formulaire en bonne et due forme à Tracfin, mais encore pour tous les éléments d’information l’ayant conduit à concevoir le soupçon en cause ; qu’elle se trouve dès lors dans une situation d’impossibilité de motiver sa décision de mettre un terme à la relation d’affaires, ce pourquoi le code monétaire et financier dispense la banque de toute obligation de motivation précisément dans cette hypothèse ; qu’au cas présent, la cour d’appel a au contraire retenu que « l’interdiction de révéler une déclaration de soupçon n’est pas, à elle seule, suffisante pour dispenser la banque de motiver sa décision de clôturer un compte ouvert au titre du droit au compte » (p. 13) ; qu’en statuant ainsi, cependant que, « à elle seule », cette interdiction, qui a une portée plus grande que ne le postule la cour d’appel, a bien cet effet de dispense de motivation, la cour d’appel a violé les articles L. 312-1 et L. 561-19 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause, lus à la lumière de l’article 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 ;

5° Alors en tout état de cause que, contrairement à ce que juge la cour d’appel, la mention « fonctionnement atypique » du compte, assortie du visa du 1° de l’article L. 312-1-IV du code monétaire et financier, dans le contexte précis qui était celui des interpellations de la banque sur les tenants et les aboutissants du virement annoncé en provenance de Chine, via d’autres intermédiaires, pour solder un contrat Iranien, était parfaitement limpide, quant aux motifs de la rupture, pour la société Knappe Composite ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel, qui a négligé la circonstance que les lignes directrices ACPR-Tracfin font elles-mêmes référence aux opérations atypiques, incohérentes, inhabituelles ou suspectes, a violé l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, lu à la lumière de l’article 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 ;

6° Alors par ailleurs que la tentative d’utilisation du compte pour une opération d’un montant inhabituellement élevé ou particulièrement complexe, de laquelle tout doute d’illicéité ne peut être écarté, comme son commencement d’exécution, est de nature à justifier que la banque nourrisse des soupçons justifiant la rupture de la relation d’affaires unissant le banquier au titulaire du compte ; qu’au cas présent, la cour d’appel a retenu, à l’appui de sa décision de juger irrégulière la résiliation notifiée le 14 février 2018, que l’opération litigieuse aurait uniquement été projetée mais finalement, selon elle, non réalisée, le virement annoncé n’étant parvenu à la banque, selon la cour, qu’après le 14 février 2018 ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a négligé le caractère condamnable, en cette matière, de la tentative ou du commencement d’exécution, parfaitement à même de justifier que la banque nourrisse des soupçons, a violé les articles L. 312-1-IV, L. 561-8 et L. 561-15-V du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause, lus à la lumière des articles 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 et de la directive 2015/849 du 20 mai 2015 ;

7° Alors en tout état de cause que constitue une utilisation du compte le fait, pour son titulaire, d’en communiquer les coordonnées à un cocontractant afin qu’il effectue un paiement par virement sur ce compte ; qu’au cas présent, la société Knappe Composite a transmis son relevé d’identité bancaire de la BNP Paribas à sa contrepartie iranienne, laquelle l’a communiqué aux intermédiaires composant le circuit financier mis en place pour contourner les sanctions financières décidées par la Communauté internationale ; qu’en retenant qu’il n’y aurait eu là qu’une tentative d’utilisation illicite du compte, cependant qu’il s’agissait d’une tentative consommée, assimilable à tout le moins à un commencement d’utilisation illicite, de nature à faire naître un soupçon, la cour d’appel a violé les articles L. 312-1-IV et L. 561-8 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause, lus à la lumière des articles 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 et de la directive 2015/849 du 20 mai 2015 ;

8° Alors, enfin et d’une part, que, à supposer adoptés par la cour d’appel les motifs du jugement relatifs à la prétendue licéité des opérations réalisées par la société Knappe Composite, la réglementation du droit au compte permet la rupture sans préavis de la relation d’affaires dès lors que la banque nourrit des soupçons d’utilisation du compte à des fins illégales ; que la banque est ainsi ostensiblement érigée en premier juge des motifs de la rupture et ne peut être sanctionnée, pénalisée ou tenue responsable à l’égard du client d’aucune manière, hors l’hypothèse de l’abus, de la mauvaise foi ou de l’intention de nuire ; qu’au cas présent, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a relevé, à l’appui de sa décision, qu’il serait désormais établi que les produits exportés par la société Knappe Composite n’auraient pas méconnu les interdictions internationales pesant sur le régime Iranien et « qu’aucune infraction à la réglementation en vigueur ne lui avait été confirmée » (p. 5, al. 7 et 8) ; qu’en statuant ainsi, en méconnaissance des obligations LCB/FT pesant sur la banque, à l’époque où, face à ses questions insistantes, la société Knappe Composite ? client au profil au demeurant risqué ? la renvoyait, par provocation, à saisir Tracfin, la cour d’appel, par motifs adoptés, a violé l’article L. 312-1-IV du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, lu à la lumière de l’article 19 de la directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 ;

9° Alors, enfin et d’autre part, que, toujours dans la même hypothèse d’une supposée adoption de ces motifs par la cour, la réglementation anti-blanchiment confère à la personne tenue à une obligation de déclaration en cas de soupçon une immunité interdisant qu’elle soit sanctionnée, pénalisée, ou tenue pour responsable d’aucune façon, y compris lorsque les faits déclarés au titre du soupçon s’avèrent finalement inexistants ou non répréhensibles ; qu’il n’en va différemment qu’en cas d’abus, de mauvaise foi ou d’intention de nuire ; qu’au cas présent, le tribunal, dont les motifs pourraient être considérés comme adoptés par la cour d’appel de Grenoble, a retenu, à l’appui de sa décision d’ordonner le maintien de la relation d’affaires, qu’aucune irrégularité dans les agissements de Knappe Composite n’avait finalement été établie ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ainsi méconnu l’immunité instituée par la loi au bénéfice du déclarant, a violé les articles L. 561-1 et L. 561-22 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable en la cause.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 2021, 19-14.313, Publié au bulletin