Cour de cassation, Chambre civile 3, 7 janvier 2021, 19-23.262, Publié au bulletin

  • Reconnaissance du droit du créancier·
  • Caractère non-équivoque·
  • Action en réparation·
  • Prescription civile·
  • Troubles anormaux·
  • Acte interruptif·
  • Détermination·
  • Interruption·
  • Prescription·
  • Propriété

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le fait, pour le destinataire d’une lettre recommandée, de ne pas en contester la teneur lui rappelant son engagement de consulter un spécialiste de l’élagage ne caractérise pas une reconnaissance non équivoque de son obligation d’indemniser le trouble anormal de voisinage invoqué, causé par la chute d’aiguilles et de pommes de pin de sapins sur le fonds de son voisin.

Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l’article 2240 du code civil l’arrêt qui retient qu’une telle lettre a interrompu la prescription de l’action en réparation du trouble

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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 7 janv. 2021, n° 19-23.262, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-23262
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Grenoble, 20 mai 2019
Textes appliqués :
article 2240 du code civil.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043004964
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:C300013
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 7 janvier 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 13 F-P

Pourvoi n° C 19-23.262

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JANVIER 2021

M. G… H…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° C 19-23.262 contre l’arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d’appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme N… M…, épouse D…,

2°/ à M. W… D…,

tous deux domiciliés […] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. H…, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme D…, après débats en l’audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. H… du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. D….

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 21 mai 2019), Mme M…, épouse D… a assigné M. H… en indemnisation du trouble anormal de voisinage que lui causait la chute des aiguilles et pommes de pin de ses sapins sur son fonds.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. M. H… fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à Mme M… la somme de 14 371,04 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que seule la reconnaissance non équivoque par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait est susceptible d’interrompre la prescription ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour considérer que le courrier du 9 avril 2013 constituait une reconnaissance par M. H… de l’existence d’un trouble de voisinage causé par ses arbres, que ce courrier rappelait son engagement de consulter un spécialiste de l’élagage, circonstance pourtant impropre à caractériser une reconnaissance non équivoque de M. H… de l’existence du trouble anormal du voisinage subi par Mme D…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 2240 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

6. Pour dire qu’une lettre recommandée reçue par M. H… avait interrompu la prescription quinquennale et déclarer en conséquence l’action de Mme M… recevable, l’arrêt retient que M. H… n’a pas contesté la teneur de cette lettre qui lui rappelait son engagement de consulter un spécialiste de l’élagage et que, par cette volonté ainsi manifestée après les plaintes de Mme D…, il a reconnu l’existence d’un empiétement de ses arbres sur le toit de sa voisine, ce qui emporte obligation d’en assumer les conséquences en cas de troubles de voisinage.

7. En se déterminant ainsi, sans relever une reconnaissance non équivoque, par M. H…, de son obligation d’indemniser le trouble anormal de voisinage invoqué, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. H… à payer à Mme M… la somme de 14 371,04 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne Mme M… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. H…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. H… fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamné à payer à Mme D… la somme de 14 371,04 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, s’agissant des conséquences de la chute des aiguilles et des pommes de pin au niveau des écoulements d’eau de toiture, des fuites ont été constatées et dénoncées, et les pompiers sont même intervenus en septembre 2012 ; que ces anomalies consistant principalement en l’obstruction des chéneaux ont engendré des dommages anormaux et ont généré des frais de nettoyage réguliers ainsi qu’une baisse de revenus locatifs suite à l’inondation du locataire ; que les conséquences de l’absence d’élagage constituent donc des troubles de voisinages pour lesquels la prescription quinquennale pourrait trouver à s’appliquer ; que s’agissant du chiffrage de l’indemnisation, il est produit au débat une attestation du locataire confirmant la cessation de versement des loyers sur une période de 10 mois (janvier à octobre 2014 pour 7 711,04 €) et des quittances officialisant une baisse de loyers de 1 200 € une première fois et de 600 € une seconde fois pour compenser les désagréments dus aux inondations ; qu’à cela s’ajoute le fait que le bailleur n’a pas procédé à la hausse de loyer (380 €/mois) pour les mêmes raisons (total de 4 560 €) ; que de plus, le coût du nettoyage régulier est justifié par la production de diverses factures pour un montant de 2 820,66 € ; que le total justifié des conséquences du défaut d’élagage est de 16 891,70 €, étant rappelé que Mme D… cantonne sa demande à la somme de 14 371,04 € de ce chef ; qu’en ce qui concerne la prescription des demandes à ce titre, Mme D… a initié une action en justice le 10 octobre 2013 (déclaration au greffe) ; que M. H… a reçu un courrier recommandé le 9 avril 2013 lui rappelant son engagement de consulter un spécialiste de l’élagage ; que M. H… n’en conteste pas la teneur, reconnaissant ainsi qu’il avait bien exprimé le désir de consulter un spécialiste de l’élagage, mais il estime qu’un tel écrit ne vaut en aucun cas reconnaissance d’un éventuel trouble de voisinage ; que néanmoins, M. H… ayant manifesté sa volonté de consulter un spécialiste de l’élagage après les plaintes de Mme D… quant à l’état du toit et des chéneaux, il a de facto reconnu l’existence d’un empiétement de ses arbres sur le toit de sa voisine et il doit en assumer les conséquences en cas de troubles de voisinage ; que ce courrier du 9 avril 2013 a donc interrompu la prescription quinquennale relative au trouble de voisinage, prescription issue de la loi du 17 juin 2008 ; que les sommes réclamées (14 371,04 €) ne sont donc pas prescrites et devront être versées à Mme D… ;

1°) ALORS QUE la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ; que dès lors, en retenant que le courrier du 9 avril 2013, pourtant adressé par Mme D… à M. H…, et énonçant « vous deviez consulter un spécialiste pour connaître la possibilité d’élagage de vos arbres qui sont trop proches de notre toiture », constituait une reconnaissance de la part de ce dernier d’un éventuel trouble de voisinage ayant interrompu la prescription quinquennale, la cour d’appel a violé l’article 2240 du code civil ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE seule la reconnaissance non équivoque par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait est susceptible d’interrompre la prescription ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour considérer que le courrier du 9 avril 2013 constituait une reconnaissance par M. H… de l’existence d’un trouble de voisinage causé par ses arbres, que ce courrier rappelait son engagement de consulter un spécialiste de l’élagage, circonstance pourtant impropre à caractériser une reconnaissance non équivoque de M. H… de l’existence du trouble anormal du voisinage subi par Mme D…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2240 du code civil ;

3°) ALORS, subsidiairement QUE le courrier adressé par Mme D… à M. H… le 9 avril 2013 énonçait, après avoir rappelé que les pompiers avaient dû intervenir à la fin du mois de septembre 2012 en raison d’une inondation due aux aiguilles de pin en quantité anormale bouchant les chéneaux et que M. D… l’avait signalé à M. H… et lui avait remis une copie des courriers qui avaient été adressés au précédent propriétaire de sa maison, que « vous deviez consulter un spécialiste pour connaître la possibilité d’élagage de vos arbres qui sont trop proches de notre toiture. Cela nous cause en effet de nombreux désagréments et nous coûte très cher (plus de 1 000 € de la dernière intervention) : nous sommes obligés de faire purger sans cesse chez nous et cela semble encore insuffisant étant donné que vos arbres perdent énormément d’aiguilles. Rien n’a bougé de votre côté depuis septembre

c’est un trouble anormal du voisinage que nous vous remercions par avance de bien vouloir faire cesser en faisant tout simplement élaguer vos arbres régulièrement pour éviter que leurs aiguilles ne bouchent nos chéneaux » ; que dès lors, en énonçant que ce courrier, qui faisait seulement état d’arbres trop proches des toitures appartenant aux époux D…, comportait une reconnaissance, par M. H…, de l’existence d’un empiétement de ses arbres sur le toit de sa voisine dont il devait assumer les conséquences en cas de troubles de voisinage, la cour d’appel a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

4°) ALORS, encore plus subsidiairement, QUE seule la réparation du préjudice causé par la faute du défendeur peut être mise à la charge de ce dernier ; que dès lors en se bornant à énoncer qu’il convenait d’indemniser le bailleur au titre de la hausse de loyer (380 € / mois soit un total de 4560 €) à laquelle il n’avait soi-disant pas procédé en raison des dommages subis par son locataire du fait du trouble anormal du voisinage dont M. H… était à l’origine, sans constater que Mme D… apportait le moindre élément de nature à établir le lien de causalité entre cette décision du bailleur et le trouble en question, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. H… fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de l’ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE, s’agissant de l’empiétement du toit de Mme D… sur le fonds de M. H…, ce dernier n’établit pas que le mur ou le chéneau critiqué soit privatif et non mitoyen au regard de ce qu’indique l’acte notarié du 28 mai 1994 ; que cet acte de vente fait également référence à une précédente vente du 2 décembre 1980 avec bâtiment existant appartenant anciennement au même propriétaire ; que ce document atteste ainsi de l’âge et de l’origine commune des constructions litigieuses ; que Mme D… est dès lors en droit d’invoquer la prescription trentenaire (articles 690 et 2272 du code civil) ou à défaut la destination du père de famille (articles 692 et 693 du code civil) afin de s’opposer aux demandes indemnitaires et de remise en état de M. H… demandes qui seront toutes rejetées ;

1°) ALORS QU’il n’était pas contesté par les parties que le toit et le chéneau en ruine, dont la démolition était demandée par M. H… au motif qu’ils empiétaient sur son fonds, appartenaient à Mme D… et n’étaient pas mitoyens, cette dernière énonçant elle-même que les photos prises par l’huissier, et dont se prévalait M. H… pour établir l’empiétement, ne concernaient pas la partie du mur que l’acte de vente du 28 mai 1994 qualifiait de mitoyen ; que dès lors, en retenant, pour rejeter la demande de démolition de M. H…, qu’il n’était pas établi que le mur ou le chéneau soit privatif et non mitoyen, la cour d’appel qui a méconnu les termes du litige tels qu’ils ressortaient des écritures respectives de parties, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE tout empiétement sur une propriété voisine doit être sanctionné ; que dès lors, en retenant, pour rejeter la demande de M. H… tendant à voir démolir la partie du toit et du chéneau de l’immeuble appartenant à Mme D… empiétant sur sa propriété, au-delà du mur séparatif, qu’il n’était pas établi que ce mur ait été privatif et non mitoyen, la cour d’appel qui s’est fondée sur une circonstance inopérante pour exclure un empiétement, a violé les articles 545 et 552 du code civil ;

3°) ALORS QUE dans ses conclusions d’appel, M. H… faisait valoir que le bâtiment litigieux dont le toit et le chéneau empiètent sur sa propriété est un bâtiment à usage industriel et commercial, qui a été construit par les époux D… postérieurement à leur acquisition en date du 28 mai 1994, et dont la construction était prévue dans cet acte qui précisait qu’une partie des immeubles bâtis sur le terrain était destinée à être démolie et remplacée, dans les quatre ans de la vente, par un nouveau bâtiment qui occuperait la totalité de la surface acquise ; que dès lors, en se bornant à énoncer que Mme D… était en droit d’invoquer la prescription trentenaire afin de s’opposer aux demandes indemnitaires et de remise en état de M. H…, sans répondre à ce moyen pourtant de nature à exclure que la construction litigieuse ait été construite depuis plus de trente ans ou qu’elle ait été édifiée par M. P…, l’auteur commun des parties, la cour d’appel a privé sa décision de motivation, en violation de l’article 455 du code de procédure civile.

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