Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 janvier 2021, 19-24.893, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. civ., 14 janv. 2021, n° 19-24.893
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-24.893
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 26 septembre 2019
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043046015
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:C300031
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 janvier 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 31 FS-D

Pourvoi n° A 19-24.893

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

La société IFB France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° A 19-24.893 contre l’arrêt n° RG : 16/02079 rendu le 27 septembre 2019 par la cour d’appel de Saint-Denis (chambre civile TGI), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. C… T…,

2°/ à Mme O… A…, épouse T…,

domiciliés tous deux […],

3°/ à la société Oceanis Outremer, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Le Jardin Colonial,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société IFB France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme T…, et l’avis de M. Brun, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société IFB France du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Oceanis outremer, venant aux droits de la société Le Jardin colonial.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 27 septembre 2019), le 12 août 2005, M. et Mme T…, après avoir été démarchés par la société IFB France, chargée de la commercialisation d’immeubles en l’état futur d’achèvement réalisés à la Réunion par la société civile de construction vente Le Jardin colonial, ont acquis, au prix de 169 700 euros, un appartement à titre d’investissement immobilier locatif bénéficiant d’un avantage fiscal.

3. Le bien, financé à l’aide d’un prêt, a été livré le 16 avril 2007, loué à plusieurs reprises et évalué entre 85 000 et 90 000 euros en avril 2013.

4. M. et Mme T… ont assigné le vendeur et le démarcheur à titre principal en nullité de la vente pour dol et subsidiairement en paiement de dommages-intérêts pour manquement au devoir d’information.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société IFB France fait grief à l’arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts d’un montant de 33 940 euros, alors :

« 1°/ que le manquement à une obligation d’information et de conseil cause seulement un préjudice consistant en la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu’en considérant que le préjudice s’analysait « en la perte d’une chance de contracter à des conditions loyales », la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’existence d’une perte de chance de contracter ou de contracter à des conditions différentes, a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;

2°/ que l’indemnisation de la perte d’une chance est subordonnée à la constatation de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ; qu’en évaluant la perte d’une chance au cinquième du prix de vente, après avoir affirmé que le préjudice s’analysait en une perte de chance de contracter à des conditions loyales, au lieu de rechercher si, dans l’hypothèse d’une exécution satisfaisante de l’obligation d’information, M. et Mme T… auraient ou non acquis le bien, ou, dans l’affirmative, s’ils l’auraient acquis à des conditions différentes, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;

3°/ que la détermination d’un préjudice suppose la prise en compte des avantages que le demandeur à l’action a pu retirer de la situation dommageable ; qu’en évaluant la perte d’une chance au cinquième du prix de vente, après avoir affirmé que le préjudice s’analysait en une perte de chance de contracter à des conditions loyales, sans rechercher si M. et Mme T…, en conservant dans leur patrimoine la propriété de l’immeuble, n’en avaient pas retiré un avantage de nature à venir en compensation avec l’allocation d’une indemnité compensant la perte d’une chance de contracter à des conditions loyales, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble le principe de la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit. »

Réponse de la Cour

6. La cour d’appel a retenu que les projections financières fournies par la société IFB France, qui ne justifiait d’aucune étude sérieuse sur la réalité du marché immobilier de la zone du Tampon, n’envisageaient rien d’autre qu’une progression annuelle de 2 % du loyer comme de la valeur des biens et accréditaient l’idée d’une sécurisation du projet de bout en bout et d’une rentabilité certaine.

7. Elle a constaté que le bien acquis pour 169 700 euros le 12 août 2005 ne valait plus, en août 2013, qu’entre 85 000 et 90 000 euros.

8. Elle en a déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ou qui n’était pas demandée, que M. et Mme T…, qui invoquaient une surestimation de la valeur du bien, justifiaient d’un préjudice s’analysant en une perte de chance qu’elle a souverainement évaluée à 20 % du prix de vente.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société IFB France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société IFB France et la condamne à payer à M. et Mme T… la somme globale de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt et un.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société IFB France.

Le pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR condamné la société IFB France à payer aux époux T…, des dommages et intérêts d’un montant de 33 940 € pour manquement à son obligation d’information et de conseil ;

AUX MOTIFS QUE concernant le devoir de conseil, le professionnel qui commercialise des biens immobiliers, notamment dans une opération de défiscalisation, est tenu d’informer et de conseiller l’acquéreur éventuel sur les caractéristiques de l’investissement qu’il lui propose et sur les choix à effectuer ; qu’en l’espèce, la S.A.S. IFB France, représentée par Madame W… D…, « agent indépendant », s’est présentée auprès des époux T… comme spécialiste en « ingénierie financière », qualités pouvant être légitimement perçues comme autant de garanties par les acquéreurs ; que c’est pourtant sur la base d’une étude patrimoniale succincte que la S.A.S. IFB France a proposé aux époux T… un investissement de 169.700,00 € sur un appartement type T2 au sein de la Résidence « Le Jardin Colonial » ; que la projection financière n’envisage rien d’autre qu’une progressivité annuelle de 2% du loyer comme de la valeur des biens ; qu’elle table sur des loyers annuels de 7.932,00 € dès la première année et une réduction d’impôt annuelle de 11.835,00 €, les époux T… pouvant raisonnablement escompter un bénéfice net de 124.056,00 € à la fin de la période de défiscalisation ; que ce résultat étant toutefois totalement dépendant de la location effective du bien vendu, le contrat de réservation du 8 juin 2005 précisait que « le propriétaire bénéficie d’une garantie des revenus locatifs et détériorations immobilières, à condition de confier un mandat à un gestionnaire agréé par le promoteur et la S.A.S. IFB France », mention susceptible d’ôter de l’esprit des éventuels acquéreurs tout doute sur les aléas liés aux possibilités de location et aux revenus potentiels ; que ce document accréditait l’idée d’une sécurisation du projet de bout en bout et d’une rentabilité certaine puisqu’après la vente, un professionnel déjà identifié prenait la suite de l’opération pour se charger de la gestion et du suivi des locations ; que la S.A.S. IFB France ne justifie pas, d’une façon ou d’une autre, avoir exercé son devoir de conseil auprès des époux T… ; que d’ailleurs, sa « méthode de vente » encourage clairement son préposé à convaincre le client que « le seul risque est de gagner de l’argent » ; qu’en effet, si la promotion relative à la Résidence « Le Jardin Colonial » est décrite dans ses grands aspects dans le « book de présentation », la S.A.S. IFB France ne justifie d’aucune étude sérieuse de marché sur le potentiel locatif de la zone du TAMPON et sur la réalité de son marché immobilier ; que la communication d’une étude seulement théorique ne considérant que l’hypothèse la plus optimiste et ne présentant pas la subsistance d’aléas pouvant entacher cet investissement ne permet pas de considérer que la S.A.S. IFB France a manqué à son obligation d’information sincère et de conseil ; que ce manquement a causé aux époux T… un préjudice s’analysant en la perte d’une chance de contracter à des conditions loyales ; que ce préjudice sera évalué à 20 % du prix de vente, soit 20 % x 169.700,00 € = 33.940,00 € ;

1. ALORS QUE le manquement à une obligation d’information et de conseil cause seulement un préjudice consistant en la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu’en considérant que le préjudice s’analysait « en la perte d’une chance de contracter à des conditions loyales », la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’existence d’une perte de chance de contracter ou de contracter à des conditions différentes, a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;

2. ALORS QUE l’indemnisation de la perte d’une chance est subordonnée à la constatation de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ; qu’en évaluant la perte d’une chance au cinquième du prix de vente, après avoir affirmé que le préjudice s’analysait en une perte de chance de contracter à des conditions loyales, au lieu de rechercher si, dans l’hypothèse d’une exécution satisfaisante de l’obligation d’information, M. et Mme T… auraient ou non acquis le bien, ou, dans l’affirmative, s’ils l’auraient acquis à des conditions différentes, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;

3. ALORS QUE la détermination d’un préjudice suppose la prise en compte des avantages que le demandeur à l’action a pu retirer de la situation dommageable ; qu’en évaluant la perte d’une chance au cinquième du prix de vente, après avoir affirmé que le préjudice s’analysait en une perte de chance de contracter à des conditions loyales, sans rechercher si M. et Mme T…, en conservant dans leur patrimoine la propriété de l’immeuble relevant d’un régime de défiscalisation, n’en avaient pas retiré un avantage de nature à venir en compensation avec l’allocation d’une indemnité compensant la perte d’une chance de contracter à des conditions loyales, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en l’espèce, ensemble le principe de la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit.

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