Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 mars 2021, 20-10.947, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n’est pas susceptible de prescription

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 285 FS-P

Pourvoi n° N 20-10.947

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2021

La société Bpifrance financement, société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° N 20-10.947 contre l’arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l’opposant à Mme H… Y…, domiciliée […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Bpifrance financement, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme Y…, et l’avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l’audience publique du 16 février 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Barbieri, Jessel, David, Jobert, conseillers, Mme Collomp, MM. Béghin, Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2019), le 21 septembre 1962, Mme Y… a été embauchée par la Caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel, aux droits de laquelle vient la société Bpifrance Financement.

2. Le 13 janvier 1975, un logement a été mis à sa disposition par son employeur à titre d’accessoire à son contrat de travail.

3. Le 31 juillet 2004, Mme Y… a pris sa retraite et a continué à occuper les lieux.

4. Le 25 juillet 2014, souhaitant vendre le logement libre d’occupation, la société Bpifrance Financement a délivré à Mme Y… un congé à effet du 31 juillet 2015.

5. Mme Y… ayant refusé de libérer les lieux, au motif qu’elle bénéficiait d’un bail d’habitation, la société Bpifrance Financement l’a assignée en expulsion.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Bpifrance Financement fait grief à l’arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que l’action du propriétaire tendant à l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre est imprescriptible ; qu’est sans droit ni titre l’occupant qui se maintient dans son logement de fonction après le terme de son contrat de travail ; qu’en jugeant que l’action de la société Bpifrance Financement tendant à l’expulsion de Mme Y… était une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de droit commun dès lors qu’elle dérivait d’un contrat, quand elle constatait que cette action tendait à l’expulsion de l’occupante d’un logement de fonction constituant l’accessoire de son contrat de travail qui avait pris fin, ce dont il résultait que cette action avait pour objet l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre et qu’elle était, par conséquent, imprescriptible, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 2227 du code civil. » Réponse de la Cour

Vu les articles 544 et 2227 du code civil :

7. Selon le premier de ces textes, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Selon le second, le droit de propriété est imprescriptible.

8. La revendication est l’action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui la détient la restitution de son bien (3e Civ., 16 avril 1973, pourvoi n° 72-13.758, Bull., III, n° 297).

9. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action de la société Bpifrance Financement, l’arrêt retient qu’elle tend à l’expulsion de l’occupante d’un logement de fonction constituant l’accessoire d’un contrat de travail qui a pris fin, le terme de la convention interdisant à l’ancienne salariée de se maintenir dans les lieux, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une action de nature réelle immobilière, mais d’une action dérivant d’un contrat soumise à la prescription quinquennale de droit commun.

10. L’arrêt retient encore qu’en application de l’article 26 II de la loi du 17 juin 2008, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir le 19 juin 2008 pour expirer le 19 juin 2013, de sorte que l’action engagée le 24 septembre 2015 est atteinte par la prescription.

11. En statuant ainsi, alors que l’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n’est pas susceptible de prescription, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 novembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée  ;

Condamne Mme Y… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt et un.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Bpifrance financement.

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir jugé l’action de la société Bpifrance financement prescrite et donc irrecevable, et de l’avoir condamnée à payer à Mme Y… la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que « Sur la prescription de l’action ; que la société Bpifrance Financement estime que l’action du propriétaire pour obtenir l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre est imprescriptible au visa de l’article 2227 du code de procédure civile de sorte qu’elle doit être jugée recevable ; que Mme Y… réplique qu’il ne s’agit pas d’une action réelle immobilière, le droit de propriété n’étant pas en cause, mais d’une action personnelle mobilière atteinte par la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil tel qu’il a été modifié par la loi du 19 juin 2008 ; que la prescription civile de droit commun, depuis la réforme issue de la loi du 17 juin 2008, est de cinq ans selon l’article 2224 du code civil ; que par exception au principe, le droit de propriété est imprescriptible en vertu de l’article 2227 du même code et les actions réelles immobilières se prescrivent par 30 ans ; qu’en l’espèce, l’action de la société Bpifrance Financement, telle qu’elle est qualifiée par l’appelante, tend à l’expulsion de l’occupante d’un logement de fonction constituant l’accessoire d’un contrat de travail qui a pris fin, le terme de la convention interdisant à l’ancienne salariée de se maintenir dans les lieux ; qu’il ne s’agit donc pas d’une action de nature réelle immobilière mais d’une action dérivant d’un contrat de sorte qu’elle est soumise à la prescription quinquennale de droit commun ; que son point de départ doit être fixé à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, conformément à l’article 2224 du code civil, c’est à dire, en l’espèce, au 31 juillet 2004, date à laquelle le contrat de travail a pris fin selon les propres déclarations de l’appelante ; que le délai trentenaire de l’article 2262 ancien du code civil qui était alors applicable a donc couru depuis ce jour et n’était pas expiré lorsque la réforme de la prescription civile est entrée en vigueur le 19 juin 2008 ; qu’en conséquence, les dispositions transitoires de l’article 26 II de cette loi, selon lesquelles « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure », s’appliquent à l’espèce de sorte que l’action de la société Bpifrance Financement devait être intentée avant le 19 juin 2013 ; qu’en effet, le nouveau délai de cinq ans a couru à compter du 19 juin 2008 alors que le cumul du temps écoulé sous l’empire de la loi ancienne au jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et celui de la loi nouvelle n’excède pas la durée prévue par la loi antérieure ; qu’ayant été introduite par la société Bpifrance Financement le 24 septembre 2015, l’action est atteinte par la prescription si bien que les demandes de l’appelante sont irrecevable ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ; (
) ; qu’il est équitable d’allouer à Mme Y… la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la société Bpifrance Financement, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens » (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges que « Sur la prescription de l’action de la société Bpifrance financement ; que Mme H… Y… soulève la prescription de l’action de la demanderesse au motif qu’elle entre dans le cadre de l’article 2224 du code civil qui prévoit une prescription quinquennale des actions personnelles ou mobilières ; que la bailleresse oppose à ce moyen l’article 2227 du code civil qui rappelle l’imprescriptibilité du droit de propriété ; qu’en l’espèce, l’action engagée par la bailleresse n’est pas une action réelle immobilière, son droit de propriété n’étant pas remis en cause, qu’il s’agit d’une action personnelle immobilière dans la mesure où elle vise à obtenir l’expulsion de Mme Y… fondée sur un évènement particulier qui est la cessation de son activité professionnelle entraînant la perte de son droit à bénéficier d’un logement de fonction ; que les textes sur le délai de prescription des actions personnelles ont évolué dans le temps ; qu’afin de connaître le délai de prescription applicable, il convient de se reporter au jour de l’évènement qui fait courir le délai ; qu’en l’espèce, Mme H… Y… a pris sa retraite le 31 juillet 2004, le délai de prescription a commencé à courir à compter de ce jour ; que la société Bpifrance financement qui s’en prévaut pour justifier l’expulsion de Mme Y…, avait, compte tenu de sa qualité nécessairement connaissance de cet évènement au jour de sa réalisation ; qu’au moment du départ à la retraite de Mme H… Y…, le droit applicable était l’ancien article 2262 du code qui civil qui prévoyait une prescription trentenaire des actions personnelles mais la loi du 19 juin 2008 a réformé ce régime donnant naissance à l’article 2224 du code civil ; qu’en vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que dans le cas présent, lors de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription trentenaire n’avait pas encore expiré ; qu’en conséquence, en vertu de l’article 26 II de ladite loi, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu’en conséquence, le nouveau point de départ du délai de prescription était reporté au jour de l’entrée en vigueur de la loi soit le 19 juin 2008 pour s’achever cinq ans plus tard soit le 19 juin 2013 ; que l’assignation de la bailleresse, ayant été délivrée le 24 septembre 2015, son action est prescrite et donc irrecevable » (jugement entrepris, p. 2 et 3) ;

Alors que l’action du propriétaire tendant à l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre est imprescriptible ; qu’est sans droit ni titre l’occupant qui se maintient dans son logement de fonction après le terme de son contrat de travail ; qu’en jugeant que l’action de la société Bpifrance financement tendant à l’expulsion de Mme Y… était une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de droit commun dès lors qu’elle dérivait d’un contrat, quand elle constatait que cette action tendait à l’expulsion de l’occupante d’un logement de fonction constituant l’accessoire de son contrat de travail qui avait pris fin, ce dont il résultait que cette action avait pour objet l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre et qu’elle était, par conséquent, imprescriptible, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 2227 du code civil.

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