Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mai 2021, 19-17.566, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’article L. 225-214 du code de commerce ne prévoit aucune sanction de nullité automatique pour les actions détenues par une société en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 du même code qui n’ont pas été cédées dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition. En l’absence d’une décision d’assemblée générale prononçant une telle annulation, ces actions peuvent donc faire l’objet d’une cession

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus

ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 412 F-P

Pourvoi n° M 19-17.566

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MAI 2021

1°/ M. [A] [C],

2°/ Mme [T] [O], épouse [C],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° M 19-17.566 contre l’arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [B] [O], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Mme [H] [O], domiciliée [Adresse 3],

3°/ à M. [G] [O],

4°/ à Mme [U] [Q], épouse [O],

domiciliés tous deux [Adresse 4],

5°/ à Mme [I] [O], épouse [Y],

6°/ à M. [Z] [Y],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

7°/ à Mme [Y] [O], épouse [E],

8°/ à M. [F] [E],

domiciliés tous deux [Adresse 6],

9°/ à la société Embregour, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

10°/ à la société Alfred de Musset (Sasam), dont le siège est [Adresse 7],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. et Mme [C], de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [B] [O], de Mme [H] [O], de M. et Mme [G] [O], de M. et Mme [Y], de M. et Mme [E] et des sociétés Embregour et Alfred de Musset, après débats en l’audience publique du 16 mars 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 2 avril 2019), la SAS Alfred de Musset (la société Sasam), dont le capital est détenu par M. [B] [O], M. [G] [O], Mme [U] [Q], épouse [O], Mme [H] [O], Mme [I] [O], épouse [Y], Mme [Y] [O], épouse [E], Mme [W] [O], épouse [C] et M. [C], détient 50,75 % du capital de la société Compagnie industrielle et financière d’entreprise (la société Cife).

2. Le 13 juin 2014, l’assemblée générale des actionnaires de la société Cife a approuvé la vente des actions que celle-ci détenait en autocontrôle, qui représentaient 9,46 % de son capital.

3. Le 30 juin 2014, l’assemblée générale de la société Sasam a approuvé une augmentation de capital, destinée à financer une éventuelle acquisition des actions autodétenues par la société Cife, la clôture de l’augmentation de capital devant intervenir le 31 juillet 2014.

4. Le 19 juillet 2014, les actionnaires de la société Sasam, à l’exception de M. et Mme [E] et de M. et Mme [C], ont renoncé à leur droit préférentiel de souscription au profit de la société Embregour, dont M. [G] [O] est associé.

5. Le 25 juillet 2014, ils ont agréé cette société afin de lui permettre de souscrire à l’augmentation de capital votée le 30 juin.

6. Le 31 juillet 2014, ils ont refusé d’agréer les sociétés EI BTP et HTB, détenues par M. et Mme [C] et présentées par eux à cet agrément.

7. Selon un procès-verbal du 4 août 2014, l’assemblée générale de la société Sasam a constaté que l’augmentation de capital avait été définitivement réalisée au prix de 14 140 euros l’action, les époux [Z] souscrivant quatre-vingt titres et la société Embregour deux cent quatre vingt quinze titres. A l’issue de l’opération, M. [G] [O] possédait, directement ou indirectement, via la société Embregour, 24,2 % du capital de la société Sasam, tandis que M. et Mme [C] voyaient leur participation au sein de cette société passer de 28 % à 23,6 %.

8. Le 28 mai 2015, les actions autodétenues par la société Cife ont été acquises par la société Sasam, à concurrence de 6,96 %, et par un investisseur financier à concurrence de 2,5 %.

9. M. et Mme [C] ont assigné la société Sasam, M. [B] [O], M. [G] [O], Mme [U] [Q], épouse [O], Mme [H] [O], Mme [I] [O], épouse [Y], M. [Y], Mme [Y] [O], épouse [E] et M. [E] en annulation de l’augmentation de capital de la société Sasam votée le 30 juin 2014 et des assemblées générales des 30 juin, 31 juillet et 4 août 2014, ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

10. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, réunis

Enoncé des moyens

11. Par leur premier moyen, M. et Mme [C] font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes tendant, d’un côté, à voir annuler l’augmentation de capital de la société Sasam votée le 30 juin 2014, les délibérations prises lors des assemblées générales des 31 juillet et 4 août 2014, ainsi que tous les actes ultérieurs se rapportant à l’augmentation de capital, et de l’autre, à voir condamner in solidum leurs coassociés à leur verser à chacun une certaine somme en réparation du préjudice résultant de l’abus de majorité et de la fraude, alors « que la fraude corrompt tout ; que, pour refuser de reconnaître à l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014 un caractère brutal de nature à entraver toute souscription significative de la part des époux [C], la cour d’appel a relevé que ces derniers étaient informés depuis décembre 2013 des problèmes liés aux actions auto-détenues par la Cife et de la possibilité de rachat de ces actions par la holding Sasam, ce pour quoi l’assemblée générale extraordinaire de la Sasam avait décidé le 30 juin 2014 de procéder à une augmentation de capital ; qu’en statuant par ces considérations, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des époux [C], si la brutalité de l’opération ne résultait pas de la brièveté du délai de souscription dont le terme était fixé au 31 juillet 2014, soit un mois seulement après le vote de l’augmentation de capital, de surcroît en période estivale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susmentionné, ensemble l’article L. 227-9 du code de commerce. »

12. Par leur second moyen, M. et Mme [C] font le même grief à l’arrêt, alors :

« 1°/ que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que, pour considérer que l’augmentation du capital de la Sasam votée le 30 juin 2014 en vue de financer le rachat des actions autodétenues par sa filiale, la Cife, n’avait pas pour objet une opération illicite, et n’était pas de ce fait contraire à l’intérêt social, la cour d’appel a relevé qu’il n’était pas établi, au vu de la note rédigée le 4 février 2014 par le cabinet [V], que les actions auto-détenues par la Cife devaient être annulées en application de l’article L. 225-214 du code de commerce ; qu’en se fondant sur une telle considération, quand il lui appartenait d’examiner par elle-même si les conditions de l’annulation prévue à l’article L. 225-214 du code de commerce, lorsque des actions sont possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 dudit code, étaient réunies s’agissant des actions auto-détenues par la Cife, la cour d’appel a méconnu son office, en violation de l’article 4 du code civil ;

2°/ qu’il résulte de l’article L. 225-214 du code de commerce que, passé le délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition, les actions possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 dudit code ne peuvent plus être cédées mais doivent obligatoirement être annulées ; qu’il suit de là que la cession de telles actions au-delà du délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition est nécessairement illicite ; qu’en jugeant cependant, pour en déduire que l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014 en vue de financer le rachat des actions auto-détenues par la Cife n’avait pas pour objet une opération illicite, et n’était pas de ce fait contraire à l’intérêt social, que les actions de la Cife pouvaient être régulièrement cédées tant qu’elles n’avaient pas été annulées, indépendamment du point de savoir si les conditions de leur annulation sur le fondement de l’article L. 225-214 du code de commerce étaient réunies, la cour d’appel a violé ce dernier texte ;

4°/ que la fraude constitue une cause de nullité de l’augmentation de capital décidée par l’assemblée générale, nonobstant l’absence de disposition expresse du code de commerce en ce sens ; que la cour d’appel, à supposer qu’elle ait adopté le motif des premiers juges selon lequel aucune disposition du code de commerce prévoyant la nullité d’un acte modifiant les statuts d’une société commerciale ne s’appliquait en l’espèce, a statué par une considération inopérante, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1844-10 du code civil et L. 235-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

13. En premier lieu, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. et Mme [C] étaient au courant du problème posé par la détention, par la société Cife, d’une partie de ses propres actions, depuis la fin de l’année 2013 et, par motifs adoptés, qu’ils connaissaient, depuis cette date, l’intention des autres actionnaires de la société Sasam de procéder à une augmentation de capital pour le résoudre. En l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que M. et Mme [C] avaient disposé du temps nécessaire pour se préparer à l’augmentation de capital litigieuse et, s’ils souhaitaient y participer, de réunir les fonds nécessaires à la souscription des actions émises, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise invoquée par la première branche du premier moyen, a légalement justifié sa décision.

14. En second lieu, après avoir rappelé qu’aux termes de l’article L. 225-214 du code de commerce, « les actions possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 doivent être cédées dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition. A l’expiration de ce délai, elles doivent être annulées », l’arrêt énonce exactement qu’aucune sanction de nullité automatique n’est prévue par cet article et qu’un vote de l’assemblée générale est nécessaire pour prononcer l’annulation des actions. Relevant ensuite que les actions autodétenues par la société Cife n’avaient pas fait l’objet d’une telle décision, c’est à bon droit et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les première et quatrième branches du second moyen que la cour d’appel en a déduit que ces actions pouvaient faire l’objet d’une cession et que, dès lors, l’augmentation de capital litigieuse n’avait pas un objet illicite.

15. Les moyens ne sont donc pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [C] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [C] et les condamne à payer à M. [B] [O], à M. et Mme [G] [O], à Mme [H] [O], à M. et Mme [Y], et à M. et Mme [E], et aux sociétés Embregour et Alfred de Musset, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Champalaune, conseiller qui en a délibéré, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [C].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté les époux [C] de leurs demandes tendant, d’une part, à voir annuler l’augmentation de capital de la SAS Alfred de Musset votée le 30 juin 2014, les délibérations prises lors des assemblées générales des 31 juillet et 4 août 2014, ainsi que tous les actes ultérieurs se rapportant à l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014, d’autre part, à voir condamner in solidum leurs coassociés à leur verser à chacun la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’abus de majorité et de la fraude ;

Aux motifs propres que, sur les conditions de l’augmentation de capital, M. et Mme [C] mettent en avant le caractère frauduleux de l’augmentation de capital de la société Sasam et un abus de droit commis à leur détriment ; qu’il s’avère des pièces produites aux débats par les parties : / – que l’assemblée générale de la société Sasam du 23 décembre 2013 a porté notamment sur les actions détenues en autocontrôle par la société Cife et sur l’étude du cabinet [V] du 5 décembre 2013, / – que dans cette note, le cabinet [V] indique au président de la société Cife qu’au regard des règles sur les actions autodétenues et « compte tenu de la date d’acquisition dont la dernière est de janvier 2012 et en l’absence de manifestation concrète d’une volonté de mettre en place un plan d’actionnariat salarié au sein de son groupe, l’analyse conduit à considérer que la société Cife se serait retrouvée en janvier 2013 dans l’obligation soit de procéder à leur réallocation notamment en vue de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital, soit leur revente conformément à l’article L. 225-214 du code de commerce », que le délai d’un an est sur le point d’expirer en janvier 2014, « sachant qu’à défaut d’avoir été revendus d’ici-là, ces titres devront en principe être annulés », et il conseille à la société Cife de se rapprocher de ses actionnaires de référence aux fins de racheter eux-mêmes ces actions selon les modalités que ces derniers préciseraient, /- que le 24 décembre 2013, la société Sasam a adressé un courrier à Mme [C] aux fins de connaître sa position avant le conseil d’administration du 9 janvier 2014 sur une éventuelle acquisition de sa part des titres détenus en autocontrôle par la société Cife, « pour quel volume et quel prix », / – que le 7 janvier 2014, M. [C] a indiqué à la société Cife ne pas être favorable à la cession des parts, expliquant que l’annulation des actions autodétenues était la seule solution pouvant être retenue, / – lors du conseil d’administration du 9 janvier 2014 de la société Cife, son président a attiré l’attention des membres du conseil, dont fait partie M. [C], par la note du 5 décembre 2013 du cabinet [V], conseil juridique, sur le niveau particulièrement élevé de l’autocontrôle et la nécessité d’une éventuelle réallocation d’une partie de ces actions Cife autodétenues en fonction des objectifs du programme de rachat, et que le conseil, après avoir examiné les trois options dont celle de la cession de tout ou partie pour renforcer la trésorerie de la société, a autorisé le président à approfondir le scénario de la cession, / – que lors du conseil d’administration du 10 avril 2014, le président, après avoir informé ses membres des éléments de réponse de la CM-CIC Securities, a proposé de soumettre à l’assemblée générale des actionnaires du 13 juin 2014 une résolution n° 5 portant notamment sur la cession des actions détenues en autocontrôle, / – que l’avis de convocation l’assemblée générale des actionnaires de la société Cife a été publié au BALO le 5 mai 2014 et il n’est pas contesté que l’assemblée générale de la société Cife a approuvé le 13 juin 2014 la vente des titres détenus en autocontrôle ; qu’il s’ensuit de ces éléments que M. et Mme [C] étaient parfaitement informés dès décembre 2013 des problèmes concernant le sort des actions détenues en autocontrôle par la société Cife et de la possibilité d’une acquisition par les actionnaires de la société Sasam, qu’ils ne peuvent dès lors pas soulever le caractère brutal de la convocation de l’assemblée générale de la société Sasam pour le 30 juin 2014 qui n’en était que la suite logique aux fins de statuer sur l’augmentation de capital permettant de procéder à l’achat de ces titres ; qu’ils ne peuvent pas plus utilement soulever le fait que le vote de cette augmentation de capital avait pour objet essentiel de faire échec à leur projet de rachat des actions de la société Sasam ; qu’en effet, si certes ils avaient exprimé l’intention de procéder au rachat de titres de la société, favorisée en cela par la demande de M. [B] [O] de faire une proposition pour le rachat de tous les titres, ils n’apportent pas d’élément caractérisant une proposition concrète avant l’assemblée générale du 30 juin 2014, qu’au surplus l’augmentation de capital n’était pas en soi exclusive du rachat de la société ; que M. et Mme [C] ne caractérisent pas non plus une rupture de l’égalité entre les associés en raison de l’absence de distribution de dividendes de la société Sasam, alors qu’une telle prérogative relève de la décision souveraine de l’assemblée générale, que M. [G] [O] a indiqué le 18 avril 2014 à M. [C] que « la majorité des associés pense cependant utile de constituer des réserves afin de permettre le jour venu de proposer une sortie aux associés souhaitant céder leurs parts sans déstabiliser le groupe », qu’il n’est pas avéré que cette non-distribution de dividendes avait pour objet de le favoriser ; que M. et Mme [C] n’établissent pas non plus l’existence de manoeuvres destinées à les empêcher de participer à l’augmentation de capital, la cour relevant à cet égard qu’ils ne produisent aucun élément permettant de conclure qu’ils ont été empêchés à titre personnel de souscrire aux droits préférentiels de souscription qui leur étaient ouverts en leur qualité d’actionnaires de la société Sasam ; qu’en ce qui concerne les deux sociétés tierces HTB et EIBTP détenues la première par Mme [C] et la seconde par les époux [C], il n’est pas contesté que leur première demande d’agrément pourtant adressée le 9 juillet 2014 au siège social de la société Sasam n’a pas été reçue, que M. et Mme [C] ont donc été obligés de renouveler leurs demandes par courrier du 18 juillet 2014 pour inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 25 juillet 2014, que M. [B] [O] leur a écrit le 23 juillet 2014 qu’il n’était pas possible de modifier l’ordre du jour de l’assemblée générale du 25 juillet 2014 avec un préavis aussi court mais leur a indiqué « prévoir la tenue d’une assemblée générale extraordinaire additionnelle le 31 juillet prochain à 10 h du matin afin de solliciter de manière formelle l’avis des associés sur ces demandes d’agrément dans le cadre de l’augmentation de capital de Sasam » et les avisant du fait qu’en cas d’agrément les fonds devront être versés le jour même car l’augmentation de capital se termine le 31 juillet ; qu’il sera relevé en effet que les courriers de chacun des deux appelants du 9 juillet 2014 adressés au siège social de la société Sasam à [Localité 1] sont revenus le 17 juillet 2014 avec la mention « destinataire inconnu », que dès lors, même si l’adresse mentionnée sur les courriers correspondait bien à celle du siège social de la société, le caractère frauduleux de la non-remise n’est pas démontré ; qu’au surplus, alors qu’une deuxième assemblée générale a été immédiatement convoquée pour statuer sur les demandes d’agrément des deux sociétés de M. et Mme [C], ces derniers, qui leur avaient cédé leurs droits préférentiels de souscription, n’ont pas estimé utile de venir à cette assemblée générale sans se faire représenter ; que le procès-verbal de l’assemblée générale du 31 juillet 2014, qui a rejeté l’agrément de ces deux sociétés, mentionne en outre que Mme [E] explique que la société EIBTP est positionnée sur des activités similaires à celles d’ETPO dans la même zone géographique, que l’agrément de sociétés concurrentes ou potentiellement concurrentes n’est pas souhaitable et qu'« il ne semble pas judicieux aujourd’hui de faire courir le risque aux associés de Sasam de voir un concurrent entrer dans le capital par le biais des sociétés EIBTP et/ou HTB », sans que les appelants ne contredisent ces assertions ; qu’enfin, M. et Mme [C] considèrent que l’augmentation de capital repose sur une sous-évaluation la prime d’émission, qui a été fixée à la somme de 14 140 euros, ce qui montre son caractère frauduleux ; que le fait qu’il y ait une décote de l’action dans la prime d’émission est normal pour inciter les actionnaires à acquérir de nouveaux titres et M. et Mme [C] ne peuvent utilement tirer argument d’un rapport de BM&A établi à leur demande le 4 février 2015 « dans le cadre d’un contentieux entre les associés de la société Sasam », lequel est postérieur de plusieurs mois à l’augmentation de capital et à l’achat des actions pour contester le montant du prix de souscription des actions nouvelles, qui a été fixé par l’assemblée générale des actionnaires dans le cadre de son pouvoir souverain ; qu’en tout état de cause, M. et Mme [C] ne démontrent, au regard du montant de la prime d’émission, ni rupture d’égalité entre les associés dans le but de favoriser M. [G] [O] qui voulait réinvestir ses plus-values en sursis d’imposition, ni une volonté d’avantager la société Embregour, les époux [E] ayant également souscrit dans le cadre de leurs droits préférentiels de souscription (arrêt attaqué, p. 11, § 4 à p. 13, pénult. §) ;

Aux motifs éventuellement adoptés que, sur l’organisation de l’augmentation de capital, le procès-verbal de la réunion des associés de Sasam du 23 décembre 2013, à laquelle était présent M. [C] [C], rapporte que « la discussion a ensuite porté sur l’autocontrôle détenu par la Cife et une étude du cabinet [Personne physico-morale 1] en date du 5 décembre 2013 a été communiquée aux associés, en attirant leur attention sur le caractère confidentiel de ce document qui fera l’objet d’un débat au conseil d’administration de la Cife le 9 janvier prochain » ; que la Cife avait mis en place un programme de rachat d’actions, renouvelé lors de l’assemblée générale du 14 juin 2013, qui prévoyait que les actions rachetées pouvaient être allouées aux principaux objectifs suivants : / – Annulation dans le cadre d’une réduction de capital / – Conservation en vue de les remettre ultérieurement en échange ou en paiement dans le cadre d’opérations de croissance externe / – Attribution d’options d’achat d’actions à des salariés et mandataires sociaux du groupe / – Attribution gratuite à des salariés et mandataires sociaux du groupe dans le cadre des articles L. 225-197-1 et suivants du code de commerce ; que, dans son courrier du 5 décembre 2013 adressé à la Cife et produit par les époux [C], le cabinet [V] attire l’attention de son dirigeant sur le fait que les actions conservées par une société en vue d’une utilisation ultérieure dans le cadre d’une opération de croissance externe ne peuvent pas représenter plus de 5 % du capital social ; que les actions possédées par la Cife au-delà de ce seuil de 5 % sont censées avoir été rachetées en vue de leur attribution à des salariés et/ou mandataires sociaux soit par attribution d’options d’achat, soit par attribution gratuite d’actions ; qu’en l’absence de manifestation concrète de la société de mettre en place un plan d’actionnariat salarié, et compte tenu de la dernière acquisition d’actions remontant à janvier 2012, la Cife se retrouvait en janvier 2013 avec l’obligation de réallouer ces actions, notamment en vue d’une réduction de capital, ou de les revendre conformément à l’article L. 225-214 du code de commerce ; que cet article laisse un délai de 12 mois à la société pour revendre ces actions, celles-ci devant être à défaut annulées ; que ce délai est proche d’expirer, en janvier 2014, et que son conseil est de se rapprocher de ses actionnaires de référence pour racheter lesdites actions ; que, par LRAR du 24 décembre 2013, Sasam a demandé à Mme [W] [C] sa position quant au rachat de l’autocontrôle de la Cife, et notamment si elle serait intéressée à le racheter et à quel prix, demandant une réponse avant le 9 janvier 2014, date d’un conseil d’administration de la Cife devant statuer sur la question ; que Mme [W] [C] a, par LRAR du 5 janvier 2014, manifesté son opposition à toute cession à des actionnaires désignés de manière discrétionnaire et recommandé l’annulation des actions d’autocontrôle de la Cife ; que cette position a été confirmée par une LRAR du 7 janvier 2014 de M. [C] [C] ; que, par LRAR du 18 avril 2014, Sasam a répondu à des observations de M. [C] [C] du 12 avril 2014 en lui expliquant que la majorité des associés de Sasam était en faveur de la constitution de réserves afin de permettre, le jour voulu, une sortie à des associés le désirant, plutôt que distribuer des dividendes, et lui a demandé si son épouse et lui-même étaient prêts à faire une offre de rachat de l’ensemble des parts de Sasam ainsi que des actions Cife en détention directe et à quel prix ; que, par LRAR du 19 juin 2014, les époux [C] ont annoncé aux autres actionnaires de Sasam préparer une offre de rachat portant sur 100 % des actions Sasam et demandé de surseoir à l’augmentation de capital ; qu’ils ont confirmé par courrier du 28 juin 2014 discuter avec un investisseur, sans dévoiler son identité ; que, de l’ensemble de ces faits, il ressort que les époux [C] étaient parfaitement au courant du problème de l’autocontrôle de la Cife depuis fin 2013 ; qu’ils ne peuvent donc sérieusement soutenir que l’augmentation de capital du 30 juin 2014 de Sasam, dont le but était précisément de racheter cet autocontrôle, a été brutale ; que le caractère d’urgence de la gestion de l’autocontrôle de la Cife est attesté par le rapport du cabinet [V] de décembre 2013, que Cife s’est trouvée dans une situation irrégulière dès janvier 2014, ce que les époux [C] reconnaissent par ailleurs pour dénier toute licéité à l’objet de cette augmentation de capital ; que d’autre part, les époux [C] ne démontrent pas que l’augmentation de capital du 30 juin 2014 a été faite pour les empêcher de formuler une offre de rachat des actions Sasam mieux disante, qu’ils ont annoncée mais qui ne s’est pas concrétisée ; que les époux [C] ne démontrent donc pas que les conditions de convocation des différentes AGE de Sasam ont été irrégulières ni frauduleuses ; qu’en conséquence, le tribunal dira que les époux [C] ne démontrent ni le caractère brutal et précipité, ni le caractère frauduleux de l’organisation de l’augmentation de capital de Sasam (jugement entrepris, p. 26, § 2 à p. 27, § 7) ;

Aux motifs éventuellement adoptés que, sur le refus d’agréer les sociétés proposées par les époux [C] et l’impossibilité de souscrire à l’augmentation de capital, la procédure d’agrément de nouveaux actionnaires est régie par l’article 11 des statuts de Sasam ; que cet article stipule que « la décision d’agrément ou de refus d’agrément n’a pas à être motivée » ; que d’autre part, les époux [C] ne peuvent reprocher à Sasam de n’avoir pu se substituer aux deux sociétés dont l’agrément a été refusé, ne s’étant pas rendus à l’assemblée du 31 juillet 2014 alors que cette assemblée avait été convoquée spécialement pour eux et qu’ils ne contestent pas avoir reçu la convocation sous la forme et dans les délais légaux (jugement entrepris, p. 29, antépénult. et pénult. §) ;

Aux motifs éventuellement adoptés que, sur la rupture de l’égalité entre associés, les époux [C] soutiennent avoir été abusivement privés de la possibilité de souscrire à l’augmentation de capital de Sasam du fait d’une politique systématique de non-distribution de ses résultats ; que la non-distribution de dividendes par Sasam depuis 2013 s’est appliquée à l’ensemble des associés de cette société ; que les époux [C] ne rapportent pas la preuve que cette mesure ait été dirigée contre eux et constitue un abus de majorité ; que, au même titre que les autres associés de Sasam, les époux [C] se sont vus proposer de participer à l’augmentation de capital de la société, qu’ils ont décliné cette possibilité ; que les époux [C] ne démontrent donc pas ainsi qu’il y ait eu rupture de l’égalité en faveur de M. [G] [O] ; qu’en conséquence, le tribunal dira que les époux [C] ne rapportent pas la preuve d’une rupture de l’égalité entre les actionnaires (jugement entrepris, p. 36, § 2 à 6) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que, sur la sous-évaluation de la valeur des actions Sasam, les époux [C] soutiennent qu’il y a eu sous-évaluation des actions Sasam lors de l’augmentation de capital et que celle-ci a donc un caractère frauduleux justifiant sa nullité ; que les époux [C] produisent un rapport de BM&A intitulé « Avis de valeur relatif aux sociétés Cife et Sasam » daté de février 2015 ; que BM&A est un cabinet spécialisé en évaluation d’entreprise reconnu sur la place de [Localité 2] ; que ce rapport, établi sur la base des états financiers de Cife et de Sasam avant l’augmentation de capital de Sasam du 30 juin 2014, conclut à une valeur médiane de 105 ? pour l’action Cife et de 26 500 ? pour l’action Sasam ; que ces valeurs sont en effet nettement supérieures à celles qui ont été retenues pour la valeur de Cife et de Sasam lors de l’augmentation de capital du 30 juin 2014 (14 140 ? pour la seconde) ; qu’ainsi, les actionnaires ayant souscrit à cette augmentation de capital, c’est-à-dire Embregour et les époux [E], ont bénéficié d’une valeur de l’action Sasam ayant abouti à une prime d’émission inférieure à ce qu’elle aurait été si la valeur de BM&A avait été retenue ; qu’inversement, Sasam a bénéficié d’une valorisation des actions Cife lors du rachat d’une partie de l’autocontrôle de sa filiale en mai 2015 de 55 ? telle qu’elle résulte du procès-verbal d’assemblée du 30 juin 2014, alors que sa valeur s’établissait selon le rapport de BM&A à 105 ? ; mais que l’assemblée générale est souveraine quant à la détermination du prix de souscription des actions nouvelles dans le cadre d’une augmentation de capital ; que celui-ci est fixé pour rendre l’entrée au capital de nouveaux actionnaires attractive ; qu’en l’espèce, le prix proposé n’a pas permis à la société de trouver dans son actionnariat familial, y compris chez les époux [C], les ressources pour souscrire à la totalité de l’augmentation de capital ; que, de ce fait, une partie de l’autocontrôle de la Cife a dû être cédée à un investisseur financier un peu moins d’un an après ; que le rapport de BM&A est postérieur de plusieurs mois à l’assemblée générale contestée de Sasam ; qu’il n’a donc pu servir de base à l’établissement de la valeur de l’action, et que de toute façon l’assemblée générale n’était pas tenue de le suivre ; qu’ainsi les époux [C] n’établissent pas le caractère frauduleux de cette augmentation de capital ; qu’enfin, selon une jurisprudence constante, cette valorisation ne remet pas en cause l’augmentation de capital de Sasam, votée par l’assemblée générale souveraine en la matière (jugement entrepris, p. 38, § 1 à 8) ;

1°) Alors que la fraude corrompt tout ; que, pour refuser de reconnaître à l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014 un caractère brutal de nature à entraver toute souscription significative de la part des époux [C], la cour d’appel a relevé que ces derniers étaient informés depuis décembre 2013 des problèmes liés aux actions auto-détenues par la Cife et de la possibilité de rachat de ces actions par la holding Sasam, ce pour quoi l’assemblée générale extraordinaire de la Sasam avait décidé le 30 juin 2014 de procéder à une augmentation de capital ; qu’en statuant par ces considérations, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des époux [C] (pp. 14 à 19, spéc. pp. 15, 18 & 19), si la brutalité de l’opération ne résultait pas de la brièveté du délai de souscription dont le terme était fixé au 31 juillet 2014, soit un mois seulement après le vote de l’augmentation de capital, de surcroît en période estivale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susmentionné, ensemble l’article L. 227-9 du code de commerce ;

2°) Alors que la fraude corrompt tout ; qu’il ressort des constatations des juges du fond que le rachat des actions auto-détenues par la Cife n’était finalement intervenu qu’en mai 2015, c’est-à-dire dix mois après la clôture, au 31 juillet 2014, de l’augmentation du capital de la Sasam ; qu’à supposer adoptés les motifs des premiers juges énonçant que la gestion de l’autocontrôle de la Cife présentait un caractère d’urgence au 30 juin 2014, de telle sorte que le caractère frauduleux de l’augmentation de capital votée à cette dernière date n’était pas démontré, la cour d’appel, en se fondant sur ces motifs, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi le principe susmentionné, ensemble l’article L. 227-9 du code de commerce ;

3°) Alors que la prime d’émission a pour objet, en cas d’augmentation de capital, de compenser le déséquilibre financier provoqué, au préjudice des anciens actionnaires, par la présence de réserves ou de plus-values d’actif sur lesquelles les nouveaux actionnaires acquerront des droits immédiats ; que les époux [C], dénonçant les conditions frauduleuses de l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014, se prévalaient de la sous-évaluation de la prime d’émission fixée, en y ajoutant la valeur nominale des titres, à 14 140 euros par action ; qu’ils tiraient notamment argument, à ce titre, de l’offre de rachat d’actions de la Sasam qu’ils avaient eux-mêmes formulée, sans succès, en mai 2013 pour un prix compris entre 22 500 et 30 000 euros par action (concl., pp. 23 & 24) ; qu’en ne s’expliquant pas sur la portée de cette précédente offre, mais en se bornant à relever, à propos du montant de la prime d’émission, qu’il était normal d’appliquer une décote afin d’inciter les actionnaires à acquérir de nouveaux titres, que le rapport BM&A évaluant les titres de la Sasam entre 25 000 et 28 000 euros par action ne pouvait être utilement invoqué dans la mesure où il était postérieur de plusieurs mois à l’augmentation de capital et où le prix de souscription des actions nouvelles avait été souverainement fixé par l’assemblée générale des actionnaires, et qu’il n’était pas démontré que le montant de la prime d’émission avait entraîné une rupture d’égalité entre les associés dans le but de favoriser M. [G] [O] et la société Embregour dont ce dernier avait le contrôle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble l’article L. 227-9 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté les époux [C] de leurs demandes tendant, d’une part, à voir annuler l’augmentation de capital de la SAS Alfred de Musset votée le 30 juin 2014, les délibérations prises lors des assemblées générales des 31 juillet et 4 août 2014, ainsi que tous les actes ultérieurs se rapportant à l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014, d’autre part, à voir condamner in solidum leurs coassociés à leur verser à chacun la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’abus de majorité et de la fraude ;

Aux motifs propres que, sur l’objet et l’intérêt de l’augmentation de capital, il est constant que l’augmentation de capital décidée par l’assemblée générale de la société Sasam le 30 juin 2014 a pour objet l’achat des actions détenues en autocontrôle par la société Cife ; que M. et Mme [C] soutiennent l’illicéité de l’objet de l’augmentation de capital qui portait sur l’achat d’actions réputées annulées tandis que la société Sasam fait valoir que la cession de l’autocontrôle de la société Cife n’était pas illégale, que son montant de 9,46 % du capital se trouvait dans la limite légale des 10 % et que son annulation n’était pas inéluctable ; qu’à la suite de sa note du 5 décembre 2013, le cabinet [V] a écrit le 4 février 2014 à M. [G] [O], président de la société Cife, en indiquant que s’il y avait une incertitude sur le sort des actions détenues qui dépasseraient le seuil des 5 % après avoir été achetées conformément à l’objectif n° 3 (plan d’options d’achat) ou n° 4 (attribution gratuite d’actions), il y avait par analogie avec l’article L. 225-208 du code de commerce une éventuelle possibilité de réallouer ces titres à la poursuite d’un autre objectif et lui a précisé : « nous vous confirmons que le texte de la 5ème résolution approuvée par l’assemblée générale des actionnaires de la société Cife le 14 juin 2013 s’est contenté de fixer 4 principaux objectifs pour le programme de rachat, si bien que rien n’interdit – selon nous – au conseil d’administration de Cife d’y ajouter un 5ème objectif, tel que la constitution d’un portefeuille d’actions propres destinées à être remises aux porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital par exemple » ; qu’au vu de cette note, il n’est pas établi, comme le soutiennent M. et Mme [C], que les actions détenues en autocontrôle par la société Cife devaient être annulées ; qu’en tout état de cause, certes l’article L. 225-214 du code de commerce dispose : « les actions possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 doivent être cédées dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition. A l’expiration de ce délai, elles doivent être annulées » ; mais qu’il n’en demeure pas moins qu’aucune sanction de nullité automatique n’est prévue et que le vote de l’assemblée générale des actionnaires est nécessaire pour prononcer l’annulation de telles actions ; que tel n’étant pas le cas, les actions détenues en autocontrôle par la société Cife ne peuvent être « réputées » annulées comme le soutiennent les appelants, les actions étant soit annulées soit ne l’étant pas, et dès lors que les actions litigieuses n’ont pas fait l’objet d’un vote aux fins d’annulation, elles pouvaient faire l’objet d’une cession, l’opération n’étant pas en soi illicite ; que le président de la société Sasam présente dans son rapport pour l’assemblée générale du 30 juin 2014 1'augmentation de capital inscrite sur l’ordre du jour ainsi : « afin de permettre à la société de renforcer sa capacité financière et ses marges de manoeuvres pour lui permettre de participer à d’éventuelles opérations capitalistiques sur la société Cife et notamment toutes opérations liées à la gestion de l’autocontrôle de Cife décrites dans la résolution n° 5 de l’assemblée générale de Cife convoquée le 13 juin 2014 » ; que M. et Mme [C] n’apportent pas d’élément contraire aux fins d’établir que le vote de l’augmentation de capital de la société Sasam est contraire à son intérêt social, car d’une part cela renforce la participation de la société Sasam dans l’actionnariat de la société Cife et dès lors son contrôle, et d’autre part, ainsi que l’a retenu le tribunal, cela permet de régulariser en tant que de besoin la situation d’autocontrôle de sa filiale ; qu’en outre, alors qu’ils font valoir que l’utilité de l’augmentation de capital de la société Sasam n’est pas démontrée puisque celle-ci avait les moyens directs et indirects de participer à toute opération capitalistique de la société Cife, en finançant le rachat des actions d’autocontrôle sur la seule trésorerie de la société Cife délivrée par le versement de ses dividendes, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que la responsabilité de la distribution de dividendes relève de l’assemblée générale de la société, que la société Cife n’est pas dans la cause et qu’il n’est pas justifié d’une opposition de ses actionnaires à l’absence de distribution de ses dividendes ; qu’ils ne caractérisent pas plus que cette augmentation de capital a servi uniquement à favoriser les intérêts d’un des associés, en l’occurrence M. [G] [O], alors que cette augmentation de capital était ouverte dans les mêmes conditions à tous les actionnaires, que d’ailleurs les époux [E] y ont souscrit ; qu’au surplus, le seul fait que l’augmentation de capital a eu pour conséquence de modifier la participation de M. et Mme [C] dans le capital de la société Sasam passant de 28 % à 23,58 % ne saurait caractériser en tant que tel l’existence d’une volonté de leur nuire induite par cette opération capitalistique (arrêt attaqué, p. 13, dernier § à p. 15, § 1) ;

Aux motifs éventuellement adoptés que, sur la licéité de l’objet et l’intérêt de l’augmentation de capital du 30 juin 2014 pour Sasam, les époux [C] soutiennent que l’augmentation de capital de Sasam du 30 juin 2014 ayant un objet illicite, elle doit de ce fait être annulée, qu’en effet, le caractère illicite de l’objet de cette augmentation de capital tient au fait que, la Cife étant elle-même dans une situation illicite du fait que ses actions d’autocontrôle n’avaient pas été annulées le 1er janvier 2014 en vertu des dispositions du code de commerce, l’acquisition de ces actions par Sasam était impossible ; que l’article L. 225-209 du code de commerce dispose que : « L’assemblée générale d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation soumis aux dispositions du II de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier dans les conditions prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, figurant sur une liste arrêtée par cette autorité dans les conditions fixées par son règlement général, peut autoriser le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, à acheter un nombre d’actions représentant jusqu’à 10 % du capital de la société. L’assemblée générale définit les finalités et les modalités de l’opération, ainsi que son plafond. Cette autorisation ne peut être donnée pour une durée supérieure à dix-huit mois. Le comité d’entreprise est informé de la résolution adoptée par l’assemblée générale. (?) / L’acquisition, la cession ou le transfert de ces actions peut être effectué par tous moyens. Ces actions peuvent être annulées dans la limite de 10 % du capital de la société par périodes de vingt-quatre mois. (?) / Le nombre d’actions acquises par la société en vue de leur conservation et de leur remise ultérieure en paiement ou en échange dam le cadre d’une opération de fusion, de scission ou d’apport ne peut excéder 5 % de son capital. Ces dispositions sont applicables aux programmes de rachat soumis à l’approbation des assemblées générales se tenant à compter du 1er janvier 2006. / En cas d’annulation des actions achetées, la réduction de capital est autorisée ou décidée par l’assemblée générale extraordinaire qui peut déléguer au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, tous pouvoirs pour la réaliser. Un rapport spécial établi par les commissaires aux comptes sur l’opération envisagée est communiqué aux actionnaires de la société dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat » ; que l’article L. 225-208 du code de commerce dispose que : « les sociétés qui font participer leurs salariés à leurs résultats par attribution de leurs actions, celles qui attribuent leurs actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 et celles qui consentent des options d’achat de leurs actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 et suivants peuvent, à cette fin, racheter leurs propres actions. Les actions doivent être attribuées ou les options doivent être consenties dans le délai d’un an à compter de l’acquisition » ; que l’article L. 225-214 du code de commerce dispose que : « Les actions possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 doivent être cédées dans un délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition. A l’expiration de ce délai, elles doivent être annulées » ; que l’existence de l’autocontrôle non autorisé résulte de la non-application d’un plan d’actions aux salariés chez Cife ; que Cife aurait dû céder conformément à la recommandation du cabinet [V] en janvier 2014 la partie de cet autocontrôle destinée à l’attribution d’actions à des salariés qui n’avait pas eu lieu, qu’elle ne l’avait pas fait et se trouvait donc en situation irrégulière ; que l’objet de l’augmentation de capital de Sasam, tel que décrit dans la convocation à l’assemblée générale des actionnaires de Sasam, était l’acquisition de tout ou partie de l’autocontrôle de Cife, sa filiale ; que le fait pour une société de racheter les actions d’une filiale afin de régulariser une situation d’autocontrôle non autorisée par la loi ne peut en soi être qualifié d’illicite, donc l’augmentation de capital de cette société destinée à financer ce rachat ne l’est pas davantage ; qu’il était de l’intérêt de Sasam, holding familiale actionnaire majoritaire de Cife, de régulariser la situation d’autocontrôle de sa filiale ; que la décision d’augmenter le capital de Sasam n’a donc pas été prise contrairement à l’intérêt social de cette dernière, contrairement à ce que prétendent les époux [C] ; qu’enfin, selon une jurisprudence constante, la nullité d’un acte modifiant les statuts d’une société commerciale, comme une augmentation de capital, ne peut résulter que d’une disposition expresse du livre deuxième du code de commerce ou des lois qui régissent les nullités des contrats ; qu’aucune disposition du code de commerce de cette nature ne s’applique en l’espèce ; qu’en conséquence, le tribunal dira que les époux [C] ne démontrent ni l’illicéité, ni l’absence d’intérêt économique de l’augmentation de capital de Sasam (jugement entrepris, p. 31, antépénult. § à p. 33, § 2) ;

Aux motifs éventuellement adoptés que, sur le bien-fondé de l’augmentation de capital du 30 juin 2014 pour Sasam et sur l’abus de majorité, les époux [C] soutiennent qu’une augmentation de capital de Sasam n’aurait pas été nécessaire si la politique de distribution de la Cife avait été différente ; que les reproches en question sont en partie dirigés à l’encontre de la Cife mais que celle-ci n’est pas dans la cause ; que la politique de distribution d’une société commerciale est de la responsabilité de son assemblée générale ; que Sasam ne possédait pendant la période précédant les faits que 50,83 % de Cife, société cotée, et ne pouvait fixer unilatéralement le montant du dividende ; que les époux [C] ne rapportent pas la preuve que des associés minoritaires de Cife aient élevé des protestations sur l’absence de distribution de leur société, ni qu’eux-mêmes s’y soient opposés en tant qu’actionnaires directs de Cife ; que les états financiers de Sasam arrêtés au 31 décembre 2013 montrent une trésorerie disponible de 915 000 ?, ce qui n’est pas contesté ; que cette trésorerie était insuffisante à racheter les 83 542 actions d’autocontrôle de la Cife finalement rachetées par Sasam en mai 2015 au prix de 55 ? pour un montant de 4,6 m? ; qu’à l’époque des faits, l’assemblée de Sasam considérait le rachat de la totalité de l’autocontrôle, soit 113 542 actions pour un montant de presque 7 m? sur la base du cours moyen de la Cife en 2013 ; que l’assemblée générale de Sasam s’est donc prononcée souverainement sur le niveau d’augmentation de capital qu’elle jugeait nécessaire ; que, dans les faits, seuls les époux [E] et la société Embregour se sont montrés capables d’y souscrire, ce qui explique que le montant final de cette augmentation de capital se soit limité à 5,3 m? ; que les époux [C] ne sauraient reprocher aux 8 autres actionnaires de Sasam d’avoir privilégié la solution d’un rachat des titres Cife à l’annulation des actions d’autocontrôle dans la mesure où cette solution a permis de ne pas diminuer les fonds propres de Cife mais au contraire de faire rentrer de la trésorerie grâce à la cession de ces actions, finalement intervenue en mai 2015 en faveur de Sasam et d’un investisseur financier ; qu’il ressort d’une jurisprudence constante sur l’abus de majorité qu’une résolution prise contrairement à l’intérêt général et dans l’unique dessein de favoriser le groupe des actionnaires majoritaires peut être sanctionnée par la nullité ; que les époux [C] ne démontrent, ni que cette décision ait été prise contrairement à l’intérêt général des actionnaires de Sasam, qui se devait de soutenir sa filiale Cife, ni dans l’unique dessein de favoriser le groupe des 8 autres actionnaires de Sasam et M. [G] [O] en particulier, l’augmentation de capital de Sasam n’ayant pas pu être entièrement souscrite ; qu’enfin, la dilution des époux [C] dans le capital de Sasam est faible, pourcentage passant de 28 % à 23,6 % et aucun autre actionnaire ne devenant majoritaire ou franchissant la minorité de blocage ; qu’en conséquence, le tribunal dira que les époux [C] ne démontrent pas que l’augmentation de capital de Sasam n’était pas nécessaire et qu’elle est constitutive d’un abus de majorité (jugement entrepris, p. 34, antépénult. § à p. 35, antépénult. §) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que, sur la favorisation de M. [G] [O], les époux [C] soutiennent d’une part que l’augmentation de capital de Sasam était notamment motivée par la nécessité qu’avait M. [G] [O] de réinvestir des plus-values en sursis d’imposition, que la sous-estimation des actions Sasam servait ses intérêts personnels car elle lui permettait de procéder au réinvestissement exigé, que cette sous-valorisation était partagée par l’ensemble des défendeurs dans le souci de réduire l’ISF ; que les époux [C] soutiennent d’autre part que M. [B] [O] n’a cessé de favoriser son fils afin de lui permettre d’augmenter sa participation dans Sasam à moindre coût, qu’il a dans un premier temps voulu mettre en place une donation-partage sur la base d’une valeur de l’action très sous-estimée, qu’il a poursuivi dans cette voie en faisant abandonner par ses enfants leur droit préférentiel de souscription en faveur d’Embregour, et que l’augmentation de capital réalisée dans les conditions d’une sous-estimation considérable de la valeur de l’action est une donation déguisée, que l’augmentation de capital est donc frauduleuse et doit être annulée ; mais que les dispositions personnelles prises par MM. [B] [O] et [G] [O] dans la gestion de leur patrimoine ne rentrent pas dans l’objet de la cause ; que les époux [C] ne démontrent pas que les opérations menées sur le capital de Sasam ait été conçues pour favoriser M. [G] [O], les époux [E] ayant pu y souscrire et eux-mêmes ayant été en position de le faire, ce qu’ils ont refusé (jugement entrepris, p. 39, § 1 à 3) ;

1) Alors que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que, pour considérer que l’augmentation du capital de la Sasam votée le 30 juin 2014 en vue de financer le rachat des actions auto-détenues par sa filiale, la Cife, n’avait pas pour objet une opération illicite, et n’était pas de ce fait contraire à l’intérêt social, la cour d’appel a relevé qu’il n’était pas établi, au vu de la note rédigée le 4 février 2014 par le cabinet [V], que les actions auto-détenues par la Cife devaient être annulées en application de l’article L. 225-214 du code de commerce ; qu’en se fondant sur une telle considération, quand il lui appartenait d’examiner par elle-même si les conditions de l’annulation prévue à l’article L. 225-214 du code de commerce, lorsque des actions sont possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 dudit code, étaient réunies s’agissant des actions auto-détenues par la Cife, la cour d’appel a méconnu son office, en violation de l’article 4 du code civil ;

2) Alors qu’il résulte de l’article L. 225-214 du code de commerce que, passé le délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition, les actions possédées en violation des articles L. 225-206 à L. 225-210 dudit code ne peuvent plus être cédées mais doivent obligatoirement être annulées ; qu’il suit de là que la cession de telles actions au-delà du délai d’un an à compter de leur souscription ou de leur acquisition est nécessairement illicite ; qu’en jugeant cependant, pour en déduire que l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014 en vue de financer le rachat des actions auto-détenues par la Cife n’avait pas pour objet une opération illicite, et n’était pas de ce fait contraire à l’intérêt social, que les actions de la Cife pouvaient être régulièrement cédées tant qu’elles n’avaient pas été annulées, indépendamment du point de savoir si les conditions de leur annulation sur le fondement de l’article L. 225-214 du code de commerce étaient réunies, la cour d’appel a violé ce dernier texte ;

3) Alors que la fraude corrompt tout ; qu’en énonçant, pour en déduire que l’augmentation de capital votée le 30 juin 2014 n’avait pas été organisée de manière à favoriser les intérêts de M. [G] [O] au détriment des époux [C], que cette augmentation de capital était ouverte dans les mêmes conditions à tous les actionnaires et que les époux [E] y avaient d’ailleurs souscrit, la cour d’appel a statué par des considérations impropres à établir que les conditions de l’opération, décidée en période estivale et assortie d’un délai de souscription limité à un mois, n’étaient pas particulièrement favorables à M. [G] [O], qui avait pu souscrire 295 nouvelles actions par l’intermédiaire de la société Embregour, quand les époux [E], seuls autres souscripteurs, n’avaient souscrit que 80 nouvelles actions ; que ce faisant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susmentionné, ensemble l’article 1833 du code civil ;

4) Alors que la fraude constitue une cause de nullité de l’augmentation de capital décidée par l’assemblée générale, nonobstant l’absence de disposition expresse du code de commerce en ce sens ; que la cour d’appel, à supposer qu’elle ait adopté le motif des premiers juges selon lequel aucune disposition du code de commerce prévoyant la nullité d’un acte modifiant les statuts d’une société commerciale ne s’appliquait en l’espèce, a statué par une considération inopérante, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1844-10 du code civil et L. 235-1 du code de commerce.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mai 2021, 19-17.566, Publié au bulletin