Cour de cassation, Chambre sociale, 7 juillet 2021, 19-25.754, Publié au bulletin

  • Violation par l'employeur d'une liberté fondamentale·
  • Portée protection des droits de la personne·
  • Licenciement postérieur à la dénonciation·
  • Contrat de travail, rupture·
  • Cause réelle et sérieuse·
  • Libertés fondamentales·
  • Applications diverses·
  • Domaine d'application·
  • Liberté de témoigner·
  • Liberté d'expression

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En application de l’article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lorsque le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit de signaler des conduites ou actes illicites

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-25.754, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-25754
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Nancy, 30 octobre 2018, N° 16/02824
Textes appliqués :
Article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043782031
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:SO00964
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 964 FS-B

Pourvoi n° M 19-25.754

Aide juridictionnelle totale en demande

au profit de M. [K].

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 14 novembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

M. [G] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 19-25.754 contre l’arrêt rendu le 31 octobre 2018 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale), dans le litigel’opposant :

1°/ à l’Association vosgienne pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (AVSEA), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

L’Association vosgienne pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l’association AVSEA, et l’avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Le Lay, Mariette, MM. Barincou, Seguy, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 31 octobre 2018 ), M. [K] a été engagé le 1er septembre 2008 par l’Association vosgienne pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (AVSEA) en qualité de directeur du service des tutelles. Le 14 novembre 2012, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement. Le 20 novembre 2012, le salarié a dénoncé à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, organe de tutelle de l’employeur, des faits pénalement répréhensibles qui auraient été commis par l’association. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 3 décembre 2012.

2. Contestant son licenciement et estimant qu’il était en lien avec cette dénonciation, il a saisi la juridiction prud’homale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l’employeur, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen relevé d’office

4. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l’article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

5. En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié intervenu pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité.

6. Lorsque le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit de signaler des conduites ou actes illicites.

7. Pour rejeter les demandes du salarié tendant à la nullité du licenciement, à sa réintégration et au paiement de sommes subséquentes, l’arrêt, qui a estimé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, retient que la lettre adressée à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations par le salarié est postérieure à la convocation de celui-ci à l’entretien préalable au licenciement, et que la concomitance des deux circonstances ne peut à elle seule établir le détournement de procédure allégué.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le salarié, qui soutenait avoir préalablement à sa convocation à un entretien préalable avisé sa hiérarchie des faits qu’il jugeait illicites et de son intention de procéder à un signalement aux autorités compétentes, ne présentait pas des éléments de fait permettant de présumer qu’il avait relaté ou témoigné de bonne foi de faits qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales et si l’employeur rapportait alors la preuve que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal du salarié, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirme le jugement ayant déclaré recevable la reprise d’instance et condamné l’association AVSEA à restituer à M. [K] l’ensemble de ses effets personnels notamment un ordinateur portable, l’arrêt rendu le 31 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ;

Remet sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Reims ;

Condamne l’Association vosgienne pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’Association vosgienne pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes à payer à la SCP Boutet-Hourdeaux la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. [K]

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit que la demande de nullité du licenciement de M. [U] [K] est recevable mais mal fondée et l’en a débouté, d’AVOIR débouté M. [U] [K] de ses demandes de réintégration, de dommages et intérêts et de rappel de salaire pour nullité du licenciement, d’AVOIR dit que le licenciement de M. [U] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d’AVOIR condamné l’association AVSEA à verser à M. [U] [K] 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE

Les termes de la lettre de licenciement fixent le cadre du litige.

Par lettre du 3 décembre 2012, l’association AVSEA a notifié à M. [U] [K] son licenciement pour insuffisance professionnelle en ces termes :

« Nous vous rappelons que vous exercez les fonctions de directeur du service d’accompagnement et de protection juridique de l’ASVEA et ce depuis le 29 août 2008.

A cet égard, vous vous inscrivez dans le cadre d’une organisation associative dont l’objet implique la mobilisation et la collaboration de l’ensemble de ses membres, contribuant à un fonctionnement harmonieux rendu nécessaire par les activités portées par notre structure.

Dans le cadre de vos responsabilités, vous travaillez sous l’autorité de la Direction Générale de l’association pour gérer notamment les services qui composent le SAPJ.

Cette organisation et ce mode de fonctionnement devraient donc être parfaitement acquis. Lors de votre recrutement, vous aviez vous-même reconnu que le Directeur « exerce (ses fonctions) conformément à la demande de l’Organisme gestionnaire sous l’autorité du Directeur Général ».

Ainsi, et compte tenu de vos responsabilités et attributions, il est indispensable que vous respectiez et entreteniez une parfaite collaboration avec la Direction Générale (Directrice Générale et Directeur et Administratif de l’Association).

Or, nous avons eu à déplorer une attitude d’opposition systématique confinant à l’obstruction et se traduisant en particulier par l’absence de dialogue et de coopération avec la Direction Générale, par une incapacité à porter, animer et appliquer la politique générale de l’Association et plus généralement à adhérer au processus de décision et d’organisation.

Cette insuffisance a pu s’illustrer, en premier lieu, par votre incapacité à décrire précisément et planifier les engagements de dépenses relatives aux mesures d’exploitation non reconductibles et finançables sur le résultat affecté.

Or, ces travaux non seulement relèvent pleinement de vos attributions et responsabilités, mais encore sont indispensables dans le cadre des relations que nous entretenons avec nos financeurs.

Pour justifier de votre incapacité à livrer ces travaux et à remonter ces informations auprès de la Direction Générale, vous avez objecté que ces éléments d’informations étaient sans intérêt, démontrant ainsi votre incapacité à collaborer avec la Direction de notre Association et à vous inscrire pleinement dans la politique que cette dernière conduit.

La maîtrise, le contrôle et la justification de nos charges d’exploitation sont primordiaux, au regard du caractère nécessairement non lucratif de nos activités et de la nécessité d’un emploi responsable des fonds publics qui sont alloués.

A ce titre, la Commission Finance associative vous a demandé de mener une étude détaillée concernant les modalités d’impression au sein de vos services.

En réalité, vous vous êtes montré incapable d’adhérer à cette réflexion et de mener cette étude détaillée.

Vous n’avez dégagé dès lors aucune solution justifiée alors même que vous deviez être la force de proposition et l’animateur au sein de votre service pour traiter cette problématique.

Vous n’avez, plus généralement, développé aucune collaboration et coopération avec la Commission Finance ainsi qu’avec la Direction Générale rendant impossible toute coordination des politiques de management.

Ce déficit de coopération et de collaboration avec la Direction Générale a pu également se manifester à l’occasion de l’appel de marchés diffusés par le Conseil Général des Vosges relatif à la mesure d’accompagnement social et budgétaire.

Il vous appartenait naturellement de participer à la réponse à cet appel en fournissant les éléments permettant de soumissionner.

Compte tenu de vos responsabilités, vous deviez également être une force de proposition, d’animation, d’implication et ainsi contribuer au développement comme à la pérennisation de notre Association.

Par ailleurs, vous n’êtes pas sans ignorer que les relations que nous entretenons avec le Conseil Général des Vosges, en sa qualité de principal contributeur financier, méritent d’être préservées.

En réalité, vous avez été dans l’incapacité de vous impliquer dans ce projet et de collaborer à ce titre avec la Direction Générale, manifestant ainsi une complète désinvolture et une absence d’implication dans l’application des directives et de la politique générale.

Ces illustrations matérialisent votre incapacité à comprendre les enjeux et la nécessite de travailler en équipe, gage d’efficacité face aux problématiques auxquelles notre association est confrontée dans le cadre de ses activités et de ses missions.

Dans ces conditions, votre insuffisance professionnelle nous conduit malheureusement à procéder à votre licenciement".

Les motifs évoqués dans cette lettre sont matériellement vérifiables.

Il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier des pièces 10 à 14 du dossier de l’association AVSEA, que les griefs formulés par celle-ci à l’encontre de M. [U] [K] reposent en réalité sur des divergences opposant le salarié au directeur administratif et financier de l’association sur la pertinence de choix de gestion portant sur un nombre de points limité ; que l’association ne démontre pas en quoi M. [U] [K] s’est montré incapable de mettre en oeuvre les directives et choix d’orientation, dont il n’est apporté aucune description.

L’opposition qui ressort de ces éléments ne saurait à elle seule constituer l’insuffisance professionnelle alléguée.

M. [U] [K] soutient que son licenciement est nul en ce qu’il est en réalité motivé par la dénonciation qu’il a effectuée auprès des autorités compétentes de faits commis par l’association susceptibles de constituer des infractions pénales.

Toutefois, il convient de constater que la lettre adressée à la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP) par M. [K] est postérieure à la convocation de celui-ci à l’entretien préalable au licenciement, et que la concomitance des deux circonstances ne peut à elle seule établir le détournement de procédure allégué.

Compte tenu de ce qui précède, il y a donc lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen selon lequel le licenciement pour insuffisance professionnelle présenterait en réalité la nature d’un licenciement disciplinaire, de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. [U] [K] de sa demande relative à la nullité du licenciement et dit celui-ci sans cause réelle et sérieuse.

M. [U] [K] avait 51 ans et 10 mois à la date du licenciement, et 4 ans et 3 mois d’ancienneté au service de l’employeur.

Sa rémunération mensuelle moyenne brute était de 4 210,57 euros.

Il a été indemnisé au titre de la perte d’emploi pour une somme mensuelle de 2 281 euros en 2014 et 2015 ; il a bénéficié en 2016 d’un montant d’indemnisation de 10 576 euros ; du 1er mars 2017 au 28 février 2018, il a été indemnisé au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi pour un montant mensuel moyen de 2 474 euros.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande à titre de dommages et intérêts à hauteur de 25 000 euros ; la décision entreprise sera réformée sur ce point.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné l’association AVSEA au remboursement à Pôle-Emploi des indemnités de chômage dans la limite de six mois d’ indemnités.

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

S’agissant de la demande reconventionnelle d’irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement fondée sur la violation de l''article 33 de la convention collective, le Conseil constate que l’unique moyen invoqué est inexact puisque Monsieur [U] [K] fonde sa demande de nullité sur d’autres moyens.

Dès lors, le Conseil est bien fondé à déclarer la demande de nullité du licenciement recevable.

S’agissant de la demande de nullité du licenciement et des demandes subséquentes de réintégration, de dommages et intérêts et de rappel de salaire, le Conseil relève que Monsieur [U] [K] ne prouve pas de façon incontestable que l’Association AVSEA l’a licencié pour un motif autre que celui exprimé dans la lettre de licenciement du 3 décembre 2012, ni qu’elle a ce faisant violé l’article 33 de la convention collective et porté atteinte à une liberté fondamentale.

Dès lors, le Conseil est bien fondé à débouter Monsieur [U] [K] de ces demandes.

S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le Conseil se réfère à la lettre de licenciement de Monsieur [U] [K] du 3 décembre 2012 qui indique « nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle ».

Il appartient dès lors au Conseil de vérifier si l’insuffisance professionnelle invoquée par l’Association AVSEA repose, comme elle le soutient, ou ne repose pas, comme le soutient Monsieur [U] [K], sur des éléments non fautifs précis, objectifs et imputables au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement, les éléments invoqués par l’Association AVSEA pour illustrer l’insuffisance professionnelle sont « une attitude d’opposition systématique (?) une absence de dialogue et de coopération avec la direction ; (?) une incapacité à porter, animer et appliquer la politique générale de l’Association, d’adhérer au processus de décision et d’organisation. (…) une incapacité à décrire précisément et planifier les engagements de dépenses (…). Vous vous êtes montré incapable d’adhérer à cette réflexion et de mener cette étude (de modalités d’impression) détaillée (…). Ce déficit évident de coopération a pu se manifester à l’occasion de l’appel à marchés diffusé par le Conseil Général des Vosges (…)

Vous avez été dans l’incapacité de vous impliquer dans ce projet (?) votre incapacité à prendre les enjeux et la nécessité de travailler en équipe ».

Le Conseil constate que les griefs ainsi formulés par l’Association AVSEA à l’encontre de Monsieur [U] [K] sont imprécis, vagues et consistent, pour la plupart d’entre eux, en appréciations subjectives, non fondées sur des faits précis, datés et vérifiables, de sa capacité à accomplir certaines tâches.

Le Conseil relève d’autre part que les documents produits par Monsieur [U] [K] contredisent certaines de ces appréciations.

Dès lors, le Conseil est bien fondé à considérer que l’insuffisance professionnelle reprochée à Monsieur [U] [K] n’est pas établie et à en déduire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le Conseil décide de faire droit à la demande de Monsieur [K] de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ALORS DE PREMIERE PART QU’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ; qu’en retenant qu’il n’y avait pas lieu d’annuler le licenciement, au motif que la concomitance du licenciement et de la dénonciation par M. [K] auprès de l’autorité compétente de faits susceptibles de constituer des infractions pénales qui auraient été commis par l’association AVSEA ne peut à elle seule établir que le licenciement était motivé par la dénonciation, alors qu’elle avait constaté que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et qu’il existait une concomitance entre le licenciement et la dénonciation, ce dont il résultait que le licenciement était motivé par cette dénonciation, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ALORS DE SECONDE PART QU’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ; qu’en retenant qu’il n’y avait pas lieu d’annuler le licenciement, la dénonciation par M. [K] de faits commis par l’association AVSEA susceptibles de constituer des infractions pénales auprès des autorités compétentes étant postérieure à la convocation de celui-ci à l’entretien préalable au licenciement, quand elle avait constaté que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et qu’il existait une concomitance entre le licenciement et la dénonciation, sans avoir recherché, comme elle y était invitée (conclusions d’appel, p. 9 et s., § 8 et s.), si l’exposant n’avait pas informé sa hiérarchie des faits litigieux antérieurement à la convocation à l’entretien préalable au licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour l’association AVSEA

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de Monsieur [K] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d’AVOIR condamné l’association AVSEA à lui payer la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts à ce titre de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’AVOIR ordonné le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE « les motifs évoqués dans cette lettre sont matériellement vérifiables ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier des pièces 10 à 14 du dossier de l’association AVSEA, que les griefs formulés par celle-ci à l’encontre de M. [U] [K] reposent en réalité sur des divergences opposant le salarié au directeur administratif et financier de l’association sur la pertinence de choix de gestion portant sur un nombre de points limité ; que l’association ne démontre pas en quoi M. [U] [K] s’est montré incapable de mettre en oeuvre les directives et choix d’orientation, dont il n’est apporté aucune description ; que l’opposition qui ressort de ces éléments ne saurait à elle seule constituer l’insuffisance professionnelle alléguée (?) ; que compte tenu de ce qui précède, il y a donc lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen selon lequel le licenciement pour insuffisance professionnelle présenterait en réalité la nature d’un licenciement disciplinaire, de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. [U] [K] de sa demande relative à la nullité du licenciement et dit celui-ci sans cause réelle et sérieuse ; que M. [U] [K] avait 51 ans et 10 mois à la date du licenciement, et 4 ans et 3 mois d’ancienneté au service de l’employeur ; que sa rémunération mensuelle moyenne brute était de 4 210,57 euros ; qu’il a été indemnisé au titre de la perte d’emploi pour une somme mensuelle de 2 281 euros en 2014 et 2015; qu’il a bénéficié en 2016 d’un montant d’indemnisation de 10 576 euros; du 1er mars 2017 au 28 février 2018, il a été indemnisé au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi pour un montant mensuel moyen de 2 474 euros ; que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande à titre de dommages et intérêts à hauteur de 25 000 euros ; la décision entreprise sera réformée sur ce point ; que la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné l’association AVSEA au remboursement à Pôle-Emploi des indemnités de chômage dans la limite de six mois d’indemnités » ;

1. ALORS QUE le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 §1 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales comprend notamment celui de chacune des parties au procès de présenter les observations qu’elles estiment pertinentes pour leur affaire et l’obligation corrélative pour les juges de se livrer à un examen effectif et équitable de leurs moyens, arguments et offres de preuve ; que la cour d’appel ne pouvait se fonder sur les seuls éléments avancées par le salarié sans analyser les pièces produites par l’employeur -relatives notamment à l’obstruction apportée au fonctionnement du service comptable, à l’absence de respect par Monsieur [K] des procédures de recrutement et de promotions internes dont il avait la responsabilité, à l’absence d’implication personnelle dans la réalisation des études qui relevaient de sa compétence et dans les procédures d’appels de marchés- et, plus généralement, sans examiner l’ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu’en ayant ainsi limité son examen aux seules prétentions du salarié, la cour d’appel a violé l’article 6 §1 de la convention européenne des droits de sauvegarde des Droits de l’Homme et de Libertés fondamentales ;

2. ALORS QU’en s’abstenant d’examiner le grief tiré de ce que Monsieur [K] manifestait la plus grande réticence à appliquer les directives qu’il était chargé de mettre en oeuvre ni ne respectait les procédures de fonctionnement des services n’étaient pas de nature à établir son insuffisance professionnelle, la cour d’appel, qui n’a pas examiné l’ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, a violé l’article L.1232-6 du code du travail.

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