Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 mars 2022, 20-16.829, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La réception de travaux qui ne constituent pas des tranches indépendantes ou ne forment pas un ensemble cohérent ne vaut pas réception au sens de l’article 1792-6 du code civil

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Sur la décision

Texte intégral

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 254 FS-B

Pourvoi n° F 20-16.829

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022

La société Grosset Janin et frères, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° F 20-16.829 contre l’arrêt rendu le 18 février 2020 par la cour d’appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [A] [K], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], et venant aux droits de la société Covea Risks

4°/ à M. [I] [Z],

5°/ à Mme [D] [V], épouse [Z],

domiciliés tous deux [Adresse 8],

6°/ à la société Santé NAT, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],

7°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 4],

8°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Gan Eurocourtage,

9°/ à la société Trappier Georges, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

En présence de la société MAAF assurances, dont le siège est [Adresse 7].

M. [K] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de la société Grosset Janin et frères, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [G], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], après débats en l’audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Grosset Janin et frères (la société Grosset Janin) du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société MAAF assurances.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 18 février 2020), M. et Mme [Z] ont confié à M. [K] la maîtrise d’oeuvre de l’agrandissement d’un hôtel, donné à bail commercial à la société Santé Nat.

3. Ils ont mis fin à la mission de cet architecte après l’obtention d’un permis de construire.

4. Ils ont confié à la société Grosset Janin l’exécution des travaux « hors d’eau hors d’air », ainsi que l’aménagement intérieur, et à la société Trappier Georges les travaux de terrassement et d’enrochement.

5. Les travaux ont été arrêtés en raison d’un problème d’implantation.

6. La société Grosset Janin a chargé M. [G], architecte, d’élaborer un dossier de demande de permis de construire modificatif. Un permis a été obtenu, mais les travaux n’ont pas repris.

7. Se plaignant de désordres et de l’inachèvement des travaux, M. et Mme [Z] et la société Santé Nat ont assigné les constructeurs, ainsi que les sociétés Covea Risks et Gan eurocourtage IARD, recherchées comme assureurs de la société Grosset Janin.

8. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA) viennent aux droits de la société Covea Risks. La société Allianz IARD (la société Allianz) vient aux droits de la société Gan eurocourtage IARD.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi principal, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de condamner la société Grosset Janin au titre de la rampe d’accès et de la perte de valeur de l’immeuble, sur le troisième moyen du pourvoi principal et sur les deux moyens du pourvoi incident, ci-après annexés

9. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec M. [K] et la société Trappier Georges, à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,86 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l’absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévu, l’absence de praticabilité de la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, de la condamner à verser à M. et Mme [Z] la somme de 161 424,12 euros en réparation des préjudices résultant des défauts dans l’isolation acoustique du bâtiment, de la condamner à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18 100 euros à titre d’indemnisation pour la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé, de la condamner à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 160 631 euros à titre d’indemnisation pour la perte de nuitées et la perte de clientèle subies, de rejeter sa demande aux fins d’être relevée et garantie des conséquences de ces condamnations par la société Allianz, de dire que les sociétés MMA ne sont pas tenues à garantie et de la condamner à verser à ces deux sociétés la somme de 398 479,54 euros, alors « que la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter tout ou partie de l’ouvrage avec ou sans réserves ; qu’elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit, à défaut, judiciairement ; qu’en retenant que la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004 n’aurait pu valoir réception au sens de l’article 1792-6 du code civil dès lors qu’elle n’avait pas été effectuée par lots, mais concernait les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, quand la réception partielle n’est pas limitée à une réception par lots mais peut concerner tout ensemble cohérent, ce que constituaient précisément les tranches du travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, la cour d’appel a violé l’article 1792-6 du code civil par refus d’application. »

Réponse de la Cour

11. La cour d’appel a relevé que les différents lots confiés à la société Grosset Janin concernaient le gros oeuvre et l’aménagement d’un bâtiment comportant un sous-sol, un rez-de-chaussée et deux étages et que la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004, alors que les travaux étaient inachevés, ne portait pas sur une réception par lots mais sur les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage, sans plus de précision.

12. La cour d’appel, devant laquelle il n’était pas soutenu que les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage constituaient des tranches de travaux indépendantes ou formaient un ensemble cohérent, a pu en déduire que la réception partielle invoquée ne valait pas réception au sens de l’article 1792-6 du code civil.

13. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de condamner la société Grosset Janin au titre des pertes de nuitées

Enoncé du moyen

14. La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt de la condamner à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 95 413 euros à titre d’indemnisation pour la perte de nuitées subie, alors :

« 1°/ que les juges sont tenus de répondre aux moyens qui les saisissent ; qu’en l’espèce, la société Grosset Janin faisait valoir que le décalage du délai de réalisation de l’immeuble, à l’origine de la perte de nuitées était dû, au moins en partie, à la procédure engagée par le voisin à l’encontre des époux [Z] s’agissant de la limite de leur terrain ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de la société Grosset Janin, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs en violation l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que seule peut être indemnisée une perte de chance lorsque lorsqu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable ; qu’en évaluant le préjudice tiré de la perte des nuitées et de clientèle comme un préjudice entièrement consommé, quand il ne pouvait consister qu’en une perte de chance de réaliser les gains projetés, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

15. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile.

16. Il ne résulte pas des conclusions de la société Grosset Janin que celle-ci ait soutenu que le préjudice de perte de nuitées devait s’analyser une perte de chance.

17. Le grief est nouveau, mélangé de fait et de droit.

18. Répondant aux conclusions prétendument délaissées, la cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le préjudice de perte de nuitées résultait uniquement de la mauvaise exécution par la société Grosset Janin du marché n° 2 concernant les aménagements intérieurs, notamment des retards dans la livraison des chambres supplémentaires et des désordres phoniques les affectant et que l’arrêt total des travaux par la société Grosset Janin relevait d’une inexécution fautive du contrat.

19. La cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que les fautes de la société Grosset Janin étaient la cause exclusive des dommages.

20. Le moyen, en partie irrecevable, n’est pas fondé pour le surplus.

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de rejeter les demandes de garantie formées contre la société Allianz au titre des préjudices matériels

Enoncé du moyen

21. La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à être relevée et garantie des conséquences des condamnations au titre des préjudices matériels par la société Allianz, alors :

« 1°/ que le versement des primes qui se situe entre la prise d’effet du contrat d’assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit pendant cette période, et la stipulation de la police selon laquelle le dommage n’est garanti que si la réclamation de la victime a été formulée au cours de la période de validité du contrat est génératrice d’une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu’en faisant application, pour dire n’y avoir lieu à la garantie de la Compagnie Allianz, de la clause de la police d’assurance souscrite par la société Grosset Janin selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l’assuré à l’assureur avant la date de résiliation du contrat, cependant que cette clause devait être réputée non écrite, la cour d’appel a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances ;

2°/ en toute hypothèse, que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’il lui appartient, le cas échéant, de restituer aux faits leur exacte qualification sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que pour mettre en jeu la garantie de la Compagnie Allianz, la société Grosset Janin exposait que la garantie déclenchée par le fait dommageable (ou fait générateur du dommage) couvrait l’assuré contre les conséquences pécuniaires du sinistre, à partir du moment où le fait dommageable était survenu entre la prise d’effet de la police et sa résiliation, depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003 ; qu’en se bornant à retenir, pour déclarer que la garantie de la compagnie Allianz n’était pas due à la société Grosset Janin, que l’article L. 124-5 du code des assurances, ne s’appliquait qu’aux garanties prenant effet postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, le 3 novembre 2003, du fait de la souscription d’un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d’un contrat en cours, cependant qu’il appartenait au juge, tenu de statuer sur la validité de la clause selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l’assuré à l’assureur avant la date de résiliation du contrat, de rechercher si, en application du régime antérieur à l’entrée en vigueur de cette loi, dont il avait constaté qu’il était seul applicable au contrat, cette clause était valable, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3du code des assurances. »

Réponse de la Cour

22. La cour d’appel a relevé que les conditions générales afférentes à la responsabilité civile exploitation ne prévoyaient aucune garantie du coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres pouvant affecter les biens du fait de malfaçons, que la garantie pour l’erreur d’implantation était subordonnée à l’intervention d’un géomètre expert lors du coulage des fondations et à la signature d’un procès-verbal d’implantation, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce, et excluait expressément le coût de reconstruction ou de mise en conformité de l’ouvrage réalisé par l’assuré.

23. Elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, que la garantie de la société Allianz n’était pas due pour les condamnations correspondant à la remise en état de l’ouvrage.

24. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

25. La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec M. [K] et la société Trappier Georges, à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,86 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l’absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues, l’absence de praticabilité de la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, alors « qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le préjudice résultant de la réalisation des soutènements périphériques en enrochement et celui de l’impossibilité de réaliser les 9 places de stationnement extérieures en partie Nord Est de la propriété prévues au permis de construire n’étaient pas sans lien avec les manquements reprochés à la société Grosset Janin, dans la mesure où les travaux prévus étaient concrètement impossibles à réaliser et ces coûts, par là même, inévitables, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

26. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

27. Pour condamner la société Grosset Janin à indemniser M. et Mme [Z] du préjudice lié à l’impossibilité de réaliser les places de stationnement prévues et au coût des travaux d’enrochement supplémentaires, l’arrêt retient que la société Grosset Janin était chargée de la réalisation de l’intégralité de la maçonnerie de la structure et de la couverture du bâtiment, qu’elle a établi les plans d’exécution et avait l’obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l’urbanisme, qu’elle aurait dû identifier les problèmes d’implantation en planimétrie et en altimétrie et établir un plan « d’implantation ».

28. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les dommages liés à l’impossibilité de réaliser les places de stationnement et au coût des travaux d’enrochement supplémentaires auraient pu être évités si la société Grosset Janin n’avait pas manqué à ses obligations contractuelles, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de condamner la société Grosset Janin au titre de la perte de clientèle

Enoncé du moyen

29. La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt de la condamner à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 65 218 euros à titre d’indemnisation pour la perte de clientèle subie, alors « que seule peut être indemnisée une perte de chance lorsque lorsqu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable ; qu’en évaluant le préjudice tiré de la perte des nuitées et de clientèle comme un préjudice entièrement consommé, quand il ne pouvait consister qu’en une perte de chance de réaliser les gains projetés, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

30. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

31. Selon le second, les dommages et intérêts dus au créancier sont, sauf exceptions, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

32. Pour évaluer le préjudice subi par le maître d’ouvrage et l’exploitant du fait de la perte de clientèle liée au retard de livraison et aux désordres, l’arrêt retient que l’appréciation de ce poste de préjudice qui a été faite par l’expert est fondée sur le taux de marge sur charges variables et que les taux pris en compte par ce technicien correspondent à ceux donnés par la société Grosset Janin dans son dire.

33. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le préjudice subi par le maître d’ouvrage et l’exploitant ne devait pas s’analyser en une perte de chance, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de rejeter les demandes de garantie formées contre la société Allianz au titre des préjudices immatériels

Enoncé du moyen

34. La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à être relevée et garantie des conséquences des condamnations au titre des préjudices immatériels par la société Allianz, alors « que le versement des primes qui se situe entre la prise d’effet du contrat d’assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit pendant cette période, et la stipulation de la police selon laquelle le dommage n’est garanti que si la réclamation de la victime a été formulée au cours de la période de validité du contrat est génératrice d’une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu’en faisant application, pour dire n’y avoir lieu à la garantie de la Compagnie Allianz, de la clause de la police d’assurance souscrite par la société Grosset Janin selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l’assuré à l’assureur avant la date de résiliation du contrat, cependant que cette clause devait être réputée non écrite, la cour d’appel a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

35. La société Allianz conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu’il est nouveau, mélangé de fait et de droit et contraire à la position de la société Grosset Janin en appel.

36. Cependant, le moyen est de pur droit, dès lors qu’il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

37. Il n’est pas contraire, par ailleurs, à la position de la société Grosset Janin, qui n’a pas soutenu, même implicitement, que la clause litigieuse du contrat d’assurance devait recevoir application.

38. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances :

39. Il résulte de la combinaison de ces textes que le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d’effet du contrat d’assurance de responsabilité et son expiration, a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit pendant cette période et que toute clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l’assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l’assuré est génératrice d’une obligation sans cause, comme telle illicite et réputée non écrite.

40. Pour rejeter les demandes formées contre la société Allianz, l’arrêt retient que l’article 20 des conditions générales de la police prévoit qu’en cas de résiliation du contrat, sauf pour non-paiement des cotisations, les garanties en cours sont maintenues pour les faits générateurs ou dommages déclarés par l’assuré à l’assureur avant la date de résiliation, et donnant lieu à réclamation présentée à l’assureur dans un délai maximum de deux ans suivant la date d’effet de la résiliation.

41. Il relève que le contrat a été résilié le 31 mars 2003 et que la réclamation, formée en octobre 2008, est postérieure à ce délai de deux ans.

42. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté qu’à la date de l’ouverture du chantier, la société Grosset Janin était assurée auprès de la société CGU courtage, aux droits de laquelle venait la société Allianz, de sorte que le fait dommageable, constitué par l’exécution des travaux défectueux, s’était produit pendant la période de validité du contrat d’assurance, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

43. La cassation prononcée sur la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi principal est limitée aux condamnations prononcées du chef des emplacements de stationnement et des travaux d’enrochement, pour un montant de 55 908,80 euros.

44. Elle ne s’étend pas aux condamnations prononcées contre M. [K], qui ne s’est pas associé au moyen, et contre la société Trappier Georges du chef de ces mêmes préjudices.

45. Elle s’étend, en revanche, aux dispositions répartissant la dette entre les co-débiteurs.

Mise hors de cause

46. En application de l’article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause M. [G] et les sociétés MMA, dont la présence n’est pas nécessaire devant la cour d’appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Grosset Janin à payer à M. et Mme [Z] la somme de 55 908,80 euros au titre de l’absence de faisabilité de certaines places de stationnement et des travaux d’enrochement, en ce qu’il fixe la contribution des codébiteurs pour cette somme et condamne en tant que de besoin chacun d’entre eux à rembourser aux autres les sommes qu’ils auraient pu verser et qui excéderaient leur part, en ce qu’il condamne la société Grosset Janin et frères à payer à M. et Mme [Z] et la société Santé Nat indivisément la somme de 65 218 euros au titre de la perte de clientèle et en ce qu’il rejette les demandes de garantie formées par la société Grosset Janin et frères contre la société Allianz IARD au titre des condamnations à payer la somme de 16 680 euros pour les sommes dues à la commune au titre des places de stationnement manquantes, la somme de 50 000 euros pour la moins-value de dépréciation, la somme de 160 631 euros pour pertes de nuitées et de clientèle, la somme de 28 916,56 euros pour le différé du début de remboursement d’emprunt, la somme de 4 568,28 euros pour le surcoût de la construction de la cuisine et la somme de 13 570 euros pour les frais de relogement, l’arrêt rendu le 18 février 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Met hors de cause M. [G] et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;

Condamne M. et Mme [Z] et la société Allianz IARD aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Grosset Janin et frères (demanderesse au pourvoi principal)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt attaqué

DE L’AVOIR condamnée, in solidum avec M. [A] [K] et la Société Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118.149,86 € en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l’absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévu, l’absence de praticabilité de la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, DE L’AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] la somme de 161.424,12 € en réparation des préjudices résultant des défauts dans l’isolation acoustique du bâtiment, DE L’AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18.100 € à titre d’indemnisation pour la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé, DE L’AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 160.631 € à titre d’indemnisation pour la perte de nuitées et la perte de clientèle subies, D’AVOIR rejeté la demande de la SAS Grosset Janin et Frères aux fins d’être relevée et garantie des conséquences de ces condamnations par la SA Allianz Iard, D’AVOIR dit que les sociétés MMA lard SA et MMA lard Assurance Mutuelle venant aux droits de la société Covea Risks, ne sont pas tenues à garantie et DE L’AVOIR condamnée à verser à la SA MMA lard SA et la SA MMA lard Assurances Mutuelles la somme de 398 479,54 € ;

AUX MOTIFS QUE « les époux [Z] ont fondé leur action sur la responsabilité contractuelle des intervenants à l’acte de construire, qui a été retenue par les premiers juges, alors que l’entreprise Grosset Janin soutient qu’une réception serait intervenue le 15 juillet 2004 qui a purgé les désordres apparents ; que selon l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves ; que s’il est constant que la réception partielle n’est pas prohibée par la loi, c’est à la condition qu’elle intervienne par lots ; qu’en l’espèce, un premier marché « hors d’eau hors d’air » établi sur la base du permis de construire obtenu le 9 novembre 2001, a été régularisé entre les époux [Z] et la société Grosset Janin le 15 novembre 2001 pour un montant de 450 624 € portant sur les lots suivants : Maçonnerie, charpente, couverture, menuiseries extérieures — balcon, isolation ossature — planchers bois, chape agresta et frais de bureau d’études ; qu’un avenant en date du 29 avril 2002 a modifié ce premier marché portant le montant des travaux à la somme de 574.080,69 € ;qu’un deuxième marché de travaux a été signé entre les parties le 10 juin 2002, assujetti à l’obtention d’un permis de construire modificatif ou nouveau permis de construire, portant sur les lots suivants : menuiserie intérieure, chape, mobilier-agencement pour un montant total de 182 189,96 € TTC ; que la désignation des travaux à réaliser était la suivante : 1ère tranche menuiserie intérieure, sous-sol, rez-de-chaussée, 1er étage et palier 2ème étage, chapes isophoniques à tous les étages « bois » ; que la réception partielle qui est intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004, alors que les travaux étaient inachevés et ont été définitivement arrêtés en 2005, n’a pas été effectuée par lots, mais concerne les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, dès lors, elle ne peut valoir réception au sens de l’article 1792 -6 du code civil, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges se sont fondés sur la responsabilité contractuelle ou délictuelle des architectes et entreprises ; qu’il en résulte que les moyens développés par la société Grosset Janin, fondés sur la purge des vices apparents non réservés lors de la réception ou encore sur l’existence d’une garantie décennale pour certains des désordres, sont inopérants » ;

1°) ALORS QU’en relevant d’office le moyen selon lequel la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004 n’aurait pu valoir réception au sens de l’article 1792-6 du code civil dès lors qu’elle n’avait pas été effectuée par lots, mais concernait les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, sans inviter préalablement les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter tout ou partie de l’ouvrage avec ou sans réserves ; qu’elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit, à défaut, judiciairement ; qu’en retenant que la réception partielle intervenue suivant procès-verbal du 15 juillet 2004 n’aurait pu valoir réception au sens de l’article 1792-6 du code civil dès lors qu’elle n’avait pas été effectuée par lots, mais concernait les travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, sans autre précision, quand la réception partielle n’est pas limitée à une réception par lots mais peut concerner tout ensemble cohérent, ce que constituaient précisément les tranches du travaux du rez-de-chaussée et du 1er étage, la cour d’appel a violé l’article 1792-6 du code civil par refus d’application.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt attaqué

DE L’AVOIR condamnée, in solidum avec M. [K] et la Société Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118.149,86 € en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l’absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévu, l’absence de praticabilité de la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les réclamations n° 1, n° 2 et n °5, iI s’agit de l’impossibilité de réaliser le nombre d’emplacements de stationnement prévus en partie nord-est de la propriété, de la non- conformité de la rampe d’accès au sous-sol des bâtiments rendant cette dernière impraticable, et du semi enterrement des façades nord et est du bâtiment de sorte que la salle de restaurant située au rez-dechaussée de l’immeuble n’offre pas la vue dégagée prévue au permis de construire ; qu’ainsi qu’il résulte du rapport d’expertise et des conclusions du géomètre sapiteur, ces trois désordres ont pour origine le caractère erroné des plans masses des permis de construire déposés (PC initial de 2001 et PC modificatif de 2005) ; qu’en effet, sur les plans des deux permis, le niveau du terrain naturel pris en compte en point haut de la rampe d’accès présente une différence de hauteur de 1 mètre avec la réalité ; que la rampe dessinée sur le plan PC 2001 présente une pente supérieur à 18% et n’est pas conforme, celle dessinée sur le plan PC 2005 une pente de 20%, alors que dans la réalité sa pente atteint 23% puis 24% ; que par ailleurs les plans masse du dossier PC initial et modificatif, débordent des limites parcellaires de la propriété ; que les places de stationnement de la partie nord-est du terrain sont implantées, pour partie sur l’emprise du chemin rural adjacent, pour partie sur l’emplacement du sommet de la rampe actuelle ; que la rampe d’accès aux garages est implantée sur la propriété voisine, qui plus est dans un talus ; qu’au regard des limites de la parcelle, du positionnement de la rampe, de l’implantation du chemin rural, seules 3 places de stationnement peuvent être aménagées en partie nord-est de la propriété, ceci en lieu et place des 9 places projetées ; qu’il a ainsi été mis en évidence les non conformités suivantes : non conformité contractuelle résultant de l’impossibilité de réaliser les travaux projetés conformément au permis de construire initial et au permis modificatif notamment les neuf places de stationnement projetées en partie nordest ; non-conformités règlementaires résultant de la réalisation d’une rampe d’accès au sous-sol présentant des pentes dépassant la valeur maximale de 18% fixée par la norme NFP 91-120, et de l’impossibilité de réaliser les travaux projetés conformément aux permis de construire délivrés ; (…) ; que s’agissant de la société Grosset Janin : cette dernière était chargée, dans le cadre d’un contrat « hors d’eau-hors d’air », postérieur à l’obtention du permis de construire, de la réalisation de l’intégralité de la maçonnerie de la structure et de la couverture du bâtiment ; qu’elle a établi elle-même les plans d’exécution et avait l’obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l’urbanisme. Elle aurait dû en conséquence identifier les problèmes d’implantation en planimétrie et en altimétrie et établir un plan « d’implantation » ; qu’elle est responsable de la réalisation d’une rampe d’accès non conforme aux plans du permis de construire et surtout impraticable » ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l’expertise a permis de mettre en évidence de nombreuses erreurs affectant le plan-masse du dossier de permis de construire initial (permis délivré le 9 novembre 2011) ; qu’ainsi, notamment, les limites parcellaires indiquées sont erronées de même que la configuration topographique et le niveau du terrain naturel (TN) indiqué sur ce plan qui est inférieur d’environ 1 m à la réalité ; que la réalisation des travaux par la Société Trappier Georges en charge du terrassement et de l’enrochement et la société Grosset Janin attributaire d’un marché de travaux « hors d’eau-hors d’air » sur la base de ce plan de masse erroné a entraîné des conséquences de trois ordres : seuls trois des neuf emplacements de stationnement prévus en partie nord-ouest de la propriété ont pu être réalisés, notamment parce que certains de ces stationnements étaient en réalité prévus sur l’emprise de fonds voisin: la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment est impraticable compte tenu de son degré de pente bien trop important et en tout état de cause nettement supérieur aux normes, les façades Nord et Est du bâtiment sont semi-enterrées de sorte que la salle de restaurant prévue au rez-de-chaussée de l’immeuble n’offre pas la vue dégagée prévue au permis de construire ; qu’en outre, l’expert relève que la rampe réalisée par la société Grosset Janin Frères n’est pas conforme aux plans du permis de construire en ce que sa pente est supérieure à celle prévue par ce document ; (…) ; que quant à la société Groset Janin, les fautes commises par M. [K] ne sauraient l’exonérer de sa responsabilité alors qu’elle était chargée dans le cadre d’un contrat « hors d’eauhors d’air » de la réalisation de I’intégralité de la maçonnerie, de la structure et de la couverture du bâtiment et a, dans ce cadre, établit elle-même une partie des plans » ;

1°) ALORS QU’en s’abstenant de répondre aux conclusions de la société Grosset Janin faisant valoir qu’elle ne pouvait être tenue des réclamations n° 1 et 5 dès lors que ces dernières ne concernaient que le lot terrassement qui ne lui incombait pas, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU’il n’existe pas de lien de causalité entre le préjudice et la faute retenue à l’encontre d’une des parties, lorsque celle-ci est entièrement absorbée par celle commise par l’autre partie sans laquelle elle ne serait pas survenue ; qu’en s’abstenant de s’expliquer, bien qu’elle y ait été invitée, sur le fait que, au regard du lien de causalité, les manquements de la société Grosset Janin ont été absorbés par les erreurs de M. [K] ayant affecté la conception des plans de masse des permis de construire, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS, en toute hypothèse, QU’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le préjudice résultant de la réalisation des soutènements périphériques en enrochement et celui de l’impossibilité de réaliser les 9 places de stationnement extérieures en partie Nord Est de la propriété prévues au permis de construire n’étaient pas sans lien avec les manquements reprochés à la société Grosset Janin, dans la mesure où les travaux prévus étaient concrètement impossibles à réaliser et ces coûts, par là même, inévitables, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt attaqué

DE L’AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18.100 € en réparation des préjudices résultant du coût de l’obtention d’un permis de construire conforme aux constructions réalisées et D’AVOIR dit qu’elle serait relevée et garantie par M. [K] à hauteur de 50% ;

AUX MOTIFS expressément ADOPTES QUE « la nécessité d’obtenir un permis de construire conforme à la réalité des constructions résulte, dans des proportions égales, des fautes commises par la société Grosset Janin et M. [K] » ;

ALORS QU’il n’existe pas de lien de causalité entre le préjudice et la faute retenue à l’encontre d’une des parties, lorsque celle-ci est entièrement absorbée par celle commise par l’autre partie sans laquelle elle ne serait pas survenue ; qu’en s’abstenant de s’expliquer, bien qu’elle y ait été invitée, sur le fait que, au regard du lien de causalité, les manquements de la société Grosset Janin ont été absorbés par les erreurs de M. [K] ayant affecté la conception des plans de masse des permis de construire, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt attaqué

DE L’AVOIR condamnée à verser à M. et Mme [Z] et à la société Santé Nat indivisément la somme de 160.631 € à titre d’indemnisation pour la perte de nuitées et la perte de clientèle subies ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« en sa qualité de locataire et exploitante du fonds de commerce d’hôtel, la société Santé Nat est en droit de se prévaloir à l’encontre de la société Grosset Janin d’une faute délictuelle résultant de l’inexécution du contrat liant cette dernière aux époux [Z] ; qu’en l’absence d’éléments nouveaux, c’est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont relevé que ces préjudices résultaient uniquement de la mauvaise exécution par la SAS Grosset Janin du marché de travaux 1102 relatif aux aménagements intérieurs, avec notamment des retards dans la livraison des chambres supplémentaires et des désordres phoniques les affectant ; que c’est également à juste titre, qu’au regard du compte entre les parties faisant ressortir un solde créditeur en faveur de la société Grosset Janin de 4 530,47 € TTC, les premiers juges ont considéré que l’arrêt total des travaux par cette dernière en septembre 2004 n’était pas justifié et relevait d’une inexécution fautive du contrat, rejetant ainsi l’appel en garantie qu’elle avait formalisée à l’encontre de M. [K], M. [G] et la SA Trappier ; que s’agissant de la perte de nuitées, il sera relevé que, pour contester les sommes allouées par le tribunal, qui a fait sienne l’analyse de l’expert, la société Grosset Janin ne fait que reprendre les arguments qu’elle a exposés à I’expert dans un dire auquel ce dernier a répondu de manière précise et circonstanciée notamment en ce qui concerne la salle pouvant être utilisée soit comme salle de séminaire, soit comme dortoir ; que s’agissant de la perte de clientèle, ainsi que l’a relevé l’expert il n’est pas contestable que d’une part l’inachèvement des travaux sur une période aussi longue (près de 10 ans), d’autre part la perte progressive d’étoiles et enfin les problèmes techniques affectant l’ouvrage (stationnement, problèmes acoustiques) étaient de nature à entrainer une désaffection de la clientèle » ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE « si la SAS Grosset Janin est la seule entreprise dont la responsabilité est recherchée à ce titre par les demandeurs, cette entreprise invoque quant à elle les fautes commises par M. [K], M. [G] et la Société Trappier Georges à l’origine, selon elle exclusivement, de ces dommages et demande à être relevée et garantie des conséquences de cette condamnation ; que cependant, ces préjudices résultent uniquement de la mauvaise exécution par la SAS Grosset Janin du marché de travaux n°2 concernant les aménagements intérieurs et notamment des retards dans la livraison des chambres supplémentaires et des désordres notamment phoniques les affectant, étant précisé qu’au regard du compte entre les parties tel qu’ examiné ci-dessus, I’arrêt total des travaux par la SAS Grosset Janin n’apparaît pas justifié, mais relève d’une inexécution fautive du contrat » ;

1°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux moyens qui les saisissent ; qu’en l’espèce, la société Grosset Janin faisait valoir que le décalage du délai de réalisation de l’immeuble, à l’origine de la perte de nuitées était dû, au moins en partie, à la procédure engagée par le voisin à l’encontre des époux [Z] s’agissant de la limite de leur terrain ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de la société Grosset Janin, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs en violation l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE seule peut être indemnisée une perte de chance lorsque lorsqu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable ; qu’en évaluant le préjudice tiré de la perte des nuitées et de clientèle comme un préjudice entièrement consommé, quand il ne pouvait consister qu’en une perte de chance de réaliser les gains projetés, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

(Subsidiaire au premier moyen)

La société Grosset Janin fait grief à l’arrêt attaqué

D’AVOIR rejeté sa demande tendant à être relevée et garantie des conséquences de ces condamnations par la SA Allianz Iard ;

AUX MOTIFS QUE « la société Grosset Janin a souscrit auprès de CGU courtage un contrat d’assurance « Edifice » à effet du 1er avril 2000 garantissant ; que la responsabilité civile Exploitation et Après livraison des travaux ; que la RC décennale Bâtiment, Génie civil ; que les dommages subis par l’assuré avant livraison des travaux ; que ce contrat a été résilié le 31 mars 2003 ; qu’il en résulte qu’à l’époque de l’ouverture du chantier la société Grosset Janin était assurée auprès de la société CGU Courtage aux droits de laquelle vient la société Allianz ; que pour autant, l’article 20 des conditions générales de la police, intitulé « Période de garantie » prévoit au paragraphe I relatif à la RC exploitation et Après livraison , qu’en cas de résiliation du contrat, sauf pour non-paiement des cotisations, les garanties en cours sont maintenues pour les faits générateurs ou dommages déclarés par l’assuré à l’assureur avant la date de résiliation, et donnant lieu à réclamation présentée à l’assureur dans un délai maximum de deux ans suivant la date d’effet de la résiliation ; qu’en l’espèce, la réclamation est bien postérieure à ce délai de deux ans, puisque la procédure de référé en vue de l’institution d’une expertise judiciaire n’est intervenue qu’en octobre 2008, que vainement, la société Grosset Janin invoque-t-elle à son profit les dispositions de l’article L 124-5 du code des assurances, alors que ce texte créé par la loi du 1er août 2003, ne s’applique qu’aux garanties prenant effet postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, le 3 novembre 2003, du fait de la souscription d’un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d’un contrat en cours ; qu’en l’espèce, le contrat a été résilié avant même la promulgation de ladite loi ; qu’à titre superfétatoire et pour la moralité des débats, il sera relevé que les conditions générales afférentes à la responsabilité civile exploitation ne prévoient aucune garantie du coût des travaux pour remédier aux désordres pouvant affecter les biens du fait de malfaçons, que les extensions facultatives de garanties pendant les travaux et/ou après leur livraison prévoient une garantie pour l’erreur d’implantation qui a bien été souscrite par la société Grosset Janin, mais qui s’agissant d’une garantie facultative, a cessé à compter de la résiliation du contrat ; qu’était subordonnée à l’intervention d’un géomètre expert lors du coulage des fondations et à la signature d’un procès-verbal d’implantation, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce ; qu’en tout état de cause exclut expressément le coût de reconstruction ou de mise en conformité de l’ouvrage réalisé par l’assuré » ;

1°) ALORS QUE le versement des primes qui se situe entre la prise d’effet du contrat d’assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit pendant cette période, et la stipulation de la police selon laquelle le dommage n’est garanti que si la réclamation de la victime a été formulée au cours de la période de validité du contrat est génératrice d’une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu’en faisant application, pour dire n’y avoir lieu à la garantie de la Compagnie Allianz, de la clause de la police d’assurance souscrite par la société Grosset Janin selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l’assuré à l’assureur avant la date de résiliation du contrat, cependant que cette clause devait être réputée non écrite, la cour d’appel a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, L. 124-1 et L. 124-3du code des assurances ;

2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’il lui appartient, le cas échéant, de restituer aux faits leur exacte qualification sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que pour mettre en jeu le garantie de la Compagnie Allianz, la société Grosset Janin exposait que la garantie déclenchée par le fait dommageable (ou fait générateur du dommage) couvrait l’assuré contre les conséquences pécuniaires du sinistre, à partir du moment où le fait dommageable était survenu entre la prise d’effet de la police et sa résiliation, depuis la loi de sécurité financière du 1er août 2003 ; qu’en se bornant à retenir, pour déclarer que la garantie de la compagnie Allianz n’était pas due à la société Grosset Janin, que l’article L. 124-5 du code des assurances, ne s’appliquait qu’aux garanties prenant effet postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, le 3 novembre 2003, du fait de la souscription d’un nouveau contrat ou de la reconduction de garantie d’un contrat en cours, cependant qu’il appartenait au juge, tenu de statuer sur la validité de la clause selon laquelle seuls étaient garantis les dommages déclarés par l’assuré à l’assureur avant la date de résiliation du contrat, de rechercher si, en application du régime antérieur à l’entrée en vigueur de cette loi, dont il avait constaté qu’il était seul applicable au contrat, cette clause était valable, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile, ensemble les articles 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, L.124-1 et L. 124-3du code des assurances. Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [K] (demandeur au pourvoi incident)

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [K] FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué DE L’AVOIR condamné in solidum avec la SAS Grosset Janin et frères, la SA Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,46 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l’absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues, l’absence de praticabilité de la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, D’AVOIR fixé dans les rapports entre ces condamnés leur contribution à la dette à hauteur de 45% pour M. [K], 45% pour la SAS Grosset Janin et frères et 10% pour la SA Trappier Georges et condamné en tant que de besoin chacun d’eux à rembourser aux autres les sommes qu’ils auraient pu verser et qui excéderaient leur part, D’AVOIR condamné la SAS Grosset Janin et frères à verser à M. et Mme [Z] la somme de 18 100 euros à titre d’indemnisation pour la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé et D’AVOIR dit que la SAS Grosset Janin sera relevée et garantie de cette somme par M. [K] à hauteur de 50%, et condamné en tant que de besoin M. [K] à payer à la SAS Grosset Janin la moitié de ladite somme ;

1°) ALORS QUE l’architecte dont la mission est limitée à l’obtention du permis de construire n’est pas tenu des conséquences de la réalisation des travaux par un entrepreneur chargé d’élaborer les plans d’exécution à la demande du maître de l’ouvrage ; qu’en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé dans les conclusions d’appel de M. [K] (p. 5), si la mission que lui avaient confié M. et Mme [Z] n’était pas limitée à l’obtention du permis de construire et que, partant, les préjudices subis du fait de la réalisation de travaux par la société Grosset Janin ne lui étaient pas imputables, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QU’en constatant que la société Grosset Janin avait établi elle-même les plans d’exécution des travaux et qu’elle avait l’obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l’urbanisme (p. 16 de l’arrêt) sans pour en autant en déduire qu’elle avait causé à elle seule les préjudices résultant des désordres constitués par l’absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues et l’absence de praticabilité de la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QU’en constatant que la société Grosset Janin avait établi elle-même les plans d’exécution des travaux et qu’elle avait l’obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l’urbanisme (p. 16 de l’arrêt), sans pour autant en déduire qu’elle avait causé à elle seule le préjudice résultant de la nécessité de mettre en conformité le permis de construire avec le bâtiment réalisé, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

M. [K] FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué DE L’AVOIR condamné in solidum avec la SAS Grosset Janin et frères, la SA Trappier Georges à verser à M. et Mme [Z] la somme de 118 149,46 euros en réparation des préjudices résultant des désordres constitués par l’absence de faisabilité de certaines des places de stationnement prévues, l’absence de praticabilité de la rampe d’accès au sous-sol du bâtiment et le caractère enterré de certaines de ses façades, D’AVOIR fixé dans les rapports entre ces condamnés leur contribution à la dette à hauteur de 45% pour M. [K], 45% pour la SAS Grosset Janin et frères et 10% pour la SA Trappier Georges et condamné en tant que de besoin chacun d’eux à rembourser aux autres les sommes qu’ils auraient pu verser et qui excéderaient leur part,

1°) ALORS QU’en ne répondant pas au moyen opérant de M. [K] (p. 6 de ses conclusions d’appel) selon lequel la rampe a été faite sans tenir compte du plan du permis de construire qu’il avait établi, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU’en ne répondant pas au moyen opérant de M. [K] (p. 6 de ses conclusions d’appel) selon lequel les neuf places de stationnement pouvaient bien être construites conformément à son plan de permis de construire, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU’en ne répondant pas au moyen opérant de M. [K] (p. 7 de ses conclusions d’appel) selon lequel les façades avaient été prévues dans son plan de permis de construire comme étant enterrées à la demande de Mme [Z], la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 mars 2022, 20-16.829, Publié au bulletin