Cour de cassation, Chambre civile 2, 3 mars 2022, 20-20.890, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 3 mars 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 240 F-D

Pourvoi n° V 20-20.890

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

La caisse de Crédit mutuel de Maurienne, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-20.890 contre l’arrêt rendu le 25 juin 2020 par la cour d’appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l’opposant à M. [Z] [F], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la caisse de Crédit mutuel de Maurienne, et après débats en l’audience publique du 18 janvier 2022 tenue dans les conditions prévues à l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 par M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 25 juin 2020), le 1er juin 2010, la caisse de Crédit mutuel de Maurienne (la banque), a consenti à M. et Mme [F] un crédit immobilier par un acte notarié.

2. Sur le fondement de cet acte, le 13 juin 2018, la banque a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de M. [F].

3. L’acte a été dénoncé au débiteur le 20 juin suivant. Le jour même, celui-ci a signé un acte d’acquiescement à la saisie, puis, le 11 juillet 2018, il a assigné la banque devant un juge de l’exécution en contestation de cette saisie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l’arrêt de déclarer recevable la contestation de la saisie-attribution, d’annuler la saisie-attribution pratiquée sur le compte CCHQ n° 967 401 75 677 détenu par M. [F] auprès de la CRCAM de Savoie, agence de [Localité 3], par M. [J] et d’ordonner la mainlevée de la mesure d’exécution alors :

« 1°/ que la déclaration écrite du débiteur saisi affirmant ne pas contester la saisie-attribution n’a pas à être rédigée de la main de ce dernier ; que pour déclarer recevable la contestation élevée par M. [F], l’arrêt, tout en constatant que celui-ci a daté et signé un courrier manuscrit dans lequel il a acquiescé à la saisie-attribution pratiquée le 13 juin 2018, retient toutefois que n’ayant pas lui-même rédigé ce document, le débiteur n’a pas été en mesure d’en comprendre pleinement le sens et la portée ; qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel, qui a subordonné l’acquiescement du débiteur saisi à un formalisme que l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoit pas, a violé le texte susvisé ;

2°/ que le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d’un certificat de non contestation ou d’une déclaration d’acquiescement ; que pour dire recevable la contestation élevée par le débiteur saisi, la cour d’appel, tout en constatant que celui-ci a « acquiescé par écrit le 20 juin 2018 à la saisie attribution », énonce que « cette terminologie n’est pas aisément compréhensible pour un particulier étranger aux règles procédurales applicables en la matière et que ce document m’indique pas de façon explicite qu’il renonce à exercer une contestation dans le délai d’un mois légalement prévu » ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs erronés impropres à priver d’effet l’acquiescement à la mesure d’exécution, valablement exprimé par le débiteur saisi, la cour d’appel a de nouveau, violé l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution ;

3°/ que le délai d’un mois pour élever une contestation relative à une saisie-attribution ou acquiescer à cette mesure, court à compter du jour de la dénonciation de la saisie au débiteur ; que pour déclarer recevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire de M. [F], l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu’en signant le jour même de la dénonciation de la mesure d’exécution un courrier mentionnant qu’il acquiesce à cette saisie, le débiteur n’a « manifestement pas eu le temps de réellement prendre connaissance de la saisie qui lui était dénoncée » ni « d’envisager de contester ladite procédure, alors même que l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution lui donne un mois pour cela » ; qu’en se fondant sur le caractère prétendument prématuré de l’acquiescement à la saisie attribution quand celui-ci a été valablement exprimé dans le délai dont disposait le débiteur saisi, la cour d’appel a, de nouveau, violé l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution ;

4°/ que sauf à établir que l’acquiescement du débiteur à une saisie-attribution a été vicié par une erreur, cet acquiescement produit les mêmes effets qu’un certificat de non-contestation et prive le débiteur du droit d’élever une quelconque contestation devant le juge de l’exécution; que pour déclarer recevable la contestation élevée par le débiteur ayant pourtant valablement acquiescé à la saisie-attribution, l’arrêt retient que l’accord du débiteur saisi concernant la somme de 1 000 euros devant être versée à l’huissier n’est pas de nature à établir qu’il a consenti à l’intégralité de la saisie-attribution pratiquée, de sorte qu’il ne peut en être déduit qu’il a réellement perçu la portée de son engagement ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’acquiescement du débiteur à la saisie-attribution et l’autorisation de payer qui en découlait étaient affectés d’une erreur ayant vicié son consentement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1132 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1131 du code civil et R. 211-6 du code des procédures civiles d’exécution :

5. Il résulte de ces textes que si l’acte de saisie-attribution emporte attribution immédiate au profit du créancier saisissant, le paiement est différé en cas de contestation devant le juge de l’exécution ou, sauf acquiescement, pendant le délai de contestation, un acte qualifié d’acquiescement ne pouvant être privé d’effet que s’il encourt la nullité.

6. Le second de ces textes n’exige pas que l’acte d’acquiescement soit rédigé de la main du débiteur saisi. Le débiteur peut acquiescer dès que la saisie-attribution lui est dénoncée.

7. Pour déclarer recevable la contestation de M. [F], l’arrêt, après avoir constaté qu’un courrier manuscrit du 20 juin 2018, joint à l’acte de signification à tiers saisi de l’acquiescement du débiteur du 21 juin 2018, énonce : « Je soussigné [Z] [F] acquiesce par la présente à la saisie attribution pratiquée le 13 juin 2018 par Me [J] et donne ordre […] de virer la somme de 1000 euros (mille euros) à l’huissier sur les sommes saisies », retient que si M. [F] et la banque s’accordent sur le fait que le débiteur a effectivement signé et daté le document, il ressort des écritures respectives des parties qu’il n’a pas lui-même rédigé ledit courrier, ne lui permettant pas ainsi d’en comprendre pleinement le sens et la portée, que l’écrit doit être rédigé en des termes clairs et non équivoques emportant la renonciation du débiteur à élever toute contestation relative à la procédure de saisie-attribution et qu’en l’occurrence, il est indiqué que M. [F] « acquiesce » à la saisie de M. [J], et non pas de façon explicite qu’il renonce à exercer une contestation dans le délai d’un mois légalement prévu, terminologie qui, comme l’a relevé le premier juge, n’est pas aisément compréhensible pour un particulier étranger aux règles procédurales en la matière, que l’accord du débiteur saisi concernant la somme de 1.000 euros devant être versée à l’huissier de justice n’est pas de nature à établir qu’il a consenti à l’intégralité de la saisie-attribution pratiquée de sorte qu’il ne peut en être déduit qu’il a réellement perçu la portée de son engagement et enfin que l’huissier a fait signer le document manuscrit qu’il avait lui-même établi par M. [Z] [F] le 20 juin 2018, soit le jour même de la dénonciation de la saisie-attribution, le débiteur n’ayant dès lors pas disposé d’un temps suffisamment important afin de prendre connaissance de la procédure d’exécution dénoncée et d’envisager de contester ladite procédure alors même que l’article R. 211-6 suscité prévoit que le débiteur dispose d’un délai d’un mois afin de contester la saisie.

8. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’acte indiquait clairement qu’il comportait acquiescement à la saisie, à tout le moins à hauteur de 1 000 euros, la cour d’appel, qui ne pouvait annuler la mesure d’exécution et ordonner sa mainlevée sans prononcer la nullité de l’acte d’acquiescement pour vice du consentement, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la caisse de Crédit mutuel de Maurienne la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Le Prado – Gilbert, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel de Maurienne

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La Caisse de Crédit mutuel de Maurienne fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR déclaré recevable la contestation de la saisie-attribution, D’AVOIR annulé la saisie-attribution pratiquée sur le compte CCHQ n° 967 401 75 677 détenu par M. [F] auprès de la CRCAM de Savoie, agence de Saint Jean de Maurienne par Me [J] et D’AVOIR ordonné la mainlevée de la mesure d’exécution.

ALORS D’UNE PART QUE la déclaration écrite du débiteur saisi affirmant ne pas contester la saisie-attribution n’a pas à être rédigée de la main de ce dernier ; que pour déclarer recevable la contestation élevée par M. [F], l’arrêt tout en constatant que celui-ci a daté et signé un courrier manuscrit dans lequel il a acquiescé à la saisie-attribution pratiquée le 13 juin 2018, retient toutefois que n’ayant pas lui-même rédigé ce document, le débiteur n’a pas été en mesure d’en comprendre pleinement le sens et la portée ; qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel, qui a subordonné l’acquiescement du débiteur saisi à un formalisme que l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoit pas, a violé le texte susvisé.

ALORS D’AUTRE PART QUE le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d’un certificat de non contestation ou d’une déclaration d’acquiescement ; que pour dire recevable la contestation élevée par le débiteur saisi, la cour d’appel, tout en constatant que celui-ci a « acquiescé par écrit le 20 juin 2018 à la saisie attribution », énonce que « cette terminologie n’est pas aisément compréhensible pour un particulier étranger aux règles procédurales applicables en la matière et que ce document m’indique pas de façon explicite qu’il renonce à exercer une contestation dans le délai d’un mois légalement prévu » ; qu’en se déterminant ainsi, par des motifs erronés impropres à priver d’effet l’acquiescement à la mesure d’exécution, valablement exprimé par le débiteur saisi, la cour d’appel a de nouveau, violé l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution.

ALORS EN OUTRE QUE le délai d’un mois pour élever une contestation relative à une saisie-attribution ou acquiescer à cette mesure, court à compter du jour de la dénonciation de la saisie au débiteur ; que pour déclarer recevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire de M. [F], l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu’en signant le jour même de la dénonciation de la mesure d’exécution un courrier mentionnant qu’il acquiesce à cette saisie, le débiteur n’a « manifestement pas eu le temps de réellement prendre connaissance de la saisie qui lui était dénoncée » (jugement p 3 § 9) ni « d’envisager de contester ladite procédure, alors même que l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution lui donne un mois pour cela » (arrêt p 6 § 6) ; qu’en se fondant sur le caractère prétendument prématuré de l’acquiescement à la saisie attribution quand celui-ci a été valablement exprimé dans le délai dont disposait le débiteur saisi, la cour d’appel a, de nouveau, violé l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution.

ALORS ENFIN QUE sauf à établir que l’acquiescement du débiteur à une saisie-attribution a été vicié par une erreur, cet acquiescement produit les mêmes effets qu’un certificat de non-contestation et prive le débiteur du droit d’élever une quelconque contestation devant le juge de l’exécution; que pour déclarer recevable la contestation élevée par le débiteur ayant pourtant valablement acquiescé à la saisie-attribution, l’arrêt retient que l’accord du débiteur saisi concernant la somme de 1 000 euros devant être versée à l’huissier n’est pas de nature à établir qu’il a consenti à l’intégralité de la saisie-attribution pratiquée, de sorte qu’il ne peut en être déduit qu’il a réellement perçu la portée de son engagement ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’acquiescement du débiteur à la saisie-attribution et l’autorisation de payer qui en découlait étaient affectés d’une erreur ayant vicié son consentement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1132 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l’article R 211-6 du code des procédures civiles d’exécution.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La Caisse de Crédit mutuel de Maurienne fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR déclaré recevable la contestation de la saisie-attribution, D’AVOIR annulé la saisie-attribution pratiquée sur le compte CCHQ n° 967 401 75 677 détenu par M. [F] auprès de la CRCAM de Savoie, agence de Saint Jean de Maurienne par Me [J] et D’AVOIR ordonné la mainlevée de cette saisie-attribution.

ALORS D’UNE PART QUE le paiement, fût-il partiel, par le débiteur vaut reconnaissance du caractère exigible de sa dette et partant, de la régularité de la déchéance du terme prononcée par le créancier poursuivant ; que pour annuler et donner mainlevée de la saisie attribution pratiquée par la Caisse sur le compte bancaire de M. [F] en vertu d’un acte authentique de prêt du 1er juin 2010, la cour d’appel retient, par motifs propres et adoptés que l’accusé de réception de la lettre de mise en demeure préalable du 2 mars 2016 ne fait état d’aucune date à laquelle l’emprunteur aurait été avisé, de sorte que la déchéance du terme prononcée le 11 avril suivant n’étant pas régulièrement acquise, la Caisse ne dispose pas d’une créance exigible à hauteur de la saisie-attribution pratiquée le 13 juin 2018, soit 70 826,20 euros ; qu’en se déterminant ainsi tout en relevant que le jour de la dénonciation de la saisie-attribution, le débiteur avait acquiescé à cette mesure et donné l’ordre au tiers saisi de virer une partie des sommes saisies au profit de l’huissier instrumentaire ce dont il résulte que le saisi avait reconnu le caractère exigible de la créance dont la Caisse poursuivait dès lors régulièrement le paiement, la cour d’appel a violé l’article 1134, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil.

ALORS D’AUTRE PART, et subsidiairement, QU’ il appartient à tout le moins au juge de l’exécution de donner effet à la saisie pour la fraction non contestée de la dette ; qu’il résulte des propres constatations de la cour d’appel que le jour de la dénonciation de la saisie-attribution le débiteur a donné l’ordre au tiers saisi de verser à l’huissier instrumentaire la somme de 1000 euros sur les sommes saisies ; qu’en annulant et en donnant mainlevée de la saisie attribution au lieu de valider celle-ci à hauteur de la somme susvisée, la cour d’appel a violé l’article R 211-12 du code des procédures civiles d’exécution.

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