Cour de cassation, Chambre civile 1, 8 mars 2023, 21-24.088, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 8 mars 2023

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 158 FS-D

Pourvoi n° S 21-24.088

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 MARS 2023

La Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), société civile à caractère variable, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-24.088 contre l’arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société Europe 2 entreprises, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société civile des producteurs phonographiques, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Europe 2 entreprises, et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2021), la Société civile des producteurs phonographiques (la SCPP), organisme de gestion collective, représente plus de trois mille producteurs de phonogrammes dont elle défend les intérêts et gère les catalogues phonographiques. A ce titre, elle autorise, pour le compte de ses adhérents, la reproduction, la mise à la disposition du public et la communication à celui-ci des phonogrammes du commerce et collecte les droits à rémunération prévus en contrepartie de ces exploitations par les dispositions de l’article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle.

2. La société Europe 2 Entreprises, ayant pour activité la diffusion de services radiophoniques, édite, depuis 2006, des programmes musicaux en ligne, accessibles sur le site « www.virginradio.fr » et communément désignés sous le terme de « webradios ». Ces webradios, telles « Virgin Radio Hits » et « Virgin Radio Rock », diffusées exclusivement sur le réseau internet, ne sont pas interactives avec le public, celui-ci n’intervenant pas dans le choix des phonogrammes programmés, et ne sont pas dédiées à un artiste-interprète ou à un compositeur ou à un album.

3. Le 31 mars 2015, a été conclu un contrat général d’intérêt commun, régissant, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, les conditions, notamment financières, de l’utilisation, par la société Europe 2 Entreprises, sur ses webradios, des phonogrammes relevant du répertoire de la SCPP.

4. La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, publiée au Journal officiel le 8 juillet 2016, a, en son article 13, complétant l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle par un 3°, étendu aux services de radiodiffusion en ligne non interactifs et non dédiés le champ d’application de la licence légale, jusque-là instituée au seul bénéfice des services de radiodiffusion par voie hertzienne terrestre et ainsi dispensé les éditeurs de webradios non interactives et non dédiées d’avoir à solliciter l’autorisation préalable des sociétés de gestion collective de producteurs de phonogrammes pour la diffusion des phonogrammes du commerce relevant de leur répertoire, cette diffusion étant désormais soumise à la licence légale, dont la rémunération équitable est la contrepartie.

5. Par lettre du 21 octobre 2016, la SCPP a proposé à la société Europe 2 Entreprises de renouveler le contrat général d’intérêt commun pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, en soutenant que la licence légale ne pouvait être applicable aux webradios tant que le barème de la rémunération équitable n’était pas fixé, soit par un accord collectif prévu à l’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle, soit par la commission prévue à l’article L. 214-4 de ce code.

6. Par lettre du 15 février 2017, la société Europe 2 Entreprises s’y est opposée, aux motifs que le contrat était devenu sans objet à la suite de l’extension du régime de la licence légale aux services de webradios et de l’application immédiate de l’article 13 de la loi du 7 juillet 2016 et que, dans l’attente de l’établissement du barème de rémunération équitable applicable aux webradios, les sommes afférentes à cette rémunération seraient provisionnées, puis versées rétroactivement à la Société pour la perception de la rémunération équitable sur la base du barème établi.

7. Le 10 mars 2017, la SCPP a assigné la société Europe 2 Entreprises en contrefaçon des droits voisins des producteurs de phonogrammes sanctionnés par l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, au titre de la poursuite de la diffusion sur ses webradios, sans autorisation et sans paiement d’une quelconque rémunération, des phonogrammes de son répertoire, et de la violation des dispositions de l’article L. 213-1 du même code.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. La SCPP fait grief à l’arrêt de dire que l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, instituant l’article L. 214-1, 3°, du code de la propriété intellectuelle, est entré en vigueur le 9 juillet 2016 et, en conséquence, de rejeter son action en contrefaçon, alors « que l’entrée en vigueur des dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ; que l’entrée en vigueur de la licence légale prévue au 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, est subordonnée à celle de l’accord collectif prévu à l’article L. 214-3 du même code ou, à défaut, de la décision de la commission prévue à l’article L. 241-4, instituant le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable ; qu’en décidant que la disposition était entrée en vigueur le lendemain de sa publication, nonobstant l’absence d’accord collectif et de décision de la commission dédiée, à charge pour le juge judiciaire, en l’absence de règlement amiable, de fixer les indemnités compensatrices au bénéfice des titulaires de droits, la cour d’appel a violé l’article 1er du code civil, les articles L. 214-1 3°, L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l’article 8 § 2 de la directive 2006/115 du 12 décembre 2006, le principe de séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir constaté que la loi du 7 juillet 2016 ne prévoyait pas de dispositions transitoires pour l’application de son article 13 et n’en subordonnait pas l’entrée en vigueur à la publication d’un décret d’application, la cour d’appel a retenu, à bon droit,s’agissant de dispositions claires et précises en ce qu’elles étendaient aux webradios non interactives et non dédiées l’exception de licence légale, que le droit à rémunération équitable, contrepartie de la licence légale, trouvait à s’appliquer au bénéfice des titulaires de droits, quand bien même le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération n’auraient pas encore été établis par les accords conventionnels prévus à l’article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle ou arrêtés par la commission visée à l’article L. 214-4 du même code, et qu’en conséquence l’article 13 de la loi du 7 juillet 2016 était entré en vigueur, par application des dispositions de l’article 1er du code civil, le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, soit le 9 juillet 2016.

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société civile des producteurs phonographiques aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société civile des producteurs phonographiques.

La SCPP reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, instituant l’article L. 214-1 3° du code de la propriété intellectuelle, était entré en vigueur le 9 juillet 2016 et de l’avoir en conséquence déboutée de son action en contrefaçon,

ALORS QUE l’entrée en vigueur des dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ; que l’entrée en vigueur de la licence légale prévue au 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 13 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, est subordonnée à celle de l’accord collectif prévu à l’article L. 214-3 du même code ou, à défaut, de la décision de la commission prévue à l’article L. 241-4, instituant le barème et les modalités de versement de la rémunération équitable ; qu’en décidant que la disposition était entrée en vigueur le lendemain de sa publication, nonobstant l’absence d’accord collectif et de décision de la commission dédiée, à charge pour le juge judiciaire, en l’absence de règlement amiable, de fixer les indemnités compensatrices au bénéfice des titulaires de droits, la cour d’appel a violé l’article 1er du code civil, les articles L. 214-1 3°, L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l’article 8 § 2 de la directive 2006/115 du 12 décembre 2006, le principe de séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790.

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