Cour de cassation, Chambre civile 1, 1 mars 2023, 21-22.015, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 1er mars 2023, n° 21-22.015
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 21-22.015
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 30 mai 2021, N° 17/04407
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 5 mars 2023
Identifiant Légifrance : JURITEXT000047268963
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C100134
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 1er mars 2023

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 134 F-D

Pourvoi n° P 21-22.015

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023

1°/ M. [A] [S],

2°/ Mme [D] [S],

3°/ Mme [B] [S],

tous trois domiciliés [Adresse 4],

4°/ Mme [Z] [M], divorcée [V], domiciliée [Adresse 2],

5°/ Mme [O] [H], veuve [V], domiciliée [Adresse 8], agissant en qualité d’héritière de [K] [V], décédé en cours d’instance le 17 juin 2016,

ont formé le pourvoi n° P 21-22.015 contre l’arrêt rendu le 31 mai 2021 par la cour d’appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Dana Air, dont le siège est [Adresse 7]), société de droit nigérian,

2°/ à la société Prestige assurance PLC, dont le siège est [Adresse 5]),

3°/ à la société Boeing Company, dont le siège est [Adresse 1] (Etats-Unis), société de droit de l’Etat du Delaware, Etats-Unis,

4°/ à la société Pratt & Whitney, dont le siège est [Adresse 6]), société de droit américain,

5°/ à la Caisse des français de l’étranger, dont le siège est [Adresse 3], organisme de sécurité sociale,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [A] [S], de Mmes [D] et [B] [S] et de Mmes [M] et [H], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Boeing Company, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Pratt & Whitney, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Dana Air, et l’avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

Il est donné acte à M. [A] [S], Mmes [D] et [B] [S], Mme [M] et Mme [H] du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Prestige assurance PLC et la Caisse des français de l’étranger.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 31 mai 2021), le 3 juin 2012, un aéronef exploité par la société Dana air (le transporteur aérien), effectuant un vol entre Abuja et Lagos au Nigéria, s’est écrasé lors de son atterrissage, causant la mort des membres d’équipage et des passagers, dont [N] [V] épouse [S] (la victime).

2. M. [A] [S], Mmes [D] et [B] [S], Mme [M] et Mme [H] veuve [U] [V], décédé en cours d’instance (les consorts [S] [M] [H]), ayants droit de la victime, ont assigné le transporteur aérien, la société Boeing company (le constructeur de l’aéronef) et la société Pratt & Whitney (le constructeur du moteur) en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les consorts [S] Hilaire Donato font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes à l’encontre du constructeur de l’aéronef et du constructeur du moteur, alors :

« 1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; Qu’en l’espèce, dans leurs conclusions d’appel, les consorts [S] Hilaire Donato faisaient valoir que le droit international privé français connaît la notion de délit complexe, qui apparaît lorsque la cause du dommage et le dommage ne se produisent pas au même lieu, et distingue, par conséquent, entre le fait générateur du dommage et le lieu de réalisation du dommage et que, lorsque le lieu de réalisation du dommage est fortuit, il convient de rechercher le lieu du fait générateur, et que c’est la loi de ce lieu qui est applicable ; Qu’en ne répondant pas à ce moyen des consorts [S] Hilaire, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation, mais doivent préciser sur quels éléments de preuve il se sont fondés ; Qu’en l’espèce, pour retenir que la loi applicable à l’encontre de la société Boeing Compagny et de la société Pratt & Whitney était la loi nigériane, la cour d’appel a considéré que le fait dommageable était l’accident aérien survenu au Nigéria, et non le lieu de fabrication du produit en cause, et que ce pays était aussi celui de la résidence habituelle de la victime directe, Mme [N] [S], puisque celle-ci était employée par la Compagnie des Français de l’Afrique Occidentale qui lui avait attribué un logement et une voiture dans le cadre de son travail à Abuja au Nigéria, qu’elle vivait donc dans ce pays de manière stable et habituelle depuis près de deux ans au moment de l’accident, même si ses attaches familiales se trouvaient en France où elle se rendait épisodiquement, et qu’elle était adhérente à la Caisse d’assurance maladie, maternité, invalidité des Français à l’étranger, sans indiquer sur quelles pièces elle se fondait pour retenir que Mme [N] [S] vivait effectivement au Nigeria de manière stable et habituelle depuis près de deux ans au moment de l’accident et qu’elle ne se rendait en France que de manière épisodique ; Qu’en statuant par voie de simple affirmation, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu’en matière de responsabilité du fait des produits, la loi applicable est la loi interne de l’État sur le territoire duquel le fait dommageable s’est produit, si cet État est aussi l’État de la résidence habituelle de la personne directement lésée, ou l’État de l’établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée, ou l’État sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne directement lésée ; que la résidence habituelle se définit comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ; Qu’en l’espèce, pour retenir que la loi applicable à l’encontre de la société Boeing Compagny et de la société Pratt & Whitney était la loi nigériane, la cour d’appel s’est bornée à considérer que le fait dommageable était l’accident aérien survenu au Nigéria, et non le lieu de fabrication du produit en cause, et que ce pays était aussi celui de la résidence habituelle de la victime directe, Mme [N] [S], puisque celle-ci était employée par la Compagnie des Français de l’Afrique Occidentale qui lui avait attribué un logement et une voiture dans le cadre de son travail à Abuja au Nigéria, qu’elle vivait donc dans ce pays de manière stable et habituelle depuis près de deux ans au moment de l’accident, même si ses attaches familiales se trouvaient en France où elle se rendait épisodiquement, et qu’elle était adhérente à la Caisse d’assurance maladie, maternité, invalidité des Français à l’étranger, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le centre des intérêts personnels et professionnels de Mme [N] [S] n’était pas en France, où elle avait son ménage, son époux et ses enfants, ses parents, ses comptes bancaires, et ses investissements pour sa retraite ; Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 4 de la Convention du 2 octobre 1973. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé que la victime bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée de la société Capstone Corporation Ltd, société immatriculée à l’Ile Maurice, à temps complet en qualité de cadre international ayant vocation à être détachée dans un pays où était implantée l’une des sociétés du groupe, qu’elle était employée par la Compagnie des Français de l’Afrique Occidentale, qui lui avait attribué un logement et une voiture au Nigéria, où elle vivait de manière stable et habituelle depuis près de deux ans au moment de l’accident, et qu’elle était adhérente de la Caisse d’assurance maladie, maternité, invalidité des Français à l‘étranger, ce qui impliquait une résidence et l’exercice d’une activité salariée à l’étranger, la cour d’appel a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que, même si ses attaches familiales se trouvaient en France où elle se rendait épisodiquement, la victime avait fixé sa résidence habituelle au Nigéria.

5. Elle en a exactement déduit que, conformément à la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, la loi nigériane était applicable à l’action dirigée contre les constructeurs de l’aéronef et du moteur comme étant cumulativement celle de l’Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s’était produit et celle de l’Etat de la résidence habituelle de la victime.

6. La cour d’appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées et qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7.Les consorts [S] Hilaire Donato font grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la société Dana air à payer à M. [A] [S] certaines sommes au titre des frais funéraires, de son préjudice économique et au titre de la perte de bagage et effets personnels, à Mlle [D] [S] et Mlle [B] [S] au titre de leur préjudice économique, et de rejeter le surplus des demandes de M. [A] [S], Mlle [D] [S] et Mlle [B] [S], et l’ensemble des demandes de Mme [Z] [M], divorcée [V] et Mme [H], alors :

« 1°/ que la loi étrangère doit être écartée à chaque fois qu’elle est incompatible avec l’ordre public français ; que le principe de la réparation intégrale du dommage est d’ordre public ; Qu’en l’espèce, pour retenir que les chefs de dommages extrapatrimoniaux tels le préjudice d’angoisse et le préjudice découlant de la perte de chance de vie, sollicités par M. [A] [S] et les préjudices extrapatrimoniaux pour préjudice d’affection et préjudice d’anxiété pour chacun des membres de la famille et pour préjudice psychologique pour les deux enfants, devaient être écartés comme n’étant pas juridiquement indemnisables, la cour d’appel a considéré qu’aucune considération d’ordre public ne permet d’écarter une loi étrangère ignorant la réparation de certains chefs de dommage pris en considération par la loi française, quand le principe de la réparation intégrale du dommage est d’ordre public et que, partant, la loi nigériane, incompatible avec ce principe, devait être écartée ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 21 du règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008, dit Rome I, l’article 26 du règlement européen n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit Rome II, ensemble le principe d’ordre public susvisé ;

2°/ que les juges du fond, qui doivent apprécier eux-mêmes les faits portés à leur connaissance, ne peuvent se fonder sur le seul avis d’un expert ; Qu’en l’espèce, pour évaluer les préjudices patrimoniaux subis par les consorts [S], la cour d’appel s’est exclusivement fondée sur le certificat de coutume établi par M. [J], avocat de droit nigérien, sans corroborer le contenu de ce certificat par d’autres éléments de preuve ; Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que des motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; Qu’en l’espèce, pour calculer la perte de dépendance annuelle due au décès de Mme [S], la cour d’appel a additionné le revenu que percevait Mme [S] (87.826 euros) et le revenu perçu par M. [S] (11.891 euros), puis a évalué la part d’autoconsommation de la défunte à 30%, ensuite a appliqué à la somme des revenus du couple un taux de dépendance de 70% (99.717x0.7=69.801,90 euros), et enfin a soustrait à ce résultat le revenu de M. [S] pour aboutir à une perte de dépendance annuelle de 57.910,90 euros, ne prenant ainsi en compte que 70 % des revenus de M. [S] mais en les déduisant ensuite à 100 %, en dehors de toute logique ; Qu’en se déterminant par de tels motifs inintelligibles, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. N’est pas contraire à l’ordre public, au sens du droit international privé, l’exclusion par la loi étrangère de la réparation intégrale du préjudice et notamment celle d’un préjudice moral.

9. Ayant retenu que la loi nigériane était applicable à l’action dirigée contre le transporteur aérien et que, selon un certificat de coutume, illustré de divers extraits de jurisprudence et corroboré par une consultation juridique, celle-ci ne prévoyait pas l’indemnisation du préjudice moral, la cour d’appel, qui a apprécié souverainement le contenu de la loi étrangère, sans se fonder exclusivement sur le certificat de coutume et sans se prononcer par des motifs inintelligibles, a légalement justifié sa décision d’allouer des sommes en réparation des seuls préjudices matériels.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [A] [S], Mme [D] [S], Mme [B] [S], Mme [M], divorcée [V] et Mme [H], veuve [V] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [A] [S], Mme [D] [S], Mme [B] [S], Mme [M], divorcée [V] et Mme [H], veuve [V] et les condamne à payer aux sociétés Dana air, Boeing company et Pratt & Whitney la somme de 1 000 euros à chacune ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. [A] [S], Mmes [D] et [B] [S], [M] et [H].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Les consorts [S] Hilaire Donato font grief à l’arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes à l’encontre de la société Boeing Company et de la société Pratt & Whitney ;

1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;

Qu’en l’espèce, dans leurs conclusions d’appel (p. 25-26), les consorts [S] Hilaire Donato faisaient valoir que le droit international privé français connaît la notion de délit complexe, qui apparaît lorsque la cause du dommage et le dommage ne se produisent pas au même lieu, et distingue, par conséquent, entre le fait générateur du dommage et le lieu de réalisation du dommage et que, lorsque le lieu de réalisation du dommage est fortuit, il convient de rechercher le lieu du fait générateur, et que c’est la loi de ce lieu qui est applicable ;

Qu’en ne répondant pas à ce moyen des consorts [S] Hilaire, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation, mais doivent préciser sur quels éléments de preuve il se sont fondés ;

Qu’en l’espèce, pour retenir que la loi applicable à l’encontre de la société Boeing Compagny et de la société Pratt & Whitney était la loi nigériane, la cour d’appel a considéré que le fait dommageable était l’accident aérien survenu au Nigéria, et non le lieu de fabrication du produit en cause, et que ce pays était aussi celui de la résidence habituelle de la victime directe, Mme [N] [S], puisque celle-ci était employée par la Compagnie des Français de l’Afrique Occidentale qui lui avait attribué un logement et une voiture dans le cadre de son travail à Abuja au Nigéria, qu’elle vivait donc dans ce pays de manière stable et habituelle depuis près de deux ans au moment de l’accident, même si ses attaches familiales se trouvaient en France où elle se rendait épisodiquement, et qu’elle était adhérente à la Caisse d’assurance maladie, maternité, invalidité des Français à l’étranger, sans indiquer sur quelles pièces elle se fondait pour retenir que Mme [N] [S] vivait effectivement au Nigeria de manière stable et habituelle depuis près de deux ans au moment de l’accident et qu’elle ne se rendait en France que de manière épisodique ;

Qu’en statuant par voie de simple affirmation, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU’en matière de responsabilité du fait des produits, la loi applicable est la loi interne de l’État sur le territoire duquel le fait dommageable s’est produit, si cet État est aussi l’État de la résidence habituelle de la personne directement lésée, ou l’État de l’établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée, ou l’État sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne directement lésée ; que la résidence habituelle se définit comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts ;

Qu’en l’espèce, pour retenir que la loi applicable à l’encontre de la société Boeing Compagny et de la société Pratt & Whitney était la loi nigériane, la cour d’appel s’est bornée à considérer que le fait dommageable était l’accident aérien survenu au Nigéria, et non le lieu de fabrication du produit en cause, et que ce pays était aussi celui de la résidence habituelle de la victime directe, Mme [N] [S], puisque celle-ci était employée par la Compagnie des Français de l’Afrique Occidentale qui lui avait attribué un logement et une voiture dans le cadre de son travail à Abuja au Nigéria, qu’elle vivait donc dans ce pays de manière stable et habituelle depuis près de deux ans au moment de l’accident, même si ses attaches familiales se trouvaient en France où elle se rendait épisodiquement, et qu’elle était adhérente à la Caisse d’assurance maladie, maternité, invalidité des Français à l’étranger, sans rechercher, comme cela lui était demandé (conclusions d’appel, p. 19-22), si le centre des intérêts personnels et professionnels de Mme [N] [S] n’était pas en France, où elle avait son ménage, son époux et ses enfants, ses parents, ses comptes bancaires, et ses investissements pour sa retraite ;

Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 4 de la Convention du 2 octobre 1973.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Les consorts [S] Hilaire Donato font grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR limité la condamnation de la société Dana Air à payer, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, à M. [A] [S] les sommes de 4.414 euros au titre des frais funéraires, 333.520,10 euros au titre de son préjudice économique et 821,93 euros au titre de la perte de bagage et effets personnels avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2013, à Mlle [D] [S] la somme de 7.383,63 euros au titre de son préjudice économique, à Mlle [B] [S] la somme de 23.658,08 euros au titre de son préjudice économique, débouté M. [A] [S], Mlle [D] [S] et Mlle [B] [S] du surplus de leurs demandes, et débouté Mme [Z] [M] divorcée [V] et Mme [O] [H] de l’ensemble de leurs demandes ;

1°) ALORS QUE la loi étrangère doit être écartée à chaque fois qu’elle est incompatible avec l’ordre public français ; que le principe de la réparation intégrale du dommage est d’ordre public ;

Qu’en l’espèce, pour retenir que les chefs de dommages extrapatrimoniaux tels le préjudice d’angoisse et le préjudice découlant de la perte de chance de vie, sollicités par M. [A] [S] et les préjudices extrapatrimoniaux pour préjudice d’affection et préjudice d’anxiété pour chacun des membres de la famille et pour préjudice psychologique pour les deux enfants, devaient être écartés comme n’étant pas juridiquement indemnisables, la cour d’appel a considéré qu’aucune considération d’ordre public ne permet d’écarter une loi étrangère ignorant la réparation de certains chefs de dommage pris en considération par la loi française, quand le principe de la réparation intégrale du dommage est d’ordre public et que, partant, la loi nigériane, incompatible avec ce principe, devait être écartée ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 21 du règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008, dit Rome I, l’article 26 du règlement européen n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit Rome II, ensemble le principe d’ordre public susvisé.

2°) ALORS QUE les juges du fond, qui doivent apprécier eux-mêmes les faits portés à leur connaissance, ne peuvent se fonder sur le seul avis d’un expert ;

Qu’en l’espèce, pour évaluer les préjudices patrimoniaux subis par les consorts [S], la cour d’appel s’est exclusivement fondée sur le certificat de coutume établi par M. [J], avocat de droit nigérien, sans corroborer le contenu de ce certificat par d’autres éléments de preuve ;

Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE des motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ;

Qu’en l’espèce, pour calculer la perte de dépendance annuelle due au décès de Mme [S], la cour d’appel a additionné le revenu que percevait Mme [S] (87.826 euros) et le revenu perçu par M. [S] (11.891 euros), puis a évalué la part d’autoconsommation de la défunte à 30%, ensuite a appliqué à la somme des revenus du couple un taux de dépendance de 70% (99.717x0.7=69.801,90 euros), et enfin a soustrait à ce résultat le revenu de M. [S] pour aboutir à une perte de dépendance annuelle de 57.910,90 euros, ne prenant ainsi en compte que 70 % des revenus de M. [S] mais en les déduisant ensuite à 100 %, en dehors de toute logique ;

Qu’en se déterminant par de tels motifs inintelligibles, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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