Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 janvier 2023, 21-81.305, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 5 janv. 2023, n° 21-81.305
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 21-81.305
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Amiens, 19 janvier 2021
Textes appliqués :
Articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020, et 593 du code de procédure pénale.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 2 mars 2023
Identifiant Légifrance : JURITEXT000046990128
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:CR00020
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Sur les parties

Texte intégral

N° J 21-81.305 F-D

N° 00020

ECF

5 JANVIER 2023

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 5 JANVIER 2023

M. [M] [F] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens, chambre correctionnelle, en date du 20 janvier 2021, qui, pour escroqueries, blanchiment, travail dissimulé, association de malfaiteurs, l’a condamné à un an d’emprisonnement, 15 000 euros d’amende, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [M] [F], les observations de Me Balat, avocat de M. [D] [O], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l’audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A l’issue d’une information judiciaire ouverte le 14 octobre 2014, concernant la revente sur internet de véhicules automobiles achetés en Belgique et dont le kilométrage avait été modifié, M. [M] [F] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 27 août 2019, l’a condamné pour escroqueries, blanchiment, travail dissimulé, association de malfaiteurs, à huit mois d’emprisonnement, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

3. Il a relevé appel de cette décision. Le ministère public ainsi qu’une partie civile ont formé appel incident.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, et sur le cinquième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

4. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. [F] sur l’action civile, à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts aux parties civiles, alors « que seul peut être indemnisé le préjudice direct et personnel résultant des faits objet de la poursuite ; qu’en condamnant M. [F] à payer des dommages et intérêts aux parties civiles sans caractériser ni les prétendus préjudices ni le lien de causalité entre ceux-ci et les infractions retenues, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 593 du code de procédure pénale et 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Pour fixer le montant de l’indemnité propre à réparer le dommage subi par les parties civiles, après avoir condamné le prévenu du chef d’escroquerie au préjudice de chacune d’entre elles, les manoeuvres retenues par les juges consistant en la modification à la baisse du kilométrage affiché par les véhicules qu’elles ont ainsi été déterminées à acheter, l’arrêt énonce que les prévenus, dont M. [F], ont contesté les sommes allouées à chaque partie civile régulièrement constituée et reçue devant le tribunal correctionnel, sans pour autant apporter à la cour d’éléments permettant d’établir une appréciation erronée des juges du fond quant à l’indemnisation des préjudices de ces parties civiles.

7. Les juges du second degré, après avoir rappelé les circonstances des escroqueries dont le prévenu a été déclaré coupable, et les prétentions des parties civiles, ont motivé leur décision de manière distincte à l’égard de chacune d’entre elles, et conclu qu’en conséquence, les dispositions civiles du jugement déféré seront confirmées, sous les réserves reprises au dispositif de l’arrêt, les premiers juges ayant fait une juste appréciation des conséquences civiles des infractions poursuivies et réprimées.

8. En l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, sans insuffisance ni contradiction, dans la limite des conclusions des parties, et des faits, objet de la poursuite, l’indemnité propre à réparer, pour chaque partie civile, les dommages résultant directement de l’infraction, a justifié sa décision.

9. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le cinquième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. [F] en répression, à une peine d’emprisonnement d’un an sans aménagement, à une amende de 15 000 euros et a ordonné la confiscation des sommes de 2 039 euros et 6 200 euros saisies à son encontre, alors :

« 1°/ que le juge qui prononce une peine d’emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l’espèce, de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; qu’en condamnant M. [F], à une peine d’emprisonnement d’un an sans sursis et sans aménagement, sans s’expliquer sur la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu qu’elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, ni sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 132-19 du code pénal dans sa rédaction alors en vigueur ;

2°/ que si la peine prononcée n’est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l’aménager, doit, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l’espèce et de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu ; que la cour d’appel a refusé d’aménager la peine d’un an d’emprisonnement prononcée à l’encontre du prévenu compte tenu de l’importance des faits qui se sont poursuivis durant plus de trois et demi et en raison du précédent sursis que la justice lui avait accordé le 9 juin 2015 et dont il n’a pas su s’emparer ; qu’en se déterminant ainsi sans constater une impossibilité matérielle d’aménager la peine et sans spécialement motiver sa décision au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 132-19 du code pénal dans sa rédaction alors en vigueur. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020, et 593 du code de procédure pénale :

11. Il se déduit du premier de ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement ferme doit, quels que soient le quantum et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu’il a tenu compte des faits de l’espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d’établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.

12. Il résulte des deux premiers de ces textes que si la peine ferme d’emprisonnement prononcée est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, la peine doit être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle.

13. Selon le troisième, la juridiction de jugement qui prononce une peine d’emprisonnement ferme supérieure à six mois ou inférieure ou égale à un an doit soit ordonner son aménagement en déterminant la mesure adaptée, soit, si elle ne dispose pas d’éléments lui permettant de déterminer celle-ci, ordonner la convocation du condamné devant le juge de l’application des peines, soit, s’agissant d’une peine d’au moins six mois, délivrer un mandat de dépôt à effet différé, soit, dans les cas prévus aux articles 397-4, 465 et 465-1 du code de procédure pénale, décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt contre le condamné. Si le juge décerne un mandat d’arrêt ou de dépôt, à effet différé ou non, il doit motiver sa décision au regard des faits de l’espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

14. Pour condamner le prévenu à la peine d’un an d’emprisonnement, sans aménagement, l’arrêt attaqué énonce que ce dernier est âgé de 60 ans et a indiqué avoir repris son activité professionnelle depuis 2016, ayant la qualité de fonctionnaire selon ses déclarations, et peut être considéré comme socialement inséré, bénéficiant d’un emploi pérenne et d’une situation de famille stable.

15. Les juges relèvent que les antécédents judiciaires de M. [F] doivent être soulignés, et plus spécifiquement la condamnation prononcée le 9 juin 2015 pour blanchiment de fraude fiscale, travail dissimulé par achat et revente de véhicules sans immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés pour un total de 50 800 euros, et escroquerie par modification du compteur d’un véhicule automobile, faits commis entre le 1er janvier 2012 et le 30 septembre 2012, une peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis ayant été prononcée.

16. Ils retiennent que cette précédente condamnation marque l’avertissement judiciaire dont a bénéficié le prévenu, la peine assortie du sursis simple devant conduire ce dernier à une réelle introspection afin de prendre conscience du caractère infractionnel de son comportement, et éviter ainsi tout risque de réitération ou de récidive, mais que, loin de manifester une volonté de s’affranchir de ses anciennes activités, le prévenu a affirmé au cours de l’enquête et de l’instruction qu’il entendait faire ce qu’il voulait, étant dans un pays libre.

17. Ils ajoutent qu’une telle attitude révèle incontestablement l’absence de prise de conscience du caractère non seulement délictueux des actes commis, mais par ailleurs de la dangerosité de ces actes, étant rappelé que certains véhicules présentés sous un meilleur jour que la réalité ont eu des défaillances techniques particulièrement graves.

18. Ils en concluent qu’une peine d’un an d’emprisonnement apparaît justifiée et adaptée tant au regard de la gravité des faits commis qu’à la personnalité de M. [F], et qu’aucun aménagement de cette peine ne sera ordonné compte tenu de l’importance des faits, lesquels se sont poursuivis durant plus de trois ans et demi, et en raison du précédent sursis que la justice avait accordé au prévenu et dont il n’a pas su s’emparer.

19. En se déterminant ainsi, d’une part, sans constater que la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendaient une peine d’emprisonnement ferme indispensable et que toute autre sanction était manifestement inadéquate, d’autre part, sans constater que la situation ou la personnalité du condamné ne permettaient pas l’aménagement de cette peine ou relever une impossibilité matérielle de le faire, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

20. La cassation est par conséquent encourue.

Examen de la demande fondée sur l’article 618-1 du code de procédure pénale

21. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu’il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [F], demandeur au pourvoi partiellement rejeté, étant devenue définitive, par suite de la non-admission de ses premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Amiens, en date du 20 janvier 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines concernant M. [F], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. [F] devra payer à M. [O] au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Amiens, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-trois.

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