Arrêt Abbé Olivier, Conseil d'Etat, du 19 février 1909, 27355, publié au recueil Lebon

  • Nécessité de maintenir l'ordre sur la voie publique·
  • Décisions ne pouvant faire l'objet d'un recours·
  • Nouvel arrêté réglementant les convois funèbres·
  • Règles de procédure contentieuse spéciales·
  • Pouvoirs d'appréciation du Conseil d'État·
  • ,rj1 réglementation des convois funèbres·
  • Interdiction sur la voie publique·
  • Motif ne pouvant être invoqué·
  • Pouvoirs et devoirs du juge·
  • Introduction de l'instance

Résumé de la juridiction

Si le maire est chargé par l’art. 97 de la loi du 5 avril 1884 du maintien de l’ordre dans la commune, il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois et il appartient au Conseil d’Etat saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté, rendu par application de l’art. 97, précité, non seulement de rechercher si cet arrêté porte sur un objet compris dans les attributions de l’autorité municipale, mais encore d’apprécier, suivant les circonstances de la cause, si le maire n’a pas, dans l’espèce, fait de ses pouvoirs un usage non autorisé par la loi [RJ1]. [1] En interdisant les manifestations extérieures du culte consistant en processions, cortèges et cérémonies, le maire ne fait qu’user des pouvoirs de police, qui lui sont conférés, dans l’intérêt de l’ordre public, par l’art. 97 de la loi du 5 avril 1884, auquel se réfère l’art. 27 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat [RJ2]. [2] L’art. 1er de la loi du 9 décembre 1905 garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public et l’art. 2 de la loi du 15 novembre 1887 interdit aux maires d’établir des prescriptions particulières applicables aux funérailles, en distinguant d’après leur caractère civil ou religieux ; d’autre part, il résulte des travaux préparatoires de la loi du 9 décembre 1905 et de ceux de la loi du 28 décembre 1904 sur les pompes funèbres que l’intention manifeste du législateur a été, spécialement en ce qui concerne les funérailles, de respecter autant que possible les habitudes et les traditions locales et de n’y porter atteinte que dans la mesure strictement nécessaire au maintien de l’ordre [RJ1]. En conséquence, un arrêté municipal réglementant les convois funèbres doit être annulé, alors qu’il résulte de l’instruction que dans la commune aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l’ordre sur la voie publique ne pouvait être invoqué par le maire pour lui permettre de réglementer, dans les conditions fixées par son arrêté, les convois funèbres et notamment d’interdire aux membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, d’accompagner à pied ces convois conformément à la tradition locale, et alors qu’il est au contraire établi par les pièces jointes au dossier, spécialement par une délibération du conseil municipal visée dans l’arrêté du maire, que les dispositions de cet arrêté ont été dictées par des considérations étrangères à l’objet, en vue duquel l’autorité municipale a été chargée de régler le service des inhumations.

Un maire ayant interdit toutes manifestations religieuses sur la voie publique à l’occasion des enterrements et son arrêté ayant été déféré au Conseil d’Etat, le pourvoi ainsi formé devient sans objet, depuis son introduction, un nouvel arrêté municipal a réglementé les convois funèbres et déterminé notamment les conditions, dans lesquelles le clergé pourrait y participer : ce nouvel arrêté a eu nécessairement pour effet de rapporter le premier arrêté.

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Sur la décision

Référence :
CE, 19 févr. 1909, n° 27355, Lebon
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 27355
Importance : Publié au recueil Lebon
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir
Précédents jurisprudentiels : 1. Cf. Abbé Garcin et autres, 1909-05-21, p. 512. 2. Cf. Georget, 1909-11-19, p. 886
Textes appliqués :
LOI 1884-04-05 ART. 97

LOI 1887-11-15 ART. 2

LOI 1905-12-09 ART. 27, ART. 1

Dispositif : Annulation totale
Identifiant Légifrance : CETATEXT000007633387
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:1909:27355.19090219

Texte intégral

Vu la requête présentée pour : l’abbé D…, archiprêtre de la cathédrale, demeurant à Sens impasse de l’Epinglier, – l’abbé Guillet, curé de la paroisse Saint Maurice, demeurant à Sens rue de l’Ile d’Yonne, – l’abbé Vallet, curé de la paroisse Saint Pierre, demeurant à Sens rue Grande 137, – l’abbé Prieur, curé de la paroisse Saint Pregts, demeurant à Sens rue du Zan, – l’abbé Laboise, curé de la paroisse Saint Savivien, demeurant à Sens rue d’Alsace-Lorraine, – le sieur Y…, entrepreneur de sciage, demeurant à Sens rue d’Yonne, – le sieur Roy Maurice X… , représentant de commerce, demeurant …, – le sieur Z… Eugène C… , comptable, demeurant …, – le sieur A… Paul , imprimeur, demeurant …, – et le sieur B… Albert , ingénieur, demeurant à Sens cours Zarté, ladite requête enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 2 mars 1907 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler un arrêté en date du 5 janvier 1907, par lequel le maire de Sens a réglé les manifestations extérieures des cultes, notamment à l’occasion des convois funèbres ;
Vu les lois du 5 avril 1884, du 15 novembre 1887, du 28 décembre 1904 et du 9 décembre 1905 ; Vu les lois du 7-14 octobre 1790 et du 24 mai 1872 article 9 ;
Considérant que l’arrêté attaqué distingue, d’une part, « les processions, cortèges et toutes manifestations ou cérémonies extérieures se rapportant à une croyance ou à un culte », dont l’article 1er prononce l’interdiction ; d’autre part, les convois funèbres qui sont réglementés par les articles 2 à 8 ;
En ce qui concerne l’article 1er de l’arrêté : Considérant qu’en interdisant par cet article, qui reproduit les dispositions d’arrêtés antérieurs toujours en vigueur, les manifestations extérieures du culte consistant en processions, cortèges et cérémonies, le maire n’a fait qu’user des pouvoirs de police, qui lui sont conférés, dans l’intérêt de l’ordre public, par l’article 97 de la loi du 5 avril 1884, auquel se réfère l’article 27 de la loi du 9 décembre 1905 ;
En ce qui concerne les articles 2 à 8 de l’arrêté : Considérant que, si le maire est chargé par l’article 97 de la loi du 5 avril 1884 du maintien de l’ordre dans la commune, il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois ; qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté par application de l’article 97 précité, non seulement de rechercher si cet arrêté porte sur un objet compris dans les attributions de l’autorité municipale, mais encore d’apprécier, suivant les circonstances de la cause, si le maire n’a pas, dans l’espèce, fait de ses pouvoirs un usage non autorisé par la loi ;
Considérant que l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 garantit la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public, et que l’article 2 de la loi du 15 novembre 1887 interdit aux maires d’établir des prescriptions particulières applicables aux funérailles en distinguant d’après leur caractère civil ou religieux ; qu’il résulte des travaux préparatoires de la loi du 9 décembre 1905 et de ceux de la loi du 28 décembre 1904 sur les pompes funèbres que l’intention manifeste du législateur a été, spécialement en ce qui concerne les funérailles, de respecter autant que possible les habitudes et les traditions locales et de n’y porter atteinte que dans la mesure strictement nécessaire au maintien de l’ordre ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, dans la ville de Sens, aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l’ordre sur la voie publique ne pouvait être invoqué par le maire pour lui permettre de réglementer, dans les conditions fixées par son arrêté, les convois funèbres, et notamment d’interdire aux membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, d’accompagner à pied ces convois conformément à la tradition locale ; qu’il est au contraire établi par les pièces jointes au dossier, spécialement par la délibération du conseil municipal du 30 juin 1906 visée par l’arrêté attaqué, que les dispositions dont il s’agit ont été dictées par des considérations étrangères à l’objet en vue duquel l’autorité municipale a été chargée de régler le service des inhumations ; qu’ainsi lesdites dispositions sont entachées d’excès de pouvoir ;
DECIDE : Article 1er – Les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de l’arrêté susvisé du maire de Sens, en date du 5 janvier 1907, sont annulés. Article 2 – Le surplus des conclusions du recours des sieurs D… et autres est rejeté. Article 3 – Expédition de la présente décision sera transmise au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Cultes et au Ministre de l’Intérieur.

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