Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, du 27 janvier 1988, 64076, publié au recueil Lebon
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
La mission d’intérêt général d’enseignement qui lui est confiée impose au ministre de l’éducation nationale l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes d’enseignement tels qu’ils sont définis par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur selon les horaires réglementairement prescrits. Le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver un élève, en l’absence de toute justification tirée des nécessités de l’organisation du service, de l’enseignement considéré pendant une période appréciable, est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. L’enfant G. a été privé de 7 heures d’enseignement hebdomadaire dont il devait bénéficier au cours de l’année scolaire 1978-1979. L’Etat doit être déclaré responsable des conséquences dommageables pour cet enfant de la carence des services d’enseignement. Le manque de crédits budgétaires allégué par le ministre de l’éducation nationale ne saurait, en tout état de cause, exonérer l’Etat de la responsabilité qui lui incombe.
Le préjudice subi par le père d’un élève de collège privé de 7 heures d’enseignement hebdomadaire obligatoire en raison de la carence des services de l’éducation nationale peut être évalué à 1 000 F.
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Par Jérémy Bousquet, Maître de conférences à l'Université de Nîmes. Cette condamnation de l'État pour ne pas avoir assuré l'enseignement de toutes les matières inscrites aux programmes d'enseignement est-elle inédite ? Ce n'est pas la première fois que le juge administratif condamne l'Etat à indemniser le préjudice de parents d'élèves lorsqu'un nombre d'heures conséquents d'enseignement obligatoire n'a pas été assuré. Ce contentieux est même relativement ancien et fait l'objet d'une jurisprudence bien établie de la part du Conseil d'État. La haute juridiction administrative considère en …
Le service public de l'éducation nationale n'engage pas sa responsabilité (pour faute) suite à la projection en classe de 4e d'un film d'horreur par un enseignant, sa diffusion ayant été à l'origine d'épisodes de stress post-traumatiques éprouvés par une collégienne. Malgré le parti-pris pédagogique discutable de l'enseignant, l'État n'a manqué à aucune de ses obligations préexistantes, que celles-ci soient tirées de la méconnaissance de la classification des œuvres cinématographiques, des finalités pédagogiques que les textes assignent aux établissements secondaires ou de l'obligation de …
Sur la décision
Référence : | CE, 4 / 1 ss-sect. réunies, 27 janv. 1988, n° 64076, Lebon |
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Juridiction : | Conseil d'État |
Numéro : | 64076 |
Importance : | Publié au recueil Lebon |
Type de recours : | Plein contentieux |
Décision précédente : | Tribunal administratif de Lyon, 3 septembre 1984 |
Dispositif : | Rejet |
Identifiant Légifrance : | CETATEXT000007727482 |
Identifiant européen : | ECLI:FR:CESSR:1988:64076.19880127 |
Sur les parties
- Président : M. Coudurier
- Rapporteur : M. Chantepy
- Rapporteur public : Mme Laroque
Texte intégral
Vu le recours du MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE enregistré le 22 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1- annule le jugement en date du 4 septembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Lyon a condamné l’Etat à verser à M. X… la somme de 1 000 F, en réparation du préjudice subi par l’enfant de ce dernier du fait de la carence du service public de l’enseignement dans certaines matières ;
2- rejette la demande présentée par M. X… devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Chantepy, Auditeur,
– les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu’en invoquant à l’appui de sa demande au tribunal administratif de Lyon tendant à ce que lui soit accordée réparation du préjudice subi par son enfant, élève de section d’enseignement spécialisé dans un collège public, du fait que, pendant l’année scolaire 1978-1979, une partie des enseignements prévus par les programmes de ces sections n’a pas été dispensée, la « carence d’enseignement, due au fait que l’Etat n’a pas procédé à la nomination des enseignants nécessaires prévus par les textes en vigueur » M. X… entendait se prévaloir de la faute de l’administration ; qu’ainsi, en retenant une telle faute, le tribunal administratif n’a pas statué au-delà des conclusions dont il était saisi ;
Au fond :
Sur la responsabilité :
Considérant que la mission d’intérêt général d’enseignement qui lui est confiée impose au MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes d’enseignement tels qu’ils sont définis par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur selon les horaires réglementairement prescrits ; que le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver, en l’absence de toute justification tirée des nécessités de l’organisation du service, un élève de l’enseignement considéré pendant une période appréciable, est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’enfant Giraud a été privé de sept heures d’enseignement hebdomadaire dont il devait bénéficier au cours de l’année scolaire 1978-1979 ; que l’Etat doit être déclaré responsable des conséquences dommageables pour l’enfant X… de la carence des services d’enseignement ; que le manque de crédits budgétaires allégué par le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE ne saurait, en tout état de cause, exonérer l’Etat de la responsabilité qui lui incombe ;
Sur le préjudice :
Considérant que le dommage subi par l’enfant Giraud est certain et direct ; que le tribunal administatif n’a pas fait, dans les circonstances de l’espèce, une excessive évaluation de la réparation due au requérant en raison des troubles dans l’éducation de son enfant en lui allouant une indemnité de 1 000 F ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a condamné l’Etat à verser à M. X… la somme de 1 000 F ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE et à M. X….
Depuis des années la question du non-remplacement des enseignants absents ne cesse de s'aggraver et de faire débat. Cette question, polémique, a même été à l'origine de l'éviction d'une récente ministre de l'Éducation nationale. Face à un sentiment d'inaction politique, les familles, organisées dans des associations et de collectifs de parents d'élèves, se sont donc tournées vers le juge pour enrayer cette situation. L'engagement de la responsabilité de l'État en cas de non-remplacement d'enseignants absents repose sur une jurisprudence ancienne et bien établie [1]. Toutefois, le …